Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 11 juillet 2022

Endroit :

Régiment du Saguenay, 2678 chemin de la Réserve, Saguenay (QC) : 11-29 juillet 2022

3e Escadre Bagotville, 87 rue Stratford, Alouette (QC) : 13-14 septembre 2022, 4-12 octobre 2022, 21-25 novembre 2022, 14 décembre 2022, 10-12 janvier 2023, 14 avril 2023, 27 juillet 2023, 28-29 novembre 2023 et 29 février 2024

Centre Asticou, bloc 2600, pièce 2601, salle d’audience, 241 boulevard de la Cité-des-Jeunes, Gatineau (QC) : 23 septembre 2022, 29 novembre 2022, 19 décembre 2022, 22 décembre 2022, 8-11 mai 2023, 5-14 juillet 2023 et 21-23 novembre 2023

Langue du procès : Français

Chefs d’accusation :

Chefs d'accusation 1, 2, 3, 4 : Art. 130 LDN, agression sexuelle (art. 271 C. cr.).

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Citation : R. c. Houde, 2023 CM 3011

 

Date : 20230727

Dossier : 202141

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Bagotville

Alouette (Québec), Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté Le Roi

 

- et -

 

Caporal-chef C. Houde, accusé

 

 

En présence du : Lieutenant-colonel L.-V. d’Auteuil, J.M.C.A.


 

Restriction à la publication : Par ordonnance de la Cour rendue en vertu de l’article 183.5 de la Loi sur la défense nationale, il est interdit de publier ou de diffuser de quelque façon que ce soit tout renseignement permettant d’établir l’identité des personnes décrites dans la présente cour martiale, « C.C. », comme étant la plaignante, et « N.T. » comme étant un témoin dans cette cause.

 

MOTIFS DU VERDICT

 

(Oralement)

 

Introduction

 

[1]               Le caporal-chef (Cplc) Houde est accusé de quatre infractions punissables en vertu de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale (LDN) pour agression sexuelle, contrairement à l’article 271 du Code criminel.

 

[2]               Selon les détails pour chacun des chefs d’accusation, il est allégué que l’ensemble de ces infractions auraient été commises à l’égard d’une même plaignante, soit la personne identifiée par les initiales C.C., mais à des moments et des lieux différents : les deux premières infractions auraient été commises en Roumanie entre août 2018 et janvier 2019, alors que les deux autres auraient eu lieu à ou près de la Base des Forces canadiennes (BFC) Bagotville entre janvier et décembre 2019.

 

[3]               Essentiellement, la poursuite prétend que l’accusé aurait commis l’infraction d’agression sexuelle à l’égard de la même plaignante à quatre moments différents dans les circonstances suivantes :

 

a)                  le premier chef d’accusation est en relation avec un incident allégué qui se serait produit vers le mois d’août ou septembre 2018 sur une plage de la Roumanie impliquant la plaignante et l’accusé alors qu’ils étaient tous les deux en déploiement opérationnel dans ce pays;

 

b)                  le deuxième chef d’accusation est lié à un événement qui se serait produit en décembre 2018 ou janvier 2019 dans la chambre de la plaignante qui était en compagnie de l’accusé alors qu’ils étaient en devoir temporaire en Roumanie;

 

c)                  le troisième chef d’accusation concerne un incident allégué qui aurait eu lieu dans la cuisine de la résidence du Cplc Houde dans les environs de la BFC Bagotville et qui impliquerait ce dernier et la plaignante;

 

d)                  le quatrième chef d’accusation est relatif à un incident allégué durant lequel, alors que la plaignante était dans sa demeure avec le Cplc Houde, dans les environs de la BFC Bagotville et qu’elle avait une relation sexuelle avec lui, il a appelé une autre personne durant la relation sexuelle en question, ce qui aurait eu pour effet que la plaignante aurait retiré son consentement à compter de ce moment précis pour poursuivre toute activité sexuelle avec l’accusé.

 

La preuve

 

[4]               La poursuite a cité un seul témoin, soit la plaignante, qui aurait été le seul témoin direct des gestes commis par le Cplc Houde à son égard concernant chacun des quatre chefs d’accusation. Aucune pièce n’a été déposée par la poursuite dans le cadre de sa preuve.

 

[5]               Le Cplc Houde a décidé de témoigner pour sa propre défense, ce qu’il a fait après avoir cité à comparaître auparavant quatre autres témoins, qui sont dans l’ordre : la Cplc Turmel, enquêtrice au dossier, le Cplc Craig, conjoint de la plaignante, madame Andréanne Dallaire, ex-conjointe du Cplc Houde, et N.T., conjointe actuelle du Cplc Houde. De plus, l’accusé a déposé une copie d’une grande quantité de messages textes échangés entre l’accusé et la plaignante, et entre la plaignante et une autre personne sur Facebook Messenger, ainsi que plusieurs photographies de certains individus, incluant la plaignante et lui-même. Une copie de cartes routières de la région de Laterrière-La Baie et de la BFC Bagotville, ainsi qu’un dessin fait par la plaignante des environs de la plage en Roumanie où aurait eu lieu l’incident allégué concernant le premier chef d’accusation ont aussi été déposés en preuve.

 

[6]               Finalement, la Cour a pris connaissance judiciaire des éléments énumérés et contenus à l’article 15 des Règles militaires de la preuve.

 

Les procédures

 

[7]               Ce procès, qui a débuté le 11 juillet 2022, s’est déroulé de manière plus longue qu’anticipée à l’origine par les avocats, alors que les plaidoiries finales ont été entendues par cette Cour le 12 janvier 2023. De plus, alors que la Cour était prête à rendre sa décision sur le verdict le 14 avril 2023, l’avocat du Cplc Houde a indiqué à la Cour environ une semaine avant cette date qu’il désirait déposer une requête de type Jordan. À la suite d’un débat sur la recevabilité de cette requête qui s’est tenu le 14 avril 2023, j’ai accepté de l’entendre. Cependant, l’avocat du Cplc Houde a fait valoir qu’il avait d’abord l’intention de demander la récusation du juge présidant la cour martiale qui aurait à disposer de cette requête.

 

[8]               J’ai entendu la requête demandant ma récusation le 8 mai 2023 et je l’ai rejetée trois jours plus tard, affirmant qu’une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique conclurait qu’il n’y avait aucune crainte raisonnable de partialité de ma part en présidant l’audition concernant la requête du Cplc Houde pour délai déraisonnable, parce que le cadre d’analyse servant à déterminer s’il y a eu violation de son droit constitutionnel à être jugé dans un délai raisonnable n’impliquait aucunement la révision de mes décisions prises durant le procès quant à leur bien-fondé et à l’impact de celles-ci sur le délai pour juger l’accusé.

 

[9]               Par la suite, j’ai procédé le 5 juillet 2023 à l’audition de la requête de type Jordan présenté par le Cplc Houde. Le 14 juillet 2023, j’ai rejeté cette requête, concluant que le droit constitutionnel du Cplc Houde d’être jugé dans un délai raisonnable en conformité avec l’alinéa 11b) de la Charte n’avait pas été violé.

 

[10]           Tout au cours du procès, une douzaine d’autres requêtes différentes ont été présentées par les parties, allant d’une requête conjointe préliminaire à l’effet que le procès devant la cour martiale du Cplc Houde soit bilingue, en passant par une requête en matière de divulgation de la preuve, des demandes d’ordonnance de non-publication concernant la plaignante et un témoin cité à comparaître par l’accusé, d’autres portants sur l’indépendance judiciaire du juge militaire présidant le procès, le rappel de la plaignante comme témoin devant la Cour alors que son témoignage était terminé, et l’avortement du procès.

 

[11]           Mais les requêtes qui ont le plus d’impact sur la durée du procès concernent celles portant sur l’admissibilité de dossiers non énumérés à l’article 278.1 du Code criminel pouvant contenir des renseignements qui sont visés par l’article 276 du Code criminel, et ceux pouvant contenir des renseignements personnels pour lesquels il existe une attente raisonnable en matière de protection de la vie privée pour la plaignante. Ces dossiers étaient essentiellement des messages textes échangés entre la plaignante et l’accusé et ils étaient composés de plus de 500 pages de capture d’écran dont le Cplc Houde avait l’intention de se servir en preuve dans le cadre de son procès. Il y avait aussi d’autres messages textes que ce dernier voulait utiliser et qui ont aussi fait l’objet d’une requête, mais ils impliquaient la plaignante et une autre personne que l’accusé.

 

[12]           Ces requêtes sur l’admissibilité de ces messages textes ont nécessité la tenue de quatre voir-dire à la demande du Cplc Houde et d’un autre à la demande de la poursuite. Ce sont essentiellement la tenue des auditions pour ces cinq voir-dire qui a eu pour effet de perturber, jusqu’à un certain point, le déroulement des procédures de manière différente de ce qui était anticipé par les parties concernant la durée du procès.

 

[13]           C’est la décision de la Cour Suprême du Canada (CSC) dans R. c. J.J., 2022 CSC 28 qui a été rendue le 30 juin 2022 qui a été au coeur des débats entre les parties et qui a essentiellement guidé cette Cour sur la procédure à suivre quant à l’admissibilité des documents en question. Il est bon de rappeler que seulement onze jours après la décision J.J. rendue par la CSC, le présent procès commençait.

 

[14]           La durée de ce procès était initialement prévue pour une période de trois semaines, ce qui incluait la présentation de la preuve de la poursuite et de l’accusé, ainsi que les plaidoiries finales des deux parties.

 

[15]           Le tribunal a accepté d’entendre la requête sur l’admissibilité de messages textes à deux reprises au cours des deux premières semaines du procès parce que des documents différents étaient impliqués. Cependant, la Cour a accepté d’agir ainsi en spécifiant à chaque fois à l’avocat de la défense qu’il se devait de considérer de présenter à la Cour l’ensemble des documents pouvant être visés par une requête ayant pour but de déterminer l’admissibilité de ceux-ci afin d’éviter de perturber le déroulement du procès. Malgré cela, le Cplc Houde a présenté ce genre de requête une troisième fois durant la troisième et dernière semaine d’audition prévue pour le procès. La Cour a refusé cette fois-là de procéder à la tenue d’un nouveau voir-dire pour cette nouvelle demande.

 

[16]           À ce moment, l’avocat de la défense était toujours dans le cadre du contre-interrogatoire de la plaignante. Il était évident que le procès ne serait pas terminé dans le délai anticipé par les parties. À la suite d’une demande d’avortement de procès formulé par le procureur de la poursuite que la Cour a rejetée parce qu’il n’avait pas été démontré qu’il y avait eu une irrégularité donnant lieu à l’analyse d’une telle demande, j’ai fixé un nouvel échéancier pour le déroulement de ce procès, en y incluant une audition sur la requête portant sur l’admissibilité de messages textes de l’accusé que j’avais d’abord refusé d’entendre.

 

[17]           Ainsi, en fonction de la disponibilité de tous les participants, la Cour a décidé de procéder par étape, et elle a déterminé qu’il y aurait des journées d’audition concernant la requête aux mois de septembre et octobre 2022. De plus, la Cour a indiqué que la présentation de la preuve de la poursuite pourrait se terminer au mois d’octobre 2022 et que celle présentée par l’accusé serait entendue au mois de novembre 2022. La Cour a statué que les plaidoiries finales des deux parties seraient aussi entendues durant le mois de novembre 2022 afin de lui permettre de tenter de rendre une décision sur le verdict au mois de décembre 2022.

 

[18]           Malheureusement, un incident inusité et inacceptable causé par l’accusé s’est produit dans le cadre de l’audition de sa preuve durant le mois de novembre 2022, ce qui a eu pour effet de retarder à nouveau le déroulement du procès, et la Cour a dû réévaluer la situation et suggérer un nouvel échéancier aux parties. Ainsi, la preuve de la défense a été complétée durant les mois de décembre 2022 et janvier 2023, et les plaidoiries finales ont été présentées par les parties à la Cour le 12 janvier 2023.

 

[19]           L’incertitude démontrée par l’avocat de la défense quant à la portée réelle du régime d’admissibilité de la preuve prévu à l’article 278.92 du Code criminel dans le cadre d’un procès comportant des accusations d’agression sexuelle et la grande quantité de dossiers constitués des messages textes soumis à ce régime, ont probablement rendu plus complexe et accru la durée de ce procès, malgré les efforts de la Cour pour en atténuer les impacts sur son déroulement. Ceci ne constitue nullement un commentaire sur le travail et l’attitude de l’avocat de la défense, mais plutôt une simple constatation de la difficulté que les parties et qu’une cour peut rencontrer lors de l’application de ce régime et des conséquences qui peuvent en découler sur la durée du procès dans un tel contexte, situation à laquelle le juge Brown a d’ailleurs fait référence spécifiquement dans J.J. dans le cadre de son opinion dissidente exprimée au paragraphe 314 :

 

[314] Et tout cela sans parler des effets préjudiciables importants de ce régime sur le système de justice criminelle, en ce qui a trait notamment à la complexité des procès et aux délais accrus de ceux‑ci. Il n’est pas difficile de prévoir la confusion qui régnera dans les procès pour agression sexuelle qui mettent en jeu des éléments de preuve visés par les art. 276, 278.1 à 278.91 et 278.92. Il faudra alors déposer de multiples demandes à différentes étapes, au cours desquelles s’appliqueront dans tous les cas différentes normes de preuve, ce qui donnera lieu à des appels distincts durant lesquels la plaignante pourrait avoir qualité pour comparaître ou interjeter un appel incident.

 

[20]           Cela dit, la Cour a été en mesure, avec la coopération de tous les avocats impliqués dans ce procès, de considérer la preuve que les parties désiraient lui présenter et d’entendre leurs représentations respectives afin d’être en mesure de rendre un verdict dans cette affaire sur chacun des chefs d’accusation.

 

Les faits

 

Contexte

 

[21]           C.C. et le Cplc Houde se sont connus dans le cadre de leur relation de travail dans les mois qui ont suivi leur arrivée respective au sein du 425e Escadron d’appui tactique (425 ETAC) à l’été 2017. Ils étaient sur la même équipe de travail. C’est lors d’un exercice à Cold Lake, Alberta, en novembre 2017 qu’une relation plus intime s’est installée entre les deux.

[22]           Leur relation intime s’est terminée en juin 2019, soit lorsque le Cplc Houde a rencontré et est allé vivre avec sa conjointe actuelle, N.T.

 

[23]           Ils s’agissaient pour le Cplc Houde et C.C. d’une relation qui a duré presque deux ans alors qu’ils avaient tous les deux un autre partenaire de vie. En effet, la plaignante vivait en couple avec un autre militaire et ils avaient des enfants. Du côté du Cplc Houde, il partageait sa vie intime et habitait déjà avec une conjointe. Cependant, il s’est séparé de cette dernière quelque part en janvier 2019. Par la suite, il s’est considéré comme célibataire en dépit de la relation intime qu’il a continuée avec la plaignante jusqu’à ce qu’il rencontre N.T., sa conjointe actuelle, en juin 2019.

 

[24]           Pour le Cplc Houde, la nature de la relation qu’il avait avec la plaignante était celle d’ami-amant. Selon sa perspective, la plaignante répondait à ses besoins sexuels et jouait aussi le rôle de confidente, telle une amie, auprès de lui. Cependant, malgré l’attirance physique qu’il avait pour elle et les sentiments d’amitié qu’il avait à son égard, il n’avait aucune intention de s’engager dans des projets à long terme avec elle, incluant d’aller vivre un jour avec la plaignante. Sur ce dernier point, il a toujours été clair avec cette dernière et lui a exprimé sa position à quelques reprises durant leur relation.

 

[25]           Concernant la plaignante, sa perception de sa relation avec l’accusé était différente. Pour elle, en plus d’être un confident et un amant, elle en était vraiment amoureuse et se voyait un jour partager sa vie avec lui. Ainsi, outre les sentiments sérieux et profonds qu’elle avait pour lui, elle croyait possible de développer avec lui des projets à long terme. Encore à ce jour, elle ne peut s’expliquer pourquoi elle avait de tels sentiments à l’égard de l’accusé malgré tout ce qui s’est passé.

 

[26]           Du mois de novembre 2017 au mois d’août 2018, la plaignante et le Cplc Houde se sont fréquentés. Puisqu’ils étaient sur le même horaire de travail, lorsqu’ils travaillaient sur l’horaire de jour, ils allaient souvent dîner ensemble. Lorsqu’ils étaient sur l’horaire de soir, ils se rencontraient au domicile de l’un ou de l’autre en l’absence de leur conjoint respectif et de leurs enfants.

 

[27]           Le Cplc Houde a eu deux enfants dans le cadre d’une relation avec madame Dallaire qui a duré environ douze ans, soit de 2001 à 2013. Il s’est toujours bien entendu avec son ex-conjointe et il a habité près de chez elle après leur séparation pour faciliter l’exercice de la garde des enfants. D’ailleurs, l’un des enfants du Cplc Houde a agi à titre de gardien pour les enfants de la plaignante durant la période où ils se fréquentaient sur la base. Ainsi, soit qu’elle ou son conjoint allait chercher la gardienne chez le Cplc Houde ou encore ils laissaient leurs enfants chez ce dernier sous la responsabilité de cette même gardienne. Donc, en plus de leur relation personnelle qui avait lieu à l’insu de leur conjoint respectif, ils se rendaient service dans leur vie quotidienne sur la Base.

 

[28]           À l’été 2018, ils ont été tous les deux sélectionnés pour participer à l’Opération REASSURANCE de la force opérationnelle aérienne à Constanta en Roumanie avec le 425 ETAC. Ce déploiement d’une durée de quatre mois avait pour but de soutenir les avions CF-18 qui y étaient déployés à titre de renforcement de la mission de police aérienne de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) dans ce pays.

 

[29]           La mission a eu lieu du mois d’août au mois de décembre 2018 en Roumanie. Le Cplc Houde et la plaignante se sont rendus séparément en Roumanie en août 2018 et ils sont revenus au pays en janvier 2019.

 

[30]           Lors de leur séjour en Roumanie, le Cplc Houde et la plaignante ont passé beaucoup de leur temps libre ensemble. Selon la plaignante, les autres membres du personnel militaire voyaient bien qu’il y avait quelque chose de spécial entre eux. Ils se voyaient constamment en dehors du travail sur la Base, et il quittait la Base ensemble lorsqu’il allait à l’extérieur.

 

[31]           Dans les faits, le Cplc Houde et la plaignante louaient de temps à autre une chambre d’hôtel quand ils sortaient de la Base afin de pouvoir être ensemble et avoir des relations intimes dans la tranquillité. Afin d’éviter que le conjoint de la plaignante remarque le paiement d’une chambre d’hôtel en Roumanie sur la carte de crédit qu’il partageait avec la plaignante, le Cplc Houde avait accepté d’assumer à chaque fois le montant total de la chambre d’hôtel avec la compréhension et l’assurance de la plaignante qu’elle lui rembourserait, lors de son retour au pays, la moitié du coût total que cela allait représenter.

 

[32]           Lors de son retour au Canada en janvier 2019, la conjointe de l’époque, L.P., a décidé de quitter le Cplc Houde, faisant de lui une personne célibataire. Il a continué à fréquenter la plaignante de la même manière qu’il le faisait avant le déploiement en Roumanie. Cependant, il a eu aussi des rencontres pour des fins sexuelles avec d’autres partenaires par le biais d’une plateforme numérique dédiée à ces fins. À la demande de la plaignante, il l’a tenu au courant des rencontres qu’il avait de temps à autre.

 

[33]           Au mois de juin 2019, il a rencontré N.T. avec qui il a développé une relation personnelle plus sérieuse, et avec qui il vit en couple depuis ce temps. La plaignante a rencontré N.T. et elle s’est liée d’amitié avec cette dernière. En revanche, le Cplc Houde a cessé de rencontrer la plaignante pour avoir des relations intimes avec elle. Ils ont cependant continué de communiquer entre eux. Ils se côtoyaient aussi pendant tout ce temps au travail. Pour lui, il n’y avait rien de surprenant que les choses se déroulent ainsi, car il avait indiqué à la plaignante, suite à son retour de la Roumanie, qu'étant donné qu'il était célibataire, il avait l’intention de se faire une blonde, et que lorsque cela arriverait, il cesserait sa relation avec elle.

 

[34]           C’est dans le contexte de cette relation entre la plaignante et le Cplc Houde, et plus particulièrement entre le mois d’août 2018 et le mois de juin 2019, que la poursuite allègue que l’accusé aurait commis une agression sexuelle à quatre moments différents, soit à deux reprises lorsqu’ils étaient déployés en Roumanie, et deux autres fois à la suite de leur retour au pays dans les environs de la BFC Bagotville.

 

Incidents

 

1er chef d’accusation

 

[35]           Concernant le premier chef d’accusation, la plaignante a décrit un événement impliquant un petit groupe de militaires, incluant elle-même et le Cplc Houde, qui se sont rendus à une plage en Roumanie durant leur temps libre au début de la mission, alors qu’ils étaient en devoir temporaire dans ce pays. Elle a fait la description d’un incident qui se serait produit sur la plage alors qu’elle était seule avec l’accusé.

 

[36]           Elle a affirmé s’être rendue à cette plage une seule fois. Elle considère s’y être rendue environ trois semaines après son arrivée en Roumanie à la fin du mois d’août 2018. Elle a acquiescé à une suggestion qui lui a été faite à l’effet qu’elle s’y était rendue avec l’accusé le 22 septembre 2018, soit la journée où une photo a été prise avec l’accusé et qui a été déposée comme Pièce 4 par l’avocat de l’accusé.

 

[37]           La plage était située sur le bord de la mer Noire et se trouvait à une quarantaine de minutes en voiture de leur Base.

 

[38]           Alors qu’elle était avec le petit groupe de militaire sur la plage, et peu après leur arrivée à cet endroit, elle et l’accusé ont décidé d’aller marcher ensemble sur la plage à l’écart des autres membres du groupe. Ils ont marché le long de la plage, et après avoir passé un mur rocailleux qui séparait physiquement la plage, ils ont remarqué que les gens qui étaient de l’autre côté de ce mur étaient, pour la plupart, totalement nus, ce qui les a amenés à conclure qu’il était dans un secteur où la plage était réservé au nudisme. À partir du moment où ils ont passé le mur rocailleux, ils se sont peut-être tenu la main en marchant, car ils ne pouvaient être vus des autres militaires qui étaient avec eux.

 

[39]           Ils sont passés près d’un couple. Les deux personnes étaient nues. L’homme était debout alors que la femme était à genoux et elle enduisait l’homme de crème solaire. La plaignante a indiqué qu’elle pouvait apercevoir clairement les parties génitales de l’homme. Lorsqu’elle a aperçu ces deux personnes, elle a dit à la Cour qu’elle a éprouvé une sorte de malaise.

 

[40]           Ils ont trouvé un endroit pour s’asseoir et elle aurait observé un homme qui était présent près de l’eau à environ soixante-quinze mètres de l’endroit où ils se trouvaient. L’homme était couché, probablement sur le côté et elle voyait son pénis.

 

[41]           Le Cplc Houde aurait alors enlevé ses shorts, se retrouvant entièrement nu, et il aurait commencé à inviter à plusieurs reprises la plaignante à enlever la partie supérieure de son bikini. Il l’aurait aussi abaissé à quelques reprises afin de sortir sa poitrine de son bikini et il aurait touché ses seins. Elle aurait protesté à chaque fois en replaçant ses seins dans le haut de son bikini.

 

[42]           Le haut de son bikini a été finalement retiré. Elle affirme qu’en raison de l’insistance du Cplc Houde, elle aurait renoncé à s’opposer à sa demande d’enlever le haut de son bikini, sachant qu’elle ne pourrait pas gagner contre lui. Elle ne se rappelle pas cependant si c’est elle ou lui qui l’a enlevé.

 

[43]           Il aurait alors pris l’une des mains de la plaignante et l’aurait mise sur son pénis. Elle a tenté de retirer sa main à quelques reprises tout en protestant jusqu’à ce qu’elle sente qu’elle ne pourrait pas gagner dans les circonstances. Le Cplc Houde aurait aussi mis sa propre main sur le bas du bikini de la plaignante. Il aurait placé sa main sous le bas de son bikini, sur son vagin. Elle lui aurait dit à plusieurs reprises qu’elle n’était pas confortable avec cette situation. Elle a senti qu’il avait une érection pendant qu’il remettait constamment sa main sur son pénis. Il lui aurait demandé de lui faire une fellation et de le masturber avec sa main, et elle a refusé.

 

[44]           Il aurait continué à l’inviter à le masturber et à lui faire une fellation, tout en la touchant, en lui disant que cela pouvait provoquer une excitation sexuelle chez l’homme qui était à une certaine distance, et aussi en lui affirmant comment elle devait se sentir excitée sexuellement en raison des circonstances. Le Cplc Houde lui aurait alors dit que l’homme qui était à une certaine distance pourrait être excité et venir les rejoindre pour participer à leurs ébats sexuels.

 

[45]           Finalement, au bout de quinze minutes environ, ils ont vu un autre couple qui marchait dans leur direction. Tout s’est arrêté et ils se sont rhabillés. Ils se sont levés et ils sont allés rejoindre ensemble le groupe de militaires.

 

[46]           La plaignante a dit à la Cour qu’elle a acquiescé aux demandes du Cplc Houde sur la plage uniquement afin de le garder heureux, car elle craignait les conséquences s’il ne l’était pas, incluant ce qui pourrait lui arriver professionnellement. Elle s’est sentie obligée de faire quelque chose qu’elle ne désirait pas faire. Elle pensait aussi que le Cplc Houde a tenté de tirer avantage de la situation à ses dépens. Elle a affirmé que le Cplc Houde n’acceptait pas un non de sa part comme une réponse finale.

 

[47]           Elle a dit qu’elle n’aimait pas être l’objet du regard des autres dans un tel contexte. Elle a d’ailleurs fait allusion à un événement de nature similaire qui se serait passé avec le Cplc Houde dans un véhicule où il l’aurait obligé à mettre sa main sur son pénis tout en décrivant ce qu’un passant penserait de la situation.

 

[48]           Elle aurait dit qu’elle était très timide lorsque de telles choses se produisaient en public et que cela la mettait mal à l’aise, ce qui expliquerait son refus de faire les choses de nature sexuelle qui lui étaient demandées par le Cplc Houde dans un tel contexte.

 

[49]           Le Cplc Houde a confirmé le parcours qu’il a suivi avec la plaignante et les personnes qu’ils ont rencontrées du moment où ils ont quitté le petit groupe de militaires à la plage pour faire une marche, jusqu’à leur retour.

 

[50]           Cependant, il a affirmé que la dynamique liée aux événements relatés par la plaignante et l’attitude de cette dernière étaient totalement différentes de ce qu’elle a rapporté à la Cour.

[51]           Lors de la rencontre du couple nu où une femme appliquait de la crème solaire sur un homme, la plaignante lui aurait dit qu’elle, « avait assez vu d’cul pis d’boules et qu’elle allait se gâter ».

 

[52]           Alors qu’ils marchaient sur la plage nudiste, la plaignante lui a dit d’enlever ses shorts et elle a retiré elle-même son haut de bikini et elle le lui a donné. Ils ont continué de marcher, puis ils se sont assis dans un endroit un peu en retrait. Il a placé ses shorts sur le sable et il s’est assis dessus. Elle s’est assise aussi et ils se sont mis à se caresser mutuellement. Ils se touchaient les parties intimes.

 

[53]           Il a remarqué l’homme nu qui était près de l’eau qui jetait un coup d’oeil vers eux de temps à autre. Il n’a fait aucun commentaire sur cet homme, et encore moins sur le fait d’avoir une relation sexuelle à trois avec lui. Pour lui, il était difficile même de concevoir d’avoir une relation sexuelle sur la plage avec la plaignante, car il ne savait pas si cela était permis. Il craignait d’aller à l’encontre d’une règle s’appliquant à cet endroit et il n’avait aucune intention de faire une telle chose.

 

[54]           Un couple marchait aussi sur la plage avec un enfant. Lorsque ce couple s’est retrouvé plus près d’eux, ils ont arrêté de se toucher et ils se sont cachés d’une certaine manière.

 

2e chef d’accusation

 

[55]           À propos du deuxième chef d’accusation, la plaignante a mentionné à la Cour qu’elle se trouvait toujours en Roumanie sur son lit dans sa chambre avec le Cplc Houde pour regarder un film sur son ordinateur situé sur sa table de chevet. Elle situe ce moment à peu près au mois de janvier 2019, car elle se trouvait dans une nouvelle chambre en raison d’un déménagement récent causé par un incident avec les militaires américaines qui demeuraient dans le même secteur que les militaires canadiennes.

 

[56]           Son lit était un lit de métal superposé. Elle était seule dans ce lit et elle occupait celui du bas. Il y avait une couverture étendue de haut en bas du côté opposé à la table de chevet. La couverture était placée sur le lit d’en haut et descendait entièrement jusqu’à celui d’en bas afin de lui donner toute l’intimité nécessaire pour la cacher, car elle partageait sa chambre avec deux autres militaires canadiennes. De son lit, elle ne pouvait pas voir ses cochambreuses et il en était de même pour ces dernières. Cependant, elle a confirmé que ses deux cochambreuses étaient présentes au moment de l’incident. Elle ne se rappelle pas ce qu’elles faisaient ou d’une conversation qu’elles auraient eue entre elles.

 

[57]           Elle était étendue sur son côté droit, avec sa tête reposant sur le bras de l’accusé qui se trouvait étendu derrière elle. Le Cplc Houde lui aurait dit qu’il désirait avoir une relation sexuelle avec elle, et plus précisément qu’il aimerait avoir « une p’tite vite ». Il lui a dit qu’elle n’avait rien craindre, car personne ne les entendrait. Il a tenté de baisser son pantalon et elle a refusé à plusieurs reprises en lui disant non. Elle faisait cependant attention de ne pas être entendue par ses cochambreuses. Elle s’est éloignée de lui en se déplaçant plus près du bord du lit. Il s’est rapproché d’elle et il s’est placé en cuillère derrière elle avec son bras autour d’elle. Elle s’est retrouvée sur le bord du lit.

 

[58]           Son pantalon a été baissé. Elle n’est pas certaine si c’est seulement lui qui l’a baissé ou si elle l’a aidé à le faire. Il a placé son pénis dans son vagin et il a éjaculé. Cela s’est fait rapidement, probablement moins d’une minute.

 

[59]           Elle dit qu’elle n’a rien fait, qu’elle l’a laissé faire. Elle ne sait pas pourquoi elle a réagi comme ça. Elle se sentait comme de la merde, comme n’ayant aucun contrôle sur son propre corps. Elle a essayé de ne pas faire de bruit en raison de la présence de ses cochambreuses. Elle se rappelle le bruit fait par le lit. Elle croit     que le Cplc Houde n’a émis aucun son lorsque cela s’est produit.

 

[60]           Lorsque le Cplc Houde s’est retiré, elle a remonté son pantalon et ils ont continué de regarder le film en question.

 

[61]           Le Cplc Houde a fermement et vigoureusement nié qu’une telle chose se soit produite. Il reconnaît que lui et la plaignante ont eu des relations sexuelles dans la chambre de cette dernière, mais jamais en présence de ses cochambreuses. Il a affirmé à la Cour qu’il était impossible pour eux de faire une telle chose sans se faire remarquer, étant donné le bruit que faisait le lit de métal à chacun de leur mouvement. Il admet qu’il est arrivé une fois qu’ils ont failli se faire prendre dans une telle situation, mais qu’il avait tout arrêté en raison de la présence d’une personne dans la chambre. Il a déclaré qu’il n’a jamais été insistant auprès de la plaignante en ce qui a trait à toute activité sexuelle qu’il a eue avec elle.

 

[62]           La plaignante a indiqué qu’elle a mis rapidement de côté ce qui s’est arrivé lors des incidents reliés au premier et au deuxième chef d’accusation. Elle explique sa réaction par le fait qu’elle était réellement en amour avec l’accusé et qu’elle ne se souciait pas de ce qui s’était passé, passant ainsi rapidement à autre chose.

 

3e chef d’accusation

 

[63]           En ce qui a trait au troisième chef d’accusation, la plaignante a décrit un incident avec le Cplc Houde qui se serait passé vers le mois d’avril 2019 dans la cuisine de la résidence de ce dernier. Elle s’est rendue chez lui durant le jour, avant qu’elle débute son travail à quinze heures. Elle se rendait chez lui avec l’intention de quitter cet endroit pour se rendre après directement sur la Base pour le travail.

 

[64]           Elle a fourni une version détaillée de la disposition des pièces et des meubles dans la maison du Cplc Houde et ce dernier a confirmé l’exactitude de cette description dans le cadre de son témoignage, incluant l’îlot dans la cuisine qui permettait d’avoir une vue à l’extérieur par la fenêtre du salon.

 

[65]           Elle dit que cette journée-là, avant de partir de sa résidence pour aller rejoindre le Cplc Houde chez lui, elle a eu une conversation au téléphone avec ce dernier. Elle lui a dit qu’elle ne voulait pas avoir d’activité sexuelle avec lui cette fois-ci, mais il lui a répété à au moins cinq reprises qu’ils en auraient une.

 

[66]           Elle est partie de sa résidence en véhicule et elle a continué à avoir une conversation avec le Cplc Houde au téléphone pendant qu’elle conduisait. Elle lui a fait part du fait qu’elle voulait le rencontrer, mais qu’elle ne voulait toujours pas avoir une activité sexuelle avec lui. Elle s’est même arrêtée dans le stationnement de l’aréna de la BFC Bagotville durant son trajet vers la résidence du Cplc Houde. Elle s’est arrêtée à cet endroit, car elle envisageait de retourner à son domicile s’il n’arrêtait pas de lui déclarer avec insistance qu’ils auraient une activité sexuelle. Une fois qu’elle a eu la certitude qu’il respecterait sa demande, elle s’est rendue à la résidence de l’accusé.

 

[67]           Elle a dit qu’après être entrée dans la maison du Cplc Houde, elle s’est arrêtée dans le vestibule. Le Cplc Houde s’est approché d’elle et il a baissé le pantalon de la plaignante. Il a posé la main sur son vagin et il a tenté de l’exciter. Elle lui a dit non, manifestant ainsi son refus d’avoir une relation sexuelle. Elle était sous le choc. Elle lui a rappelé ce qu’il lui avait promis quant au sexe durant leur conversation téléphonique avant d’arriver chez lui. Il a répondu en lui disant que ce serait juste un petit coup.

 

[68]           Il l’a alors amené dans la cuisine. Elle s’est retrouvée à avoir le haut de la partie avant de son corps penché et étendu sur le comptoir de l’îlot de la cuisine avec son pantalon au niveau des cuisses. Ils ont eu une relation sexuelle. Le Cplc Houde l’a pénétré par l’arrière en mettant son pénis dans son vagin.

 

[69]           Durant cette activité sexuelle, elle n’a pas bougé et elle n’a rien dit. Elle avait les larmes aux yeux. Elle se sentait en colère et était bouleversée parce qu’il lui avait dit qu’il n’y aurait pas d’activité sexuelle entre eux. Il a éjaculé. Elle ne se rappelle pas vraiment ce qui s’est passé par la suite.

 

[70]           Le Cplc Houde a affirmé à la Cour que l’événement décrit par la plaignante concernant le troisième chef d’accusation est une pure invention et que rien de tout cela ne s’est passé.

 

[71]           Il a décrit l’arrêt fait par la plaignante dans le stationnement de l’aréna de la BFC Bagotville comme un exemple démontrant que ce qu’elle a rapporté n’avait aucun sens et ne tenait pas debout. À son avis, cet endroit ne se trouve pas sur son chemin entre la résidence de la plaignante et la sienne. Il ne voit pas pourquoi elle aurait pu s’arrêter spécifiquement là, alors qu’il s’agit d’un détour important qu’elle aurait dû faire avant de se rendre chez lui.


 

4e chef d’accusation

 

[72]           La plaignante a décrit un incident avec le Cplc Houde qui se serait passé entre le moment de son retour au Canada en janvier 2019 et celui où le Cplc Houde a cessé de la fréquenter pour des fins sexuelles en juin 2019.

 

[73]           Alors que ses enfants étaient à l’école et que son mari était au travail, elle a dit que le Cplc Houde s’est rendu chez elle. Ils sont allés dans sa chambre et ils y ont eu une activité sexuelle.

 

[74]           Elle a mentionné que durant cette activité sexuelle qui se déroulait depuis un certain temps et dont elle retirait du plaisir, le Cplc Houde a mentionné qu’il aimerait avoir une relation sexuelle les impliquant tous les deux avec un troisième partenaire mâle un peu plus tard. Il a suggéré qu’il pourrait appeler l’homme en question immédiatement pendant qu’ils avaient une relation sexuelle. Elle a protesté en lui disant qu’elle voulait seulement qu’ils soient les deux seules personnes impliquées dans l’activité sexuelle, lui indiquant ainsi de ne pas faire cet appel. Il a répliqué en lui affirmant qu’il devrait quand même faire cet appel pour exciter cet homme sexuellement. Elle a continué de lui dire non à cette proposition de manière répétée.

 

[75]           L’accusé a pris son téléphone cellulaire et il a appelé l’homme. Il a mis son téléphone cellulaire sur le dispositif mains libres pour permettre à la personne de les entendre. La plaignante a remarqué que la personne à l’autre bout du fil parlait uniquement en français et qu’il avait une voix grave. Elle pense qu’elle a pu comprendre ce qu’ils se disaient, mais elle ne s’en souvient pas. Elle a conclu que la personne était un homme en raison de la voix, mais aussi parce qu’elle pense que le Cplc Houde lui aurait dit que la personne en question en était un.

 

[76]           Pendant que cela se passait, elle était couchée dans le lit sur le dos avec les jambes en l’air, alors que le Cplc Houde était placé sur elle, sur ses genoux, pénétrant son vagin avec son pénis dans un mouvement de va-et-vient. Il gémissait et faisait des bruits, selon elle, pour exciter la personne qui écoutait au téléphone.

 

[77]           Elle a cessé de bouger et d’émettre des sons. Le Cplc Houde a continué l’activité sexuelle et il est allé jusqu’à la fin en éjaculant en elle tout en parlant à cette troisième personne, puis il a raccroché.

 

[78]           Elle ne pensait à rien en particulier pendant que cet appel avait lieu. Elle voulait simplement que l’accusé en finisse. Elle se sentait comme morte, comme indifférente. Elle ne se rappelle pas comment les choses se sont déroulées par la suite.

 

[79]           Le Cplc Houde ni fermement que l’incident, tel que rapporté par la plaignante concernant le quatrième chef d’accusation, ait eu lieu. À son avis, la plaignante a amalgamé deux incidents différents pour inventer celui qu’elle a décidé de rapporter à la Cour.

 

[80]           Selon le Cplc Houde, il a eu une relation sexuelle avec une dénommée Sandra vers la fin du mois de mai 2019. Il l’a rencontrée sur un réseau social dédié à la rencontre de personnes pour des fins sexuelles. Il a avisé la plaignante du moment où Sandra viendrait chez lui pour y avoir une activité sexuelle. La plaignante lui aurait demandé de l’appeler durant leurs ébats sexuels pour lui permettre d’écouter.

 

[81]           Le Cplc Houde a donc appelé la plaignante sur son cellulaire alors qu’il avait une activité sexuelle avec Sandra et la plaignante a pu les écouter. La plaignante se rappelle cet événement.

 

[82]           L’autre situation se serait déroulée, toujours selon le Cplc Houde, chez la plaignante le lundi de Pâques en 2019. Il aurait contacté un homme sur un réseau social dédié à la rencontre de personnes pour des fins sexuelles afin d’avoir une activité sexuelle à trois avec la plaignante. C’est cette dernière qui en aurait fait la demande. L’homme en question, qui s’appellerait Simon, se serait rendu chez la plaignante, alors que le Cplc Houde était arrivé à cet endroit un peu auparavant, et ils auraient tous les trois participé à une activité sexuelle ensemble.

 

[83]           La plaignante nie que cela se soit déroulé à ce moment précis, car elle affirme avoir été avec son mari et ses enfants cette journée-là. Elle n’a pas été en mesure de reconnaître l’homme dont la photo lui a été montrée lors de son contre-interrogatoire, et elle ne se rappelle pas spécifiquement de cet événement. Elle nie avoir combiné ces deux histoires rapportées par l’accusé et maintient sa version des faits quant à l’incident qu’elle a rapporté concernant le quatrième chef d’accusation.

 

La plainte qui a conduit à l’enquête et aux accusations

 

[84]           La Cour comprend que le Cplc Houde a décidé de fréquenter plus sérieusement une personne qu’il a rencontré en juin 2019, soit N.T., ce qui a résulté dans les faits en une relation plus sérieuse. Tel qu’il l’avait indiqué à la plaignante à son retour de la Roumanie, il a alors cessé de la fréquenter pour des fins sexuelles à partir de ce moment-là.

 

[85]           Cependant, il a présenté la plaignante à sa nouvelle conjointe au tout début de cette nouvelle relation, et il appert que l’accusé, la plaignante et sa nouvelle conjointe ont eu une activité sexuelle ensemble. Ceci est arrivé à une seule reprise.

 

[86]           Le Cplc Houde et la plaignante continuaient de se fréquenter au travail et socialement de temps à autre. La plaignante s’est liée d’amitié avec N.T. et elles communiquaient par message texte à l’occasion. La plaignante est donc demeurée une amie du Cplc Houde et elle est devenue une amie du couple.

 

[87]           En décembre 2019 ou janvier 2020, le Cplc Houde avait demandé à la plaignante de lui rembourser la moitié du montant total des frais d’hôtels qu’il avait payés lorsqu’ils étaient tous les deux en Roumanie, en conformité avec la promesse qu’elle lui avait faite.

 

[88]           La plaignante a refusé de payer et le Cplc Houde l’a menacé de révéler à son conjoint la relation qu’ils ont eue à l’insu de ce dernier durant presque deux ans.

 

[89]           Durant la période des fêtes 2019-2020, le père du mari de la plaignante est décédé. La plaignante est donc allée avec les enfants dans sa famille en Ontario et son mari s’est rendu aux funérailles de son père dans l’ouest du pays. Les funérailles ont eu lieu le 9 janvier 2020.

 

[90]           Le même jour que les funérailles, le mari de la plaignante a reçu une demande sur Facebook de la part du Cplc Houde pour l’ajouter à ses contacts comme ami. Il a accepté cette demande. Il décide alors d’appeler la plaignante pour essayer de comprendre ce qui avait pu générer une telle action de la part du Cplc Houde.

 

[91]           Il a donc contacté la plaignante et elle lui a avoué que le Cplc Houde était la personne à qui elle avait fait référence dans une conversation antérieure au cours de l’année 2019 lorsqu’elle lui avait dit qu’elle le trompait avec quelqu’un d’autre.

 

[92]           Elle lui a aussi dit que le Cplc Houde l’avait menacé d’agir ainsi parce qu’il voulait continuer à avoir des activités sexuelles avec elle, ce qu’elle refusait de faire malgré le fait que leur relation pour des fins sexuelles avait cessé.

 

[93]           Le lendemain, 10 janvier 2020, le Cplc Houde a appelé le mari de la plaignante. Ce dernier a finalement parlé brièvement à l’accusé, mais ils n’ont pas discuté de la relation que le Cplc Houde aurait eue avec la plaignante. À la suite de cette conversation, le mari de la plaignante a alors bloqué le Cplc Houde sur Facebook.

 

[94]           Toujours le 10 janvier 2020, la plaignante s’est rendue à un détachement de la police militaire et elle a fait une plainte pour harcèlement à l’égard du Cplc Houde. Elle a fait une déclaration dans laquelle elle a relaté les faits concernant ce qui venait de se passer, mais n’a fait aucune allusion aux incidents à la base des accusations devant cette Cour.

 

[95]           Le 11 janvier 2020, la plaignante a tenté de trouver un moyen de dissuader l’accusé de cesser d’embêter son mari en contactant sa conjointe par message texte. Cette dernière ne voulait pas réellement s’en mêler, et elle a avisé la plaignante du risque que le Cplc Houde mette sa menace à exécution.

 

[96]           La conjointe du Cplc Houde, N.T., a avisé la plaignante par message texte que le Cplc Houde ne voulait plus lui parler et qu’elle devrait réfléchir à ce qu’il lui a demandé concernant le paiement des frais d’hôtels qu’il a assumé seul lors de leur séjour en Roumanie.

 

[97]           La plaignante lui a alors répliqué qu’il ne s’agissait pas uniquement d’une question de paiement, mais aussi d’un chantage qui avait pour but d’avoir une activité sexuelle avec elle et qu’elle refusait. Elle lui a dit qu’il la menaçait de montrer des photos d’elle à d’autres personnes. N.T. a été surprise d’apprendre que le Cplc Houde tentait toujours d’avoir une activité sexuelle avec la plaignante et elle a tenté d’en savoir plus. La plaignante a refusé de révéler quoi que ce soit d’autre, et N.T. a finalement mis fin à cette conversation par message texte.

 

[98]           Le 13 janvier 2020, le Cplc Houde a été arrêté par la police, puis remis en liberté à la condition de ne pas contacter la plaignante et son mari.

 

[99]           La plaignante a été de nouveau contactée par la police militaire et elle a fourni une nouvelle déclaration lors d’une rencontre le 24 février 2020. Lors de cette entrevue avec la police, en plus des faits concernant le harcèlement dont elle prétendait que son mari et elle avaient été l’objet de la part du Cplc Houde, elle a relaté pour la première fois des faits reliés au 1er et au 4e chef d’accusation devant la Cour. Cependant, elle a indiqué à la police qu’elle ne voulait pas donner suite à ces deux incidents.

 

[100]       Par une lettre datée du 6 mars 2020 provenant d’un représentant du Directeur des poursuites criminelles et pénales, la plaignante a été informée que le Cplc Houde a été accusé d’intimidation et de harcèlement d’une personne par des appels téléphoniques. Elle a contacté le Cplc Houde par message texte en lui indiquant que ce n’était pas cela qu’elle avait cherché à faire. Elle a expliqué plus tard dans un autre message texte adressé à l’accusé qu’elle sentait qu’il menaçait tout ce qui lui était précieux autour d’elle, et qu’elle avait décidé de prendre une action à l’époque pour simplement faire cesser cela.

 

[101]       Le dossier du Cplc Houde s’est finalement réglé au mois de mars ou avril 2020 par une ordonnance d’un tribunal à son égard en vertu de l’article 810 du Code criminel de respecter un engagement de ne pas troubler la paix publique, à certaines conditions, notamment de ne pas communiquer avec la plaignante. Cette dernière a reçu par courrier une copie de l’ordonnance. Lorsqu’elle en a pris connaissance, sa compréhension était que le Cplc Houde avait été reconnu coupable de harcèlement et qu’il ne pouvait plus contacter ni elle et son mari.

 

[102]       La plaignante est entrée en contact avec le Cplc Houde à la fin du mois d’avril 2020. Elle a pris l’initiative de l’aborder au travail et de lui parler. Ils ont aussi communiqué par message texte du mois d’avril jusqu’à la fin du mois de juillet 2020.

 

[103]       Au mois de juillet 2020, la plaignante a été contactée par la police militaire afin de savoir si elle refusait toujours de porter plainte contre le Cplc Houde concernant les incidents allégués d’agression sexuelle qu’elle avait rapportés dans sa déclaration du 24 février 2020.

 

[104]       Le 27 juillet 2020, la plaignante a communiqué par message texte une dernière fois avec le Cplc Houde, lui indiquant qu’elle n’avait pas voulu que les choses tournent ainsi entre eux. Elle lui a écrit qu’elle ne savait pas quoi faire.

 

[105]       La plaignante a alors entamé une réflexion sur la question qui lui a été posée par la police militaire. Il lui a été proposé de rencontrer une ex-conjointe du Cplc Houde, soit L.P., qui avait aussi l’intention de faire une plainte de la même nature que la sienne à l’égard du Cplc Houde. Elles ont communiqué par message texte le 29 juillet 2020 et elles se sont rencontrées le lendemain chez L.P., soit le 30 juillet 2020.

 

[106]       Le même jour, le 30 juillet 2020, la plaignante s’est rendue au détachement de la police militaire et elle a formellement porté plainte à l’égard du Cplc Houde concernant les incidents allégués dans les quatre chefs d’accusation devant cette cour martiale.

 

[107]       La police militaire a procédé à une première entrevue avec la plaignante sur l’ensemble de cette affaire le 10 août 2020, puis une deuxième fois le 16 octobre 2020.

 

[108]       Quatre chefs d’accusation pour des infractions d’ordre militaire, soit agression sexuelle contrairement à l’article 271 du Code criminel, ont été portés le 8 décembre 2020 par le Service national des enquêtes de la police militaire à l’égard du Cplc Houde.

 

[109]       Le Cplc Houde a confirmé que ses rapports se sont détériorés avec la plaignante après lui avoir annoncé qu’il cessait de la fréquenter en juin 2019 parce qu’il avait des projets à long terme avec N.T. Il a bien remarqué sa déception lorsqu’il lui a appris sa décision.

 

[110]       Il a confirmé qu’il avait exigé de la plaignante le remboursement de la moitié du total des frais qu’il avait déboursé en Roumanie pour les hôtels qu’ils ont fréquentés. Il a estimé qu’elle lui devait environ 600 dollars.

 

[111]       Il a aussi affirmé qu’il avait menacé de tout révéler au conjoint de la plaignante concernant la relation qu’ils avaient eu afin de se faire payer.

 

[112]       Il a confirmé que c’est la plaignante qui l’a contacté afin de lui parler alors qu’il ne pouvait communiquer avec elle à la suite de l’ordonnance de non-communication émise par un tribunal.

 

Le droit applicable

 

La présomption d’innocence et le doute raisonnable

 

[113]       Avant que la Cour n’expose son analyse juridique, il convient d’aborder certains principes fondamentaux de droit, tels que la présomption d’innocence, le fardeau et la norme de preuve hors de tout doute raisonnable qui est une norme inextricablement liée aux principes fondamentaux appliqués dans tous les procès pénaux, la question de crédibilité et de la fiabilité des témoignages, la notion de preuve et des éléments essentiels concernant les infractions dont fait l’objet le Cplc Houde. Si l’ensemble de ces principes sont évidemment bien connus des avocats, ils ne le sont peut-être pas des membres des Forces armées canadiennes et de toute autre personne qui ont assisté aux audiences de cette cour martiale, et ils méritent donc d’être réitérés afin de faciliter la compréhension de la décision rendue par cette Cour.

 

[114]       Le premier et le plus important des principes de droit applicables à toutes les causes découlant du code de discipline militaire et du Code criminel est la présomption d’innocence. À l’ouverture de son procès, le Cplc Houde est présumé innocent et cette présomption ne cesse de s’appliquer que si la poursuite a présenté une preuve qui convainc la Cour de sa culpabilité hors de tout doute raisonnable.

 

[115]       Deux règles découlent de la présomption d’innocence. La première est que la poursuite a le fardeau de prouver la culpabilité. La deuxième est que la culpabilité doit être prouvée hors de tout doute raisonnable. Ces règles sont liées à la présomption d’innocence et visent à assurer qu’aucune personne innocente ne soit condamnée.

 

[116]       Le fardeau de la preuve appartient à la poursuite et n’est jamais renversé. Le Cplc Houde n’a pas le fardeau de prouver qu’il est innocent. Il n’a pas à prouver quoi que ce soit.

 

[117]       Que signifie l’expression « hors de tout doute raisonnable »? Un doute raisonnable n’est pas un doute imaginaire ou frivole. Il n’est pas fondé sur un élan de sympathie ou un préjugé à l’égard d’une personne visée par les procédures. Au contraire, il est fondé sur la raison et le bon sens. Il découle logiquement de la preuve ou d’une absence de preuve.

 

[118]       Il est pratiquement impossible de prouver quoi que ce soit avec une certitude absolue, et la poursuite n’est pas tenue de le faire. Une telle norme serait impossible à satisfaire. Cependant, la norme de preuve hors de tout doute raisonnable s’apparente beaucoup plus à la certitude absolue qu’à la culpabilité probable. La Cour ne doit pas déclarer le Cplc Houde coupable à moins d’être sûre qu’il est coupable. Même si elle croit que le Cplc Houde est probablement coupable ou vraisemblablement coupable, cela n’est pas suffisant. Dans ces circonstances, la Cour doit accorder au Cplc Houde le bénéfice du doute et le déclarer non coupable parce que la poursuite n’a pas réussi à convaincre la Cour de sa culpabilité hors de tout doute raisonnable.

 

[119]       Il est important pour la Cour de se rappeler que l’exigence de preuve hors de tout doute raisonnable s’applique à chacun des éléments essentiels d’une infraction. Elle ne s’applique pas aux éléments de preuve de manière individuelle. La Cour doit décider, à la lumière de l’ensemble de la preuve, si la poursuite a prouvé la culpabilité du Cplc Houde hors de tout doute raisonnable.


 

La crédibilité et la fiabilité des témoignages

 

[120]       Le doute raisonnable s’applique à la question de la crédibilité. À l’égard de toute question, la Cour peut croire un témoin, ne pas le croire ou être incapable de décider. La Cour n’a pas besoin de croire ou de ne pas croire entièrement un témoin ou un groupe de témoins. Si la Cour a un doute raisonnable quant à la culpabilité du Cplc Houde en raison de la crédibilité des témoins, la Cour doit le déclarer non coupable.

 

[121]       Si la preuve, l’absence de preuve, la fiabilité ou la crédibilité d’un ou plusieurs témoins soulèvent dans l’esprit de la Cour un doute raisonnable sur la culpabilité du Cplc Houde quant au chef d’accusation, la Cour doit le déclarer non coupable de ce chef.

 

[122]       À cette étape-ci, il est peut-être bon de rappeler certains principes de base concernant la détermination de la crédibilité d’un témoin par la Cour, tels qu’énoncés par le juge Watt dans la décision de R. c. Clark, 2012 CACM 3, aux paragraphes 40 à 42 :

 

[40] Premièrement, les témoins ne sont pas « présumés dire la vérité ». Le juge des faits doit apprécier le témoignage de chaque témoin en tenant compte de tous les éléments de preuve produits durant l’instance, sans s’appuyer sur aucune présomption, sauf peut-être la présomption d’innocence : R. c. Thain, 2009 ONCA 223, 243 CCC (3d) 230, au paragraphe 32.

 

[41] Deuxièmement, le juge des faits n’est pas nécessairement tenu d’admettre le témoignage d’un témoin simplement parce qu’il n’a pas été contredit par le témoignage d’un autre témoin ou par un autre élément de preuve. Le juge des faits peut se fonder sur la raison, le sens commun et la rationalité pour rejeter tout élément de preuve non contredit : Aguilera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 507, au paragraphe 39; R.K.L. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 116, aux paragraphes 9 à 11.

 

[42] Troisièmement, comme on le demande régulièrement et nécessairement aux jurys dans les affaires civiles et pénales, le juge des faits peut accepter ou rejeter tout ou partie d’un témoignage versé au dossier. Autrement dit, l’appréciation de la crédibilité n’est pas dépourvue de nuances. On ne peut non plus déduire de la conclusion selon laquelle un témoin est crédible que son témoignage est fiable et encore moins qu’il permet à une partie de se décharger du fardeau de preuve sur une question précise ou dans son ensemble.

 

L’évaluation du témoignage de l’accusé

 

[123]       La Cour a entendu le Cplc Houde témoigner. Lorsqu’une personne accusée d’une infraction témoigne, la Cour doit évaluer son témoignage comme elle le ferait à l’égard de tout autre témoin, en suivant les directives mentionnées plus tôt au sujet de la crédibilité des témoins. La Cour peut accepter la preuve du Cplc Houde en totalité ou en partie ou l’écarter entièrement.

 

[124]       Évidemment, si la Cour croit le témoignage du Cplc Houde selon lequel il n’a pas commis les infractions reprochées, elle doit le déclarer non coupable.

 

[125]       Cependant, même si la Cour ne croit pas le témoignage du Cplc Houde, mais que son témoignage soulève néanmoins dans son esprit un doute raisonnable quant à un élément essentiel de l’infraction, elle doit le déclarer non coupable de cette infraction.

 

[126]       Si la Cour ne sait pas qui croire, elle a alors un doute raisonnable et elle doit déclarer le Cplc Houde non coupable.

 

[127]       Même si le témoignage du Cplc Houde ne soulève pas dans l’esprit de la Cour un doute raisonnable quant à un élément essentiel de l’infraction reprochée, si, après avoir examiné l’ensemble de la preuve, elle n’est pas convaincue hors de tout doute raisonnable de la culpabilité du Cplc Houde, elle doit l’acquitter.

 

[128]       La Cour ne doit examiner que la preuve qui lui est présentée dans la salle d’audience. Elle est constituée de témoignages et de pièces produites.

 

[129]       Les réponses d’un témoin aux questions qui lui sont posées font partie de la preuve. Les questions qui sont posées par les avocats ou la Cour, par contre, ne constituent pas de la preuve, à moins que le témoin ne soit d’accord avec ce qui est demandé. Seules les réponses constituent de la preuve.

 

Les éléments essentiels de l’accusation

 

[130]       Maintenant, qu’en est-il des différents éléments essentiels concernant l’accusation à être prouvée par la poursuite?

 

[131]       L’infraction d’agression sexuelle est une agression, au sens du paragraphe 265(1) du Code criminel, « qui est commise dans des circonstances de nature sexuelle, de manière à porter atteinte à l’intégrité sexuelle de la victime » (voir R. c. Chase, [1987] 2 R.C.S. 293, au paragraphe 11).

 

[132]       Dans l’arrêt R. c. Ewanchuk, [1999] 1 R.C.S. 330, au paragraphe 23, il a été établi que deux éléments doivent être prouvés, soit l’acte en question et l’intention de le commettre.

 

[133]       L’actus reus, soit la commission de l’acte, est considéré comme étant prouvé lorsqu’il a été démontré par la poursuite, hors de tout doute raisonnable, qu’il y a eu des attouchements, la nature sexuelle de ceux-ci et l’absence de consentement de la part de la victime.

 

[134]       Le consentement signifie l’accord volontaire de la plaignante à l’activité sexuelle en question. Le consentement doit avoir été donné à l’égard de chacun des actes qui ont eu lieu. Une plaignante n’a pas l’obligation d’exprimer son absence de consentement par des paroles ou son comportement.

 

[135]       La mens rea est l’intention de se livrer à des attouchements sur une personne, tout en sachant que celle-ci n’y consent pas, en raison de ses paroles ou de ses actes, ou encore en faisant montre d’insouciance ou d’aveuglement volontaire à l’égard de cette absence de consentement.

 

[136]       Ainsi, la poursuite doit prouver les éléments essentiels suivants hors de tout doute raisonnable :

 

a)                  que le Cplc Houde a touché la plaignante, directement ou indirectement;

 

b)                  que le Cplc Houde a touché la plaignante de manière intentionnelle;

 

c)                  que le Cplc Houde a touché la plaignante dans des circonstances de nature sexuelle ;

 

d)                  que la plaignante ne consentait pas à l’activité sexuelle en question;

 

e)                  que le Cplc Houde savait que la plaignante ne consentait pas à l’activité sexuelle en question;

 

La position des parties

 

La poursuite

 

[137]       La poursuite a indiqué que la dynamique encadrant la relation qui a existé entre le Cplc Houde et la plaignante lorsqu’ils se fréquentaient est très importante dans l’appréciation de la fiabilité et de la crédibilité des témoignages de ces derniers par la Cour.

 

[138]       Ainsi, selon la poursuite, les attentes du Cplc Houde qui étaient principalement de nature sexuelle à l’égard de la plaignante, et aussi parfois amicale, ont démontré que ce dernier cherchait à satisfaire d’abord ses propres attentes sur ce plan, corroborant ainsi les dire de la plaignante.

 

[139]       De plus, toujours selon le procureur de la poursuite, les sentiments amoureux de la plaignante envers l’accusé ont rendu probables le fait que le Cplc Houde ait su profiter de cette situation pour faire en sorte de faire des choses sur le plan sexuel avec la plaignante sans son consentement sans en avoir à subir les conséquences.

 

[140]       En réaction à ce qui est avancé par l’avocat du Cplc Houde, la poursuite a indiqué à la Cour que la manière de réagir d’une plaignante à une situation donnée n’est pas indicative du fait qu’elle est crédible ou non quant à son témoignage, et elle l’a invité à ne pas succomber à interpréter les réactions de la plaignante en fonction de certains mythes et stéréotypes.

 

[141]       Selon la poursuite, les réactions de l’accusé concernant le cheminement de la plainte démontrent son côté manipulateur auquel la plaignante a fait référence et elle invite la cour a rejeté le témoignage du Cplc Houde en raison de ce facteur, qui, combinés aux autres qu’elle a identifiés, rendent sa véracité et sa fiabilité plutôt faibles.

 

[142]       Quant à la plaignante, la poursuite est d’avis que son calme, et sa fermeté quant aux éléments de preuve dont elle se rappelle sont suffisants pour conclure à la crédibilité et la fiabilité de son témoignage.

 

[143]       La poursuite considère qu’elle a prouvé, hors de tout doute raisonnable, tous les éléments essentiels concernant les quatre chefs d’accusation et invite la Cour à conclure en ce sens.

 

Le Cplc Houde

 

[144]       Le Cplc Houde nie fermement que l’incident concernant le premier chef d’accusation se soit déroulé comme l’a rapporté la plaignante, et qu’au contraire, c’est elle qui a eu une attitude proactive quant à son désir d’expérimenter une activité sexuelle sur la plage.

 

[145]       Quant aux trois autres chefs d’accusation, il nie catégoriquement avoir fait quoi que ce soit qui lui est reproché. Selon lui, la plaignante a inventé et menti exagérément quant aux faits qu’elle a rapportés pour des buts qui lui sont propres : démontrer que son infidélité a été causée en grande partie par l’accusé afin de se justifier auprès de son conjoint et de son entourage pour éviter d’être blâmée; l’éclatement de sa famille; de rembourser à l’accusé une dette qu’elle a contractée auprès de lui en Roumanie dans le cadre de leur fréquentation; de s’enrichir en prétendant à l’existence de faits impliquant l’accusé et donnant lieu à une compensation monétaire; et finalement se venger en mettant en péril la réputation et la carrière de l’accusé.

 

[146]       Le Cplc Houde se base sur l’ensemble des messages textes et du témoignage de la plaignante, qui a eu une mémoire sélective, pour inviter la Cour à mettre en doute la crédibilité et la fiabilité de son récit, qui a été truffé d’invraisemblances.

 

[147]       En conséquence, il a demandé à la Cour de conclure à son acquittement sur les quatre chefs d’accusation.

 

Analyse

 

[148]       Tout d’abord, la Cour conclut que la poursuite s’est déchargée de son fardeau de preuve concernant l’identité à titre d’élément essentiel pour chacune des accusations. La plaignante a clairement identifié l’accusé en salle de cour et sur certaines photos déposées en preuve, et le Cplc Houde en a fait une admission durant le procès.

 

[149]       Concernant la date de chacune des accusations, la Cour constate que la poursuite a démontré que chaque accusation réfère à une période précise. Ainsi, il ne s’agit pas d’un fait crucial pour la défense et la défense n’a été induite en erreur par le moment précisé, tel que mentionné par la Cour d’appel de la cour martiale dans sa décision de R. c. Edwards, 2019 CACM 4, au paragraphe 17. En conséquence, la Cour considère qu’il ne s’agit pas d’un élément essentiel qui devait être prouvé par la poursuite pour chacun des chefs d’accusation.

 

[150]       La Cour aimerait d’abord aborder le témoignage de la plaignante. En effet, l’accusé à soulever qu’elle avait des raisons de mentir, et par conséquent, qu’elle a amplifié, exagéré et même inventé plusieurs détails concernant les incidents allégués au soutien des quatre accusations.

 

[151]       La plaignante a témoigné généralement de manière calme. Elle était parfois émotive, ce qui est tout à fait compréhensible étant donné la nature privée et très personnelle des sujets qui ont été abordés. Elle avait une bonne mémoire des faits et lorsqu’elle avait de la difficulté à se rappeler quelque chose, elle n’hésitait pas à en faire part. Lorsqu’elle ne comprenait pas bien une question, elle le mentionnait et s’assurait de bien la comprendre.

 

[152]       Son témoignage sur chacun des événements était cohérent. Elle s’est limitée à rapporter ce qu’elle a vu et entendu.

 

[153]       La Cour retient qu’après avoir eu une relation tumultueuse sur le plan émotif avec le Cplc Houde, elle a voulu d’abord protéger sa famille et ses proches en cherchant un moyen d’arrêter l’accusé de s’en prendre à eux. C’est ce qui a justifié d’abord la plainte initiale qu’elle a porté en janvier 2020. Le résultat en a été que sa famille n’a plus été importunée.

 

[154]       Elle ne cherchait pas non plus à rendre le Cplc Houde responsable de ces agissements avec ce dernier auprès de son mari. Ce dernier savait déjà qu’elle avait eu une relation extraconjugale et il avait fait un choix personnel à l’égard de cette situation. Il a décidé de demeurer avec elle et de la soutenir. Le fait de connaître l’identité exacte de la personne avec qui la plaignante avait eu une relation extraconjugale n’a pas eu d’impact additionnel sur son mari. La Cour croit le conjoint de la plaignante lorsqu’il affirme qu’il n’était pas animé par un sentiment particulier quant à la situation qu’il vivait avec la plaignante, et qu’il l’a laissée gérer seule la plainte qu’elle a portée à l’égard de l’accusé.

 

[155]       Il est évident qu’elle n’a jamais cherché à accuser à n’importe quel prix le Cplc Houde. Sa compréhension du processus judiciaire était qu’une fois qu’il serait arrêté et qu’une ordonnance de non-communication serait émise, l’affaire n’irait pas plus loin.

 

[156]       Le fait de porter plainte de manière officielle concernant des accusations sérieuses est un processus qui n’est pas évident. C’est ainsi que la plaignante a hésité et a même refusé que le processus de plainte aille plus loin au mois de février 2020. Ce n’est qu’après avoir été contacté quelques mois plus tard par un enquêteur, qu’elle a été amenée à réfléchir de nouveau sur la pertinence d’aller de l’avant avec sa plainte qui a mené aux accusations devant cette Cour.

 

[157]       Comme elle l’a expliqué à la Cour, les sentiments profonds qu’elle a éprouvés pour l’accusé ont beaucoup guidé ses actions. La preuve qui a été présentée concernant ses frustrations et son insistance auprès du Cplc Houde, autant durant leur relation intime qu’après celle-ci, reflète exactement la nature du lien qui existait entre ces deux personnes : elle désirait de la part du Cplc Houde une implication émotive beaucoup plus grande à son égard, alors que lui n’était pas intéressé à s’investir plus qu’il ne le fallait sur le plan émotif.

 

[158]       Cette ambivalence quant au comportement de la plaignante à l’égard de l’accusé après qu’elle a porté sa plainte initiale en janvier 2020 reflète son état d’esprit : d’une part, elle désirait qu’il laisse son entourage immédiat tranquille, et d’autre part, elle désirait qu’il demeure dans sa vie d’une certaine manière en raison des sentiments qu’elle éprouvait toujours pour lui. Ceci explique donc le fait d’obtenir une ordonnance de non-communication pour se protéger, mais contradictoirement de tenter de communiquer avec lui pour pouvoir savoir comment il se sentait.

 

[159]       La rencontre avec L.P. en juillet 2020 a été déterminante pour elle, car elle en est ressortie avec la conviction qu’aucune autre personne ne devrait subir ce qu’elle allègue avoir subi avec le Cplc Houde, et c’est ce qui l’a motivé principalement à porter plainte.

 

[160]       La Cour conclut donc qu’il n’existe aucune preuve voulant que la plaignante avait des raisons de mentir et d’exagérer le récit qu’elle a relaté à la Cour. Cela dit, la Cour tient à préciser que l’absence de motifs pour mentir et pour amplifier les détails de son témoignage n’ajoute rien à sa crédibilité.

 

[161]       Je vais maintenant me tourner vers l’analyse de chacun des chefs d’accusation.

 

[162]       À propos du premier chef d’accusation concernant l’incident allégué à la plage en Roumanie, la Cour n’a aucune raison de conclure que le Cplc Houde ne dit pas la vérité. Il est apparu sincère à la Cour et il s’est limité à rapporter ce qu’il avait vu et entendu. Il a fourni plusieurs détails concernant les circonstances dans lesquelles lui et la plaignante se sont rendus à la plage, et sur la manière dont se sont déroulées les choses avec la plaignante une fois qu’ils se sont retrouvés sur la plage du côté réservé au nudisme.

 

[163]       Le Cplc Houde a confirmé l’itinéraire qu’ils ont suivi sur la plage et les différentes personnes qu’ils y ont rencontrées. Il a relaté l’enthousiasme qu’a éprouvé la plaignante à pouvoir agir différemment dans ce contexte et son attitude proactive concernant les gestes à caractère sexuel. Selon lui, les gestes et paroles de la plaignante exprimaient clairement un consentement aux gestes à caractère sexuel qu’il lui a faits.

 

[164]       Le témoignage de la plaignante est aussi crédible et fiable concernant cet incident. Elle a témoigné de manière claire qu’elle a exprimé son refus catégorique au Cplc Houde de commettre les gestes à caractère sexuel qu’il lui a fait sur la plage et qu’elle l’a ultimement laissé faire simplement parce qu’elle n’avait pas d’autre choix que d’agir ainsi malgré son opposition.

 

[165]       Il est intéressant de noter que l’accusé et la plaignante ont tous les deux fait référence dans leur témoignage au fait d’être exposé publiquement comme un facteur à considérer dans leurs agissements sur la plage : pour la plaignante, cela prohibait presque tous les comportements de nature sexuelle possible, et pour l’accusé cela imposait certaines limites à ce qu’ils pouvaient faire ou non. Pour ces deux personnes, il semble qu’il s’agissait d’une expérience nouvelle et inusitée. En revanche, l’expérience qu’ils y ont vécue ensemble sur le plan des attouchements sexuels a été bien différente.

 

[166]       Il s'agit d'une situation où la Cour ne sait pas qui croire, car le récit de l'accusé et celui de la plaignante apparaissent comme étant crédibles et fiables, compte tenu de l'ensemble de la preuve concernant ce chef.

 

[167]       La Cour est certaine qu'il s'est passé quelque chose sur la plage de nature sexuelle entre la plaignante et le Cplc Houde. Cependant, la Cour a un doute raisonnable quant à savoir si l'accusé avait l'intention d'agresser la plaignante dans des circonstances de nature sexuelle sans son consentement. Le fardeau de prouver tous les éléments essentiels de l'infraction telle qu’alléguée dans le premier chef d'accusation incombe à la poursuite. La Cour conclut qu’elle n’a pas rempli son obligation et en conséquence, elle acquitte le Cplc Houde de ce chef.

 

[168]       Concernant le deuxième chef d’accusation qui s’est passé dans la chambre de la plaignante en Roumanie, l’accusé a admis s’être rendu à plusieurs reprises dans la chambre de la plaignante durant son séjour en Roumanie. Il a même mentionné qu’il a dormi à cet endroit, mais que les cochambreuses de la plaignante étaient toujours absentes quand cela arrivait. Il a témoigné qu’une fois, ils ont commencé à avoir une activité sexuelle, mais qu’ils ont dû arrêter, car ils ont failli se faire prendre. Il a fermement nié que l’activité sexuelle qui aurait eu lieu en présence des cochambreuses s’est produite. Il affirme qu’il n’a jamais insisté auprès de la plaignante pour avoir une relation sexuelle, et qu’il n’aurait jamais fait cela en raison du bruit qui aurait été fait par la structure métallique du lit superposé, ce qui aurait inévitablement permis aux cochambreuses d’entendre ce qui se passait. Selon lui, on y entendait tout parce que tout le monde était situé assez proche l’un de l’autre.

 

[169]       Le Cplc Houde a même cité comme témoin son ex-conjointe, madame Dallaire, et sa conjointe actuelle, afin de démontrer qu’il était une personne qui n’insistait pas pour avoir des activités sexuelles. Cependant, la preuve que l’accusé était une personne respectueuse à l’égard d’une ex-conjointe ou de sa conjointe actuelle dans le cadre d’une relation de couple ne constitue pas une preuve suffisante pour démontrer qu’il ne peut pas l’être avec une autre dans le cadre d’une relation différente. De plus, il est à noter que la nature de la relation avec une personne n’est pas indicative de celle qu’on peut avoir avec d’autres. Ainsi, la Cour ne peut généraliser le comportement du Cplc Houde sur la base de ces seuls témoignages.

 

[170]       La Cour doit déterminer si la poursuite a prouvé hors de tout doute raisonnable si le Cplc Houde a touché la plaignante directement ou indirectement. L’accusé nie avoir touché la plaignante dans des circonstances de nature sexuelle, et plus précisément alors que les cochambreuses étaient présentes dans la chambre de la plaignante. Sur ce point, la Cour n’a pas de raisons de conclure que le Cplc Houde ne dit pas la vérité. La Cour n’a pas identifié d’élément concernant l’ensemble du témoignage de l’accusé concernant cet élément essentiel de l’accusation qui lui permettrait de ne pas le croire. Son témoignage apparaît donc crédible et fiable dans son ensemble concernant ce chef d’accusation.

 

[171]       Le témoignage de la plaignante sur ce chef d’accusation est aussi crédible et fiable. Son récit est cohérent et elle a bien expliqué comment et dans quel contexte les gestes de nature sexuelle ont été commis par l’accusé en présence des cochambreuses.

 

[172]       La Cour se retrouve encore une fois dans une situation où elle ne sait pas qui croire concernant cet élément essentiel de l’accusation. La Cour conclut que la poursuite n’a pas rempli son obligation et en conséquence, elle acquitte le Cplc Houde de ce chef.

 

[173]       En ce qui a trait au troisième chef d’accusation concernant l’incident qui se serait produit chez le Cplc Houde, ce dernier a nié d’une manière générale et évasive que cela s’est produit. Il a déclaré que le fait que la plaignante se soit arrêté en route sur la BFC Bagotville alors qu’elle se dirigeait chez lui, et qu’elle lui parlait toujours de sa résidence et jamais sur son téléphone alors qu’elle conduisait, constituent des éléments qui démontreraient l’invraisemblance du récit qu’elle a rapporté à la Cour.

 

[174]       La Cour comprend que la résidence de la plaignante était située à l’ouest de la BFC Bagotville et que celle de l’accusé était située à l’est de celle-ci. La BFC Bagotville était donc située à peu près à mi-chemin entre les deux résidences. Pour effectuer son arrêt sur la BFC Bagotville lors du trajet de sa résidence à celle de l’accusé, la plaignante a dû quitter la route principale et faire un petit détour. Il est tout à fait possible de faire une telle chose. Qu’elle ait choisi de s’arrêter à un lieu qui lui est connu durant son trajet au lieu de s’arrêter sur le bord de la route comme suggéré par l’avocat de l’accusé, ne rend pas invraisemblable son récit.

 

[175]       Le fait de parler au téléphone sur la route au lieu de le faire de sa résidence ne constitue pas un élément pouvant rendre invraisemblable le récit de la plaignante. Le fait de déroger de ce qui est connu de quelqu’un n’a pas pour effet de rendre impossible ou invraisemblable un fait nécessairement.

 

[176]       Le déni très général de l’accusé qu’il n’a pas commis cette infraction n’est pas convaincant. Au contraire, plusieurs éléments de son témoignage confirment celui de la plaignante : la nature ami-amant de leur relation qui lui permettait d’avoir surtout des activités sexuelles avec la plaignante; que les activités sexuelles se passaient chez lui ou chez elle; que la plaignante était amoureuse de lui et qu’elle avait des attentes particulières quant à des projets de vie communs et à leur relation; que lorsqu’ils se voyaient, ce fût pour des relations sexuelles; et quand ils se parlaient, cela se faisait au téléphone ou par message texte.

 

[177]       La Cour en vient à la conclusion que le témoignage de l’accusé sur ce chef n’est ni crédible ni fiable. De plus, même après avoir déclaré qu’elle ne croyait pas le témoignage de l’accusé, la Cour conclut que dans ces circonstances, son témoignage ne soulève aucun doute raisonnable quant aux éléments essentiels de l’infraction.

 

[178]       Le témoignage de la plaignante, considéré dans son ensemble, est crédible et fiable. Elle a clairement établi les circonstances dans lesquelles l’accusé l’a touché intentionnellement dans des circonstances de nature sexuelle, qu’elle n’a jamais consenti de manière explicite à l’activité sexuelle qui a eu lieu, et que l’accusé savait pertinemment qu’elle n’y consentait pas, mais qu’il a décidé quand même d’agir dans ces circonstances.

 

[179]       La plaignante a fait comprendre ce jour-là au Cplc Houde qu’elle ne voulait pas avoir de relation sexuelle avec lui lorsqu’elle se rendrait chez lui, et il l’a accueilli en lui baissant son pantalon et en ayant une activité sexuelle sans son consentement.

 

[180]       En conséquence, considérant l’ensemble de la preuve, la Cour en vient à la conclusion que la poursuite a démontré hors de tout doute raisonnable tous les éléments essentiels de l’accusation, et trouve ainsi coupable le Cplc Houde d’agression sexuelle.

 

[181]       Finalement, le quatrième chef d’accusation à propos de l’incident qui se serait passé chez la plaignante. Encore une fois, le Cplc Houde a nié de manière générale et évasive qu’il a commis cette infraction. Il a soumis à la Cour deux situations : soit celle impliquant la plaignante qui a entendu l’activité sexuelle par téléphone entre une personne s’appelant Sandra et l’accusé au domicile de ce dernier, et celle impliquant Simon qui aurait eu une relation à trois avec l’accusé et la plaignante au domicile de cette dernière.

 

[182]       L’accusé suggère que la plaignante aurait fait un amalgame de ces deux situations pour inventer le récit qu’elle a fourni à la Cour au soutien du quatrième chef d’accusation.

 

[183]       Encore une fois, le déni général de l’accusé à l’effet qu’il n’a pas commis l’infraction n’est pas plus convaincant. Comme mentionné pour le troisième chef d’accusation, l’accusé a plutôt corroboré le témoignage de la plaignante à l’effet qu’elle et lui se voyaient pour des activités sexuelles qui se passaient à la résidence de l’un ou de l’autre.

 

[184]       Étonnement, il a même démontré qu’il soit possible qu’il utilise son téléphone durant ses ébats sexuels pour permettre à quelqu’un d’autre d’y assister, rendant ainsi encore plus plausible le témoignage de la plaignante sur les possibilités qu’une telle chose se produise.

 

[185]       La Cour en vient à la conclusion que le témoignage de l’accusé sur ce chef n’est ni crédible ni fiable. De plus, même après avoir déclaré qu’elle ne croyait pas le témoignage de l’accusé, la Cour conclut que dans ces circonstances, son témoignage ne soulève aucun doute raisonnable quant aux éléments essentiels de l’infraction.

 

[186]       Le témoignage de la plaignante concernant cet incident est jugé crédible et fiable par la Cour. Elle a spécifié que dans le cadre d’une relation sexuelle avec le Cplc Houde qui avait lieu chez elle avec son consentement, l’accusé a pris l’initiative de téléphoner à une autre personne et il a mis son cellulaire sur le dispositif mains libres pour lui permettre de les entendre. La plaignante a manifesté son opposition à ce que l’accusé agisse ainsi, mais il a continué malgré ses protestations. Elle a alors cessé de bouger et de participer à la relation sexuelle qui s’est poursuivie sans qu’elle y consente. Cplc Houde savait pertinemment que la plaignante ne voulait pas continuer l’activité sexuelle dans ces circonstances, mais il l’a quand même fait.

 

[187]       En conséquence, considérant l’ensemble de la preuve, la Cour en vient à la conclusion que la poursuite a démontré hors de tout doute raisonnable tous les éléments essentiels de l’accusation et trouve ainsi coupable le Cplc Houde d’agression sexuelle.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[188]       DÉCLARE le Cplc Houde non coupable du premier et deuxième chef d’accusation, soit une infraction punissable selon l’article 130 de la LDN, pour une agression sexuelle contrairement à l’article 271 du Code criminel.

 

[189]       DÉCLARE le Cplc Houde coupable du troisième et quatrième chef d’accusation, soit une infraction punissable selon l’article 130 de la LDN, pour une agression sexuelle contrairement à l’article 271 du Code criminel.


 

Avocats :

 

Le directeur des poursuites militaires, tel que représenté par la majore A. Dhillon

 

Me J.-M. Tremblay, représentant le service d’avocats de la défense, avocat du Cplc C. Houde

 

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