Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 15 novembre 2005.
Endroit : BFC Kingston, édifice Signalman Gray, E-37, 20 avenue Red Patch, Kingston (ON).
Chefs d’accusation:
• Chef d’accusation 1 : Art. 130 LDN, production (art. 7 LRCDAS).
• Chefs d’accusation 2, 3 : Art. 130 LDN, possession de substances (art. 4(1) LRCDAS).
• Chefs d’accusation 4, 5, 6 : Art. 130 LDN, possession non autorisée d’armes prohibées (art. 91(2) C. cr.).
Résultats:
• VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2, 3 : Non coupable. Chef d’accusation 4, 5, 6 : Coupable.
• SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 750$.

Contenu de la décision

Référence : R. c. Lex-Soldat C.M. Grenier, 2005 CM 44

 

Dossier : S200544

 

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CANADA

ONTARIO

BASE DES FORCES CANADIENNES KINGSTON

 

 

 

Date : Le 28 novembre 2006

 

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL J-G PERRON, J.M.

 

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

Lex-Soldat C.M. GRENIER

(Accusé)

 

 

 

SENTENCE

(Prononcée de vive voix)

 

 

 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

[1]                    M. Grenier, la cour ayant accepté et enregistré votre plaidoyer de culpabilité aux chefs daccusation 4, 5 et 6, vous déclare maintenant coupable de ceux-ci.

 

[2]                    Le sommaire des circonstances, dont vous avez officiellement reconnu les faits en tant que preuve concluante de votre culpabilité, éclaire la présente cour quant au contexte dans lequel vous avez commis linfraction. Votre témoignage est également venu apporter dautres éléments de preuve qui ont permis au tribunal de déterminer la peine appropriée dans la présente affaire.

 


[3]                    Au Canada, les principes de détermination de la peine, qui sont dailleurs les mêmes devant une cour martiale et devant un tribunal civil de juridiction criminelle, ont été énoncés de différentes manières. En général, ils sappuient sur le besoin de protéger le public, ce qui, bien sûr, comprend en lespèce les Forces canadiennes.

 

[4]                    Les  principes fondamentaux sont la dissuasion, qui comprend aussi bien leffet dissuasif produit sur la personne visée, que leffet dissuasif général, produit sur toute personne qui pourrait être tentée de commettre une infraction du même genre. Ces principes comprennent également le principe de la dénonciation du comportement illégal, et, le dernier mais non le moindre, le principe de lamendement et de la réinsertion sociale du délinquant. Il revient au tribunal de déterminer si la protection de la collectivité serait mieux servie par la dissuasion, par la réinsertion sociale, par la dénonciation ou par une combinaison de ces principes.

 

[5]                    Le tribunal a également tenu compte de l’orientation suggérée, et il s’agit bien d’une suggestion car elle n’a aucun effet contraignant sur le tribunal pour les fins de la détermination de la peine, par les articles 718 à 718.2  du Code criminel du Canada. Ces principes sont les suivants : dénoncer le comportement illégal, dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions, isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société, favoriser la réinsertion sociale des délinquants, assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité, et susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité.

 

[6]                    En infligeant une peine, la cour doit suivre les directives de larticle 112.48 des ORFC qui lui impose de tenir compte de toutes les conséquences indirectes de sa décision ou de la peine quil prononce, et dinfliger au contrevenant une sentence proportionnée à la gravité de son infraction et à ses antécédents.

 

[7]                    La cour a également tenu compte du principe voulant que les peines infligées aux contrevenants qui commettent des infractions similaires dans des circonstances comparables ne soient pas disproportionnées. Le tribunal a également le devoir dinfliger la peine la plus clémente compatible avec le maintien de la discipline dans les rangs.

 

[8]                    Le tribunal doit aussi garder à lesprit que le but ultime de la peine est le rétablissement de la discipline chez le délinquant et dans les rangs des Forces armées. La discipline est cette qualité que tout membre des FC doit avoir pour laider à placer les intérêts du Canada et des Forces canadiennes devant tout intérêt personnel. Ce besoin existe parce que les membres des Forces canadiennes doivent obéir rapidement et sans se faire prier aux ordres légitimes même si ceux-ci peuvent avoir des conséquences dévastatrices sur le plan personnel.

 


[9]                    La décision rendue par la Cour dappel de la cour martiale dans laffaire R. c. Dixon, 2005, CACM-477, offre à ce tribunal quelques orientations pour la détermination dune peine appropriée. Bien que cette affaire traite de pornographie juvénile, les principes de détermination de la peine quelle contient sappliquent également à tout type de procédure disciplinaire. Au paragraphe 33 de sa décision dans laffaire Dixon, la Cour dappel de la cour martiale déclare :

 

Dans laffaire Woroby, le tribunal avait décidé dinfliger, parmi les peines possibles, une amende élevée dans le but de dénoncer et de dissuader le comportement reproché. En appel, les juges de la Cour dappel du Manitoba, des juges dexpérience, ont examiné les principes applicables pour déterminer lamende quil convient dimposer pour ce type dinfraction. La Cour dappel a dit que, comme le prévoit larticle 718.1 du Code, la : « peine est proportionnelle à la gravité de linfraction et au degré de responsabilité du délinquant ». Elle a ensuite mentionné lalinéa 718.2b) qui prévoit : « lharmonisation des peines, cest‑à‑dire linfliction de peines semblables à celles infligées à des délinquants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables ». Autrement dit, la Cour dappel a réitéré les principes de parité, dégalité et de justice fondamentale en matière de détermination de la peine.

 

 

[10]                  La Cour dappel de la Cour martiale ajoutait ensuite que :

 

 Je mempresse dajouter que le contexte militaire peut, dans certaines circonstances, justifier et, à loccasion, exiger une peine qui favorisera latteinte des objectifs militaires. 

 

[11]                  La poursuite et votre avocat conviennent tous deux que votre sentence devrait inclure une peine constituée dune réprimande et dune amende. Ils ne sentendent pas sur le montant de lamende, ni sur le prononcé, conformément à larticle 147.1 de la Loi sur la défense nationale, dune ordonnance vous interdisant davoir des armes à feu en votre possession. La poursuite recommande une amende se situant entre 800 $ et 1 200 $, tandis que la défense recommande une amende de 500 $. La poursuite demande à la cour de prononcer une ordonnance vous interdisant davoir des armes à feu en votre possession, mais votre avocat sy oppose.

 

Circonstances atténuantes

 


[12]                  Comme la souligné le procureur de la poursuite, votre plaidoyer de culpabilité a grandement simplifié linstance si on tient compte du fait quun des témoins se trouve en Turquie. Vous avez également reconnu à la police être le propriétaire de ces armes. Il sagit en outre de votre première infraction, dans la mesure où la date de votre infraction précède toute autre inscription sur votre fiche de conduite. Le tribunal prend également en considération votre mention élogieuse du VCEMD que vous avez obtenue pour vos actions à la Station Alert des FC en mai 2003. Vous étiez en déploiement à la Station Alert des FC davril à octobre 2003. Il semblerait que vous ayez joué un rôle déterminant dans la maîtrise dun incendie important qui sest déclaré à la centrale électrique de la Station Alert des FC. Selon le capitaine Milne, vous auriez sauvé une vie à cette occasion.

 

Circonstances aggravantes

 

[13]                  Vous avez indiqué dans votre témoignage que vous étiez en possession de certaines de ces armes depuis 1996. Vous auriez plus précisément reçu dun de vos oncles, mort en 1996, un « coup-de-poing américain » et un couteau pliant à cran darrêt. Vous vous seriez procuré lautre « coup-de-poing américain » par lentremise deBay en 2001, et vous lauriez échangé à un soldat américain de Thule, au Groenland, contre un couteau à cran darrêt, ou stylet. Sans doute cela sest-il produit en 2003, lorsque vous vous rendiez à Alert ou que vous en reveniez.

 

[14]                  La jurisprudence que mont présentée le procureur de la poursuite et votre avocat est dune certaine utilité dans la détermination de la peine quil convient de vous infliger. Elle semble indiquer que la possession dun « coup-de-poing américain » est moins grave que la possession dun couteau prohibé. Le tribunal note que vous avez été déclaré coupable davoir été en possession de « coups-de-poing américains »et de deux types de couteaux prohibés.

 

[15]                  Au cours de votre interrogatoire principal, vous avez déclaré quil nest pas possible dacheter un couteau pliant à cran darrêt au Canada ni de le porter, et que vous aviez dû le laisser à la maison, [TRADUCTION] « comme le prévoit la loi pour tous les autres couteaux ». Le « couteau réglementaire de lOTAN », un couteau à cran darrêt ou un stylet, comme vous lavez précisé, a été découvert dans votre voiture. Selon vos explications, vous lauriez apporté pour le montrer à vos amis dans les baraquements sur la base. Cela veut donc dire que vous avez très consciemment pris ce couteau à votre résidence et que vous vous êtes rendu sur la base pour le montrer à vos amis. En conséquence, les actes faits en 2004 ne reflètent pas ce que vous avez dit avoir compris à cette époque de la loi applicable aux couteaux.

 

[16]                  Votre décision en 2005 de vous soustraire aux présentes procédures et les contradictions dans vos explications sur votre retard à laudition daujourdhui en cour martiale démontrent au tribunal que vous navez pas beaucoup de respect pour les instances judiciaires et pour la loi.

 


[17]                  Le tribunal estime que la peine quil doit infliger doit incorporer le principe de la dissuasion spécifique, parce vos gestes de 2004 et de 2005 indiquent quil faut vous infliger une peine qui constituera une dénonciation de votre comportement illégal et qui vous dissuadera de répéter ce genre dinfraction à lavenir.

 

[18]                  Le tribunal est également davis que la peine quil est appelé à prononcer doit aussi mettre laccent sur la dénonciation et la dissuasion générales. Les membres des Forces canadiennes, et plus particulièrement ceux qui étaient présents lorsque vous avez exhibé votre couteau dans les baraquements et qui ont entendu les histoires sur cette arme prohibée doivent comprendre que la possession darmes prohibées ne peut être tolérée. La discipline dans les Forces canadiennes constitue la principale préoccupation de notre système de justice militaire.

 

[19]                  Bien que la possession darmes ou de munitions ne soit pas un droit, la poursuite na pas fourni au tribunal de preuve démontrant quil est souhaitable pour la sécurité de quiconque de rendre une ordonnance vous interdisant davoir en votre possession des armes à feu, arbalètes, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions, munitions prohibées et substances explosives, ou lun ou plusieurs de ces objets. Rien ne prouve que, dans le passé, vous ayez jamais utilisé ces armes prohibées à une fin quelconque et elles ne sont associées à aucune autre infraction. En conséquence, le tribunal ne prononcera pas lordonnance dinterdiction demandée. 

 

[20]                  M. Grenier, veuillez vous lever sil vous plaît. Après avoir pris en compte les circonstances atténuantes de la présente affaire, plus particulièrement vos actions à la Station Alert qui vous ont valu une mention élogieuse du VCEMD ainsi que le fait quil sagit de votre première infraction, et les circonstances aggravantes décrites précédemment, la cour vous condamne à une réprimande et à une amende de 750 $. Cette amende sera payable par mensualités de 75 $ chacune, à compter du 1er janvier 2007.

 

[21]                  Ceci met fin à linstance de la présente cour martiale engagée contre lex-Soldat Grenier.

 

 

 

                                                               LE LIEUTENANT-COLONEL J-G PERRON, J.M.

 

Avocats :

 

Le Major B.J.A McMahon, Direction des poursuites militaires, Ottawa

Procureur de Sa Majesté la Reine

Le Major A.M. Tamburro, Procureur militaire régional, Région du Centre

Procureur de Sa Majesté la Reine

Le Major J.-B. Cloutier, Direction des poursuites militaires, Ottawa


Procureur de Sa Majesté la Reine

Le Major C.E. Thomas, Direction du service davocats de la défense

Avocat de lex-Soldat Grenier

Le Major A. Appolloni, Direction du service davocats de la défense

Avocat de lex-Soldat Grenier

 

 

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