Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 18 octobre 2010

Endroit : Centre Asticou, Bloc 2600, Pièce 2601, 241 boulevard de la Cité-des-Jeunes, Gatineau (QC)

Chefs d'accusation
•Chefs d'accusation 1, 2 : Al. 125a) LDN, a fait volontairement une fausse inscription dans un document official établit par lui.
•Chefs d'accusation 3, 4 : Art. 130 LDN, fraude (art. 380(1) C. cr.).
•Chef d'accusation 5 : Art. 130 LDN, a entravé le cours de la justice (art. 139(2) C. cr.).

Résultats
•VERDICTS : Chefs d'accusation 1, 2, 3, 4, 5 : Non coupable.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. Cruz, 2010 CM 2022

 

Date : 20101207

Dossier : 201045

 

Cour martiale permanente

 

Centre Asticou

Gatineau (Québec) Canada

 

Entre : 

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Soldat D.J. Cruz, accusé

 

 

En présence du Capitaine de frégate P.J. Lamont, J.M.


 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

MOTIFS DU VERDICT

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]        Soldat Cruz, la cour vous déclare non coupable des premier, deuxième, troisième, quatrième et cinquième chefs d’accusation.

 

[2]        Le Soldat Cruz est accusé de cinq infractions visées à la Loi sur la défense nationale : deux accusations pour avoir fait volontairement une fausse déclaration dans un document officiel en contravention de l’alinéa 125a); deux infractions de fraude en contravention du paragraphe 380(1) du Code criminel et de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale; et une accusation d’entrave à la justice en contravention du paragraphe 139(2) du Code criminel et de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale.

 

[3]        Les accusations concernent sa relation avec Rhea Noblefranca ainsi que des réclamations qu’il a faites à l’égard de fonds publics. La période pertinente s’étend de quelques mois avant son enrôlement dans les Forces canadiennes le 29 septembre 2006 à l’été 2008, lorsque l’accusé et Mme Noblefranca se sont séparés et ont ensuite divorcé.

 

[4]        Les accusations sont rédigées comme suit :

 

            a)         Première accusation – a fait volontairement une fausse déclaration dans un document officiel établi de sa main. Le ou vers le 17 mai 2007, à la base Borden des Forces canadiennes, en Ontario, il a fait une déclaration solennelle selon laquelle Rhea Noblefranca et lui habitaient ensemble en tant que mari et femme depuis au moins un an immédiatement avant le 17 mai 2007, sachant que ces renseignements étaient faux.

 

            b)         Deuxième accusation - a fait volontairement une fausse déclaration dans un document officiel établi de sa main. Le ou vers le 29 mai 2007, à la base Borden des Forces canadiennes, en Ontario, il a déclaré dans une demande relative à une union de fait qu’il répondait aux exigences de l’article 1.075 des ORFC concernant la reconnaissance de son union depuis le 29 septembre 2006, sachant que ces renseignements étaient faux.

 

            c)         Troisième accusation - une infraction punissable aux termes de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale, c’est‑à‑dire pour fraude commise en contravention du paragraphe 380(1) du Code criminel. Entre le 29 mai 2007 et le 30 juin 2008, à Ottawa, en Ontario, ou dans les environs, il a, par supercherie, mensonge ou autre moyen dolosif, frustré Sa Majesté du chef du Canada de la somme d’environ 23 823,89 $, en réclamant pour ladite période une indemnité d’absence du foyer à laquelle il n’avait pas droit.

 

            d)         Quatrième accusation - une infraction punissable aux termes de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale, c’est‑à‑dire pour fraude commise en contravention du paragraphe 380(1) du Code criminel. Entre les 21 et 28 juin 2007, à la base Borden des Forces canadiennes ou près de celle‑ci, en Ontario, il a, par supercherie, mensonge ou autre moyen dolosif, frustré Sa Majesté du chef du Canada de la somme d’environ 2 457 $, en réclamant une indemnité d’absence du foyer pour la période approximative du 10 octobre 2006 au 27 juin 2007, indemnité à laquelle il n’avait pas droit.

 

            e)         Cinquième accusation - une infraction punissable aux termes de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale, c’est‑à‑dire pour entrave à la justice commise en contravention du paragraphe 139(2) du Code criminel. Entre les 10 et 21 juillet 2009, à Ottawa, en Ontario, ou dans les environs, il a volontairement tenté d’entraver le cours de la justice en demandant à Mme Rhea Noblefranca de changer sa déclaration à la police militaire.

 

[5]        En cour martiale, comme dans le cadre de toute poursuite criminelle devant un tribunal canadien, il incombe à la poursuite de prouver la culpabilité de l’accusé hors de tout doute raisonnable. Dans un contexte juridique, il s’agit d’un terme technique dont la signification est reconnue. Si la preuve n’établit pas la culpabilité de l’accusé hors de tout doute raisonnable, celui-ci doit être déclaré non coupable de l’infraction reprochée. Le fardeau de preuve à cet égard incombe à la poursuite, et il n’est jamais renversé. La personne accusée n’a pas à établir son innocence. De fait, l’accusé est présumé innocent à toutes les étapes de la poursuite, jusqu’à ce que la poursuite établisse hors de tout doute raisonnable, au moyen d’une preuve acceptée par le tribunal, la culpabilité de l’accusé. 

 

[6]        Le doute raisonnable ne constitue pas une certitude absolue, mais la preuve qui ne mène qu’à conclure à la culpabilité probable n’est pas suffisante. Si le tribunal est seulement convaincu qu’il est plus probable que l’accusé soit coupable que non coupable, la preuve est insuffisante pour déclarer l’accusé coupable hors de tout doute raisonnable, et l’accusé doit par conséquent être déclaré non coupable. En effet, la norme de la preuve hors de tout doute raisonnable se rapproche beaucoup plus de la certitude absolue que d’une norme de la culpabilité probable.

 

[7]        Toutefois, le doute raisonnable n’est pas un doute frivole ou imaginaire; il ne repose pas sur la compassion ou sur un préjugé. Le doute raisonnable est fondé sur la raison et le sens commun découlant de la preuve ou de l’absence de preuve. Le fardeau de la preuve hors de tout doute raisonnable s’applique à chacun des éléments constitutifs de l’infraction reprochée. Autrement dit, si la preuve n’établit pas hors de tout doute raisonnable chacun des éléments constitutifs de l’infraction, l’accusé doit être déclaré non coupable. La règle du doute raisonnable s’applique également à la question de la crédibilité. S’il subsiste un doute raisonnable quant à la culpabilité de l’accusé en raison de la crédibilité des témoins, l’accusé doit être déclaré non coupable.

 

[8]        Rhea Noblefranca a témoigné pour la poursuite. Elle a affirmé avoir rencontré M. Cruz avant qu’il ne joigne les Forces canadiennes en décembre 2005 et qu’ils se sont fréquentés pendant environ un an avant de décider en décembre 2006 de se marier. Ils se sont mariés le 10 mars 2007. Tout au long de cette période, elle a vécu avec sa mère dans un appartement de deux chambres à Côte Saint‑Luc à Montréal, au Québec. Le Soldat Cruz habitait avec sa famille sur la rue Alexandre à Laval. Il venait passer la nuit dans l’appartement de Côte Saint-Luc de temps en temps lorsqu’il était en visite. Selon elle, il a passé la nuit peut‑être trois fois les fins de semaine durant un mois, et il lui a rendu visite moins de dix fois à partir du moment où ils se sont rencontrés jusqu’en juillet 2008. Les meubles et les appareils électroménagers de l’appartement appartenaient à sa mère, qui payait le loyer et les factures, dépenses auxquelles Rhea contribuait. Seules sa mère et elle avaient la clé de l’appartement et personne d’autre ne recevait de courrier.

 

[9]        En contre‑interrogatoire, Mme Noblefranca a reconnu que le Soldat Cruz s’était enrôlé dans les Forces canadiennes à la fin de l’année 2006 et qu’elle était allée le reconduire à l’aéroport lorsqu’il est allé suivre son instruction à Gagetown. Elle l’a également visité lorsqu’il suivait un cours à Borden. Il lui donnait parfois de l’argent, ce qu’elle considérait comme un cadeau entre mari et femme. Elle a demandé à l’accusé d’ouvrir un compte conjoint, ce qu’ils ont fait en février 2006, afin d’économiser pour le mariage. Elle a affirmé que comme elle était la seule à faire des dépôts dans le compte conjoint, elle l’a finalement fermé. Le témoignage de Rhea Noblefranca concernant la question de savoir si et dans quelle mesure le Soldat Cruz a habité la résidence de Côte Saint-Luc a été corroboré par sa mère, Mila Noblefranca. Elle a affirmé qu’il ne vivait pas dans son appartement et qu’il ne contribuait pas aux coûts reliés à la maison familiale.

 

[10]      Leonard Cruz a témoigné pour la défense. Il est le frère aîné de l’accusé et vivait sur la rue Alexandre avec sa mère. Il a affirmé que l’accusé et Rhea se sont rencontrés en septembre 2005, lorsqu’il les a présentés. Lorsqu’ils ont commencé à se fréquenter, ils passaient la plupart de leur temps dans la maison de la rue Alexandre. Plus tard, ils ne passaient que les fins de semaine là‑bas. Durant la semaine, ils habitaient ensemble dans l’appartement de Rhea parce que celui‑ci était plus près du Collège Dawson où l’accusé étudiait. En contre‑interrogatoire, Leonard a affirmé que la plupart des effets personnels de son frère demeuraient à la maison de la rue Alexandre et qu’il recevait toujours son courrier là‑bas.

 

[11]      Loretta Cruz est la mère de l’accusé et de Leonard. Elle a déclaré qu’en octobre 2005, Rhea et l’accusé dormaient dans la chambre de ce dernier sur la rue Alexandre les fins de semaine. Il semble que sa relation avec Rhea n’était pas saine et, à un certain moment, elle a dit à l’accusé de ne plus amener Rhea à la maison.

 

[12]      Bon nombre de documents ont été présentés en preuve par les deux parties. Un certain nombre de ces documents proviennent du dossier personnel du Soldat Cruz tenu à jour par les commis à la salle des rapports de l’unité de soutien des Forces canadiennes à Ottawa. D’autres documents proviennent du dossier de cours tenu à la salle des rapports de l’École d’administration et de logistique des Forces canadiennes (EALFC), à la BFC Borden, où l’accusé a suivi un cours pendant dix semaines du 12 avril au 28 juin 2007. D’autres documents ont été présentés par l’accusé en guise de preuve.

 

[13]      Le Soldat Cruz a témoigné à l’appui de sa défense. Il a déclaré avoir rencontré Rhea en septembre 2005. À cette époque, il vivait avec sa famille dans sa maison de Laval mais, à la fin du mois, il vivait dans l’appartement de Côte Saint-Luc et contribuait aux dépenses. Il vivait à l’appartement de Côte Saint-Luc parce qu’il était plus près du Collège Dawson et de l’Université Concordia où il a étudié jusqu’en septembre 2006, au moment où il a joint les Forces canadiennes. Rhea et lui ont cherché un autre logement, mais il voulait attendre d’être marié avant de déménager. Lorsqu’il s’est enrôlé dans les Forces canadiennes, il a indiqué que sa résidence habituelle était celle de Laval parce que les personnes au bureau de recrutement lui avaient fait comprendre que sa résidence habituelle était l’endroit où se trouvaient ses meubles. Il a confirmé, après avoir renvoyé à une pièce documentaire, que Rhea et lui ont ouvert un compte d’épargne conjoint en février 2006 en prévision du mariage. Rhea et lui se sont mariés civilement le 10 mars 2007. Ils se sont séparés le 5 juillet 2008 et ont divorcé l’année suivante. Le Soldat Cruz a déclaré qu’il payait 100 $ par mois pour le loyer de l’appartement à Côte Saint-Luc et qu’il contribuait à l’épicerie et à l’essence pour la voiture.

 

[14]      Il ne fait aucun doute que le témoignage de ces témoins diverge beaucoup quant aux circonstances de la relation entre le Soldat Cruz et Rhea, particulièrement quant à la date où ils se sont rencontrés, à l’endroit où ils ont habité et à la question de savoir s’ils habitaient ensemble et si le Soldat Cruz contribuait financièrement à la gestion de la maison à Côte Saint-Luc.

 

[15]      Plusieurs documents ont été déposés en preuve durant l’interrogatoire principal du Soldat Cruz ainsi qu’au cours de son contre‑interrogatoire. La preuve documentaire, pièce 53, établit que Rhea et lui sont partis en vacances aux Philippines pendant deux mois du 18 mai au 11 juillet 2006, et le Soldat Cruz a payé les dépenses, y compris le coût du billet d’avion. La pièce 48, les lettres et le formulaire de la clinique de fertilité de Montréal, démontre que le Soldat Cruz et Rhea ont conjointement demandé de l’aide médicale en mars 2008 pour résoudre leur problème de fertilité. Le document révèle que Rhea a avisé le médecin qu’à cette époque, ils ont essayé d’avoir un enfant pendant deux ans et qu’ils avaient des relations sexuelles en moyenne une fois par semaine.

 

[16]      Rhea Noblefranca n’a pas été interrogée par l’un ou l’autre des avocats sur sa relation sexuelle avec le Soldat Cruz, ni contre‑interrogée sur la question de savoir si elle tentait d’avoir un enfant. Le document, qui est plus tard devenu la pièce 48, ne lui a pas été présenté. En effet, au cours de ce qui pourrait être décrit comme un contre‑interrogatoire sommaire, Rhea n’a pas été interrogée sur bon nombre de points qui ont été soulevés pour la première fois durant la présentation de la preuve de la défense au cours de l’interrogatoire principal du Soldat Cruz. Bien entendu, certains points sont beaucoup moins importants pour la compréhension de la relation entre le Soldat Cruz et Rhea, mais il n’en demeure pas moins que la défense n’a virtuellement pas contre‑interrogé Rhea sur des points importants, comme la nature sexuelle de leur relation.

 

[17]      S’appuyant sur la règle établie par la Chambre des lords sous la plume de lord Herschell dans la décision Browne c. Dunn, (1893), 6 R. 67, citée et approuvée par la Cour suprême dans R. c. Lyttle, 2004 CSC 5, paragraphe 64, la poursuite affirme que je devrais reconnaître la véracité du témoignage de Rhea Noblefranca quant à la nature de sa relation avec le Soldat Cruz et accorder peu d’importance, voire aucune, à la preuve sur laquelle elle n’a pas été interrogée. Je conviens avec l’avocat de la poursuite que l’avocat de la défense n’a pas souscrit à la règle établie dans Browne c. Dunn lorsqu’il a contre‑interrogé Mme Noblefranca.

 

[18]      Comme la Cour suprême du Canada l’a fait observer dans R. c. Lyttle, la réparation pour le manquement à la règle établie dans Browne c. Dunn est une question qui relève du pouvoir discrétionnaire du juge du procès, eu égard à toutes les circonstances. En l’espèce, je remarque que certains éléments de preuve sur lesquels Mme Noblefranca n’a pas été interrogée sont de nature documentaire, comme le rapport de la clinique de fertilité. Le document en question a apparemment été consigné par un professionnel de la santé qui a parlé directement à Rhea dans des circonstances où l’exactitude des renseignements fournis et l’exactitude de sa consignation étaient particulièrement importantes. Je remarque également que la poursuite n’a pas cherché à la rappeler à la barre pour témoigner sur les questions soulevées pour la première fois lors de l’interrogatoire du Soldat Cruz. Dans toutes les circonstances, je ne suis pas prêt à écarter tous les éléments de preuve qui auraient dû être présentés à Mme Noblefranca. En particulier, comme je l’indiquerai plus loin, je me suis fondé sur le document de la clinique de fertilité pour tirer certaines conclusions de fait en l’espèce.

 

[19]      J’hésite sérieusement à admettre le témoignage de l’accusé, le Soldat Cruz. J’estime que bon nombre de ses réponses aux questions étaient vagues et, en fait, j’ai souvent eu l’impression qu’il essayait simplement d’éviter de répondre aux questions. À moins que des points importants de son témoignage n’aient été confirmés par le témoignage d’un autre témoin, ou par une preuve documentaire que j’estime fiable, je ne puis accepter son témoignage.

 

[20]      Les premier et deuxième chefs figurant dans l’acte d’accusation portent sur des infractions visées à l’alinéa 125a) de la Loi sur la défense nationale, c’est‑à‑dire que l’accusé a fait volontairement une fausse déclaration dans un document officiel établi de sa main. J’ai analysé les éléments de l’infraction visée à l’alinéa 125a) dans la décision Caporal J. Wells, tranchée le 14 janvier 2004. En plus d’identifier l’accusé à titre de contrevenant et d’établir la date et le lieu de l’infraction, la poursuite doit établir les éléments suivants :

 

1.                  l’existence d’une fausse déclaration dans un document;

2.                  le fait que le document a été établi par l’accusé;

3.                  le caractère officiel du document;

4.                  l’intention de l’accusé d’établir le document;

5.                  l’état d’esprit répréhensible de l’accusé, qu’il s’agisse de négligence ou d’une intention délibérée en ce qui a trait à la fausseté du document.

 

[21]      Dans le cas qui nous occupe, la poursuite prétend que l’accusé a fait volontairement deux fausses déclarations dans des documents relatifs à sa demande de reconnaissance de son union de fait avec Rhea Noblefranca. Le premier chef concerne une déclaration solennelle faite par le Soldat Cruz le 17 mai 2007, pièce 10 dont je dispose, dans lequel ce dernier jure conjointement avec Rhea Noblefranca qu’ils ont [traduction] « habité ensemble pendant au moins un an précédant la demande de reconnaissance ». Le deuxième chef concerne un formulaire, une demande relative à une union de fait, pièce 11, daté du 29 mai 2007 et signé par le Soldat Cruz, dans lequel il affirme répondre aux exigences pour que soit reconnue son union de fait à partir du 29 septembre 2006.

 

[22]      Il ne fait aucun doute que la déclaration solennelle mentionnée dans le premier chef, et que la demande relative à une union de fait mentionnée dans le deuxième chef, ont toutes deux été établies et signées par le Soldat Cruz. Les Forces canadiennes reconnaissent le statut de conjoint de fait des militaires, qui font partie d’une union de fait. Je dispose de la pièce 34, un document de politique établi par le chef du personnel militaire intitulé Union de fait et daté du 23 août 2006. Suivant l’article 2.1, « [l]es FC reconnaissent les droits de ses militaires d’établir des relations sérieuses comme les mariages et les unions de fait. Les militaires qui font partie d’une union de fait ont le droit de bénéficier de la même reconnaissance et des mêmes avantages que ceux offerts aux personnes mariées. »

 

[23]      L’article 1.075 des ORFC, intitulé « Conjoint de fait et union de fait », s’applique aux règlements, ordres et directives émis en vertu de la Loi sur la défense nationale, et définit ainsi les termes au paragraphe 2 :

 

« conjoint de fait » En ce qui concerne un officier ou militaire du rang, la personne qui cohabite avec lui dans une relation conjugale :

 

a)            soit depuis au moins un an;

 

b)            soit depuis moins d’un an s’ils assument conjointement la charge d’un enfant.

 

« union de fait » Relation qui existe entre un officier ou militaire du rang et son conjoint de fait.

 

[24]      Qu’entend‑on par « relation conjugale »? Selon le Nouveau Petit Robert 2009, le terme « conjugal » est défini comme « relatif à l’union entre époux ». Dans la décision Molodowich c. Penttinen (1980), 17 R.F.L. (2D) 376, à la page 381, citée et approuvée par la Cour suprême du Canada dans M. c. H. [1999] 2 R.C.S. 3, au paragraphe 59, la Cour de district de l’Ontario a établi un certain nombre de facteurs à examiner afin de déterminer l’existence d’une relation conjugale et afin d’aider à distinguer une relation conjugale d’une simple entente économique. En général, les facteurs établis dans la décision Molodowich semblent mettre de l’avant les questions suivantes pour déterminer si une relation est de nature conjugale : les parties souhaitent‑elles que la relation dure indéfiniment? La relation suppose‑t‑elle une intimité sexuelle entre les parties, à l’exclusion de toute autre partie?

 

[25]      Malgré le libellé du premier chef, je suis convaincu qu’il faudrait considérer que la période d’un an mentionnée dans la déclaration solennelle est celle débutant le 29 mai 2006, soit un an avant la date de la demande, pièce 11. Les deux documents devraient être interprétés conjointement. S’agissant de la présumée fausseté de la déclaration solennelle, il s’agit de savoir si le Soldat Cruz et Mme Noblefranca ont effectivement habité ensemble du 29 mai 2006 au 29 mai 2007. La séparation pour des raisons d’ordre militaire n’interrompt pas la période pertinente. Le paragraphe 1.075(4) des ORFC prévoit ce qui suit :

 

Il est entendu que l’union de fait ne prend pas fin du seul fait que l’officier ou militaire du rang et le conjoint de fait vivent séparément pour des raisons d’ordre militaire.

 

[26]      Je tiens pour avéré qu’à la fin du mois de mai 2006, le Soldat Cruz et Rhea Noblefranca étaient en vacances aux Philippines et que durant ces vacances, le Soldat Cruz a contribué substantiellement aux dépenses engagées par les deux. À cette époque, ils avaient des relations sexuelles car ils essayaient d’avoir un enfant. À leur retour au Canada, le Soldat Cruz a fait sa demande pour joindre les Forces canadiennes et a été enrôlé le 29 septembre 2006. Après une courte période de congé sans solde, il est allé à la BFC Gagetown pour suivre son entraînement militaire de base. En décembre 2006, après avoir terminé son entraînement de base, le Soldat Cruz et Mme Noblefranca ont préparé leur mariage et se sont mariés au début de mars 2007. Le mois suivant, le Soldat Cruz s’est rendu à la BFC Borden pour suivre son cours de commis NQ3, où il était le 17 mai, lorsqu’il a signé la déclaration solennelle, et le 29 mai 2007, lorsqu’il a signé la demande relative à une union de fait.

 

[27]      La poursuite a assumé le fardeau de prouver l’inexistence d’un fait, soit que le Soldat Cruz n’habitait pas avec Rhea Noblefranca durant cette période, et de prouver cette inexistence hors de tout doute raisonnable. Bien que je n’admette pas le témoignage du Soldat Cruz quant à l’endroit où il habitait, je ne suis pas convaincu d’après tous les témoignages que j’ai entendus qu’il n’habitait pas avec Mme Noblefranca durant cette période. La poursuite s’appuie sur le témoignage de Mme Noblefranca et sur celui de sa mère pour prouver ce fait. Toutefois, Mme Noblefranca et sa mère ont toutes deux signé de faux documents, certes à la demande du Soldat Cruz, néanmoins de leur propre gré, pour tromper les autorités militaires concernant la relation entre Mme Noblefranca et le Soldat Cruz et la participation de ce dernier à la gestion de la maison de Côte Saint‑Luc. 

 

[28]      J’estime que Mme Noblefranca n’était pas totalement franche et avenante dans son témoignage quant à la nature de sa relation avec le Soldat Cruz avant qu’ils se marient. Pour ces motifs et d’après tous les témoignages, y compris ceux de Leonard et de Loretta Cruz portant que le Soldat Cruz n’a pas habité dans la maison de Laval pendant de longues périodes, j’ai un doute quant à savoir si le Soldat Cruz n’habitait pas avec Mme Noblefranca dans l’appartement de Côte Saint-Luc, et le Soldat Cruz doit bénéficier de ce doute. Il n’est pas coupable du premier chef.

 

[29]      Le deuxième chef concerne la fausseté de la demande relative à une union de fait signée par le Soldat Cruz. La poursuite soutient qu’il a fait une fausse déclaration en indiquant que les exigences prescrites par l’article 1.075 des ORFC visant la reconnaissance de son union de fait étaient remplies en date du 29 septembre 2006, parce qu’en réalité, dans les observations de la poursuite, les parties n’avaient pas habité ensemble dans une relation conjugale pendant au moins un an avant le 29 septembre 2006, comme l’exige l’article 1.075 des ORFC.

 

[30]      D’après tous les témoignages, je suis convaincu que le Soldat Cruz et Mme Noblefranca n’habitaient pas ensemble dans une relation conjugale le 29 septembre 2005 et, par conséquent, la demande, pièce 11, est fausse. Toutefois, je ne suis pas convaincu que le Soldat Cruz savait qu’il faisait une fausse déclaration au moment où il a signé la demande. Par conséquent, j’ai un doute raisonnable quant à savoir si le Soldat Cruz a volontairement fait cette fausse déclaration.

 

[31]      Il y a eu très peu d’éléments de preuve concernant les circonstances dans lesquelles les documents relatifs à une union de fait ont été préparés. Je retiens du témoignage du Lieutenant Heffernan, qui a indiqué au moyen d’une déclaration solennelle, pièce 45, que comme pour les autres genres de documents militaires relatifs aux étudiants qui suivent le cours de NQ3 à la BFC Borden, la demande relative à une union de fait devrait être traitée par l’instructeur de l’étudiant. La pièce 38 révèle que les instructeurs du cours de NQ3 du Soldat Cruz étaient le Caporal‑chef T. Blair et le Caporal‑chef D. Lundrigan, qui n’ont ni l’un ni l’autre témoigné. La Caporal‑chef Skinner a témoigné par liaison télévisuelle pour la défense. Elle occupait le poste de commis à la salle des rapports de l’École d’administration et de logistique à la BFC Borden. Le 17 mai, elle a reçu par  télécopie une déclaration solennelle signée par Rhea Noblefranca, mais qui n’était pas signée par le Soldat Cruz et le Lieutenant Heffernan, pièce 46. Ce document semble être une version antérieure de la pièce 10. La Caporal‑chef Skinner se souvenait vaguement d’avoir traité la demande du Soldat Cruz, mais n’a donné aucun renseignement à la cour quant à la préparation du formulaire de demande, pièce 11, le 29 mai. Aucune autre personne qui aurait pu participer à la préparation de la pièce 11 avant qu’elle ne soit signée par le Soldat Cruz n’a témoigné.

 

[32]      La pièce 11 n’est pas un faux document sauf en ce qui concerne la date du « 29 septembre 2006 » inscrite sur la ligne au‑dessus du mot « date ». Je ne dispose d’aucune preuve concernant les circonstances dans lesquelles on a choisi d’inscrire cette date particulière sur cette ligne, ni la personne qui a fait ce choix. Il se trouve que cette date est la même que celle à laquelle le Soldat Cruz s’est enrôlé dans les FC. De plus, rien n’indique que le Soldat Cruz savait qu’il devait avoir vécu dans une union de fait avec Mme Noblefranca depuis au moins un an avant sa date d’enrôlement. Je ne suis pas non plus convaincu que le Soldat Cruz connaissait la signification de la date du 29 septembre sur la pièce 11 au moment où il l’a signé. Si la preuve démontrait que le Soldat Cruz avait été informé par la personne qui a préparé ce document de la signification de la date inscrite sur le formulaire à titre de « date d’entrée en vigueur » de son union de fait, et qu’il avait ensuite répondu faussement à la question de savoir à quel moment son union de fait a commencé, j’aurais bien pu parvenir à une conclusion différente. Il n’est pas coupable du deuxième chef.

 

[33]      Les conditions du service militaire pour les Forces canadiennes exigent souvent que les militaires vivent séparément de leurs personnes à charge pendant une certaine période pour des raisons militaires valides. Il est reconnu que cette séparation forcée entraîne des dépenses supplémentaires pour les militaires afin de couvrir les coûts du logement, des repas et des dépenses secondaires engagées au nouveau lieu de service. Les règlements figurant dans les Directives sur la rémunération et les avantages sociaux applicables aux Forces canadiennes (DRAS) et dans d’autres instruments prévoient le paiement de fonds publics pour compenser les dépenses supplémentaires. 

 

[34]      Les troisième et quatrième chefs d’accusation concernent des infractions de fraude commises par le Soldat Cruz en réclamant une indemnité d’absence du foyer à laquelle il n’avait pas droit pendant deux périodes différentes. En droit, la fraude est une privation délibérément malhonnête.

 

[35]      Le quatrième chef concerne une série de demandes présentées par le Soldat Cruz vers la fin de son cours à Borden à la fin de juin 2007 pour une indemnité d’absence du foyer. Les demandes ont été présentées par le Soldat Cruz, qui a signé un formulaire intitulé « Demandes d’indemnités de réinstallation temporaire (IRT) et d’indemnité d’absence du foyer (IAF) », pièce 43. Il a signé le formulaire le 12 avril 2007, le jour où il a commencé son cours de NQ3 à Borden. Dans la case prévue pour la résidence principale, il a indiqué que ses personnes à charge résidaient dans l’appartement de Côte Saint-Luc. Il a demandé des IRT et une IAF à partir du 10 mars 2007, soit la date de son mariage avec Rhea Noblefranca. 

 

[36]      La pièce 12 consiste en une série de huit formulaires généraux de demande d’indemnité dans lesquels le Soldat Cruz réclamait, et recevait apparemment, 13 $ par jour, moins les rajustements, pour chaque mois du 10 octobre 2006 au 27 juin 2007, pour un total de 2 457 $. Au-dessus de sa signature au paragraphe 2 de chaque demande, le Soldat Cruz a certifié qu’il s’occupe [traduction] « d’une personne à charge au sens de l’article 209.997 des DRAS et qu’il ne prévoit pas se séparer judiciairement ou autrement ».

 

[37]      Là encore, je ne dispose virtuellement d’aucune preuve concernant les circonstances dans lesquelles les formulaires généraux de demande d’indemnité ont été préparés. À première vue, sept de ces documents étaient signés par le Soldat Cruz en date du 21 juin 2007, une semaine avant la fin de son cours de NQ3. Le huitième formulaire était signé en date du 28 juin, le jour où le cours a pris fin. Tous les huit formulaires étaient signés par Tracy MacLean, une commis à la salle des rapports de l’EALFC, le même jour ou le jour suivant la date de signature du Soldat Cruz. Tracy MacLean certifie sur chaque document que [traduction] « le droit à l’IAF a été établi pour cette période suivant les dispositions de l’article 209.997 des DRAS ». Tracy MacLean n’a pas été appelée à témoigner. Le Sergeant Vezina a également signé chacune de ces demandes à titre de coordonnateur de budget et a déclaré que le droit à cette indemnité est vérifié par le personnel des salles des rapports. Toutefois, rien n’indiquait de quelle façon ce droit était vérifié en l’espèce, soit par l’examen d’autres documents, soit en questionnant le demandeur, ou peut‑être par d’autres moyens. En particulier, rien n’indiquait si on avait pris des mesures pour vérifier le statut des personnes à charge.

 

[38]      Le terme « personne à charge » est défini comme suit au paragraphe 209.80(3) des DRAS :

 

« personne à charge » À l’égard d’un officier ou militaire du rang :

 

(a)                 l’époux ou conjoint de fait du militaire qui demeure normalement avec lui à son lieu de service ou qui demeure séparément de lui pour des raisons militaires […]

 

La poursuite prétend que Mme Noblefranca n’était pas une personne à charge au sens des DRAS, car pour la majeure partie de la période à l’égard de laquelle l’indemnité d’absence du foyer a été payée, aussi loin qu’au milieu du mois d’octobre 2006, elle n’était ni une épouse ni une conjointe de fait. Même si elle l’était, elle ne demeurait pas normalement avec le Soldat Cruz, mais vivait seule avec sa mère dans l’appartement de Côte Saint‑Luc.

 

[39]      Pour les motifs que j’ai déjà donnés, j’ai des doutes quant à savoir si le Soldat Cruz habitait avec Mme Noblefranca dans l’appartement de Côte Saint-Luc pendant une certaine période avant qu’il ne joigne les FC en septembre 2006. Je ne puis affirmer hors de tout doute raisonnable que Mme Noblefranca n’était pas une personne à charge au sens des DRAS tout au long de la période mentionnée dans le quatrième chef et, par conséquent, je ne saurais affirmer que le Soldat Cruz n’avait pas droit à une indemnité d’absence du foyer pour cette période. L’élément de privation de Sa Majesté n’est pas prouvé hors de tout doute raisonnable. Même s’il n’avait pas droit à l’indemnité d’absence du foyer pour une partie de la période visée en l’espèce, je ne suis également pas convaincu que le Soldat Cruz a malhonnêtement réclamé cette indemnité. Il n’est pas coupable du quatrième chef.

 

[40]      Le troisième chef concerne également une indemnité d’absence du foyer réclamée et apparemment payée au Soldat Cruz pendant 12 mois alors qu’il était en service à Ottawa. Ces demandes viennent d’une deuxième demande d’indemnités de réinstallation temporaire (IRT) et d’indemnité d’absence du foyer (IAF), pièce 16, datée et signée par le Soldat Cruz le 3 juillet 2007 et prenant effet le même jour. La pièce 14 consiste en une série de formulaires généraux de demande d’indemnité pour la période du 5 juillet 2007 au 30 juin 2008, dans laquelle les coûts du loyer, des meubles et des repas sont réclamés sur le fondement du soi‑disant pouvoir de l’Ordre général des Forces canadiennes 124/06. Je dispose de cet instrument à titre de pièce 33. Il indique que la « réinstallation temporaire ne s’applique qu’aux militaires qui sont affectés à une nouvelle unité et qui ne déménage[nt] pas leurs personnes à charges [sic], meubles et effets ». Là encore, le Soldat Cruz a signé chaque demande et a certifié qu’il s’occupe [traduction] « d’une personne à charge au sens du paragraphe 209.80(3) des ORFC et qu’il ne prévoit pas se séparer durant la période indiquée dans cette demande ». Là encore, il n’y a aucune preuve quant aux circonstances dans lesquelles les formulaires, pièce 14, ont été préparés avant qu’ils ne soient signés par le Soldat Cruz, mais chacun des formulaires étaient également signés par une personne qui a certifié que [traduction] « le droit à l’IAF a été établi pour cette période suivant les dispositions des paragraphes 209.95(3), (4) ou (5) des ORFC, selon le cas ».

 

[41]      Là encore, la poursuite prétend que le Soldat Cruz n’avait pas droit à cette indemnité parce que bien qu’il ait été séparé de sa femme Rhea alors qu’il était en service à Ottawa, il ne demeurait pas normalement avec elle lorsqu’il était à Montréal. Pour les motifs que j’ai déjà donnés, je ne suis pas convaincu que le Soldat Cruz ne demeurait pas avec sa femme lorsqu’il n’était pas en service à Ottawa et, par conséquent, je ne saurais conclure hors de tout doute raisonnable qu’il n’avait pas droit à l’indemnité d’absence du foyer qui lui a été versée. Même si j’en étais convaincu, là encore, je ne saurais dire hors de tout doute raisonnable que le Soldat Cruz a malhonnêtement réclamé ces montants. Il n’est pas coupable du troisième chef.

 

[42]      La poursuite prétend que le Soldat Cruz a suivi l’instruction de commis SGR; par conséquent, il connaissait bien les demandes et le traitement des demandes. L’avocat attire l’attention sur des notes de service déposées en preuve et signées par le Soldat Cruz, qui semblent avoir été préparées conformément aux coutumes militaires, à un niveau élevé de professionnalisme. La poursuite soutient que le Soldat Cruz a appris l’existence de l’indemnité d’absence du foyer alors qu’il était en service à Borden, et a fait une fausse déclaration quant à son union de fait à l’appui de sa demande d’indemnité, à laquelle il n’aurait pas eu droit s’il avait été célibataire. L’avocat attire l’attention sur le plan du cours de NQ3 présenté en preuve, pièce 38, pour faire valoir que le Soldat Cruz a été généralement informé du soutien à l’égard du déplacement de personnel et précisément de la restriction imposée et de l’indemnité d’absence du foyer dès le 31 mai et le 7 juin 2007, durant les huitième et neuvième semaines du cours de NQ3. Je suis donc appelé à conclure que le Soldat Cruz savait qu’il n’avait pas droit à cette indemnité au moment où il l’a réclamée.

 

[43]      À mon sens, la séquence d’événements telle qu’elle est révélée par la preuve documentaire n’étaye pas les prétentions de la poursuite. Comme je l’ai déjà dit, le Soldat Cruz a demandé pour la première fois une indemnité d’absence du foyer le jour où il a commencé son cours de NQ3. Sa demande de reconnaissance de son union de fait a été présentée quelques jours avant qu’il ne soit informé de l’indemnité d’absence du foyer. Suivant tous les témoignages que j’ai entendus, je conclus que le Soldat Cruz était un membre des Forces canadiennes très peu expérimenté au moment où il a signé les demandes, qui ne comprenait pas bien les règlements et les instruments qui régissaient ses droits.

 

[44]      Enfin, le cinquième chef concerne une infraction pour avoir volontairement tenté d’entraver le cours de la justice en demandant à Mme Noblefranca de changer sa déclaration à la police militaire. Elle a déclaré qu’en 2009, la police militaire est venue à sa maison et quelques jours plus tard, elle a reçu un appel du Soldat Cruz lui demandant de mentir et de dire qu’il vivait avec elle. Il était fâché et a affirmé que si elle ne faisait pas ce qu’il lui avait dit de faire, il devrait aller en cour et verser une somme d’argent. Il lui a demandé de dire la même chose que lui si la police militaire venait à la maison. Ensuite, elle a déclaré qu’elle ne savait pas si mentir était le bon mot.

 

[45]      Au vu de toute la preuve, je ne saurais affirmer que je suis convaincu hors de tout doute raisonnable qu’en parlant à Mme Noblefranca, le Soldat Cruz avait l’intention d’entraver le cours de la justice. Je ne sais pas quels renseignements Mme Noblefranca a donnés à la police, ni si le Soldat Cruz sait quels renseignements elle a donnés à la police. Si la police a dit au Soldat Cruz ce que Mme Noblefranca lui avait dit précédemment, cette conversation n’a pas été présentée en preuve en l’espèce. Je ne sais pas non plus à quelle période elle faisait référence lorsqu’elle a déclaré que ce serait un mensonge de dire que le Soldat Cruz demeurait avec elle. En effet, le fait qu’elle a qualifié les propos du Soldat Cruz de mensonge m’apparaît davantage comme une conclusion qu’elle a tirée selon les faits qui lui étaient apparents. Je ne suis pas prêt à dire qu’une telle conclusion était déraisonnable de sa part, mais les éléments de preuve sont insuffisants pour me permettre de tirer la même conclusion hors de tout doute raisonnable. Le Soldat Cruz n’est pas coupable du cinquième chef.


 

Avocats :

 

Capitaine E. Carrier, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Major J.A.E. Charland, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du Soldat D.J. Cruz

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