Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 18 janvier 2023

Endroit : Base de soutien de la 2e Division du Canada Valcartier, l’Académie, édifice 534, pièce 227, Courcelette (QC)

Langue du procès : Français

Chefs d’accusation :

Chefs d’accusation 1, 2, 3 : Art. 130 LDN, voies de fait (art. 266 C. cr.).
Chef d’accusation 4 : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats :

VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2, 3 : Retirés. Chef d’accusation 4 : Coupable.
SENTENCE : Une réprimande et consignation aux quartiers pour une période de 21 jours.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Corbin-Ratté, 2023 CM 4002

 

Date : 20230118

Dossier : 202236

 

Cour martiale générale

 

Base de soutien de la 2e Division du Canada Valcartier

Garnison Valcartier (Québec), Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté le Roi

 

- et -

 

Bombardier M.J. Corbin-Ratté, contrevenant

 

 

Devant : Capitaine de frégate J.B.M. Pelletier, J.M.


 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Oralement)

 

Introduction

 

[1]               Bombardier Corbin-Ratté, la Cour a accepté et enregistré votre plaidoyer de culpabilité sur le quatrième et seul chef qui demeure à l’acte d’accusation et je vous déclare donc coupable de ce chef en vertu de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale (LDN), pour comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

 

Une recommandation conjointe est présentée à la Cour

 

[2]               Il est maintenant de mon devoir d’imposer la sentence. La poursuite et la défense ont présenté une recommandation conjointe à la Cour, recommandant que j’impose une sentence composée d’une réprimande accompagnée de vingt-et-un jours de consigne aux quartiers.

 

[3]               Le juge militaire à qui on propose une recommandation conjointe sur la peine à imposer est sévèrement limité dans l’exercice de sa discrétion sur sentence. Comme tout autre juge, je ne peux écarter une recommandation conjointe à moins que je ne conclut que la peine proposée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit, par ailleurs, contraire à l’intérêt public. Il s’agit du test promulgué par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43.

 

[4]               De multiples considérations d’intérêt public appuient l’imposition de toute peine conjointement recommandée. En effet, dans ces cas, la poursuite est d’accord pour recommander une peine que l’accusé est disposé à accepter, minimisant ainsi le stress et les frais liés aux procès. De plus, pour ceux qui éprouvent des remords sincères, un plaidoyer de culpabilité offre une occasion de commencer à reconnaître leurs torts. Le plus important avantage est la certitude qu’offrent les ententes menant à des recommandations conjointes, autant pour l’accusé que pour la poursuite.

 

[5]               Ceci étant dit, même si la certitude quant au résultat est importante pour les parties, ce n’est pas l’objectif ultime du processus de détermination de la peine. Je dois également garder à l’esprit les objectifs disciplinaires du Code de discipline militaire en m’acquittant de mes responsabilités. Tel que reconnu par la Cour suprême du Canada, la raison d’être d’un tribunal militaire est entre autres de permettre aux Forces armées canadiennes (FAC) de s’occuper des questions qui touchent directement le maintien de la discipline, l’efficacité et le moral des troupes. La sentence est le point culminant du processus disciplinaire, suite à un procès ou un plaidoyer. C’est la seule occasion pour la cour de traiter des besoins disciplinaires générés par la conduite du contrevenant, et ce, sur un établissement militaire, devant public incluant des membres de la communauté militaire.

 

[6]               La détermination de la peine dans le cadre d’un procès en cour martiale comporte donc un aspect disciplinaire important, ce qui n’est pas le cas pour le même exercice dans une cour civile de juridiction criminelle. Même lorsqu’une recommandation conjointe est soumise à la cour, le juge militaire doit s’assurer, au minimum, que les faits pertinents à la situation du contrevenant et à la perpétration de l’infraction soient non seulement considérés, mais également expliqués adéquatement dans ses motifs relatifs à la sentence, et ce, dans une mesure qui peut ne pas être toujours nécessaire dans d’autres cours.

 

[7]               Le principe fondamental applicable à la détermination de la peine à l’article 203.2 de la LDN est à l’effet que le juge militaire doit imposer une peine proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du contrevenant.

 

Faits considérés

 

[8]               Lors de l’audience, la procureure a lu à voix haute un sommaire des circonstances en plus de déposer les documents prévus à l’article 112.51 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC).

 

[9]               J’ai reçu en preuve la déclaration de la victime.

 

[10]           Un sommaire conjoint des faits a été produit pour commenter sur la situation familiale et financière du contrevenant. De plus, l’avocat de la défense a déposé le plus récent rapport de rendement du bombardier Corbin-Ratté.

 

[11]           En plus de la preuve, la Cour a également considéré les plaidoiries des avocats au soutien de leur recommandation conjointe ainsi que de précédents en semblable matière devant des cours martiales. Je suis d’avis que dans le contexte d’une soumission conjointe des procureurs, ces représentations, ainsi que la preuve, me permettent d’être suffisamment informé pour prendre en considération et appliquer les objectifs et les principes de la détermination de la peine appropriés à l’infraction et au contrevenant, principalement en ce qui a trait au principe d’harmonisation des peines.

 

Les circonstances du contrevenant

 

[12]           Le bombardier Corbin-Ratté est un artilleur âgé de trente-trois ans qui s’est joint aux FAC en 2008 et a servi au sein du 5e Régiment d’artillerie légère du Canada (5 RALC) à Valcartier depuis qu’il a terminé son instruction de base et de métier en 2009. Il a été déployé en Afghanistan sur une batterie d’artillerie pour six mois en 2010-2011.

 

[13]           Le sommaire conjoint des faits présenté révèle que le bombardier Corbin-Ratté a trois enfants, dont une fille, et que lui et sa conjointe attendent un quatrième enfant dans environ deux mois. Il est également mentionné que depuis les évènements menant à la cour martiale, le bombardier Corbin-Ratté a été affecté du 5 RALC à une position sur la base de Valcartier, une affectation qui a occasionné la fin de son éligibilité pour une indemnité de service en campagne au montant de 600 $ par mois.

 

[14]           Le plus récent rapport d’appréciation du rendement du bombardier Corbin-Ratté révèle un excellent rendement de sa part pour la période où il a été au travail entre novembre 2021 et avril 2022. Son potentiel est au-dessus de la moyenne et il est recommandé pour promotion en temps voulu.  

 

Les circonstances de l’infraction

 

[15]           Les faits relatifs à la perpétration de l’infraction sont révélés par le sommaire des circonstances lu par la procureure de la poursuite. Ce sommaire révèle qu’une série d’évènements se sont produits entre le 14 et le 24 mars 2022 entre le bombardier Corbin-Ratté et la plaignante, comme suit, et je cite le document :

 

« a.          Le 17 ou le 18 mars 2022, à la cantine de la Base de soutien du 2e Division du Canada, l’accusé, a tiré les cheveux de la plaignante. Elle s’est fâchée et lui a dit d’arrêter;

 

b.                  Le 21 mars 2022, l’accusé, en voulant à nouveau rigoler, a pincé la plaignante deux fois. Elle lui a dit d’arrêter et de ne pas la toucher;

 

 

c.                   Toujours le 21 mars 2022 l’accusé a fait semblant de frapper la plaignante en lui montrant sa main. Elle a eu peur;

 

d.                  Le matin du 22 ou le 23 mars 2022 la plaignante est rentrée à l’unité pour la parade. L’accusé lui a dit « tabarnac tu étais où criss ». Elle lui a dit qu’elle était sur l’équipe de levée de poids. Il lui a répondu de façon sarcastique en riant « tabarnac sont où tes muscles…on voit rien à travers ton uniforme…t’es musclée ou pas…t’es forte ou pas »

 

e.                   Le 23 mars l’accusé a frappé légèrement la plaignante trois fois à la hauteur de l’épaule. Elle lui a dit à deux reprises de ne pas la toucher. L’accusé a répondu en riant « je ne te touche pas, je touche ton uniforme »;

 

f.                    Le matin du 24 mars 2022 l’accusé a insulté la plaignante en disant « Hey toi, ferme ta gueule salopard criss »;

 

g.                  A l’après-midi, toujours le 24 mars 2022, l’accusé traite la plaignante de « chupa pinga » ce qui signifie « suceuse de pénis » en espagnol;

 

h.                  Toujours le 24 mars 2022, à la cantine, l’accusé a parlé fort près des oreilles de la plaignante et a forcé les doigts dans ses côtes;

 

i.                    Au cours de la semaine en question, l’accusé mettait la plaignante au défi de porter plainte contre lui, disant qu’il allait l’accompagner en riant. La plaignante sentait qu’il se moquait d’elle. »

 

[16]           Le sommaire mentionne que le bombardier Corbin-Ratté croyait être comique en agissant ainsi. La plaignante n’a pas trouvé son comportement drôle. Le 24 mars 2022, elle a rapporté les évènements à sa chaine de commandement et une enquête disciplinaire a été déclenchée.

 

[17]           À l’audience, la victime du comportement du bombardier Corbin-Ratté a lu une déclaration rédigée conformément à l’article 203.6 de la LDN qui a été admise en preuve. Je crois qu’il est essentiel de donner une voix à la victime dans les présentes procédures et j’espère lui faire justice en résumant son point de vue comme suit :  

 

a)                  La plaignante rapporte que sa vie a changé drastiquement depuis les évènements. Elle a vécu une période intense de cauchemars, a commencé à avoir peur et à s’isoler. Son travail a été affecté considérant qu’elle n’arrivait pas à se concentrer et a été mise en arrêt de travail le temps de se rétablir. Son estime d’elle s’est détériorée et elle a dû consulter et obtenir un suivi psychologique pour apprendre à gérer son anxiété, considérant que le stress vécu a affecté son système immunitaire la rendant facilement malade et causant des étourdissements et le mal de cœur.

 

b)                  Elle dit avoir encore peur de rencontrer le contrevenant et a demandé à un ami de venir habiter chez elle pour la rassurer considérant la peur qui l’habite encore à ce jour.

 

c)                  Elle rapporte avoir demandé au contrevenant d’arrêter à plusieurs reprises considérant qu’elle se sentait terrorisée. Elle a gardé le contrôle d’elle lors des évènements malgré la terreur qu’elle ressentait. Elle a hésité à formuler une plainte, mais a été rassurée par les personnes-ressources consultées.

 

[18]           Je tiens à mentionner que j’ai été impressionné par la manière dont la victime a courageusement lu sa déclaration devant la Cour et plusieurs collègues réunis à l’audience. Je lui souhaite de se remettre de ces malheureux évènements le plus rapidement possible.  

 

[19]           À l’audience, le bombardier Corbin-Ratté a reconnu la véracité du sommaire des circonstances. Il a demandé et obtenu la permission de s’adresser à la Cour pour transmettre ses excuses à la victime, présente à l’audience et aussi à son unité, le 5 RALC, dont plusieurs membres étaient également présents.   

 

Facteurs aggravants

 

[20]           La Cour considère comme aggravant, dans les circonstances de cette affaire, le fait que le comportement du bombardier Corbin-Ratté était non provoqué, s’est manifesté sur une durée non négligeable de dix jours et qu’il s’est poursuivi malgré les protestations de la victime. Il s’agit d’un comportement inexplicable et incompréhensible dans le contexte de relations professionnelles entre collègues en uniforme. Les politiques des FAC sur le harcèlement sont connues. Le bombardier Corbin-Ratté est un militaire d’expérience. Pourtant, il s’est engagé dans un comportement contraire aux valeurs de l’organisation et contraire à l’obligation faite à tous ses membres d’agir avec respect. Un tel manque de respect est intolérable au sein d’une organisation militaire disciplinée et soucieuse de la dignité de toute personne. De plus, les gestes du contrevenant ont eu un impact non négligeable sur une autre membre des FAC et donc un impact sur l’organisation qui compte sur cette personne pour accomplir ses tâches militaires au service du Canada. On se serait attendu à beaucoup mieux de la part du bombardier Corbin-Ratté et je crois qu’il est conscient de cela à la lumière de ses excuses.

 

Facteurs atténuants

 

[21]           Ceci étant mentionné, la Cour a considéré les facteurs atténuants suivants :

 

a)                  le plaidoyer de culpabilité du contrevenant, un signal clair qu’il accepte la responsabilité pour ses gestes devant des membres de la communauté militaire présents pour ces procédures qui auraient pu être beaucoup plus élaborées dans l’éventualité d’un procès complet en cour martiale générale;

 

b)                  le fait que le bombardier Corbin-Ratté n’a aucune infraction disciplinaire à sa fiche de conduite;

 

c)                  le parcours satisfaisant du bombardier Corbin-Ratté au sein des FAC, principalement sa contribution en opérations ainsi que le potentiel reconnu par ses supérieurs dans sa plus récente évaluation de rendement;

 

d)                  les perspectives favorables de réhabilitation liées aux excuses que le bombardier Corbin-Ratté a exprimé dans le cadre des présentes procédures. J’ai devant moi un contrevenant qui semble repentant et qui possède sans doute la capacité de contribuer de manière positive à la société canadienne dans le futur du moment où il accepte de comprendre l’importance du respect qu’il doit à toutes les personnes avec qui il entre en contact dans ses fonctions militaires.

 

Objectifs devant être privilégiés dans cette affaire

 

[22]           Je suis venu à conclure que, dans les circonstances de la présente affaire, l’imposition de la sentence devrait cibler des objectifs de dénonciation et de dissuasion générale et spécifique. La sentence imposée ne devrait pas compromettre l’objectif de réhabilitation du contrevenant, qui est selon moi bien entamée considérant son aveu de culpabilité et ses excuses publiques. Par contre, cette réhabilitation devra se continuer auprès de ses supérieurs et des membres de son unité lorsque le bombardier Corbin-Ratté sera éventuellement de retour au sein du 5 RALC.

 

Évaluation de la recommandation conjointe

 

[23]           Pour apprécier le caractère acceptable de la recommandation conjointe, la Cour a tenu compte de la gravité objective de l’infraction qui, tel que prévu à l’article 129 de la LDN, est passible au maximum d’une peine de destitution ignominieuse du service de Sa Majesté.

 

[24]           Les avocats ont fait référence, au cours de leurs plaidoiries, à plusieurs dossiers comportant certaines similarités avec les faits du présent dossier. Bien que les faits de chaque dossier soient différents, ces décisions jurisprudentielles ont une certaine utilité pour la détermination du caractère raisonnable de la recommandation conjointe des avocats. Il appert que les infractions similaires à celle que j’ai devant moi aujourd’hui sont généralement sanctionnées par une sentence composée d’un blâme ou d’une réprimande, souvent combinés avec une amende. Les avocats expliquent que la peine mineure de consigne aux quartiers est recommandée de manière à remplacer l’amende, considérant la situation financière du contrevenant et les besoins de la discipline au sein de l’unité. Dans les circonstances, je suis d’avis que cette combinaison correspond, en termes de sévérité, aux sentences imposées pour des comportements similaires dans le passé.

 

[25]           Tel que j’ai mentionné dans la décision R. v. MacDonald, 2021 CM 4002, aux paragraphes 19 à 21, il a été dit dans le passé que les peines mineures, spécifiquement la consigne aux quartiers, sont rarement imposées par des cours martiales. Même si cela peut être statistiquement vrai, la consigne au navire ou aux quartiers ne devrait pas pour cette raison être considérée comme étant inappropriée ou autrement suspecte. Il s’agit d’une peine qui est entièrement acceptable pour, tel qu’il était jadis mentionné la Note B de l’ORFC 104.13, corriger le comportement de ceux qui ont commis des infractions d'ordre militaire mineures tout en leur permettant de demeurer productifs au sein de leur unité. Il s’agit à mon avis d’une peine qui a un impact dissuasif significatif, autant sur le contrevenant que sur ses collègues. En effet, cette peine a un impact direct sur le contrevenant qui subit la restriction causée par la consigne, qui comprend la peine de travaux et exercices supplémentaires pour la même période, de manière beaucoup plus personnelle qu’une amende par exemple. De plus, la peine de consigne est habituellement visible pour les autres membres de l’unité qui peuvent se mettre à la place du contrevenant et penser aux conséquences d’inconduites potentielles.

 

[26]           Il est important de garder à l’esprit qu’en tant que juge militaire, la question que je dois déterminer n’est pas si j’aime la sentence qui m’est conjointement recommandée ou si je peux arriver à quelque chose de mieux. Je ne peux écarter la recommandation conjointe pour une réprimande et vingt-et-un jours de consigne aux quartiers que si je juge que la sentence proposée est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle est contraire à l’intérêt public. Toute opinion négative que je pourrais avoir sur ce qui m’est proposé, que ce soit parce que je trouve la sentence trop sévère ou trop clémente, n’est pas suffisante pour me permettre de rejeter la recommandation conjointe qui m’a été faite.

 

[27]           Cela étant mentionné, je désire féliciter les avocats qui ont été en mesure d’arriver à une soumission conjointe qui soit appropriée pour la situation ainsi que le 5 RALC et la Base de soutien de la 2e Division du Canada qui sont prêts à investir les efforts et les ressources nécessaires pour superviser l’administration de la peine. Un tel niveau d’engagement qui est rare, ce qui explique peut-être pourquoi la consigne a si peu été proposée aux juges militaires dans le passé.

 

[28]           Le seuil que la Cour suprême du Canada a fixé pour écarter des recommandations conjointes est élevé, de manière à ce que leurs indéniables avantages ne soient pas compromis. Les avocats de la poursuite et de la défense sont bien placés pour arriver à des recommandations qui reflètent tant les intérêts du public que ceux de l’accusé. En principe, ils connaissent très bien la situation du contrevenant et les circonstances de l’infraction, ainsi que les forces et les faiblesses de leurs positions respectives. Le procureur militaire est chargé de représenter les intérêts des autorités militaires et de la collectivité civile pour faire en sorte que justice soit rendue. On exige de l’avocat de la défense qu’il agisse dans l’intérêt supérieur de l’accusé, et il doit notamment s’assurer que le plaidoyer de celui-ci soit donné de façon volontaire et éclairée. Les avocats représentant les deux parties sont tenus, sur le plan professionnel et éthique, de ne pas induire la cour en erreur. Bref, ils sont entièrement capables d’arriver à des règlements équitables et conformes à l’intérêt public.

 

[29]           Pour décider si une recommandation conjointe déconsidérerait l’administration de la justice ou serait contraire à l’intérêt public, je dois me demander si elle correspond si peu aux attentes des personnes raisonnables et instruites des circonstances de l’affaire que ces dernières estimeraient qu’elle fait échec au bon fonctionnement du système de justice pénale.

 

[30]           Je suis d’avis qu’une personne raisonnable et renseignée sur les circonstances de ce dossier s’attendrait à ce qu’un contrevenant admettant sa culpabilité à une accusation de comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline soit sanctionné par une peine qui possède une force symbolique proportionnelle à l’écart de comportement sanctionné, tout en ayant un impact réel sur le contrevenant. L’imposition d’une sentence composée d’une réprimande et de vingt-et-un jours de consigne aux quartiers est cohérente avec ces attentes, surtout considérant les excuses du contrevenant, qui le place résolument sur la route de la réhabilitation.  

 

[31]           En considérant la nature de l’infraction, les circonstances dans lesquelles elle a été commise, les principes d’imposition de la peine applicable, et les facteurs aggravants et atténuants mentionnés précédemment, je ne suis pas en mesure de conclure que la sentence recommandée conjointement par les avocats est déraisonnable ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice. Je dois donc accepter de l’entériner.

 

[32]           Bombardier Corbin-Ratté, je conclus que votre décision de plaider coupable et de transmettre vos excuses aujourd’hui confirme votre intention de vous réhabiliter maintenant que vous avez reconnu que votre comportement de mars 2022 était inacceptable. Comme vous le savez, ce comportement a entraîné des conséquences significatives pour une collègue.

 

[33]           Il devrait être clair pour vous aujourd’hui ainsi que pour tous les militaires présents à cette audience qu’un comportement irrespectueux, dégoutant et menaçant est contraire à l’efficacité militaire en ce qu’il nuit à la confiance mutuelle et au respect nécessaires pour l’accomplissement de la mission des FAC. Les mesures prises par les autorités militaires en lien avec cet incident devraient constituer un signal clair que de tels comportements ne peuvent être et ne seront pas tolérés. J’espère que l’expérience vécue en lien avec cet incident et cette cour martiale vous servira de leçon dans le futur et qu’on ne vous reverra pas devant un juge.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[34]           CONDAMNE le bombardier Corbin-Ratté à une réprimande et à vingt-et-un jours de consigne aux quartiers.

 

[35]           Conformément au paragraphe 104.131(1) des ORFC, je fournis au bénéfice du contrevenant les précisions et instructions suivantes : vous serez amené en compagnie d’un supérieur dès que possible aujourd’hui au bâtiment 504. Vous n’aurez pas le droit de quitter cet endroit pour les vingt-et-un prochain jour, incluant aujourd’hui, sauf pour vous retrouver dans le bâtiment 505 pour vos repas. Sur les heures de travail (lundi à vendredi de 7h à 16h), vous pouvez vous trouver dans le bâtiment 500 ou tout autre bâtiment lié à votre emploi, sous supervision de votre chaine de commandement sur la base. Vous ne pouvez pas vous trouver dans le bâtiment 311 (5 RALC) pour éviter le contact avec la victime, sauf le soir et la fin de semaine pour accéder au gymnase, sous supervision. Vous pourrez accéder aux services de santé au besoin, sous supervision. 


 

Avocats :

 

Le directeur des poursuites militaires, tel que représenté par la capitaine de corvette J. Besner

 

Major É. Carrier, Service d’avocats de la défense, avocat du bombardier M.J. Corbin-Ratté

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