Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 15 janvier 2024

Endroit : Manège militaire de la Côte-des-Neiges, 4185 chemin Côte-des-Neiges, Montréal (QC)

Langue du procès : Français

Chefs d’accusation :

Chef d’accusation 1 : Art. 127 LDN, par négligence, a omis d’accomplir un acte relatif à un objet susceptible de constituer une menace pour la vie, acte qui a causé des blessures corporelles à une personne.
Chef d’accusation 2 : Art. 129 LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats :

VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Retiré. Chef d’accusation 2 : Coupable.
SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 1,200$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Michel, 2024 CM 5003

 

Date : 20240115

Dossier : 202328

 

Cour martiale permanente

 

Manège militaire de la Côte-des-Neiges

Montréal, (Québec) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté le Roi

 

- et -

 

Caporal C. Michel, contrevenant

 

 

En présence du : Capitaine de frégate C.J. Deschênes, J.M.


 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Oralement)

 

I. Introduction

 

[1]               Le caporal (Cpl) Michel a plaidé coupable à une accusation de négligence préjudiciable au bon ordre et à la discipline. L’acte d’accusation amendé allègue que le ou vers le 3 mars 2022, à la Garnison Valcartier, en exécutant le test de fonctionnement sur un M72, il a omis de vérifier que l’arme était chargée. La Cour a accepté et enregistré son plaidoyer de culpabilité sur le deuxième et seul chef porté au terme de l’article 129 de la Loi sur la défense nationale (LDN). Lors de l’audition sur sentence, les avocats des deux parties ont recommandé conjointement que la Cour impose une peine composée d’une réprimande et d’une amende de 1 200 $. La Cour doit maintenant déterminer, considérant les principes juridiques applicables, si la recommandation conjointe devrait être acceptée dans les circonstances.

 

II. La recommandation conjointe contrevient-elle à l’intérêt du public?

 

Faits considérés

 

[2]               Les faits relatifs à la perpétration de l’infraction sont révélés par le sommaire des circonstances lu par le procureur de la poursuite et déposé en preuve. À l’audition, le Cpl Michel a admis la véracité de ces faits. Le sommaire révèle les faits suivants :

 

« SOMMAIRE DES CIRCONSTANCES (ORFC 112.51(3))

 

1.                  En tout temps pertinent, le cpl Michel était membre de la Force de réserve, appartenant au 34e Bataillon des services.

 

2.                  Le cpl Michel est un technicien en armement.

 

3.                  Lors de la relâche scolaire de mars 2022, un exercice de la Force de réserve (Exercice FIGHTING WARRIOR) a eu lieu dans les secteurs d’entraînement de la garnison Valcartier. Le 3 mars 2022, la phase finale de l’exercice était un champ de tir avec munitions réelles. Cette phase de l’exercice se tenait sur le champ de tir Trois-Rivières dans les secteurs d’entraînement de Valcartier. L’exercice de tir réel était le point culminant de l’exercice.

 

4.                  Dans le cadre de l’exercice, le cpl Michel avait la tâche de charger les M72 d’entrainement avec les roquettes sous-calibres de 21mm, en appui au personnel du champ de tir.

 

5.                  La veille, le cpl Michel avait été informé de cette tâche et avait obtenu, à sa demande, une brève formation de la part du sergent technicien en armement du Centre d’Instruction de Valcartier, sur le test de fonctionnement du mécanisme de tir et sur le chargement, incluant comment ouvrir et fermer l’arme, comment armer et tirer et comment insérer une roquette dans le M72.

 

6.                  Le cpl Michel était un des deux membres assignés au point de munition, et le seul technicien en armement de l’exercice.

 

7.                  Les responsables du champ de tir ont demandé au cpl Michel de préparer les armes anti-char légères M72 avec le sous-calibre 21mm, en y insérant la munition de sous calibre.

 

8.                  Les M72 d’entrainement sous-calibres sont livrés dans une caisse qui peut en contenir jusqu’à 5. Dans la caisse de transport des M72, les munitions sous-calibres ne sont jamais préalablement insérées dans les M72 d’entrainement. Les munitions sous-calibres sont transportés dans des contenants séparés et emballés individuellement.

 

9.                  Pour d’abord préparer les M72 d’entrainement, le cpl Michel devait en prendre un de la caisse puis s’assurer qu’il était propre et sans corrosion. Il devait ouvrir l’arme en enlevant les couvercles des extrémités et en étirant l’arme jusqu’à la position ouverte. Il devait ensuite vérifier que l’arme était bien barrée en position ouverte et que les mires avant et arrière étaient bien déployées en position haute. Il devait ensuite inspecter l’intérieur de l’arme pour assurer qu’elle n'était pas armée. Il devait ensuite s’assurer du bon fonctionnement du levier de tir en tirant sur le mécanisme de sécurité et appuyant sur la détente.

 

10.              Le cpl Michel insérait par la suite la munition de sous-calibre dans le M72. Il refermait l’arme et remettait les couvercles des extrémités afin que les armes chargées puissent être transportés par les tireurs jusqu’aux positions de tir. Les armes chargées étaient placées sur une table, les unes à côté des autres, prêtes à être distribuées aux tireurs.

 

11.              Le point de munition était situé à quelques centaines de mètres des positions de tir ainsi que de l’endroit administratif où les troupes devaient recevoir le breffage de sécurité du champ de tir.

 

12.              Afin d’accélérer le processus de préparation du champ de tir, les responsables du champ de tir ont demandé au cpl Michel d’insérer les roquettes sous-calibres dans les M72 au point de munition.

 

13.              Le cpl Michel n’est pas la personne qui a décidé que cette tâche de charger les armes devait être effectuée au point de munition plutôt qu’aux positions de tir, tel que le dicte la doctrine.

 

14.              Le cpl Michel préparait une arme en vérifiant le bon fonctionnement du mécanisme de tir au meilleur de ses connaissances puis y insérait la munition, une arme à la fois, successivement.

 

15.              Alors que le cpl Michel avait débuté la tâche de préparer les M72 et d’y insérer la munition de sous-calibre, un adjudant-maître a ordonné au cpl Michel de déplacer le point de munition à un point de munition temporaire situé tout près de la zone administrative où les troupes étaient en attente de recevoir le breffage de sécurité.

 

16.              La raison du déplacement du point de munition était d’accélérer le processus de distribution de la munition. De cette façon, les troupes n’auraient pas à marcher des centaines de mètres jusqu’au point de munition pour ensuite revenir avec la munition jusqu’au diverses positions de tir. C’était déjà la fin de l’après-midi et le soleil, du début mars à Valcartier, commençait à baisser rapidement. Le champ de tir ne pouvait pas avoir lieu à la noirceur. Des VIP (personnalités d’importances) étaient sur place afin de visionner le champ de tir et ceux-ci ne pourraient rien observer si le champ de tir devait être arrêté en raison de la noirceur.

 

17.              Lorsqu’il a reçu l’ordre de déplacer la munition, le cpl Michel avait seulement préparé et chargé deux M72.

 

18.              Le cpl Michel a remis les M72 chargés dans la caisse de plastique et placé les caisses dans son MRT, un Dodge RAM 2500 (CFR 21797).

 

19.              A l’intérieur de la caisse, le cpl Michel a placé les M72 chargés dans le sens opposé des M72 non chargés, dans le but de les différencier.

 

20.              Lorsqu’il arrive au point de munition qu’on lui désigne près de la zone administrative, le cpl Michel retire la caisse du camion et tente de continuer sa tâche de préparer les M72, ce qui inclut la vérification du fonctionnement du mécanisme de tir et l’insertion des munitions de sous calibre, une à la fois.

 

21.              L’endroit désigné pour le point de munition temporaire n’était pas sécuritaire et était beaucoup trop près de la zone administrative.

 

22.              Le cpl Michel n’est pas la personne qui a décidé de l’endroit du point de munition temporaire.

 

23.              Au point de munition temporaire, lors de la préparation du premier M72 d’entrainement, le cpl Michel s’est trompé et a pris un M72 d’entrainement dans lequel il avait déjà inséré une roquette sous-calibre.

 

24.              Le cpl Michel a visé vers le secteur le plus sécuritaire possible lorsqu’il a effectué la préparation de l’arme, mais dû à son inexpérience avec les armes sans recul, il a négligé de vérifier la zone de souffle arrière.

 

25.              Lorsque le cpl Michel a vérifié le mécanisme de tir, incluant la détente, la roquette sous-calibre a été tirée.

 

26.              Au même moment, une trentaine de participants au champ de tir se tenaient dans la zone administrative afin d’y recevoir un breffage de sécurité. Les participants avaient reçu la directive de retirer leurs protèges tympans et leurs casques protecteur afin d’entendre correctement le breffage de sécurité.

 

27.              Le projectile de la roquette sous-calibre a été propulsé dans une zone jugé sécuritaire par le cpl Michel et aucun dommage n’a été causé par le projectile. Le souffle arrière a causé des blessures, notamment des commotions cérébrales, une coupure à la bouche, des dommages aux tympans, et des acouphènes à des membres situés dans la zone administrative.

 

28.              Le Cpl Michel savait qu’il n’avait pas l’autorité de tirer un M72 lorsqu’il a actionné l’arme.

 

29.              Le Cpl Michel savait qu’en aucun temps doit-on tirer une arme à partir du point de munition. Le tir ce fait uniquement à partir du pas de tir désigné.

 

30. Le Cpl Michel a été négligent dans sa manipulation de l’arme anti-char légère M72. »

 

[3]               La poursuite a aussi précisé que bien qu’il n’avait pas reçu la formation de technicien sur le maniement d’une arme M72 avant la commission de l’infraction, le Cpl Michel avait reçu un breffage expliquant la manière dont cette arme est chargée de façon sécuritaire.

 

Déclarations des victimes et du commandant

 

[4]               Dans le cadre de sa preuve, le procureur de la poursuite a déposé les déclarations de deux victimes ainsi qu’une lettre brève du commandant de l’unité. La première déclaration est celle de la Cpl Vasseur. La Cpl Vasseur est adjointe médicale et participait à l’exercice de tir. L’incident lui a causé des blessures mineures à l’oreille gauche, blessures qui n’ont pas laissé de lésions permanentes. L’incident a aussi ébranlé ses convictions professionnelles. En effet, en tant qu’adjointe médicale, elle a été interpellée afin de prodiguer des soins lors de l’incident, mais s’est fait reprocher de ne pas réagir assez rapidement. Quant au caporal-chef Di Paolo qui était aussi présent, il a écrit qu’il a perdu l’ouïe à court terme à la suite de la décharge de l’arme, mais que le tout s’est amélioré à ce titre. Cependant, il a eu occasionnellement des bourdonnements dans les oreilles qui l’ont empêché de dormir, particulièrement à l’oreille gauche. De plus, à la suite de l’événement, il a vécu une certaine inquiétude lorsqu’il allait aux champs de tir, mais le tout est maintenant rentré dans l’ordre.

 

[5]               Lieutenant-colonel Gosselin, commandant du 34e Bataillon des services du Canada, a écrit que l’inconduite du contrevenant a eu pour effet « le bris de confiance des membres ».

 

II. La recommandation, constituée d’une réprimande et d’une amende de 1 200 $, est-elle contraire à l’intérêt public?

 

Principes applicables aux recommandations conjointes

 

[6]               Ayant considéré la preuve de la poursuite, je dois maintenant me tourner vers les principes applicables lors de la détermination de la peine, en particulier dans le contexte d’une recommandation conjointe. Lorsqu’une recommandation conjointe est présentée à la Cour, cette dernière doit appliquer le test de l’intérêt public promulgué par la Cour suprême du Canada (CSC) dans l’arrêt R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43. Ce test est à l’effet que le juge à qui on présente la recommandation ne peut s’en écarter, à moins que la peine proposée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit, par ailleurs, contraire à l’intérêt public. Par conséquent, le juge présidant est fort restreint dans l’exercice de sa discrétion aux fins de détermination de la peine.

 

[7]               Plusieurs considérations d’intérêt public appuient l’imposition d’une peine conjointement recommandée. En effet, dans ces cas, la poursuite accepte de recommander une peine que l’accusé est disposé à accepter, minimisant ainsi le stress et les frais liés aux procès. De plus, pour ceux qui éprouvent des remords sincères, un plaidoyer de culpabilité offre une occasion aux contrevenants de commencer à reconnaître leurs torts. De surcroît, les recommandations conjointes offrent une certitude relative quant à la peine qui sera imposée suivant un plaidoyer de culpabilité.

 

[8]               Cela étant, lors de la considération de la peine recommandée, le juge présidant le procès ne doit pas faire fi des objectifs disciplinaires du code de discipline militaire pour autant. Tel que reconnu par la CSC, la raison d’être d’un tribunal militaire est entre autres de permettre aux Forces armées canadiennes (FAC) de s’occuper des questions qui touchent directement le maintien de la discipline, l’efficacité et le moral des troupes. La sentence est la seule occasion pour la Cour de traiter publiquement des besoins disciplinaires générés par la conduite du contrevenant.

 

[9]               La détermination de la peine dans le cadre d’un procès en cour martiale comporte donc un aspect disciplinaire important. Même lorsqu’il s’agit de déterminer la peine dans le contexte d’une recommandation conjointe, le juge militaire doit s’assurer, au minimum, que les faits pertinents à la situation du contrevenant et à la perpétration de l’infraction soient considérés, et expliqués dans les motifs relatifs à la sentence.

 

[10]           À cet égard, en plus de la preuve, la Cour a considéré les plaidoiries des avocats au soutien de leur recommandation conjointe sur la peine ainsi que de précédents en semblable matière devant des cours martiales. Je suis d’avis que dans le contexte d’une soumission conjointe des procureurs, ces représentations, ainsi que la preuve, me permettent d’être suffisamment informée pour prendre en considération et appliquer les objectifs et les principes de la détermination de la peine appropriés à l’infraction et à la situation du contrevenant.

 

La situation du contrevenant

 

[11]           Sur ce point, j’ai examiné la situation personnelle du contrevenant. Le Cpl Michel a vingt-trois ans. Il a une conjointe de fait et n’a aucune personne à charge. Il s’est enrôlé le 12 septembre 2019 et a été promu caporal le 12 septembre 2021. Ses dossiers militaires sont succincts vu sa carrière militaire qui débute.

 

[12]           Par ailleurs, le Cpl Michel a brièvement témoigné, précisant qu’il sert présentement en classe C dans le cadre de la montée en puissance pour un déploiement au soutien de l’Opération REASSURANCE en Lettonie, déploiement prévu de juin à décembre 2024. Il a exprimé le souhait de vouloir revenir servir au sein de son unité après son déploiement. Il a aussi expliqué le contexte dans lequel l’infraction a été commise. Lorsqu’on lui a offert la tâche de charger les armes lors de l’exercice, il a communiqué au lieutenant qu’il acceptait la tâche en spécifiant ne pas avoir reçu la formation pertinente relative à cette arme. À la demande du Cpl Michel, un technicien d’armement de la cellule d’instruction lui a donné un breffage sur le chargement de l’arme. Le Cpl Michel était alors confiant de pouvoir manier l’arme en toute sécurité. Il a aussi témoigné s’être fait demander s’il avait des inquiétudes à déménager les armes et munitions au point de munition avant l’exécution de cette tâche, et il a répondu qu’il n’en avait aucune. Par contre, il a aussi témoigné avoir ressenti une certaine pression de l’adjudant-maître qui le guidait pour garer le véhicule qu’il conduisait et qui contenait les armes et munitions.

 

[13]           La Cour n’a malheureusement pas reçu plus de détails concernant la situation personnelle du Cpl Michel. Il est malheureux que la défense ait choisi de ne pas fournir de preuve additionnelle qui aurait pu permettre à la Cour de mieux connaître la situation du contrevenant, telle son occupation ou expérience de travail dans la vie civile.

 

Facteurs aggravants

 

[14]           La Cour considère comme aggravant, dans les circonstances de cette affaire, le fait que le contrevenant occupait le métier de technicien d’armement, mais note que sa formation n’était pas complète. Aussi aggravant est que quatre personnes ont subies des blessures.

 

Facteurs atténuants

 

[15]           Me tournant maintenant vers les facteurs atténuants, la Cour a considéré:

 

a)                  le plaidoyer de culpabilité à la première occasion, un signal clair que le Cpl Michel accepte la responsabilité de ses gestes. Ces procédures judiciaires auraient pu être beaucoup plus longue et élaborées considérant qu’une cour martiale générale avait été initialement convoquée pour juger l’affaire;

 

b)                  le fait qu’il n’a aucun antécédent judiciaire ni infraction disciplinaire à son dossier militaire;

 

c)                  son parcours satisfaisant au sein des FAC, principalement en soutien aux opérations des FAC;

 

d)                  son jeune âge et les perspectives favorables de réhabilitation;

 

e)                  sa responsabilité réduite car, considérant la preuve présentée par les deux parties, il semble que ceux qui avaient la responsabilité de diriger l’exercice au champ de tir et d’assurer la sécurité du déroulement des activités de tirs ont failli à leurs tâches, tant dans l’exécution des tâches reliées à la sécurité du champ de tir, que dans leur rôle de supérieur à l’égard du Cpl Michel. En effet, il y a eu, selon la preuve soumise, une série d’actes négligents qui constituaient des entorses sérieuses aux règles de sécurité applicables. En particulier :

 

                                            i.                        dans la caisse de transport des M72, les munitions sous-calibres ne doivent pas être préalablement insérées dans les M72 d’entraînement. Les munitions sous-calibres doivent être transportées dans des contenants séparés et emballées individuellement. Or, les responsables du champ de tir ont demandé au Cpl Michel de préparer les armes anti-char légères M72 avec le sous-calibre 21mm, en y insérant la munition de sous calibre. Les armes ne pouvaient donc plus être transportées par véhicule une fois les munitions sous-calibres insérées dans l’arme,

 

                                          ii.                        les responsables du champ de tir ont aussi demandé au Cpl Michel d’insérer les roquettes sous-calibres dans les M72 au point de munition. Selon la doctrine, cette arme doit être chargée au point de tir,

 

                                        iii.                        un adjudant-maître a ordonné au Cpl Michel de déplacer le point de munition à un point de munition temporaire situé tout près de la zone administrative où les troupes étaient en attente de recevoir le breffage de sécurité, créant une situation dangereuse pour ceux et celles qui recevaient leur breffage au moment même où le Cpl Michel chargeait les M72;

 

En d’autres termes, on lui a demandé d’accomplir une tâche dangereuse de manière dangereuse, contrevenant aux règles de sécurité applicables; on a ultimement jeté le Cpl Michel dans la gueule du loup. Il est surprenant en l’occurrence qu’il n’y ait pas eu de blessures plus graves. L’incident était tout-à-fait évitable.

 

[16]           La conduite du Cpl Michel, tant avant qu’après la commission de l’infraction, était sans reproche. Il a divulgué ne pas être qualifié sur cette arme lorsqu’on lui a assigné cette tâche. De son propre chef, il a sollicité une formation consistant en un breffage sur le test de fonctionnement du mécanisme de tir et sur le chargement de l’arme. De plus, à la suite de l’incident en question, il a signalé son intention de plaider coupable très tôt dans le processus judiciaire. Le plaidoyer de culpabilité lui permet de tourner la page rapidement afin de pouvoir se concentrer sur la préparation à son déploiement.

 

Harmonisation des peines

 

[17]           En plus de considérer ces facteurs, je dois également m’assurer que la peine proposée soit conciliable avec les peines imposées dans le passé à des contrevenants dans les situations similaires à la sienne, pour des infractions similaires. Dans ce contexte, le procureur de la poursuite a référé, au cours de sa plaidoirie, aux causes de R. c. Elliott, 2010 CM 3019, R c Patterson, 2011 CM 4028, R c Scagnetti, 2011 CM 4030, R. c. Thibault, 2010 CM 3022 et R. v. Haire, 2018 CM 2015.

 

[18]           Bien que les faits de chaque dossier soient différents, ces décisions jurisprudentielles ont une certaine utilité pour la détermination du caractère raisonnable de la recommandation conjointe des avocats. En effet, ces précédents révèlent que la recommandation conjointe est dans l’éventail des peines imposées dans le passé pour des gestes similaires.

 

Objectifs devant être privilégiés dans cette affaire

 

[19]           Je suis venu à conclure que, dans les circonstances de la présente affaire, l’imposition de la sentence devrait cibler des objectifs de dénonciation et de dissuasion générale. Or, la sentence imposée ne devrait pas compromettre l’objectif de réhabilitation du contrevenant, qui est selon moi en partie atteint par son plaidoyer.

 

Évaluation de la recommandation conjointe

 

[20]           Pour apprécier le caractère acceptable de la recommandation conjointe, la Cour a tenu compte de la gravité objective de l’infraction qui, tel que prévu à l’article 129 de la LDN, est passible au maximum d’une destitution ignominieuse du service de Sa Majesté.

 

[21]           Aux fins de décider si une recommandation conjointe déconsidérerait l’administration de la justice ou serait contraire à l’intérêt public, je dois me demander si elle correspond si peu aux attentes des personnes raisonnables et instruites des circonstances de l’affaire que ces dernières estimeraient qu’elle fait échec au bon fonctionnement du système de justice pénale.

 

[22]           Je suis d’avis qu’une personne raisonnable et renseignée sur les circonstances de ce dossier s’attendrait à ce qu’un contrevenant admettant sa culpabilité à une telle accusation soit sanctionné par une peine proportionnelle à l’écart de comportement sanctionné et qui a un impact réel sur le contrevenant, en considérant les circonstances qui lui sont propres, ici les circonstances d’un réserviste plaidant coupable d’une infraction ayant causé des lésions mineures. Je suis d’avis que la peine proposée est une peine cohérente avec ces attentes.

 

III. Conclusion

 

[23]           En considérant la nature de l’infraction, les circonstances dans lesquelles elle a été commise, les principes d’imposition de la peine, et les facteurs aggravants et atténuants mentionnés précédemment, je ne suis pas en mesure de conclure que la sentence recommandée conjointement par les avocats est déraisonnable ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice. Je vais donc accepter de l’entériner.

 

[24]           Il est dommage, dans les circonstances, qu’un soldat de la trempe du Cpl Michel qui semble posséder les qualités voulues pour le service, doive comparaître devant moi pour répondre de cette accusation. Malgré tout, son cheminement professionnel ne devrait pas en être affecté.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[25]           DÉCLARE le Cpl Michel coupable d’une infraction d’acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline aux termes de l’article 129 de la LDN.

 

[26]           CONDAMNE le Cpl Michel à une réprimande et une amende de 1 200 $. L’amende sera payable à raison de 200 $ par mois pour une période de six mois.


Avocats :

 

Le directeur des poursuites militaires, tel que représenté par le major B. Richard

 

Major É. Carrier, Service d’avocats de la défense, avocat du caporal C. Michel

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