Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 9 novembre 2009

Endroit : BFC Borden, QG DERN, 15 allée Cyprus, Édifice T-127, Borden (ON)

Chefs d'accusation
•Chefs d'accusation 1, 2 : Art. 130 LDN, agression sexuelle (art. 271 C. cr).
•Chef d'accusation 3 : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats
•VERDICTS : Chef d'accusation 1 : Coupable de l'infraction moindre et incluse de voies de fait. Chef d'accusation 2: Non coupable. Chef d'accusation 3 : Coupable.
•SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 2000$.

Contenu de la décision

Référence : R. c. Caporal-chef J.G. Blois, 2009 CM 2018

 

Dossier :  200928

 

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CANADA

ONTARIO

BASE DES FORCES CANADIENNES BORDEN

 

Date : Le 9 novembre 2009

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, J.M.

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

LE CAPORAL-CHEF J.G. BLOIS

(contrevenant)

 

SENTENCE

(prononcée de vive voix)

 

 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

[1]       Caporal-chef Blois, après avoir accepté et inscrit vos plaidoyers de culpabilité, d’abord au premier chef d’accusation, relatif à l’infraction connexe et moins grave de voies de fait simples, puis au troisième chef d’accusation, soit celui de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline, la Cour vous déclare coupable de voies de fait et de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

 

[2]       Il m’incombe maintenant de fixer et de prononcer votre sentence. Pour ce faire, j’ai pris en considération les principes de détermination de la peine qu’appliquent les tribunaux pénaux ordinaires du Canada et les cours martiales. J’ai également examiné les faits de l’espèce, tels qu’ils sont décrits dans l’exposé des circonstances déposé comme pièce 3, les autres documents soumis au cours de la présente instance, ainsi que les observations des avocats de la poursuite et de la défense.

 


[3]          Les principes de détermination de la peine guident la cour dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de fixer une sentence appropriée et adaptée à l’espèce. La sentence doit être en gros proportionnée à la gravité de l’infraction, ainsi qu’au degré de responsabilité et au caractère du contrevenant. La cour est guidée par les sentences qu’ont prononcées d’autres tribunaux dans des affaires antérieures analogues, non qu’elle se croie tenue d’imiter servilement les précédents, mais parce que notre sens commun de la justice veut que les affaires semblables soient réglées de manière semblable. Néanmoins, la cour tient compte aux fins de la fixation de la sentence des nombreux facteurs qui distinguent l’affaire particulière portée devant elle, qu’il s’agisse des circonstances aggravantes qui peuvent commander une sanction plus sévère ou des circonstances atténuantes qui peuvent appeler une réduction de la peine.

 

[4]        Les buts et objectifs de la détermination de la peine ont été exprimés de diverses façons dans de nombreuses affaires antérieures. En général, ils se rapportent à la protection de la société, laquelle comprend bien sûr les Forces canadiennes; il s’agit dans ce contexte de contribuer au développement et au maintien d’une société juste, paisible, sûre et respectueuse des lois. Chose importante, dans le cadre des Forces canadiennes, ces objectifs comprennent le maintien de la discipline, cette habitude d’obéissance qui est si nécessaire à l’efficacité d’une armée. Les buts et objectifs de la détermination des peines comprennent aussi la dissuasion individuelle – la sentence doit décourager le délinquant de récidiver – et la dissuasion générale – elle doit décourager les autres de suivre son exemple. Parmi les autres buts, citons la réinsertion sociale du délinquant, le développement de son sens des responsabilités et la dénonciation du comportement illégal. Un ou plusieurs de ces buts et objectifs prédomineront inévitablement dans la détermination d’une sentence juste et appropriée à l’espèce, mais il ne faudrait pas oublier pour autant que chacun des buts en question mérite l’attention de la cour chargée de fixer la sentence : pour être juste et appropriée, celle‑ci doit témoigner d’un dosage judicieux de ces buts, adapté aux circonstances particulières de l’espèce.

 

[5]        Comme je vous l’ai expliqué lorsque vous avez présenté votre plaidoyer de culpabilité, l’article 139 de la Loi sur la défense nationale prévoit les peines que peuvent prononcer les cours martiales. Ces peines possibles sont limitées par la disposition législative qui crée l’infraction et prescrit la peine maximale. Une seule sentence est prononcée contre le délinquant, qu’il soit déclaré coupable d’une ou de plusieurs infractions, mais cette sentence peut comprendre plusieurs peines. Un principe important veut que la cour prononce la peine la moins sévère propre à contribuer au maintien de la discipline.

 

[6]        J’ai déterminé la sentence que je vais prononcer en prenant en considération les conséquences directes et indirectes pour le contrevenant des peines qu’elle prévoit, ainsi que du verdict de culpabilité.

 


[7]        Les faits de l’infraction, que décrit l’exposé des circonstances produit comme pièce 3, sont simples et peuvent se résumer comme suit. Le contrevenant, qui est un technicien de véhicules, a rencontré pendant son service dans les Forces canadiennes une civile avec laquelle il semble n’avoir eu aucun lien superviseur/employée. Selon l’information que j’ai reçue, ils se seraient liés d’amitié. Pendant plusieurs semaines, en février et mars 2008, le contrevenant a demandé à cette employée, une civile au service du ministère de la Défense nationale, de l’embrasser. Par la suite, le contrevenant a répété cette demande très fréquemment, voire quotidiennement. La plaignante jugeait ce comportement inacceptable, le trouvant humiliant et embarrassant. Le contrevenant admet, c’est du moins ce que je conclus, qu’il comprend maintenant que devant ses avances non sollicitées, il était tout à fait raisonnable que la plaignante ait réagi comme elle l’a fait.

 

[8]        Ce comportement a atteint son point culminant le 29 mars 2008, date à laquelle l’infraction aurait été commise, lorsque la plaignante a accepté l’invitation du contrevenant d’aller le rejoindre sur les lieux de son travail. Le contrevenant aurait alors saisi le pied de la plaignante et tenté en quelque sorte de le caresser. Encore là, ce comportement n’avait pas été sollicité par la plaignante et elle s’est sentie embarrassée et humiliée. J’estime que sa réaction était tout à fait raisonnable et que le contrevenant aurait dû savoir que la plaignante ne souhaitait pas qu’il lui fasse ces avances.

 

[9]        En résumé, ce comportement relève carrément de la DAOD 5012-0 intitulée « Prévention et résolution du harcèlement ». Cet outil vise à ce qu’au sein des Forces canadiennes, les membres puissent vivre et travailler dans un environnement absolument exempt d’avances non sollicitées et de harcèlement de toute sorte. Cette protection s’applique également aux employés civils du ministère de la Défense nationale.

 

[10]      Au vu de ces faits, les avocats des deux parties ont recommandé conjointement une sentence consistant en une réprimande et en une amende de 2 000 $. Comme ils l’ont rappelé, il appartient évidemment à la Cour de prononcer la sentence mais lorsque, comme dans la présente espèce, les deux parties font à cet égard une recommandation conjointe, celle‑ci doit peser lourd dans sa décision. Les cours d’appel de l’ensemble du Canada, y compris la Cour d’appel de la cour martiale dans son récent arrêt Soldat Chadwick Taylor, 2008 CACM 1, ont posé en principe que le tribunal devrait retenir les conclusions communes présentées par les avocats des parties sur la peine, à moins que l’adoption de la sanction ainsi recommandée ne soit susceptible de jeter le discrédit sur l’administration de la justice ou ne soit d’autre manière contraire à l’intérêt public.

 

[11]      Dans le cadre des observations qu’ils ont présentées, les avocats ont fait état des circonstances aggravantes et atténuantes de la présente espèce. J’ai déjà parlé du comportement du contrevenant et de son interdiction expresse en vertu de la DAOD 5012-0. De plus, l’infraction de voies de fait varie en gravité, allant du comportement relativement peu répréhensible aux formes les plus attentatoires d’emploi de la force. J’estime en l’espèce que, compte tenu de l’ensemble des faits, la nature des voies de fait qui auraient été commises compte parmi les moins graves du spectre. Il s’agit néanmoins d’une infraction criminelle.


[12]      Il existe en l’espèce une circonstance atténuante de grande importance, à savoir que le contrevenant n’a pas profité de son poste de superviseur pour harceler la plaignante. Lorsque tel est le cas, j’estime qu’il s’agit d’une circonstance particulièrement aggravante.

 

[13]      Le contrevenant est un homme mûr de 45 ans qui vit en union de fait. D’après les éléments de preuve et les documents qui m’ont été soumis, il semble être un membre utile et productif depuis qu’il s’est joint aux Forces canadiennes en 1988. Au cours de cette longue période de service, son dossier est resté vierge d’infractions disciplinaires.

 

[14]      Il a plaidé coupable à ce qui s’avère avoir été la première occasion d’offrir ce plaidoyer et je considère qu’il s’agit là d’une circonstance atténuante.

 

[15]      Il m’est impossible de décider si, en l’espèce, le retard dans la poursuite de ces infractions constitue ou non une circonstance atténuante étant donné qu’on ne m’a fourni aucun renseignement quant au moment où les faits qui ont mené à ces infractions ont été signalés aux autorités.

 

[16]      Tout bien considéré, soit les circonstances de l’infraction et la situation du contrevenant, je ne peux pas dire que la proposition conjointe des avocats serait susceptible de jeter le discrédit sur l’administration de la justice ou serait d’autre manière contraire à l’intérêt public, et en conséquence je souscris à cette recommandation.

 

[17]      Caporal-chef Blois, vous êtes condamné à une réprimande et à une amende de 2 000 $. L’amende devra être entièrement acquittée au plus tard le 9 décembre 2009.

 

 

 

 

                                                            CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, J.M.

 

AVOCATS :

 

Major S. A. MaCleod, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Capitaine de corvette J. McMunagle, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du Caporal-chef J.G. Blois

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