Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 16 janvier 2023

Endroit : Le Manège Salaberry, salle Chabale, 2100 boulevard Le Carrefour, Laval (QC)

Langue du procès : Français

Chefs d’accusation :

Chef d’accusation 1 : Art. 130 LDN, une voie de fait (art. 266 C. cr.).
Chef d’accusation 2 : Art. 86 LDN, s’est querellé avec une personne justiciable du code de discipline militaire.

Résultats :

VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Retiré. Chef d’accusation 2 : Coupable.
SENTENCE : Une amende au montant de 400$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Ikhlef, 2023 CM 4001

 

Date : 20230116

                                                                                                                 Dossier : 202221

 

Cour martiale permanente

 

Manège Salaberry

Laval (Québec), Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté le Roi

 

- et -

 

Caporal W. Ikhlef, contrevenant

 

 

Devant : Capitaine de frégate J.B.M. Pelletier, J.M.


 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Oralement)

 

Introduction

 

[1]               Caporal Ikhlef, la Cour a accepté et enregistré votre plaidoyer de culpabilité sur le deuxième et seul chef qui demeure à l’acte d’accusation et je vous déclare donc coupable de ce chef en vertu de l’article 86 de la Loi sur la défense nationale (LDN), pour vous être querellé avec une personne justiciable du Code de discipline militaire.

 

Une recommandation conjointe est présentée à la Cour

 

[2]               Il est maintenant de mon devoir d’imposer la sentence. La poursuite et la défense ont présenté une recommandation conjointe à la Cour en ce qui concerne la peine à être imposée. Les avocats recommandent que cette Cour impose une amende de 400 $.

 

[3]               Le juge militaire à qui on propose une recommandation conjointe sur la peine à imposer est sévèrement limité dans l’exercice de sa discrétion sur sentence. Comme tout autre juge, je ne peux écarter une recommandation conjointe à moins que je ne juge que la peine proposée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit, par ailleurs, contraire à l’intérêt public. Il s’agit du test promulgué par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43.

 

[4]               De multiples considérations d’intérêt public appuient l’imposition de toute peine conjointement recommandée. En effet, dans ces cas, la poursuite accepte de recommander une peine que l’accusé est disposé à accepter, minimisant ainsi le stress et les frais liés aux procès. De plus, pour ceux qui éprouvent des remords sincères, un plaidoyer de culpabilité offre une occasion de commencer à reconnaître leurs torts. Le plus important avantage est la certitude qu’offrent les ententes menant à des recommandations conjointes, autant pour l’accusé que pour la poursuite.

 

[5]               Cela étant dit, même si la certitude quant au résultat est importante pour les parties, ce n’est pas l’objectif ultime du processus de détermination de la peine. Je dois également garder à l’esprit les objectifs disciplinaires du Code de discipline militaire en m’acquittant de mes responsabilités. Tel que reconnu par la Cour suprême du Canada, la raison d’être d’un tribunal militaire est entre autres de permettre aux Forces armées canadiennes (FAC) de s’occuper des questions qui touchent directement le maintien de la discipline, l’efficacité et le moral des troupes. La sentence est le point culminant du processus disciplinaire, à la suite d’un procès ou un plaidoyer. C’est la seule occasion pour la Cour de traiter des besoins disciplinaires générés par la conduite du contrevenant, et ce, sur un établissement militaire, devant public incluant des membres de la communauté militaire.

 

[6]               La détermination de la peine dans le cadre d’un procès en cour martiale comporte donc un aspect disciplinaire important, ce qui n’est pas le cas pour le même exercice dans une cour civile de juridiction criminelle. Même lorsqu’une recommandation conjointe est soumise à la Cour, le juge militaire doit s’assurer, au minimum, que les faits pertinents à la situation du contrevenant et à la perpétration de l’infraction soient non seulement considérés, mais également expliqués adéquatement dans ses motifs relatifs à la sentence, et ce, dans une mesure qui peut ne pas être toujours nécessaires dans d’autres cours.

 

[7]               Le principe fondamental applicable à la détermination de la peine précisé à l’article 203.2 de la LDN est à l’effet que le juge militaire doit imposer une peine proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du contrevenant.

 

Faits considérés

 

[8]               Lors de l’audience, le procureur a lu un sommaire des circonstances en plus de déposer les documents prévus à l’article 112.51 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC).

 

[9]               Le procureur a informé la Cour que la victime du comportement du caporal Ikhlef a rédigé une déclaration en vertu du paragraphe 203.6(1) de la LDN. La déclaration de la victime a été lue par le procureur lors de l’audience.

 

[10]           Au moment de la preuve de la défense, le caporal Ikhlef a pris la parole pour reconnaître ses torts et transmettre ses excuses en lisant une lettre adressée à la victime.  

 

[11]           En plus de la preuve, la Cour a également considéré les plaidoiries des avocats au soutien de leur recommandation conjointe sur la peine ainsi que de précédents en semblable matière devant des cours martiales. Je suis d’avis que dans le contexte d’une soumission conjointe des procureurs, ces représentations, ainsi que la preuve, me permettent d’être suffisamment informé pour prendre en considération et appliquer les objectifs et les principes de la détermination de la peine appropriés à l’infraction et au contrevenant.

 

Les circonstances du contrevenant et de l’infraction

 

[12]           Le caporal Ikhlef est un fantassin dans la force de réserve au sein du 4e Bataillon du Royal 22e Régiment (Châteauguay) à Laval. Il s’est joint à l’armée en mai 2017 et a été promu à son grade actuel en mai 2019, après avoir terminé avec succès l’instruction militaire de base et celle de fantassin. Il a été employé à temps plein avec la Garde de Cérémonie à Ottawa à l’été 2019 et a été déployé au sein de l’opération LASER en 2020, soutenant les efforts des FAC en lien avec la pandémie de COVID-19. Dans la vie civile, le caporal Ikhlef complète des études universitaires à temps plein à l’université de Sherbrooke.

 

[13]           Les faits relatifs à la perpétration de l’infraction sont révélés par le sommaire des circonstances lu par le procureur de la poursuite. Ce résumé révèle les faits suivants :

 

a)                  L’incident au soutien de l’accusation s’est déroulé à la Base des Forces canadiennes (BFC) Montréal le mercredi 10 mars 2021 alors que le caporal Ikhlef était au milieu d’une période de service de réserve en classe A pour une durée d’une semaine au quartier général (QG) de Longue-Pointe. Il avait rencontré la victime, la caporale Séguin pour la première fois durant cette semaine-là à l’occasion d’une pause cigarette, celle-ci étant employée au sein de l’administration du QG.

 

b)                  Le 10 mars 2021, à l’heure du dîner, les caporaux Ikhlef et Séguin ainsi que d’autres personnes mangeaient à la cafétéria. Ils ne se sont pas parlé durant le repas, mais ils ont quitté la cafétéria avec d’autres collègues afin d’aller fumer une cigarette à l’extérieur en échangeant avec le groupe. Une fois la cigarette terminée, les caporaux Ikhlef, Attaouyl et Séguin ont quitté ensemble pour se diriger vers l’intérieur du QG et afin de prendre l’ascenseur pour accéder à leur étage respectif.

 

c)                  C’est durant le trajet en ascenseur que les caporaux Ikhlef et Séguin ont échangé des propos anodins et qu’à un moment donné le caporal Ikhlef a porté sa main droite au cou de la caporale Séguin. Immédiatement, la caporale Séguin a fait la même chose à l’égard du caporal Ikhlef. L’intention du caporal Ikhlef était de faire une blague. L’échange physique a duré moins de dix secondes et la force employé de part et d’autre peut être qualifiée de faible, considérant que le geste au cou n’a engendré aucune marque et qu’aucune personne impliquée n’est tombée au sol, n’a manqué d’air ou a éprouvé une quelconque douleur pendant ou après l’événement. D’ailleurs, le caporal Attaouyl, qui était présent dans l’ascenseur, n’a pas cru qu’il devait intervenir croyant qu’il s’agissait d’une blague compte tenu du contexte et des échanges anodins qui avaient eu lieu précédemment.

 

d)                  Lorsque l’ascenseur est arrivé à l’étage du caporal Séguin suite à l’évènement, cette dernière est sortie et a continué avec sa journée. Même chose pour le caporal Ikhlef et le caporal Attouyl. Trois mois plus tard, la caporale Séguin s’est adressée aux autorités pour dénoncer la situation qu’elle avait vécue le 10 mars 2021.

 

[14]           À l’audience, le procureur a fait état d’une lettre adressée à la Cour le matin même par la victime, conformément à l’article 203.6 de la LDN. Bien qu’il ait été prévu que la victime soit présente à la Cour, elle a ultimement demandé que la lettre soit lue par le procureur. Cette lettre a été admise en preuve. Je crois qu’il est essentiel de donner une voie à la victime dans les présentes procédures et j’espère lui rendre justice en résumant son point de vue comme suit :  

 

(a)               La caporale Séguin a été promue depuis l’incident et porte maintenant le grade de caporale-chef. Elle exerce donc un rôle de leadership au sein des FAC et est employée en tant que recruteur. Elle a été informée que suite au plaidoyer de culpabilité sa présence n’était pas requise pour témoigner et que le procureur désire suggérer conjointement avec la défense une peine constituée d’une amende de 400 $. La caporale-chef Séguin estime que cette peine est insuffisante et considère qu’il est de son devoir en tant que leader, mentor, et ambassadrice au sein des FAC de partager un message à l’attention de la Cour.

 

(b)               En effet, en tant que représentante de la diversité au sein de cette organisation comme recruteur et après avoir vécu cet évènement, la caporale-chef Séguin considère avoir été victime d’une situation qu’elle qualifie d’inacceptable au sein des FAC. Elle est d’avis que le comportement du contrevenant, qui dit faire une plaisanterie en prenant à la gorge une femme qu’il ne connaissait pas, est contraire aux valeurs et à l’éthos de l’organisation et contraire à l’obligation faite à tous ses membres d’agir avec respect, conformément aux enseignements que les militaires reçoivent.

 

(c)               La caporale-chef Séguin précise que dans l’exécution de ses tâches relativement au recrutement, elle mentionne aux personnes qui postulent au sein de l’organisation que les FAC ont une politique de zéro tolérance envers les actes de discrimination, de racismes ou de violence. Elle vante aussi l’intégrité des membres des FAC et du système de dénonciation.

 

(d)               Malheureusement, en remplissant ces tâches la caporale-chef Séguin se revoit souvent dans l’ascenseur à se faire prendre à la gorge par un soi-disant frère d’armes, devant se défendre. Elle s’inquiète à savoir si tous les postulants seraient dans la mesure de réagir comme elle l’a fait. Elle écrit que c’est ce qui l’a encouragé à faire sa plainte et aujourd’hui à exprimer ses réserves en lien avec la sentence proposée, qui remet en question ses notions de justice.

 

(e)               S’exprimant au nom de toutes les femmes et les hommes qui n’auraient pas eu la force de réagir ou de se défendre comme elle l’a fait, la caporale-chef Séguin invite la Cour à réfléchir à si cette sentence est juste, si cette sentence fera en sorte qu’un homme ou une femme ne revivra pas la même situation qu’elle a vécue, si elle sera suffisante pour que l’individu qui a commis ce geste réalise réellement la gravité et les conséquences de ses actes.

 

(f)                La caporale-chef Séguin termine en mentionnant qu’elle espère que les démarches nécessaires seront mises en place pour que l’individu soit en mesure de ne jamais commettre un geste similaire de nouveau et qu’il puisse avoir les outils ou de la réhabilitation face à une probable colère interne. Elle désire cependant mentionner au caporal Ikhlef qu’elle lui pardonne son geste. Elle souhaite qu’il puisse cheminer dans la vie sans nécessairement vivre dans une énergie négative.

 

[15]           Le caporal Ikhlef a reconnu la véracité du sommaire des circonstances. S’attendant à ce que la caporale-chef Séguin soit présente au tribunal, il a lu une déclaration à son intention. Dans cette déclaration le caporal Ikhlef mentionne qu’il est essentiel que la caporale-chef Séguin sache qu’en aucun moment son geste n’était motivé par la haine, la malice ou la discrimination. Il réalise avec le recul que sa blague de mauvais goût a entraîné des répercussions négatives, générant des émotions à l’opposé de son intention. Il s’excuse sincèrement d’avoir agi avec autant d’impulsivité et d’insouciance, d’avoir manqué de professionnalisme et d’avoir blessé la caporale-chef Séguin. Il souhaite en terminant que la caporale-chef Séguin n’ait plus jamais à vivre une situation similaire.    

 

Facteurs aggravants

 

[16]           La Cour considère comme aggravant, dans les circonstances de cette affaire, le fait que le comportement du caporal Ikhlef était non provoqué, impulsif et inexplicable dans le contexte de relations professionnelles entre collègues en uniforme. Je me dois de me dire d’accord avec l’affirmation de la victime à l’effet qu’il s’agit d’un comportement contraire aux valeurs et à l’éthos de l’organisation et contraire à l’obligation faite à tous ses membres d’agir avec respect. Un tel manque de respect est intolérable au sein d’une organisation militaire disciplinée et soucieuse du respect de la dignité de toute personne. De plus, le geste du contrevenant a eu un impact non négligeable sur un autre membre des FAC et donc un impact sur l’organisation qui compte sur cette personne pour accomplir d’importantes tâches, en l’occurrence de recrutement, principalement auprès des femmes et des minorités. On se serait attendu à beaucoup mieux de la part du caporal Ikhlef et je crois qu’il est conscient de cela à la lumière de ses excuses.

 

Facteurs atténuants

 

[17]           Cela étant mentionné, la Cour a considéré les facteurs atténuants suivants :

 

a)                  le plaidoyer de culpabilité du contrevenant à la première occasion, un signal clair qu’il accepte la responsabilité pour ses gestes devant des membres de la communauté des FAC présents pour ces procédures qui auraient pu être beaucoup plus élaborées et difficiles pour la victime considérant qu’une cour martiale générale avait été initialement convoquée pour juger le contrevenant;

 

b)                  le fait que le caporal Ikhlef n’a aucun casier judiciaire ni infraction disciplinaire à son dossier militaire;

 

c)                  le parcours satisfaisant du caporal Ikhlef au sein des FAC, principalement en soutien aux opérations des FAC; et

 

d)                  les perspectives favorables de réhabilitation liées aux excuses du caporal Ikhlef dans le cadre des présentes procédures. J’ai devant moi un contrevenant repentant qui possède sans doute la capacité de contribuer de manière positive à la société canadienne dans le futur sans commettre d’infractions.

 

Objectifs devant être privilégiés dans cette affaire

 

[18]           Je suis venu à conclure que, dans les circonstances de la présente affaire, l’imposition de la sentence devrait cibler des objectifs de dénonciation et de dissuasion générale. La sentence imposée ne devrait pas compromettre l’objectif de réhabilitation du contrevenant, qui est selon moi en partie atteint par son plaidoyer et ses excuses.


Évaluation de la recommandation conjointe

 

[19]           Pour apprécier le caractère acceptable de la recommandation conjointe, la Cour a tenu compte de la gravité objective de l’infraction qui, tel que prévu à l’article 86 de la LDN, est passible au maximum d’une peine d’emprisonnement de moins de deux ans.

 

[20]           Le procureur a référé, au cours de sa plaidoirie, à quatre dossiers de querelles comportant certaines similarités avec les faits du présent dossier. Bien que les faits de chaque dossier soient différents, ces décisions jurisprudentielles ont une certaine utilité pour la détermination du caractère raisonnable de la recommandation conjointe des avocats. En effet, ces précédents révèlent qu’une amende de 400 $ est dans l’éventail des peines imposées dans le passé pour des gestes similaires.

 

[21]           La caporale-chef Séguin invite la Cour à se demander si la sentence conjointement proposée est juste, si elle faisait en sorte qu’un homme ou une femme ne revivrait pas la même situation qu’elle a vécue, si elle sera suffisante pour que l’individu qui a commis ce geste réalise réellement les conséquences et la gravité de ses actes.

 

[22]           Je ne suis pas insensible au plaidoyer de la victime, mais je dois considérer dans l’exercice de ma tâche les aspects suivants :

 

(a)               Premièrement, bien qu’il soit raisonnable pour un observateur de considérer qu’une peine constituée d’une amende de 400 $ est clémente dans l’absolu, je suis sensible à la plaidoirie du procureur qui a raison de soumettre que pour un étudiant à temps plein comme le caporal Ikhlef, 400 $ est un montant qui demeure significatif.

 

(b)               Deuxièmement, je me dois de considérer que les mots que la victime m’a transmis ont été rédigés alors qu’elle n’était pas informée des excuses que le caporal Ikhlef lui a communiquées subséquemment à l’audience. J’ai été témoin de ces excuses comme toutes les personnes présentes dans la salle d’audience. Je suis d’avis que ces excuses sont sincères.

 

[23]           Ces excuses me convainquent que le caporal Ikhlef réalise réellement la gravité et les conséquences de ses actes. Selon moi, le caporal Ikhlef représente un faible risque de récidive et ce, indépendamment de la peine qui lui est imposée, considérant que cette peine ne peut être excessive par rapport à la gravité de l’infraction et doit être proportionnelle au degré de responsabilité du contrevenant.  

 

[24]           Je crois que j’ai considéré de mon mieux les préoccupations de la victime en lien avec la peine proposée tout en demeurant conscient du fait que je suis lié par le cadre juridique spécifique qui encadre les soumissions conjointes. La question que je dois déterminer n’est pas si j’aime la sentence qui m’est conjointement recommandée ou si je peux arriver à quelque chose de mieux. Je ne peux écarter la recommandation conjointe pour une amende de 400 $, à moins que la peine proposée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit, par ailleurs, contraire à l’intérêt public. Le fait que cette peine puisse être considérée comme clémente n’est pas suffisant pour me permettre de rejeter la recommandation conjointe qui m’a été faite.

 

[25]           La Cour suprême du Canada a fixé un seuil aussi élevé pour écarter des recommandations conjointes de manière à ce que leurs indéniables avantages ne soient pas compromis. Les avocats de la poursuite et de la défense sont bien placés pour arriver à une recommandation conjointe qui reflète tant les intérêts du public que ceux de l’accusé. En principe, ils connaissent très bien la situation du contrevenant et les circonstances de l’infraction, ainsi que les forces et les faiblesses de leurs positions respectives. Le procureur militaire est chargé de représenter les intérêts des autorités militaires et de la collectivité civile pour faire en sorte que justice soit rendue. On exige de l’avocat de la défense qu’il agisse dans l’intérêt supérieur de l’accusé, et il doit notamment s’assurer que le plaidoyer de celui-ci soit donné de façon volontaire et éclairée. Les avocats représentant les deux parties sont tenus, sur le plan professionnel et éthique, de ne pas induire la Cour en erreur. Bref, ils sont entièrement capables d’arriver à des règlements équitables et conformes à l’intérêt public.

 

[26]           Pour décider si une recommandation conjointe déconsidérerait l’administration de la justice ou serait contraire à l’intérêt public, je dois me demander si elle correspond si peu aux attentes des personnes raisonnables et instruites des circonstances de l’affaire que ces dernières estimeraient qu’elle fait échec au bon fonctionnement du système de justice pénale.

 

[27]           Je suis d’avis qu’une personne raisonnable et renseignée sur les circonstances de ce dossier s’attendrait à ce qu’un contrevenant admettant sa culpabilité à une accusation de s’être querellé avec une personne justiciable du Code de discipline militaire soit sanctionné par une peine proportionnelle à l’écart de comportement sanctionné et qui a un impact réel sur le contrevenant, en considérant les circonstances qui lui sont propres, ici les circonstances d’un réserviste qui étudie à temps plein. Je suis d’avis que l’imposition d’une amende de 400 $ est cohérente avec ces attentes.

 

[28]           En considérant la nature de l’infraction, les circonstances dans lesquelles elle a été commise, les principes d’imposition de la peine applicable, et les facteurs aggravants et atténuants mentionnés précédemment, je ne suis pas en mesure de conclure que la sentence recommandée conjointement par les avocats est déraisonnable ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice. Je vais donc accepter de l’entériner.

 

[29]           Caporal Ikhlef, je conclus que votre décision de plaider coupable et vos excuses exprimées aujourd’hui confirment votre intention de vous réhabiliter maintenant que vous avez reconnu que votre comportement de mars 2021 était inacceptable. Comme vous le savez, ce comportement a entraîné des conséquences significatives pour une collègue. Il devrait être clair pour vous aujourd’hui ainsi que pour tous les militaires présents à cette audience qu’un comportement irrespectueux et menaçant est contraire à l’efficacité militaire en ce qu’il nuit à la confiance mutuelle et au respect nécessaires pour l’accomplissement de la mission des FAC. Les mesures prises par les autorités militaires en lien avec cet incident devraient constituer un signal clair que de tels comportements ne peuvent être et ne seront pas tolérés. J’espère que l’expérience vécue en lien avec cet incident et cette cour martiale vous servira de leçon dans le futur, non seulement en lien avec votre carrière militaire, mais également en considérant la carrière civile pour laquelle vous étudiez présentement.  

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[30]           VOUS CONDAMNE à une amende de 400 $, payable dès maintenant.


 

Avocats :

 

Le Directeur des poursuites militaires, tel que représenté par le major D. Moffat

 

Capitaine de corvette J.M.J.D. Tremblay, Service d’avocats de la défense, avocat du caporal W. Ikhlef

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