Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 1 décembre 2014.

Endroit : Centre Asticou, bloc 2600, pièce 2601, salle d’audience, 241 boulevard de la Cité-des-Jeunes, Gatineau (QC).

Chefs d’accusation :

• Chef d’accusation 1 (subsidiaire au chef d’accusation 2) : Art. 83 LDN, a désobéi à un ordre légitime d’un supérieur.
• Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 83 LDN, a désobéi à un ordre légitime d’un supérieur.
• Chef d’accusation 3 : Art. 85 LDN, s’est conduit d’une façon méprisante à l’endroit d’un supérieur.
• Chef d’accusation 4 : Art. 90 LDN, s’est absenté sans permission.

Résultats :

• VERDICTS : Chefs d'accusation 1, 2 : Retirés. Chefs d'accusation 3, 4 : Coupable.
• SENTENCE : Un blâme et une amende au montant de $100.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Bertuzzi, 2014 CM 1027

 

Date : 21041201

Dossier : 201429

 

Cour martial permanente

 

Salle d’audience du Centre Asticou

Gatineau (Québec), Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et –

 

Ex-Sapeur T.J. Bertuzzi, contrevenant

 

 

 

En présence du Colonel M. Dutil, J.M.C.

 


 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

MOTIFS DE LA SENTENCE

(Prononcés de vive voix)

[1]               L’ex-sapeur Bertuzzi a plaidé coupable à un chef d’accusation d’acte d’insubordination au titre de l’article 85 de la Loi sur la défense nationale (la Loi), et à un chef d’accusation d’absence sans permission au titre de l’article 90 de la Loi. Les avocats de la poursuite et de la défense ont présenté une recommandation conjointe au sujet de la sentence. Ils recommandent à la Cour d’imposer un blâme accompagné d’une amende de 100 $. La Cour n’est pas liée par cette recommandation conjointe, mais elle ne peut pas la rejeter, sauf si elle est inappropriée, contraire à l’intérêt public ou de nature à déconsidérer l’administration de la justice militaire.

[2]               Le sommaire des circonstances entourant la perpétration des infractions, déposé sous la pièce 7, est libellé en ces termes :

[traduction]

« Le sommaire des circonstances est reproduit tel qu’il est présenté dans la pièce 7 »

1.         Au moment où les événements se sont produits, le sapeur Bertuzzi était membre du 5e Régiment du génie de combat (5 RGC), à Valcartier.

2.                  Vers 11 h 15, le 4 février 2014, le caporal Johnston travaillait sur le système de purification d’eau par osmose inverse (SPEOI) avec le sergent Fillion et le sergent Mikhail. À un certain moment, le sergent Fillion a envoyé le caporal Johnston chercher le sapeur Bertuzzi pour qu’il puisse l’aider à récupérer un réservoir et l’apporter au secteur du SPEOI.

3.                  Le caporal Johnston s’est dirigé vers le secteur de la troupe des ressources, a vu le sapeur Bertuzzi qui était assis dans l’aire de bureau et a demandé son aide. Le sapeur Bertuzzi a répondu que c’était presque l’heure du dîner et qu’il ne voulait pas l’aider.

4.                  Le caporal Johnston a répondu que le réservoir serait rempli pendant l’heure du dîner et qu’il fallait donc aller le chercher maintenant. Il est alors parti pour aller prendre un chariot afin de transporter le réservoir. À son retour, le sapeur Bertuzzi n’avait pas encore bougé. Le caporal Johnston a donc répété que la tâche devait être effectuée maintenant.

5.                  Le sapeur Bertuzzi a marmonné une réponse, et le caporal Johnston s’est éloigné pour faire d’autres préparatifs en vue de descendre le réservoir des chevrons. Lorsqu’il est retourné pour la troisième fois, le sapeur Bertuzzi était encore assis. Le caporal Johnston lui a donc répété qu’il devait l’aider.

6.                  Le sapeur Bertuzzi a commencé à jurer contre le caporal Johnston, le traitant de trou de cul. Le caporal Johnston a remarqué que le sapeur Bertuzzi avait l’air malade et lui a donc répondu que, s’il était malade, il devrait aller à la salle d’examen médical, et que, s’il se présentait au travail, il devait être prêt à travailler. Le sapeur Bertuzzi est parti, et le caporal Johnston a demandé au caporal Morasse de l’aider, ce qu’il a fait volontiers.

7.                  Alors que le caporal Johnston transportait le réservoir au secteur du SPEOI, il a vu le sapeur Bertuzzi près de la cantine, et le sapeur Bertuzzi a de nouveau commencé à crier contre lui. Le caporal Johnston l’a ignoré et a continué de marcher vers le secteur du SPEOI. Le caporal Johnston s’est alors occupé du réservoir avec le sergent Fillion et le sergent Mikhail.

8.                  Peu après, le sapeur Bertuzzi s’est rendu au secteur du SPEOI. Il s’est approché du caporal Johnston de façon menaçante tout en lui criant « maudit trou de cul, tu me traites de paresseux, tu me cherches ». Le sapeur Bertuzzi avait les poings fermés et se dirigeait vers le caporal Johnston, qui a alors cru que le sapeur Bertuzzi allait le frapper.

9.                  Le sergent Fillion était aussi certain que le sapeur Bertuzzi allait frapper le caporal Johnston. Il est donc intervenu et a essayé de calmer le sapeur Bertuzzi. Après quelques essais infructueux, le sapeur Bertuzzi a finalement commencé à se calmer. Le sergent Fillion l’a emmené en dehors du secteur et l’a conduit au bureau du sergent St‑Germain afin qu’il puisse se calmer. Il a alors demandé au sapeur Bertuzzi de lui expliquer ce qui s’était passé selon lui.

10.              Le sapeur Bertuzzi a expliqué qu’il détestait le caporal Johnston et que tout ce qui venait de se produire était la faute du caporal Johnston. Il a dit que tout le monde lui disait quoi faire et que personne ne le laissait tranquille. Il a déclaré qu’il était allé à l’hôpital le matin même et qu’on ne lui avait donné que des pilules inutiles. Il a aussi déclaré qu’il n’avait pas bien dormi la nuit précédente et que cela expliquait en partie les événements qui s’étaient produits au cours de la matinée. Il a parlé quelques fois d’idées suicidaires au cours de la conversation, mais il a dit qu’il n’avait pas l’intention de passer de la parole aux actes. Il pensait que tout le monde serait mieux sans lui et que le suicide était la seule façon pour lui d’éviter d’avoir d’autres accès de colère.

11.              Suivant cette conversation, le sergent St-Germain est resté avec le sapeur Bertuzzi pendant que le sergent Fillion informait sa chaîne de commandement. Une rencontre a été organisée avec une infirmière au centre de soins de santé de Valcartier, à 13 h 15, le jour même. Le sergent Fillion et le capitaine Turzanski ont accompagné le sapeur Bertuzzi à cette rencontre. Le personnel médical a alors pris en charge le sapeur Bertuzzi.

12.              Le sapeur Bertuzzi était de retour au travail le 5 février 2014.

13.              Vers 15 h 50, le 5 février 2014, l’adjudant Rose a rencontré tous les membres de la troupe des ressources, y compris le sapeur Bertuzzi. Il a expliqué qu’il y aurait beaucoup de travail à faire au cours des prochains jours, étant donné qu’ils étaient de retour d’exercice, et il a confirmé l’endroit où les membres devaient être et le moment auquel ils devaient y être. Il a dit que tout le monde devait être prêt à travailler au plus tard à 7 h 30 le 6 février 2014. Il s’agit de l’horaire habituel du Régiment quand il est en garnison.

14.              Le 6 février 2014, à 7 h 30, le sergent Fillion et le sergent Simard ont remarqué que le sapeur Bertuzzi était absent. Le sergent Simard a appelé le sapeur Bertuzzi sur son téléphone cellulaire, mais n’a reçu qu’une réponse automatique du fournisseur de service téléphonique. Puis, à 7 h 48, il a envoyé un message texte au sapeur Bertuzzi. À 8 h 15, le sapeur Bertuzzi a appelé le sergent Fillion. Il lui a dit qu’il venait juste de se lever et qu’il était en route vers le Régiment.

[3]               Les avocats ont fourni à la Cour une soumission conjointe des faits (pièce 8), qui est libellée ainsi :

            [traduction]

« La soumission conjointe des faits est reproduite telle qu’elle est présentée dans la pièce 8 »

1.                  Avant les événements dont il est question dans le sommaire des circonstances, le sapeur Bertuzzi a consulté des professionnels de la santé à plusieurs reprises, sur la base et à l’extérieur de la base, et ils communiquaient avec lui en anglais. Le sapeur Bertuzzi a refusé de suivre la thérapie de groupe parce qu’elle était seulement offerte en français.

2.                  Le 2 février 2014, le sapeur Bertuzzi a reçu les restrictions médicales en matière d’emploi suivantes : « Besoin d’un suivi médical plus souvent qu’aux 6 mois. Inapte au travail en milieu opérationnel. Pas d’utilisation arme ou explosif. »

3.                  Le 14 juillet 2014, le sapeur Bertuzzi a comparu devant la cour municipale pour répondre à des accusations. Il a plaidé coupable à un chef d’accusation de méfait au titre de l’alinéa 430(1)a) du Code criminel, pour des événements ayant eu lieu le 8 juin 2013. Il a aussi plaidé coupable à un chef d’accusation de possession et d’utilisation d’une carte de crédit au titre de l’alinéa 342(1)c) du Code criminel, pour des événements ayant eu lieu le 19 août 2013. Il a reçu une absolution inconditionnelle pour les deux accusations.

4.                  Le 22 août 2014, le sapeur Bertuzzi a été libéré des Forces armées canadiennes pour le motif 5f) – Inapte à continuer son service militaire. Il réside actuellement à Sudbury, en Ontario.

5.                  Le sapeur Bertuzzi a été admis au programme de techniques électriques, au Collège Cambrian, dont les cours commenceront en janvier 2015, au campus Barrydowne, à Sudbury.

[4]               Le contrevenant a aussi témoigné que, depuis sa libération des Forces armées canadiennes, il avait emménagé chez sa mère, à Sudbury, en Ontario. Il commencera une formation en techniques électriques en janvier 2015 et il s’est déjà engagé à dépenser plusieurs milliers de dollars à cet égard. Il s’attend à suivre sa formation au cours des deux prochaines années. Il touche actuellement des prestations d’assurance‑emploi, et ce, depuis le mois dernier. Il paye aussi une part importante des dépenses de sa mère, qui ne gagne qu’un faible revenu.

[5]               Pour la détermination de la sentence d’un contrevenant aux termes du Code de discipline militaire, une cour martiale devrait tenir compte des principes et des objectifs appropriés en matière de détermination de la sentence, notamment de ceux qui sont énoncés aux articles 718.1 et 718.2 du Code criminel. Le prononcé des sentences en cour martiale a pour objectif essentiel de contribuer au respect de la loi et au maintien de la discipline militaire par l’infliction de sanctions qui visent généralement un ou plusieurs des objectifs suivants :

a)                  la protection du public, y compris des Forces canadiennes;

 

b)                  la dénonciation du comportement illégal;

 

c)                  l’effet dissuasif de la sanction, non seulement sur le contrevenant, mais aussi sur d’autres qui pourraient être tentés de commettre des infractions semblables;

 

d)                 enfin, l’amendement et la réadaptation du contrevenant.

[6]               La sentence doit aussi tenir compte des principes suivants. Elle doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction, à la réputation du contrevenant et à son degré de responsabilité. Elle doit être semblable à celles infligées à des contrevenants pour des infractions semblables dans des circonstances semblables. La cour doit également respecter le principe selon lequel le contrevenant ne devrait pas être privé de liberté si des sanctions moins contraignantes peuvent se justifier dans les circonstances. Enfin, la sentence devrait être, ou sera, augmentée ou allégée en fonction des circonstances aggravantes ou atténuantes liées à l’infraction ou au contrevenant. Cependant, la cour doit toujours faire preuve de retenue au moment de déterminer la sentence, de façon à ce que la ou les sanctions imposées correspondent au minimum requis pour le maintien de la discipline. En l’espèce, la sentence doit viser les objectifs de dénonciation, ainsi que de dissuasion. Le jeune âge de l’accusé et le fait qu’il a depuis été libéré des Forces armées canadiennes font en sorte qu’il n’est pas nécessaire que la sentence vise la dissuasion spécifique.

[7]               Les circonstances aggravantes dans la présente affaire sont les suivantes :

a)                  les nombreuses déclarations de culpabilité antérieures pour des types d’infractions semblables en moins de quatre ans. Le contrevenant a aussi un casier judiciaire;

 

b)                  les circonstances entourant la perpétration des infractions.

[8]               Les circonstances atténuantes sont les suivantes :

a)                  L’ex-sapeur Bertuzzi a accepté l’entière responsabilité de sa conduite en plaidant coupable;

 

b)                  depuis sa libération des Forces armées canadiennes, il a pris des mesures concrètes pour entamer une nouvelle carrière. Le fait qu’il se soit engagé à dépenser des sommes considérables donne à penser qu’il a sérieusement l’intention d’aller de l’avant dans sa démarche de contribution à la société canadienne;

 

c)                  enfin, la situation financière du contrevenant depuis sa libération des Forces armées canadiennes.

[9]               Je conclus que la sentence proposée est la sentence minimale dans les circonstances. Elle répond adéquatement aux objectifs visés, soit la dénonciation, la dissuasion générale et la réadaptation.

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

[10]           DÉCLARE le contrevenant, l’ex-sapeur Bertuzzi, coupable d’un chef d’accusation d’acte d’insubordination au titre de l’article 85 de la Loi sur la défense nationale, et d’un chef d’accusation d’absence sans permission au titre de l’article 90 de la Loi.

ET

[11]           CONDAMNE le contrevenant, l’ex-sapeur Bertuzzi, à un blâme et à une amende de 100 $.

 

 

Avocats :

 

Major P. Doucet, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Major E. Thomas, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat de l’ex-sapeur T.J. Bertuzzi

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