Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 3 mai 2005.
Endroit : Garnison Valcartier, édifice 534, l’Académie, Courcelette (QC).
Chefs d’accusation:
• Chef d’accusation 1 (subsidiaire au chef d’accusation 2) : Art. 130 LDN, possession de substance explosive (art. 82(1) C. cr.).
• Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 130 LDN, possession d’un bien criminellement obtenu (art. 354(1) C. cr.).
• Chef d’accusation 3 (subsidiaire au chef d’accusation 4) : Art. 114 LDN, vol.
• Chef d’accusation 4 (subsidiaire au chef d’accusation 3) : Art. 130 LDN, possession d’un bien criminellement obtenu (art. 354(1) C. cr.).
• Chef d’accusation 5 (subsidiaire au chef d’accusation 6) : Art. 114 LDN, vol.
• Chef d’accusation 6 (subsidiaire au chef d’accusation 5) : Art. 130 LDN, possession d’un bien criminellement obtenu (art. 354(1) C. cr.).
• Chefs d’accusation 7, 8, 9 : Art. 130 LDN, possession de substance explosive (art. 82(1) C. cr.).
Résultats:
• VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 4, 6, 7, 8 : Coupable. Chefs d’accusation 2, 3, 5 : Une suspension d’instance. Chef d’accusation 9 : Non coupable.
• SENTENCE : Emprisonnement pour une période de 30 jours.

Contenu de la décision

Citation : R. c. ex-soldat J.J.P.R Cimon,2005CM04

 

Dossier : S200504

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CANADA

QUÉBEC

UNITÉ DE SOUTIEN DE SECTEUR VALCARTIER

COURCELETTE, QUÉBEC

 

Date : 4 mai 2005

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL M. DUTIL, J.M.

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

EX-SOLDAT J.J.P.R. CIMON

(Accusé)

 

SENTENCE

(Oralement)

 

 

[1]                    Avant de prononcer la sentence, ex-soldat Cimon, la Cour ayant accepté et enregistré votre plaidoyer de culpabilité au premier, quatrième, sixième, septième et huitième chefs d'accusation, la Cour vous trouve coupable des dits chefs d'accusation et elle ordonne une suspension d'instance à l'égard du deuxième, troisième et cinquième chefs d'accusation. Veuillez vous asseoir.

 

[2]                    Comme l'a souligné l'ancien juge en chef du Canada, le très honorable juge Lamer, dans l'arrêt R. c. Généreux, (1992) 1 R.C.S. 259 :

 

Pour que les Forces armées soient prêtes à intervenir, les autorités militaires doivent être en mesure de faire respecter la discipline interne de manière efficace. Les manquements à la discipline doivent être réprimés promptement, et dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil

 


[3]                    Cela dit, la sentence imposée par une cour martiale, tout comme celle d'un tribunal civil siégeant en matière criminelle et pénale, doit être la sentence minimale requise à la lumière de l'ensemble des circonstances de l'affaire et de celles du contrevenant. Lors de la détermination d'une sentence juste et équitable, la cour doit trouver le difficile équilibre qui permettra d'assurer la protection du public, mais également le maintien de la discipline au sein des Forces canadiennes.

 

[4]                    Les procureurs en présence ont présenté une sou­mission commune relativement à la sentence que cette Cour devrait imposer. Les procureurs recommandent d'in­fliger une peine d'emprisonnement pour une période de 30 jours. La poursuite recommande également que la cour émette l'ordon­nance prévue à l'article 147.1 de la Loi sur la défense nationale à l'effet d'interdire au contrevenant de posséder les biens visés par cet article, à l'exception d'une arbalète, pour une durée de 12 mois commençant le jour où le contrevenant aura fini de purger sa peine. La défense ne s'objecte pas à ce que la cour émette une telle ordonnance.

 

[5]                    Tel qu'indiqué par les avocats, il est de jurisprudence constante que l'obligation d'en arriver à une sentence adéquate incombe au tribunal qui a le droit de rejeter la proposition commune des avocats. Cette règle a pour corollaire que le tribunal ne pourra rejeter la recommandation commune qui lui est soumise que s'il est en pré­sence de motifs incontournables lui permettant de s'en écarter. Ainsi, le juge devrait accepter la soumission des avocats à moins qu'elle ne soit jugée inadéquate ou déraisonnable, contraire à l'ordre public ou qu'elle déconsidérerait l'administration de la justice. Par exemple, si elle tombe à l'extérieur du spectre des sentences qui auraient été précédemment infligées pour des infractions semblables et qu'elle soit jugée indûment clémente, la Cour pourra la rejeter. En contrepartie, les avocats sont tenus d'exposer au juge tous les faits à l'appui de cette proposition commune.

 

[6]                    Lorsqu'il s'agit de donner une sentence appro­priée à un accusé pour les fautes qu'il a commises et à l'égard des infractions dont il est coupable, certains objectifs sont visés à la lumière des principes applicables en matière de détermination de la peine, quoiqu'ils varient légèrement d'un cas à l'autre. L'importance qui leur est attribuée doit non seulement être adaptée aux circonstances de l'affaire, mais aussi à la personne du contrevenant. Pour contribuer à l'un des objectifs essentiels de la dis­cipline militaire, soit le maintien d'une force armée pro­fessionnelle et disciplinée, opérationnelle et efficace dans le cadre d'une société libre et démocratique, ces objectifs et ces principes peuvent s'énoncer comme suit :

 

premièrement, la protection du public et le public inclut ici les Forces canadiennes;

 

deuxièmement, la punition et la dénonciation du contrevenant;

 

troisièmement, la dissuasion du contrevenant, et quiconque, de commettre les mêmes infractions;

 


quatrièmement, isoler le délinquant, le cas échéant, de la société y compris des membres des Forces canadiennes;

 

cinquièmement, la réhabilitation et la réforme du contrevenant;

 

sixièmement, la proportionnalité à la gravité des infractions et le degré de responsabilité du contrevenant;

 

septièmement, l'harmonisation des peines;

 

huitièmement, le recours à une peine privative de liberté seulement lorsque la cour est satisfaite qu'il s'agit de la peine de dernier ressort;

 

finalement, la cour prendra en compte les circonstances aggravantes et qui mitigent la peine relativement à la situation du contrevenant en prenant en compte toutes les circonstances de l'affaire.

 

[7]                    Dans la présente cause, la protection du public sera atteinte par une sentence qui mettra l'emphase sur la dissuasion tant collective qu'individuelle, la punition du contrevenant ainsi que la dénonciation du geste, la proportionnalité à la gravité des infractions et le degré de responsabilité de son auteur. La sentence que cette Cour s'apprête à imposer ne devra toutefois pas empêcher la réha­bilitation de l'ex-soldat Cimon. La suggestion commune des procureurs doit permettre la réalisation de ces objectifs et de ces principes sinon elle pourrait déconsidérer l'admi­nis­tration de la justice.

 

[8]                    En considérant quelle sentence serait appropriée, la Cour a considéré comme aggravants les facteurs suivants :

 

Premièrement, la nature des infractions et la peine prévue par le législateur. Quiconque est coupable de l'infraction de possession de substances explosives aux termes du paragraphe 82(1) du Code criminel est passible d'un emprisonnement maximal de cinq ans. En ce qui a trait à la possession de biens criminellement obtenus contrairement à l'article 354 du Code criminel, elle est punissable aux termes de l'article 355 du Code d'un emprisonnement maximal de deux ans lorsque la valeur de l'objet ne dépasse pas cinq milles dollars. Ces infractions sont objectivement sérieuses quoique l'infraction de possession de substance explosive le soit d'avantage.

 


Deuxièmement, le contexte de cette cause et les circonstances entourant la commission des infractions pour lesquelles vous avez reconnu votre culpabilité. Il s'agit là de la gravité subjective de l'infraction. La preuve révèle que vous ne vous êtes pas arrêté à posséder des substances explosives, mais que vous aviez un certain plaisir à fabriquer des petits engins explosifs pour vous amuser. Il est vrai que la substance explosive de type C-4 d'une quantité d'environ 200 grammes ne valait que 10 dollars, mais il n'en demeure pas moins que cette substance contenait une quantité considérable de plombs qui auraient pu causer des dommages importants aux personnes et aux biens. En ce qui concerne la mini mag-light, elle était en état de marche et fonctionnelle. Vous étiez parfaitement conscient qu'il était interdit de posséder de telles substances ou biens. Au surplus, il vous fallait vous amuser à les manipuler et les trafiquer avec tous les dangers que cela comportait pour vous, mais aussi pour les autres.

 

Troisièmement, le fait que vous avez trahi la con­fiance des Forces canadiennes et de l'ensemble de la population canadienne qui ont mis à votre disposition certaines substances dangereuses pour des fins légitimes. Vous étiez jeune, sans expérience et vous étiez fasciné par les explosifs, et ce même avant de vous être enrôlé dans les Forces canadiennes. Cela ne vous dispensait toutefois pas de vos obligations et responsabilités élémentaires à titre de militaire professionnel, notamment celles liées à l'utilisation et la gestion responsable du matériel dangereux qui vous était confié durant l'exercice de vos fonctions ou de celui auquel vous pouviez avoir accès.

 

[9]                    Quant aux facteurs atténuants, la cour retient le fait que vous ayez reconnu votre culpabilité au premier, quatrième, sixième, septième et huitième chefs d'accu­sation. Ces aveux de culpabilité sont, selon cette Cour, sincères et francs. La poursuite a fait grand état de votre coopération dès le début du processus d'enquête et par la suite. Elle a aussi mentionné qu'en reconnaissant votre culpabilité, vous avez évité à la poursuite la tenue d'un long procès qui aurait requis la présence de 11 témoins. La Cour retient également votre jeune âge lorsque vous avez commis les infractions et le fait que vous ayez été libéré depuis juillet 2004 des Forces canadiennes pour les événements qui font l'objet des accusations devant cette cour.

 

[10]                  Finalement, la cour a pris en compte votre nouvelle situation familiale et le fait que vous avez un nouvel emploi à plein temps. Il ressort de votre propre témoignage que votre employeur soit disposé à vous reprendre si vous êtes condamné à purger une peine d'incar­cération. N'eut été de l'ensemble de ces éléments, la peine d'emprisonnement qui est sur le point d'être infligée par la cour aurait été beaucoup plus substantielle. La sentence que cette Cour va imposer ne doit pas freiner injustement votre réinsertion dans le monde du travail et la société civile, mais aussi votre réhabilitation. En contrepartie, elle doit néanmoins lancer un message clair que votre comportement doit être sévèrement dénoncé.


[11]                  La défense a tenu à souligner que les gestes reprochés à l'ex-soldat Cimon n'étaient pas reliés, directement ou indirectement, à d'autres activités criminelles ou au profit ou sous la direction d'une organisation criminelle ou qu'il ne s'agit pas non plus d'infractions perpétrées dans la cadre d'un geste inspiré par le terrorisme. Toutefois, il ne doit subsister aucun doute dans l'esprit de quiconque que l'existence de l'un ou de plusieurs de ces facteurs constitueraient des circonstances particulièrement aggravantes dans le contexte de la possession illégale par des militaires de substances explosives appartenant aux Forces canadiennes, et ce peu importe la quantité. Il n'existe également aucune preuve devant cette cour que la possession illégale de biens criminellement obtenus, qu'il s'agisse de substance explosive ou non, constitue un fléau ou un problème au sein des Forces canadiennes.

 

[12]                  Force est de constater qu'il s'agit, après la cause de l'ex-sapeur Asselin, d'une deuxième affaire relativement similaire à être jugée par cour martiale permanente au cours de la dernière année. J'ose espérer que les autorités militaires compétentes ont pris les mesures jugées nécessaires pour assurer le contrôle efficace des substances explosives destinées à l'usage militaire et qu'elles veilleront à informer les procureurs du Service canadien des poursuites militaires de l'existence d'un problème, le cas échéant.

 

[13]                  Pour ces motifs, la cour accepte la soumission commune des procureurs et elle vous condamne à l'empri­sonnement pour une période de 30 jours. En plus de cette peine d'emprisonnement, la Cour émet une ordonnance aux termes de l'article 147.1 de la Loi sur la défense nationale vous interdisant, pour une période de 18 mois, d'avoir en votre possession des armes à feu, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions, munitions prohibées et substances explosives parce qu'elle est souhaitable non seulement pour votre sécurité, mais également pour celle d'autrui.

 

[14]                  Cette sentence a été prononcée à 14 h 13 le 4 mai 2005.

 

 

                                        LIEUTENANT-COLONEL M. DUTIL, J.M.

 

Avocats :

 

Major G. Roy, Procureur militaire régional de l'Est

Avocat de la poursuivante

Me J. Asselin, 400, boul. Jean-Lesage, bureau 310, Québec

Avocat de l'ex-soldat Cimon

 

 

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