Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 31 août 2010

Endroit : 6080 rue Young, 5e étage, pièce 506, Halifax (NÉ)

Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 : Art. 125a) LDN, a fait volontairement une fausse déclaration dans un document officiel établi par lui.

Résultats
•VERDICT : Chef d'accusation 1 : Non coupable.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Rotchford, 2010 CM 2016

 

Date : 20100902

Dossier : 200954

 

Cour martiale permanente

 

Salle d’audience de Halifax

Halifax (Nouvelle-Écosse), Canada

 

Entre : 

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Enseigne de vaisseau de 2e classe J.J. Rotchford, accusé

 

 

En présence du capitaine de frégate P.J. Lamont, J.M.

 


[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DU VERDICT

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]        Enseigne de vaisseau de 2e classe Rotchford, la cour vous déclare non coupable de l’accusation.

 

[2]        Après que la poursuite eut présenté sa preuve au sujet de l’accusation selon laquelle l’enseigne de vaisseau de 2e classe Rotchford aurait fait volontairement une fausse déclaration dans un document officiel, contrairement à l’alinéa 125a) de la Loi sur la défense nationale, l’avocat de l’accusé a demandé, conformément au paragraphe 112.05(13) des Règlements et ordonnances royaux, un verdict de non-culpabilité au motif que la poursuite n’avait pas établi une preuve prima facie.

 

[3]        À la fin des plaidoiries, j’ai reporté au lendemain ma décision sur la question. À la reprise de l’audience le lendemain, j’ai rejeté la demande et je me suis engagé à exposer mes motifs plus tard. La défense a décidé de ne pas présenter de preuve et j’ai entendu les plaidoiries des avocats hier.

 

[4]        Dans une poursuite devant une cour martiale, comme dans toute autre poursuite pénale devant un tribunal au Canada, il incombe au poursuivant de prouver la culpabilité de l’accusé hors de tout doute raisonnable. Dans un contexte juridique, il s’agit d’un terme technique ayant une signification consacrée. Si la preuve ne permet pas d’établir la culpabilité de l’accusé hors de tout doute raisonnable, celui-ci ne doit pas être déclaré coupable de l’infraction. Le fardeau de la preuve incombe toujours à la poursuite et l’accusé n’a jamais le fardeau de prouver son innocence. En fait, l’accusé est présumé innocent à toutes les étapes de la procédure, jusqu’à ce que la poursuite ait prouvé sa culpabilité hors de tout doute raisonnable, au moyen d’une preuve admise par le tribunal.

 

[5]        La preuve hors de tout doute raisonnable ne signifie pas qu’il doive y avoir certitude absolue, mais il n’est pas suffisant de prouver seulement une culpabilité probable. Si la cour est plutôt convaincue que l’accusé est plus probablement coupable que non coupable, cela ne suffit pas pour le déclarer coupable hors de tout doute raisonnable; dans ce cas, l’accusé doit être acquitté. De fait, la norme « hors de tout doute raisonnable » est beaucoup plus proche de la certitude absolue que de la « culpabilité probable ». Cependant, le doute raisonnable n’est pas un doute futile ou imaginaire. Il ne se fonde pas sur la sympathie ou les préjugés. C’est un doute fondé sur la raison et le bon sens, qui découle de la preuve présentée ou de l’absence de preuve. La preuve hors de tout doute raisonnable s’applique à chacun des éléments de l’infraction reprochée. En d’autres termes, si la preuve ne permet pas de prouver chacun des éléments de l’infraction hors de tout doute raisonnable, l’accusé doit être acquitté.

 

[6]        J’ai déjà mentionné les éléments de l’infraction qui est reprochée à l’accusé en l’espèce et il m’apparaît nécessaire de m’attarder uniquement à la question de savoir si l’accusé a fait une fausse inscription dans la déclaration solennelle produite comme pièce 3. Malgré le texte plutôt large de l’accusation selon laquelle l’accusé [traduction] « a affirmé dans une déclaration solennelle qu’il respectait les conditions relatives à la reconnaissance d’une union de fait », la pièce 3 n’est pas rédigée de cette façon. Elle comporte plutôt un énoncé de quatre allégations de fait.

 

[7]        Au cours de sa plaidoirie, l’avocat de la poursuite a précisé que c’est la première allégation, dans laquelle l’accusé a affirmé que [traduction] « nous sommes restés ensemble pendant au moins un an avant la demande de reconnaissance » du statut de conjoints de fait, qui serait une fausse déclaration. En conséquence, il incombait à la poursuite de prouver le contraire, c’est-à-dire que l’accusé ne résidait pas avec Lisa Michelle Starr au cours de la période d’un an précédant le 22 juin 2009.

 

[8]        La preuve concernant les conditions de cohabitation de l’accusé et Mme Starr est effectivement ténue. Au cours de son témoignage, le lieutenant Keyser a déclaré que, d’après ce qu’il savait, l’accusé et Mme Starr ont déménagé ensemble à la fin d’août ou au début de septembre 2008 et, qu’auparavant, l’accusé a suivi une formation à l’extérieur de Kingston pendant une période non précisée, tandis que sa conjointe est restée à Kingston.  Le lieutenant Keyser était au courant de l’exigence d’une année de cohabitation, mais il a estimé, après avoir consulté un document consigné dans le RID, que la situation de l’accusé respectait la condition.

 

[9]        Le document dont le témoin a parlé ne m’a pas été présenté, mais il pourrait s’agir de l’Instruction du CPM 15/06, Unions de fait, produit comme pièce 5 devant moi. Selon ce document, la séparation pour des raisons d’ordre militaire de parties résidant ensemble de façon assimilable au mariage ne peut leur faire perdre le droit à la reconnaissance de leur relation conjugale par les FC. Le seul autre élément de preuve présenté sur cette question est un document duquel on me demande de déduire que l’accusé habitait dans un logement pour étudiants au CMR aussi tard qu’en septembre ou octobre 2008.

 

[10]      La poursuite soutient que ce document corrobore le témoignage du lieutenant Keyser selon lequel les parties ont commencé à vivre ensemble à la fin de l’été 2008; cependant, la preuve documentaire permet tout aussi bien de conclure que l’accusé payait des frais d’hébergement au dortoir d’étudiants alors qu’il vivait avec Mme Starr.

 

[11]      À la lumière de cette preuve, je ne puis dire que je suis convaincu hors de tout doute raisonnable que l’accusé n’a pas commencé à vivre avec Mme Starr dès le 21 juin 2008. Je déclare l’accusé non coupable.

 

[12]      En dernier lieu, j’aimerais faire remarquer que l’avocat de l’enseigne de vaisseau de 2e classe Rotchford a attaqué la crédibilité de la soldate Day qui a témoigné. L’avocat a soutenu que la soldate avait mal conseillé l’enseigne de vaisseau de 2e classe Rotchford au sujet de la politique et de la procédure à suivre pour présenter une demande de reconnaissance d’une union de fait et qu’elle était animée de mauvaises intentions à l’endroit de l’accusé. Après avoir observé la soldate Day pendant son témoignage et relu celui-ci, j’estime qu’il n’y a aucune raison de rejeter la version non contredite qu’elle a donnée au sujet de ses rapports avec l’enseigne de vaisseau de 2e classe Rotchford. J’accepte la version qu’elle a donnée. 

 

[13]      À mon avis, la soldate Day s’est bien acquittée de ses fonctions en tenant dûment compte des politiques et des pratiques qu’elle croyait devoir appliquer dans la salle des rapports. Si l’enseigne de vaisseau de 2e classe Rotchford était en désaccord avec les propos de la soldate Day, il aurait pu exercer des recours. La soldate Day n’est pas responsable des politiques qu’elle devait appliquer. À titre de membre des Forces canadiennes, l’enseigne de vaisseau de 2e classe Rotchford est responsable des documents qu’il signe dans le cadre de ses attributions officielles.

 


 

Avocats :

 

Major A.T. Farris et Lieutenant de vaisseau E.J. Fox, Service canadien des poursuites militaires,

Avocats de Sa Majesté la Reine

Capitaine de corvette B.G. Walden, Direction du service d’avocats de la défense,

Avocat de l’enseigne de vaisseau de 2e classe J.J. Rotchford

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