Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 23 septembre 2011

Endroit : 6080 rue Young, 5e étage, salle d'audience, Halifax (NÉ)

Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 (subsidiaire au chef d'accusation 2) : Art. 125a) LDN, a fait volontairement une fausse déclaration dans un document officiel signé de sa main.
•Chef d'accusation 2 (subsidiaire au chef d'accusation 1) : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats
•VERDICTS : Chef d'accusation 1 : Coupable. Chef d'accusation 2 : Une suspension d'instance.
•SENTENCE : Une amende au montant de 900$.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence :  R c Ferguson, 2011 CM 3008

 

Date :  20110923

Dossier :  201139

 

Cour martiale permanente

 

Salle d’audience de Halifax

Halifax (Nouvelle‑Écosse), Canada

 

Entre : 

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Adjudant‑maître P.V. Ferguson, contrevenant

 

Devant :  Lieutenant-colonel L.-V. d’Auteuil, J.M.

 


TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]               Adjudant‑maître Ferguson, ayant accepté et inscrit un plaidoyer de culpabilité à l’égard du premier chef de l’acte d’accusation, la cour vous déclare maintenant coupable de ce chef d’accusation. Considérant que le deuxième chef d’accusation est subsidiaire au premier chef d’accusation, conformément à l’alinéa 112.05(8)a) des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC), la cour ordonne que l’examen du deuxième chef d’accusation soit remis.

 

[2]               Il m’incombe maintenant, à titre de juge militaire présidant la Cour martiale permanente, de déterminer la peine.

 

[3]               Le système de justice militaire constitue l’ultime recours pour faire respecter la discipline, qui est une dimension essentielle de l’activité militaire dans les Forces canadiennes. Ce système vise à prévenir l’inconduite ou, d’une façon plus positive, à promouvoir la bonne conduite. C’est grâce à la discipline que les forces armées s’assurent que leurs membres rempliront leurs missions avec succès en toute confiance et fiabilité. Le système veille également au maintien de l’ordre public et assure que les personnes assujetties au Code de discipline militaire sont punies de la même façon que toute autre personne vivant au Canada.

 

[4]               Il est reconnu depuis bien longtemps que l’objectif d’un système de justice ou de tribunaux militaires distincts est de permettre aux forces armées de s’occuper des questions liées au respect du Code de discipline militaire et au maintien de l’efficacité et du moral des Forces canadiennes[1]. Cela étant dit, la peine infligée par un tribunal, qu’il soit militaire ou civil, devrait être la peine la moins sévère selon les circonstances particulières de l’affaire.

 

[5]               En l’espèce, le procureur de la poursuite et l’avocat du contrevenant ont présenté une recommandation conjointe quant à la peine devant être infligée par la cour. Ils ont recommandé que la présente cour vous impose une amende de 900 $ afin de satisfaire aux exigences de la justice. Bien que la cour ne soit pas liée par cette recommandation conjointe, il est généralement reconnu que le juge chargé de la détermination de la peine ne doit aller à l’encontre de la recommandation conjointe que s’il existe des motifs impérieux de le faire, notamment lorsque la peine est inappropriée, déraisonnable, de nature à déconsidérer l’administration de la justice ou contraire à l’intérêt public[2].

 

[6]               L’imposition d’une sentence est la tâche la plus difficile d’un juge. La Cour suprême du Canada a reconnu, dans l’arrêt Généreux[3],  que pour que « les Forces armées soient prêtes à intervenir, les autorités militaires doivent être en mesure de faire respecter la discipline interne de manière efficace »[4]. Elle a souligné que dans le contexte particulier de la justice militaire, « [l]es manquements à la discipline militaire doivent être réprimés promptement et, dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil »[5]. Or, le droit ne permet pas à un tribunal militaire d’imposer une sentence qui se situerait au‑delà de ce qui est requis dans les circonstances de l’affaire. En d’autres mots, toute peine infligée par le tribunal doit être individualisée et représenter l’intervention minimale requise puisque la modération est le principe fondamental des théories modernes de la détermination de la peine au Canada.

 

[7]               L’objectif fondamental de la détermination de la peine par une cour martiale est d’assurer le respect de la loi et le maintien de la discipline en infligeant des peines visant un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

a.                   protéger le public, y compris les Forces canadiennes;

 

b.                  dénoncer le comportement illégal;

 

c.                   dissuader le contrevenant, et quiconque, de commettre les mêmes infractions;

 

d.                  isoler, au besoin, les contrevenants du reste de la société;

 

e.                   réadapter et réformer les contrevenants.

 

[8]               Lorsqu’il détermine la peine à infliger, le tribunal militaire doit également tenir compte des principes suivants :

 

a.                   la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction;

 

b.                  la peine doit tenir compte de la responsabilité du contrevenant et des antécédents de celui‑ci;

 

c.                   la peine doit être semblable à celles infligées à des contrevenants ayant commis des infractions semblables dans des circonstances semblables;

 

d.                  le cas échéant, le contrevenant ne doit pas être privé de liberté, si une peine moins contraignante peut être justifiée dans les circonstances. En bref, la cour ne devrait avoir recours à une peine d’emprisonnement ou de détention qu’en dernier ressort comme l’ont établi la Cour d’appel de la cour martiale et la Cour suprême du Canada;

 

e.                   enfin, toute peine devrait être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l’infraction et à la situation du contrevenant.

 

[9]               J’arrive à la conclusion que, dans les circonstances de l’espèce, la peine doit surtout viser les objectifs de dénonciation et de dissuasion générale.

 

[10]           En l’espèce, la cour est appelée à statuer sur une infraction militaire ayant trait à une fausse déclaration faite dans un document officiel. Ce type d’infraction est lié directement à certaines obligations d’ordre éthique des membres des Forces canadiennes, comme l’intégrité, la loyauté et l’honnêteté. Dans le cas d’un soldat, particulièrement un militaire de rang supérieur, être digne de foi et fiable en tout temps est plus qu’essentiel pour l’exécution de toute tâche ou mission au sein des forces armées, peu importe la fonction ou le rôle dont il doit s’acquitter.

 

[11]           Pour fixer la peine qu’elle estime juste et appropriée, la cour a pris en compte les facteurs aggravants et les facteurs atténuants suivants :

 

a.                   La cour considère la gravité objective de l’infraction comme un facteur aggravant. Vous êtes accusé d’une infraction prévue à l’alinéa 125a) de la Loi sur la défense nationale pour avoir fait, volontairement, une fausse déclaration dans un document officiel signé de votre main, qui est passible d’un emprisonnement maximal de trois ans ou d’une peine moindre.

 

b.                  En ce qui a trait à la gravité subjective de l’infraction, la cour a considéré trois éléments :

 

                                                  i.                  Le premier facteur aggravant, d’un point de vue subjectif, est le manque d’intégrité dont vous avez fait preuve par vos actions. À titre de militaire de rang possédant de nombreuses années d’expérience, vous avez été, au cours de votre carrière, exposé à différentes situations qui auraient dû vous apprendre à faire mieux. À titre de militaire de rang supérieur, vous devez répondre à de très grandes attentes et, lorsque quelqu’un comme vous agit de cette manière, la déception provoquée est également très grande;

 

                                                ii.                  Le deuxième facteur aggravant est la préméditation liée aux circonstances de l’espèce. Vous avez eu le temps de penser à inscrire les renseignements appropriés, mais vous avez décidé de ne pas le faire. L’infraction à laquelle vous avez plaidé coupable exige une intention spécifique. Il ne s’agit pas d’une situation où il faut agir très vite. Vous avez eu l’occasion de planifier et d’envisager la réaction la plus appropriée à cet égard et vous n’avez manifestement pas réussi à le faire;

 

                                              iii.                  Le troisième facteur aggravant est que vous avez essentiellement essayé de vous dégager de vos responsabilités. Dans le cas d’un conducteur, on s’attend à ce que tout dommage causé à un véhicule soit déclaré de manière prompte et efficace pour permettre aux autorités des Forces canadiennes de gérer les véhicules et de désigner des conducteurs compétents et responsables.

 

[12]           J’ai également tenu compte des facteurs atténuants suivants :

 

a.                   Tout d’abord, il s’agit de votre plaidoyer de culpabilité. Vu les faits présentés en l’espèce, la cour ne peut que considérer votre aveu de culpabilité comme un signe clair et authentique de remords témoignant de votre désir sincère de demeurer un atout pour les Forces canadiennes. Ce plaidoyer révèle également que vous assumez la pleine responsabilité des actes que vous avez commis. L’attitude de coopération dont vous faites preuve depuis que vous avez décidé de révéler ce qui s’est réellement passé doit être également considérée comme un important facteur atténuant, notamment quant à votre décision de déclarer ce qui s’est réellement passé.

 

b.                  Comme vous n’avez pas de fiche de conduite, rien n’indique que vous avez déjà commis une infraction, militaire ou criminelle, semblable;

 

c.                   Votre efficacité dans le service militaire. Sans aucun doute, vous méritez du respect pour ce que vous avez fait durant votre carrière militaire jusqu’à maintenant. Vos états de service le démontrent clairement et la cour doit en tenir compte. Cela explique également le soutien de la chaîne de commandement dans les circonstances. Sans aucun doute, après l’incident, vous avez gardé la confiance de vos supérieurs dans la chaîne de commandement, et ils vous considèrent toujours un chef militaire dans les Forces canadiennes;

 

d.                  Le fait que vous avez dû comparaître devant la présente cour martiale, ce qui, j’en suis convaincu, a déjà eu un certain effet dissuasif sur vous et aussi sur d’autres personnes;

 

e.                   Le fait qu’il s’agit d’un incident isolé et d’un comportement qui vous est étranger. Essentiellement, comme l’a dit votre avocat, vous avez manqué de jugement lorsque vous avez communiqué des renseignements erronés, et vous avez vous‑même corrigé la situation par la suite.

 

f.                   Le délai. En souhaitant faire l’objet d’un procès sommaire, vous avez clairement indiqué à votre chaîne de commandement que vous vouliez que la présente affaire soit traitée avec célérité, ce qui manifestement n’a pas été le cas. Il s’agit d’un facteur que la cour doit considérer, notamment lorsqu’il lui apparaît clairement que toutes les personnes chargées du dossier ont manqué à leur obligation, qui est d’agir avec célérité lorsqu’une accusation est portée contre une personne assujettie au Code de discipline militaire. Pour ces personnes, vous avez manqué à votre obligation, mais, par la façon dont cette affaire a été portée à l’attention de la cour, les autorités des Forces canadiennes ont manifestement manqué à leur propre obligation. Alors, dans les circonstances de la présente affaire, il est important que la cour considère cet élément comme un facteur atténuant.

 

[13]           De plus, si la cour accepte la recommandation de l’avocat, cette peine demeurera sur votre fiche de conduite à moins que vous demandiez pardon pour votre dossier criminel. Dans les faits, votre condamnation entraînera une conséquence qui est souvent ignorée, c’est‑à‑dire que vous avez désormais un dossier criminel et ce n’est pas peu dire.

 

[14]           Par conséquent, la cour accepte la recommandation conjointe des avocats quant à la peine et vous inflige une amende de 900 $, étant donné que cette peine n’est pas contraire à l’intérêt public et n’aura pas pour effet de discréditer l’administration de la justice.

 

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

 

[15]           Vous DÉCLARE coupable à l’égard du premier chef d’accusation, relativement à une infraction prévue à l’alinéa 125a) de la Loi sur la défense nationale.

 

[16]           ORDONNE que l’examen du deuxième chef d’accusation soit remis.

 

 

[17]      Vous CONDAMNE à une amende de 900 $. L’amende est payable immédiatement.

 


 

Avocats :

 

Major P. Rawal, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Lieutenant‑colonel T. Sweet, Direction du service des avocats de la défense

Avocat de l’Adjudant‑maître P.V. Ferguson

 

 



[1] R. c.Généreux, [1992] 1 R.C.S. 259, p. 293.

[2] R. c. Taylor, 2008 CACM 1, au par. 21.

[3] Supra, note 1

[4] Ibid.

[5] Ibid.

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