Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 18 octobre 2010

Endroit : Centre Asticou, Bloc 2600, Pièce 2601, 241 boulevard de la Cité-des-Jeunes, Gatineau (QC)

Chefs d'accusation
•Chefs d'accusation 1, 2 : Al. 125a) LDN, a fait volontairement une fausse inscription dans un document official établit par lui.
•Chefs d'accusation 3, 4 : Art. 130 LDN, fraude (art. 380(1) C. cr.).
•Chef d'accusation 5 : Art. 130 LDN, a entravé le cours de la justice (art. 139(2) C. cr.).

Résultats
•VERDICTS : Chefs d'accusation 1, 2, 3, 4, 5 : Non coupable.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence :  R. c. Cruz, 2010 CM 2020

 

Date :  20101207

Dossier :  201045

 

Cour martiale permanente

 

Centre Asticou

Gatineau (Québec) Canada

 

Entre : 

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Soldat D.J. Cruz, accusé

 

 

En présence du capitaine de frégate P.J. Lamont, J.M.


 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

DÉCISION RELATIVE À L’AVIS DE LA DEMANDE DE PROCÈS DISTINCTS

 

(Oralement)

 

[1]        La demande, déposée comme pièce M2-1, laquelle est une demande de procès distincts, est rejetée.

 

[2]        Le soldat Cruz est accusé de cinq infractions à la Loi sur la défense nationale. Au début de son procès de la Cour martiale permanente, il a déposé un avis écrit de demande, déposé comme pièce M2-1, pour obtenir la tenue de procès distincts sur les accusations. J’ai rejeté la demande. 

 

[3]        L’alinéa 112.05(5)d) des Ordonnances et règlements royaux prévoit ce qui suit :  

 

 

d) si l’acte d’accusation contient plus d’un chef d’accusation, la cour, si elle considère que l’intérêt de la justice l’exige, peut procéder par procès distincts et fixer l’ordre dans lequel ces procès auront lieu;

 

[4]        L’avocat m’a invité à appliquer le raisonnement qui serait appliqué aux procès en vertu du Code criminel, dont le paragraphe 591(3) est libellé comme suit :

 

(3) Lorsqu’il est convaincu que les intérêts de la justice l’exigent, le tribunal peut ordonner :

 

a) que l’accusé ou le défendeur subisse son procès séparément sur un ou plusieurs chefs d’accusation;

 

[5]        Les cinq chefs d’accusation appartiennent à trois groupes : dans le cas des deux premiers chefs, l’infraction reprochée consistait à avoir fait une fausse déclaration dans un document officiel; dans le cas des troisième et quatrième chefs, l’infraction reprochée était la fraude qu’il aurait commise en réclamant les indemnités d’absence; et dans le cas du cinquième chef, l’infraction reprochée consistait à avoir tenté d’entraver le cours de la justice. Le demandeur prétend que l’accusé devrait subir trois procès distincts.   

 

[6]        Je conviens avec l’avocat que les principes élaborés dans l’article 591 du Code criminel devraient s’appliquer dans le cas de la présente demande. Le libellé clair de cet article et de la disposition analogue dans les Ordonnances et règlements royaux impose le fardeau au demandeur de montrer que les intérêts de la justice exigeaient la tenue de procès distincts.

 

[7]        Au paragraphe 18 de l’arrêt R. c. Last, 2009 CSC 45, la Cour suprême du Canada, sous la plume de la juge Deschamps, a examiné les facteurs à prendre en considération lorsqu’il s’agit de trancher la question de savoir si les intérêts de la justice nécessitent la tenue de procès distincts.

 

Les facteurs que les tribunaux utilisent à bon droit sont notamment les suivants : le préjudice causé à l’accusé, le lien juridique et factuel entre les chefs d’accusation, la complexité de la preuve, la question de savoir si l’accusé entend témoigner à l’égard d’un chef d'accusation, mais pas à l’égard d’un autre, la possibilité de verdicts incompatibles, le désir d’éviter [la] multiplicité des instances, l’utilisation de la preuve de faits similaires au procès, la durée du procès compte tenu de la preuve à produire, le préjudice que l’accusé risque de subir quant au droit d’être jugé dans un délai raisonnable et l’existence de moyens de défense diamétralement opposés entre coaccusés […]

 

[8]        Comme l’a affirmé clairement la cour, cette liste de facteurs n’est pas exhaustive. À la fin de l’exercice, le tribunal de première instance doit examiner et (paragraphe 44) :

 

[...] apprécier cumulativement les facteurs pertinents afin de déterminer si les intérêts de la justice exigeaient la séparation des chefs d’accusation.

 

Les intérêts de la justice, ajoute la cour au paragraphe 16 :

 

[...] englobent le droit de l’accusé d’être jugé en fonction de la preuve admissible contre lui, ainsi que l’intérêt de la société à ce que justice soit rendue d’une manière raisonnablement efficace, compte tenu des coûts.

 

[9]        Quelques-uns des facteurs énumérés dans Last ne se posent pas en l’espèce. Par exemple, la poursuite n’a pas l’intention de produire la preuve de faits similaires et il n’y a aucun coaccusé qui risque de soulever un moyen de défense diamétralement opposé. 

 

[10]      À mon avis, les facteurs suivants militent particulièrement contre la tenue de procès distincts sur les accusations de l’espèce. Compte tenu de la preuve que j’ai entendue dans le cadre de la présente affaire, je conclus qu’il y a un lien factuel étroit entre les chefs d’accusation. Les deux premiers chefs requièrent d’examiner la nature de la relation entre l’accusé, le soldat Cruz, et Mme Rhea Noblefranca et leurs conditions de vie. Les troisième et quatrième chefs soulèvent la question de savoir si l’accusé avait droit, ou non, aux prestations financières dans le cadre de son service militaire, lesquelles dépendent, en partie, de la relation conjugale entre ces deux parties. Le cinquième chef porte sur la question de savoir s’il a tenté de déformer les faits pertinents aux quatre autres chefs d’accusation. Par conséquent, les faits en l’espèce sont très différents de ceux exposés dans R. c. Last où la juge Deschamps a souligné que les deux agressions sexuelles étaient des événements distincts, et au paragraphe 32 :

 

[...] Le juge des faits n’a pas besoin de connaître une affaire pour pouvoir comprendre l’autre.

 

En l’espèce, une compréhension des faits qui sous-tendent les chefs d’accusation appartenant à un groupe est sans doute très importante pour bien comprendre les faits sous-tendant les autres chefs d’accusation.   

 

[11]      De manière générale, plus le lien entre les questions de fait est étroit, plus le risque de rendre des verdicts incompatibles dans des procès distincts est élevé. J’estime que ce risque, si trois procès distincts étaient tenus en l’espèce, est plus que minimal.

 

[12]      L’intention exprimée par l’accusé de témoigner à l’égard de certains chefs d’accusation, mais d’exercer son droit de ne pas témoigner à l’égard des autres, est un facteur important. Certes, je reconnais que le fait de rejeter une demande de procès distincts a pour effet d’obliger l’accusé à témoigner à l’égard de tous les chefs d’accusation s’il choisit de témoigner à l’égard de l’un ou l’autre des chefs. Les accusés, comme tout autre témoin, ne peuvent choisir de répondre seulement à certaines questions qui leur sont posées. Cependant, compte tenu du peu de renseignements fournis par l’avocat du soldat Cruz dans ses observations, je ne suis pas convaincu que l’intention exprimée est objectivement justifiable. Les questions de fait dans le cadre des cinq chefs d’accusation sont différentes, mais elles sont étroitement liées. Il est donc difficile de comprendre pourquoi, s’il choisit de témoigner, le soldat Cruz voudrait limiter son témoignage à certains chefs d’accusation.

 

[13]      Dans ses observations, l’avocat n’a pas relevé les préjudices que subirait l’accusé si un procès conjoint portant sur les cinq chefs d’accusation était tenu. Personnellement, je n’en vois aucun. Et l’aspect pratique du temps et des ressources, y compris l’inconvénient subi par les deux témoins de la poursuite, qui auraient été obligés de témoigner à trois différentes occasions, milite en faveur d’un procès conjoint portant sur tous ces chefs d’accusation étroitement liés. La demande est rejetée.


 

Avocats :

 

Capitaine E. Carrier, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté

 

Major J.A.E. Charland, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du soldat D.J. Cruz

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