Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 24 novembre 2008

Endroit : Garnison Sydney, Sydney (NÉ)

Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 (subsidiaire au chef d'accusation 2) : Art. 130 LDN, homicide involontaire en utilisant, en portant ou manipulant une arme à feu (art. 236a) C. cr.).
•Chef d'accusation 2 (subsidiaire au chef d'accusation 1) : Art. 130 LDN, négligence criminelle causant la mort en utilisant, en ayant possession, en portant ou en manipulant une arme à feu (art. 220a) C. cr.).
•Chef d'accusation 3 : Art. 124 LDN, a éxécute avec négligence une tâche militaire.

Résultats
•VERDICTS : Chef d'accusation 1 : Une suspension d'instance. Chefs d'accusation 2, 3 : Coupable.
•SENTENCE : Emprisonnement pour une période de quarte ans et destitution du service de Sa Majesté.

Cour martiale générale (CMG) (est composée d'un juge militaire et d'un comité)

Contenu de la décision

Référence : R. c. Caporal M.A. Wilcox, 2009 CM 2024

 

Dossier : 200849

 

 

 

COUR MARTIALE GÉNÉRALE                                   

CANADA

NOUVELLE‑ÉCOSSE

PARC VICTORIA, SYDNEY

Date : 24 juillet 2009

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, J.M.

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

CAPORAL M.A. WILCOX

(demandeur)

 

DÉCISION SUR LA DEMANDE DE RENVOI DEVANT LE TRIBUNAL DUNE AUTRE CIRCONSCRIPTION TERRITORIALE ET CONCERNANT LA VISITE DES LIEUX

(Motifs prononcés de vive voix)

 

 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

[1]       Par voie dun avis de demande modifié daté du 26 mai 2009, lavocat du demandeur, le Caporal Wilcox, sollicite une ordonnance dannulation de lavis de convocation devant la présente Cour martiale, ou une ordonnance pour que le procès ait lieu à l'aérodrome de Kandahar, en Afghanistan, et, subsidiairement, que le comité de la cour soit autorisé à visiter les lieux du crime reproché et de la région avoisinante de laérodrome de Kandahar. 

 

[2]       Lavis de demande, déposé comme pièce M6-1, modifie deux avis antérieurs datés du 14 avril et du 21 avril, et lavocat du demandeur a choisi de se fonder sur lavis du 26 mai. Jai entendu les témoins et les plaidoiries concernant la demande ici même à Sydney, en Nouvelle‑Écosse, les 27 et 28 mai; et le 29 mai, jai rejeté la demande intégralement, mais jai accordé au demandeur lautorisation, sil le juge opportun, de faire une nouvelle demande de visite des lieux au plus tôt lorsque la poursuite aura terminé la présentation de sa preuve. Je me suis engagé à motiver cette décision. Les motifs suivent ci‑après.

 


[3]        Dans son avis de demande, le demandeur sollicite une ordonnance dannulation de lavis de convocation car le procès a été convoqué à Sydney, en Nouvelle‑Écosse, à la demande de la poursuite, qui, fait‑on valoir, [traduction] « navait pas le pouvoir légitime dordonner le lieu du procès », et parce que la common law exige depuis des siècles que les procès soient tenus là ou les infractions sont censées avoir été commises, en loccurrence, à Kandahar en Afghanistan. 

 

[4]        La pièce M6-3 est une lettre du 21 juillet 2008 qui ma été présentée et elle est écrite par le Lieutenant‑Colonel B.W. MacGregor, directeur adjoint des poursuites militaires, mettant le Caporal Wilcox en accusation, conformément au paragraphe 165.(2) de la Loi sur la défense nationale, (LDN), pour quil soit jugé en cour martiale. Au paragraphe 2, le Lieutenant‑Colonel MacGregor écrit : [traduction] « La cour martiale se tiendra à la garnison de Sydney, à Sydney, en Nouvelle‑Écosse ». La pièce M6-2 est une lettre du 17 octobre 2008 qui ma été présentée et elle est rédigée par M.S. Morrissey, administratrice de la cour martiale (ACM), laquelle sadresse à plusieurs parties, et à laquelle est joint lavis de convocation au procès du Caporal Wilcox, lequel est également daté du 17 octobre et signé par M.S. Morrissey. Lavis de convocation est rédigé selon le format habituel et on y déclare au paragraphe 1 : [traduction] « La cour martiale se tiendra à la garnison de Sydney, à Sydney, en Nouvelle‑Écosse. » 

 

[5]        La contestation de la validité de lavis de convocation repose sur largument voulant que la poursuite nait aucun pouvoir dordonner le lieu du procès en cour martiale. La réponse est que cela est vrai mais le lieu du procès a été ordonné par ladministratrice de la cour martiale, qui, à nen pas douter, détient ce pouvoir. En vertu du paragraphe 165.19(1) de la LDN, lACM avait lobligation de convoquer une cour martiale générale une fois que lacte daccusation a été présenté en lespèce par le directeur des poursuites militaires. Conformément au paragraphe 165.19(2) de la LDN, lACM « exerce toute autre fonction qui lui est conférée par la présente loi ou que lui confie par règlement le gouverneur en conseil ». Le paragraphe 111.02(2) des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes précise les éléments que lACM doit prévoir dans un avis de convocation, notamment :

 

b) indique le type de cour martiale, la date et lheure du début de celle-ci, lendroit où elle sera tenue et la langue du procès choisie par laccusé. [non souligné dans loriginal]

 

[6]        Le lieu du procès est une décision qui appartient à lACM, bien que, de toute évidence, rien de lempêche de prendre en considération les souhaits des parties en rendant cette décision, tout comme elle a le pouvoir de fixer la date du procès. Aucune preuve ne ma été présentée selon laquelle le demandeur a fait des observations à lACM quant au lieu où devait se tenir le procès, et il nexiste aucun motif justifiant lannulation de lavis de convocation.


[7]        Le demandeur aurait été, selon lacte daccusation, membre de la Force de réserve du 2e Bataillon des Nova Scotia Highlanders, de Cape Breton, au moment des infractions alléguées, et le fait que le procès se tienne dans lunité dappartenance du demandeur ici à Sydney ne semble pas présenter un problème. Je suis davis, compte tenu du témoignage que jai entendu dans le cadre de la demande, que le demandeur habite près de Sydney, à Glace Bay, en Nouvelle‑Écosse, où sa famille habite également. La décision de lACM de convoquer le procès à lendroit où se trouve lunité dappartenance du demandeur est raisonnable.

 

[8]        Le demandeur sollicite le renvoi du procès devant le tribunal dune autre circonscription territoriale, soit à laérodrome de Kandahar, à Kandahar, en Afghanistan, au motif que la common law et les intérêts de la justice exigent que le procès ait lieu où les infractions auraient été commises, ou de permettre la visite des lieux, comme nous le verrons ci‑dessous. 

 

[9]        Dans la décision R. c. Sarazin[1], la Cour Suprême de lÎle‑du‑Prince‑Édouard a statué quen common law, laccusé a le droit prima facie de subir son procès dans le pays où linfraction aurait été commise, bien que cette règle puisse avoir été modifiée par larticle 470 du Code criminel, lequel élargit la compétence dun tribunal à légard dune infraction aux tribunaux qui se trouvent dans la juridiction territoriale dans laquelle laccusé est trouvé, est arrêté ou sous garde. Aujourdhui, toutefois, lorsquune infraction grave est planifiée dans un territoire, commise dans un second, le produit de la criminalité déposé dans une institution se trouvant dans un troisième territoire et que lasile est demandé dans un quatrième territoire, il est difficile de dire dans quelle mesure la règle de common law devrait continuer de faire autorité. Mais quelle que soit la règle en common law ou en vertu du Code criminel, la pratique en cour martiale na jamais été de tenir un procès dans le lieu où linfraction aurait été commise. 

 

[10]      Même une connaissance superficielle des exigences des opérations militaires révèle limpossibilité dappliquer une telle règle. Les forces militaires sont, par leur nature, conçues pour être mobiles, souvent à court délai de préavis et sur de grandes distances. Aucune des sources plus anciennes sur la pratique des cours martiales que jai été en mesure de consulter ne corrobore le point de vue avancé par le demandeur. En effet, lauteur américain Winthrop, dans son livre intitulé Military Law and Precedents, renvoie à une directive du Département de la guerre en 1895 selon laquelle les cours martiales doivent être tenues à lendroit où les dépenses seront réduites au minimum. 

 


[11]      Quen est‑il des intérêts de la justice? Il ne sagit pas dune affaire où le renvoi dans une autre circonscription territoriale est sollicité pour minimiser les répercussions dune publicité néfaste dans une collectivité locale sur le processus de sélection dun jury impartial. Il ny a pas eu démonstration du préjudice que subirait le demandeur par la tenue du procès, ici, à Sydney, qui serait atténué par la tenue du procès à Kandahar. Le seul motif avancé au soutien de la demande sur ce point est lopportunité de permettre au comité de la présente cour martiale de visiter des lieux du camp de laérodrome de Kandahar.

 

[12]      Le demandeur sollicite une ordonnance pour que la cour visite les lieux à Kandahar. Dans ses observations, lavocat du demandeur a déclaré que la défense souhaitait visiter les lieux de la tente en question, les zones environnantes, ainsi quune entrée principale, désignée comme le point no 3 contrôlant laccès à laérodrome de Kandahar, afin [traduction] « de mettre en contexte et dexaminer la preuve »

 

[13]      Je suis davis, daprès les témoignages que jai entendus dans le cadre de la présente demande, que depuis la date figurant dans les actes daccusation, la tente en question a été déplacée quelque peu du site où elle se trouvait en mars 2007. Je ne suis tout simplement pas en mesure de comprendre comment une visite de la tente et de la zone environnante permettrait au comité de la cour de mieux évaluer les témoignages quil entendra. Or à cette étape‑ci, je ne peux pas arriver à une conclusion définitive sur ce point, nayant pas encore entendu les témoins qui seront présentés au procès. De plus, lavocat, au nom du demandeur, sest senti quelque peu désavantagé en établissant le bien‑fondé de sa demande car il ne voulait pas à cette étape‑ci divulguer la thèse présentée par la défense ou les éléments de preuve au soutien de celle-ci. Dans de telles circonstances et pour ces motifs, jai rejeté la demande de visite des lieux, mais jai réservé le droit du demandeur de renouveler la demande ultérieurement au cours du procès. Il ny a, par conséquent, aucun motif qui pourrait justifier une ordonnance renvoyant la tenue du procès à laérodrome de Kandahar. Pour ces motifs, la demande M6-1 a été rejetée. 

 

[14]      Depuis la rédaction des motifs, la poursuite a terminé la présentation de sa preuve et lavocat a renouvelé la demande de visite des lieux, conformément à l'ordonnance que jai rendue le 29 mai 2009. La demande renouvelée a été faite par écrit et a été produite sous la cote M21-1. Les parties ont convenu que je devrais examiner la preuve qui a été présentée lors de la demande antérieure afin de régler la question. 

 

[15]      Le demandeur sollicite maintenant une ordonnance de visite des lieux de lentrée principale désignée comme le point no 3 contrôlant laccès à laérodrome de Kandahar, soit les baies évaluées et sécurisées, lesquelles, conformément à la preuve présentée au procès, étaient situées sur le camp et utilisées pour vérifier que les armes ne contenaient aucune munition; la tente A-1 et le vestibule et labri adjacents; le champ de tir de 25 mètres; et la promenade Tim Hortons, le tout, afin que le comité puisse [traduction] « comprendre pleinement le témoignage des témoins de la défense ».

 

[16]      Larticle 190 de la Loi sur la défense nationale prévoit :

 


190.  La cour martiale peut visiter un lieu, examiner un objet ou rencontrer une personne.

 

[17]      Lavocat de lintimée, la poursuite, fait valoir que linterprétation de cette disposition est facilitée par larticle 652 du Code criminel, qui prévoit au paragraphe 1 :

 

652.  (1) Lorsque la chose paraît être dans lintérêt de la justice, le juge peut, à tout moment après que le jury a été assermenté et avant quil rende son verdict, ordonner que le jury visite tout lieu, toute chose ou personne, et il donne des instructions sur la manière dont ce lieu, cette chose ou cette personne doivent être montrés, et par qui ils doivent lêtre, et il peut à cette fin ajourner le procès.

 

[18]      Jaccepte largument de lavocat de lintimée que la jurisprudence se rapportant à larticle 652 est utile pour lapplication de la disposition équivalente de la Loi sur la défense nationale. Jaccepte que la décision dordonner une visite des lieux est une question qui relève du pouvoir discrétionnaire de la cour et quune ordonnance devrait être rendue en vertu de larticle 190, lorsque celle-ci semble être dans lintérêt de la justice. Le fardeau de persuasion sur cette question incombe au demandeur. 

 

[19]      Comme je lai déjà précisé, la preuve dans le cadre de la demande établit que depuis la date figurant dans lacte daccusation, la tente en question a été déplacée en mars 2007. Aucune preuve ne ma été présentée pour déterminer si le vestibule et labri adjacents sont encore à la même place et dans la même condition quils étaient à ce moment‑là. Ont été produites au dossier de la cour de nombreuses photographies prises tant à lintérieur quà lextérieur de la tente en question et montrant la zone autour de la tente à la date des infractions alléguées ou vers cette date. Cette preuve est complétée par des diagrammes dessinés par certains témoins qui ont habité dans la tente à ce moment-là ainsi que par lenquêteur du Service national des enquêtes. En outre, il existe de nombreuses photographies prises de lentrée principale, désignée comme le point no 3 contrôlant laccès à laérodrome. 

 

[20]      En ce qui a trait aux baies évaluées et sécurisées, le champ de tir et le restaurant Tim Hortons sur la promenade, je ne suis pas en mesure, daprès la preuve présentée dans le cadre du procès jusquà maintenant, dévaluer la question de fait importante qui pourrait être éclairée par une visite de ces lieux. 

 

[21]      À mon avis, la visite du camp à laérodrome de Kandahar ne permettra pas vraiment de mieux apprécier la preuve en lespèce et si ce procès nétait présidé que par moi siégeant seul dans le cadre dune cour martiale permanente, je rejetterais la demande au motif que la visite des lieux na quune importance secondaire qui, compte tenu de toutes les circonstances, ne vaut tout simplement pas la peine, les frais et le retard que cette visite occasionnerait en pratique. 

 


[22]      Cependant, il sagit en lespèce dune cour martiale générale devant un comité composé de membres dont le rôle et les obligations sont dévaluer la preuve, de tirer des conclusions et de rendre des décisions. Je ne peux pas affirmer quil serait déraisonnable pour les membres du comité de conclure que la visite des lieux leur permettrait de mieux évaluer et de mieux comprendre la preuve, une fois que la preuve sera entièrement présentée. Par conséquent, jai lintention dinstruire le comité dans le cadre de mon exposé quil peut demander une visite des lieux du camp situé à laérodrome de Kandahar.

 

 

 

 

Capitaine de frégate P.J. Lamont, J.M.

 

Avocats :

 

Le Major J.J. Samson, Bureau des poursuites militaires, Région de lAtlantique

et le Capitaine de corvette R. Fetterly, Service canadien des poursuites militaires

Procureurs de Sa Majesté la Reine (intimée)

 

Le Major S. Turner et le Lieutenant-Colonel D.T. Sweet,

Direction du service davocats de la défense

Avocats du Caporal M.A. Wilcox (demandeur)



[1](1978) 39 C.C.C. (2d) 131

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