Cour martiale
Informations sur la décision
Résumé :
Date de l'ouverture du procès : 13 octobre 2009
Endroit : 8e Escadre Trenton, Édifice 22, 74 avenue Polaris, Trenton (ON)
Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 : Art. 130 LDN, agression sexuelle (art. 271 C. cr.).
Résultats
•VERDICT : Chef d'accusation 1 : Non coupable.
Contenu de la décision
Page 1 de 15 Référence : R. c. L’ex-Maître de 1 re classe McDougall, 2009 CM 4018 Dossier : 200921 COUR MARTIALE PERMANENTE CANADA ONTARIO BASE DES FORCES CANADIENNES TRENTON Date : Le 27 octobre 2009 SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL J-G. PERRON, J.M. SA MAJESTÉ LA REINE c. L’EX-MAÎTRE DE 1 RE CLASSE R.J. MCDOUGALL (accusé) Mise en garde Par ordonnance de la cour rendue en vertu de l’article 179 de la Loi sur la défense nationale et de l’article 486.4 du Code criminel, il est interdit de publier ou de diffuser de quelque façon que ce soit tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité de la personne décrite dans le présent jugement comme étant la plaignante. VERDICT (prononcé de vive voix) TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE [1] L’ex-Maître de 1 re classe McDougall est accusé en application de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale d’avoir commis une agression sexuelle, une infraction prévue à l’article 271 du Code criminel du Canada. Une ordonnance interdisant la publication ou la diffusion, de quelque façon que ce soit, de tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité de la plaignante a été rendue au début de l’instance en vertu de l’article 179 de la Loi sur la défense nationale et de l’article 486.4 du Code criminel du Canada.
Page 2 de 15 [2] La poursuite soutient que la preuve présentée à la cour établit hors de tout doute raisonnable tous les éléments de l’infraction présumée. Elle prétend que l’ex-Maître de 1 re classe McDougall a eu une relation sexuelle avec la plaignante sans son consentement. L’accusé affirme que lui et la plaignante ont effectivement eu une relation sexuelle, mais que la plaignante y a participé de son plein gré. [3] Avant que la cour procède à son analyse de la preuve et de l’accusation, il convient de traiter de la présomption d’innocence et de la preuve hors de tout doute raisonnable, une norme de preuve qui est inextricablement liée aux principes fondamentaux applicables à tous les procès criminels. Ces principes sont bien connus des avocats, mais peut-être pas des autres personnes qui se trouvent dans la salle d’audience. [4] Il est juste de dire que la présomption d’innocence est fort probablement le principe le plus fondamental de notre droit pénal, et le principe de la preuve hors de tout doute raisonnable en est un élément essentiel. Dans les affaires qui relèvent du Code de discipline militaire comme dans celles qui relèvent du droit pénal canadien, toute personne accusée d’une infraction criminelle est présumée innocente tant que la poursuite ne prouve pas sa culpabilité hors de tout doute raisonnable. Un accusé n’a pas à prouver qu’il est innocent. C’est à la poursuite qu’il incombe de prouver hors de tout doute raisonnable chacun des éléments de l’infraction. Un accusé est présumé innocent tout au long de son procès, jusqu’à ce qu’un verdict soit rendu par le juge des faits. [5] La norme de la preuve hors de tout doute raisonnable ne s’applique pas à chacun des éléments de preuve ou aux différentes parties de la preuve présentés par la poursuite, mais plutôt à l’ensemble de la preuve sur laquelle cette dernière s’appuie pour établir la culpabilité de l’accusé. Le fardeau de prouver hors de tout doute raisonnable la culpabilité d’un accusé incombe à la poursuite, jamais à l’accusé. [6] Un tribunal doit déclarer un accusé non coupable s’il a un doute raisonnable quant à sa culpabilité après avoir considéré l’ensemble de la preuve. L’expression « hors de tout doute raisonnable » est employée depuis très longtemps. Elle fait partie de notre histoire et de nos traditions juridiques. [7] Dans l’arrêt R. c. Lifchus, [1997] 3 R.C.S. 320, la Cour suprême du Canada a proposé un modèle de directives pour le doute raisonnable. Les principes décrits dans cet arrêt ont été appliqués dans plusieurs autres arrêts de la Cour suprême et des cours d’appel. Essentiellement, un doute raisonnable n’est pas un doute farfelu ou frivole. Il ne doit pas être fondé sur la sympathie ou sur un préjugé. Il repose sur la raison et le bon sens. C’est un doute qui survient à la fin du procès et qui est fondé non seulement sur ce que la preuve révèle au tribunal, mais également sur ce qu’elle ne lui révèle pas. Le fait qu’une personne a été accusée n’est absolument pas une indication qu’elle est coupable.
Page 3 de 15 [8] Dans l’arrêt R. c. Starr, [2000] 2 R.C.S. 144, la Cour suprême a statué que : [...] une manière efficace de définir la norme du doute raisonnable à un jury consiste à expliquer qu’elle se rapproche davantage de la certitude absolue que de la preuve selon la prépondérance des probabilités. Par contre, il faut se rappeler qu’il est pratiquement impossible de prouver quoi que ce soit avec une certitude absolue. La poursuite n’a pas à le faire. La certitude absolue est une norme de preuve qui n’existe pas en droit. La poursuite doit seulement prouver la culpabilité de l’accusé, en l’espèce l’ex-Maître de 1 re classe McDougall, hors de tout doute raisonnable. Pour placer les choses en perspective, si la cour est convaincue que l’accusé est probablement ou vraisemblablement coupable, elle doit l’acquitter car la preuve d’une culpabilité probable ou vraisemblable ne constitue pas une preuve de culpabilité hors de tout doute raisonnable. [9] Qu’entend-on par preuve? La preuve peut comprendre des témoignages sous serment ou des déclarations solennelles faits devant la cour par des personnes appelées à témoigner sur ce qu’elles ont vu ou fait. Elle peut être constituée de documents, de photographies, de cartes ou d’autres éléments présentés par les témoins, de témoignages d’experts, d’aveux judiciaires quant aux faits par la poursuite ou la défense ou d’éléments dont la cour prend judiciairement connaissance. [10] Il n’est pas rare que des éléments de preuve présentés à la cour soient contradictoires. Les témoins ont souvent des souvenirs différents d’un fait. La cour doit déterminer quels éléments de preuve sont crédibles. [11] La crédibilité n’est pas synonyme de dire la vérité et l’absence de crédibilité n’est pas synonyme de mentir. De nombreux facteurs doivent être pris en compte dans l’évaluation que la cour fait de la crédibilité d’un témoin. Par exemple, la cour évaluera la possibilité qu’a eue le témoin d’observer, les raisons d’un témoin de se souvenir. Elle se demandera, par exemple, si quelque chose de précis a aidé le témoin à se rappeler les détails de l’incident qu’il a décrit, si les faits valaient la peine d’être notés, s’ils étaient inhabituels ou frappants, ou relativement sans importance et, par conséquent, à juste titre plus faciles à oublier. Le témoin a-t-il un intérêt dans l’issue du procès; en d’autres termes, a-t-il une raison de favoriser la poursuite ou la défense, ou est-il impartial? Ce dernier facteur s’applique d’une manière quelque peu différente à l’accusé. Bien qu’il soit raisonnable de présumer que l’accusé a intérêt à se faire acquitter, la présomption d’innocence ne permet pas de conclure qu’il mentira lorsqu’il décide de témoigner. [12] Un autre facteur qui doit être pris en compte dans la détermination de la crédibilité d’un témoin est son apparente capacité à se souvenir. L’attitude du témoin quand il témoigne est un facteur dont on peut se servir pour évaluer sa crédibilité : le témoin était-il réceptif aux questions, honnête et franc dans ses réponses, ou évasif, hésitant? Argumentait-il sans cesse? Finalement, son témoignage était-il cohérent en lui-même et compatible avec les faits qui n’ont pas été contestés?
Page 4 de 15 [13] De légères contradictions peuvent se produire, et cela arrive en toute innocence; elles ne signifient pas nécessairement que le témoignage devrait être écarté. Il en est autrement, par contre, dans le cas d’un mensonge délibéré : cela est toujours grave et peut vicier le témoignage en entier. [14] La cour n’est pas tenue d’accepter le témoignage d’une personne à moins que celui-ci ne lui paraisse crédible. Cependant, elle jugera un témoignage digne de foi à moins d’avoir une raison de ne pas le croire. [15] La cour doit s’attarder au critère établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt R. c. W. (D.), [1991] 1 R.C.S. 742. Le critère est formulé dans les termes suivants : Premièrement, si vous croyez la déposition de l’accusé, manifestement vous devez prononcer l’acquittement. Deuxièmement, si vous ne croyez pas le témoignage de l’accusé, mais si vous avez un doute raisonnable, vous devez prononcer l’acquittement. Troisièmement, même si n’avez pas de doute à la suite de la déposition de l’accusé, vous devez vous demander si, en vertu de la preuve que vous acceptez, vous êtes convaincus hors de tout doute raisonnable par la preuve de la culpabilité de l’accusé. Dans l’arrêt R. c. J.H.S., 2008 CSC 30, au paragraphe 12, la Cour suprême du Canada a cité, en l’approuvant, le passage suivant de l’arrêt R. c. H. (C.W.) (1991), 68 C.C.C. (3d) 146, où le juge Wood de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a formulé une directive supplémentaire : [TRADUCTION] Dans ces cas, j’ajouterais la directive supplémentaire suivante qui, logiquement, devrait être la deuxième : « Si, après un examen minutieux de tous les éléments de preuve, vous êtes incapables de décider qui croire, vous devez prononcer l’acquittement. » [16] Ayant procédé à cet exposé sur la charge de la preuve et sur la norme de preuve, j’examinerai maintenant les questions en litige. [17] La preuve produite devant la présente cour martiale est formée essentiellement d’éléments dont la cour a pris judiciairement connaissance, de témoignages et de pièces. La cour a pris judiciairement connaissance des éléments mentionnés à l’article 15 des Règles militaires de la preuve. Les témoignages de J.H., d’I.M., de la plaignante et de l’ex-Maître de 1 re classe McDougall ont été entendus, dans cet ordre. [18] Deux pièces ont été produites par la poursuite sur consentement et trois pièces ont été produites par l’avocat de la défense, également sur consentement. Les deux pièces produites par la poursuite étaient des exposés conjoints des faits.
Page 5 de 15 [19] L’acte d’accusation se lit comme suit : [TRADUCTION] Le 19 novembre 2006, ou vers cette date, au Grotto Bay Beach Resort, à Bayley’s Bay, aux Bermudes, ou près de cet endroit, [l’accusé] a agressé sexuellement la Capitaine [...] Je ne mentionnerai pas le nom. Celui-ci a cependant été mentionné devant la cour au moment de la lecture de l’acte d’accusation. La poursuite devait établir hors de tout doute raisonnable les éléments essentiels suivants de cette infraction : a. l’identité de l’accusé comme contrevenant et les date et lieu allégués dans l’acte d’accusation; b. le fait que l’accusé a employé la force à l’égard de la plaignante; c. le fait que l’accusé a intentionnellement employé la force; d. le fait que la plaignante n’a pas consenti à l’emploi de la force par l’accusé; e. le fait que l’accusé a employé la force dans des circonstances de nature sexuelle. [20] L’ex-Maître de 1 re classe McDougall ne nie pas qu’il a eu une relation sexuelle avec la plaignante le 19 novembre 2006, ou vers cette date, au Grotto Bay Beach Resort, à Bayley’s Bay, aux Bermudes, ou près de cet endroit. Il a reconnu ce fait dans son témoignage. Le seul élément essentiel de l’infraction qui est contesté est la question du consentement. Voir le paragraphe 10 de la pièce 3, l’exposé conjoint des faits. [21] Je passerai d’abord brièvement en revue les éléments de preuve qui ne sont pas contestés. La plaignante, les témoins et l’accusé suivaient tous le même cours pendant la période d’octobre à décembre 2006. Neuf candidats assistaient au cours, et le moral et la cohésion y étaient excellents. Les candidats devaient se rendre aux Bermudes à bord d’un appareil Hercules C-130 dans le cadre du cours. Ils y sont demeurés plus longtemps que prévu après qu’un pilote est tombé malade. La plaignante et l’accusé avaient chacun leur chambre dans le complexe; ces deux chambres étaient communicantes. Ils sont arrivés aux Bermudes tôt en soirée le 17 novembre 2006. Après s’être installés dans leur chambre et avoir soupé dans des endroits différents, ils se sont rencontrés et la plaignante a emmené l’accusé voir des grottes sur le terrain du complexe. Ils sont ensuite retournés à leur chambre et se sont installés près des portes adjacentes ouvertes pour parler.
Page 6 de 15 [22] L’accusé serait entré dans la chambre de la plaignante après que celle-ci lui a dit qu’elle ne l’entendait pas bien et qu’il pouvait entrer s’il le voulait. Il se serait d’abord assis sur le côté de son lit, puis se serait appuyé sur la tête de lit. Il a ensuite enlevé ses vêtements, ne gardant que son caleçon. Il s’est étendu derrière la plaignante sous les couvertures, les deux étant couchés sur le côté gauche. Après avoir parlé pendant quelques minutes, ils se sont endormis. Ils ne se sont livrés à aucune activité sexuelle. [23] Le lendemain matin, ils ont appris après le déjeuner qu’un pilote était malade et qu’ils devaient rester aux Bermudes deux jours de plus. Quelques candidats, dont la plaignante et l’accusé, ont loué des scooters pendant l’après-midi. La plaignante et l’accusé n’ont bu qu’une bière pendant la journée parce qu’ils conduisaient des scooters. Le groupe s’est retrouvé dans un restaurant près du complexe à 19 h pour célébrer l’anniversaire de l’un des candidats. Tous les candidats présents ont consommé de l’alcool, en différentes quantités. [24] Le groupe a quitté le restaurant pour retourner au complexe vers 21 h. Les candidats sont retournés dans leur chambre pour mettre leur maillot de bain, puis sont allés nager à la plage, dans la piscine de l’hôtel et dans la cuve thermale. J.H. et quelques autres membres du groupe sont allés se coucher vers 22 h 30. La plaignante, l’accusé et trois autres candidats sont restés au bar du complexe et ont continué à boire. [25] Un peu plus tard, la plaignante a quitté le groupe en sautant par-dessus une balustrade et a disparu dans le noir. I.M. et l’accusé sont partis à sa recherche après un certain temps. Ils l’ont retrouvée dans l’eau de la baie. L’accusé a laissé I.M. avec la plaignante et est retourné au bar. [26] I.M. a amené la plaignante dans sa propre chambre. La plaignante ne pouvait pas retourner dans sa chambre parce que, comme son maillot de bain n’avait pas de poche, elle avait laissé sa clé à l’accusé. I.M. est ensuite retourné au bar pour demander à l’accusé de lui remettre la clé de la plaignante. Il a rencontré l’accusé et ils ont conduit la plaignante à sa chambre. I.M. a laissé la plaignante dans sa chambre avec l’accusé. [27] Le lendemain, soit le 19 novembre 2006, la plaignante a participé à l’excursion organisée pour le groupe. Elle était toutefois très réservée et n’a parlé à personne. Elle s’est conduite de cette façon jusqu’à son retour au Canada. Quelques jours plus tard, J.H. a demandé à la plaignante s’il était arrivé quelque chose aux Bermudes. La plaignante a répondu que l’accusé l’avait violée. Après avoir eu quelques discussions avec J.H., la plaignante a accepté de se rendre à un hôpital civil situé à proximité afin de vérifier si elle avait contracté une maladie transmissible sexuellement et si elle était enceinte. Elle a dû informer sa chaîne de commandement du fait qu’elle prenait des antibiotiques. Après sa rencontre avec son supérieur immédiat, elle a eu une entrevue avec un enquêteur du Service national des enquêtes des Forces canadiennes.
Page 7 de 15 [28] Une accusation d’agression sexuelle a été déposée, la mise en accusation de l’accusé a été prononcée et une cour martiale permanente a été tenue à la fin de 2007. L’accusé a été reconnu coupable et condamné à un emprisonnement d’un an. Il a porté le verdict en appel. En 2009, la Cour d’appel de la cour martiale a annulé le verdict et a ordonné la tenue d’un nouveau procès. [29] Le consentement est défini au paragraphe (1) de l’article 273.1 du Code criminel du Canada pour l’application des articles 271, 272 et 273 du Code criminel du Canada : [...] le consentement consiste [...] en l’accord volontaire du plaignant à l’activité sexuelle. Le paragraphe (2) de cette disposition prévoit : Le consentement du plaignant ne se déduit pas, pour l’application des articles 271, 272 et 273, des cas où : a) l’accord est manifesté par des paroles ou par le comportement d’un tiers; b) il est incapable de le former; c) l’accusé l’incite à l’activité par abus de confiance ou de pouvoir; d) il manifeste, par ses paroles ou son comportement, l’absence d’accord à l’activité; e) après avoir consenti à l’activité, il manifeste, par ses paroles ou son comportement, l’absence d’accord à la poursuite de celle-ci. [30] La principale question en litige en l’espèce consiste à déterminer si la poursuite a établi hors de tout doute raisonnable que la plaignante était incapable de consentir à l’activité sexuelle - voir l’alinéa 273.1(2)b) - et que l’accusé ne pouvait pas croire sincèrement, mais à tort, que la plaignante avait consenti à l’activité. [31] La poursuite soutient que la preuve indique clairement que, lorsqu’elle se trouvait dans sa chambre, la plaignante était inconsciente et n’avait pas la capacité de consentir à l’activité sexuelle avec l’accusé. Ce dernier affirme pour sa part que son témoignage démontre que la plaignante était suffisamment sobre et consciente pour faire les premiers pas en vue d’avoir une relation sexuelle avec lui et qu’elle a participé de son plein gré à la relation sexuelle pendant tout le temps que celle-ci a duré. Il affirme également que la poursuite doit établir hors de tout doute raisonnable que la plaignante était trop intoxiquée pour consentir à l’activité. [32] Un procès comme celui-ci repose sur l’évaluation de la crédibilité des témoins. L’évaluation de la crédibilité implique l’évaluation de l’honnêteté d’un témoin, mais aussi de la fiabilité de son témoignage. La crédibilité dépend de la véracité du témoin et la fiabilité concerne l’exactitude la preuve. L’évaluation de la crédibilité n’est pas nécessairement un exercice purement intellectuel et peut impliquer de nombreux
Page 8 de 15 facteurs, dont certains sont impossibles à énoncer. Voir R. c. R.E.M., 2008 CSC 51, au paragraphe 49. Le juge du procès peut évaluer la preuve [TRADUCTION] « [...] en tenant compte du bon sens et de l’expérience quotidienne, de la même façon qu’il demande au jury de le faire [...] ». Voir R. c. H.C., 2009 ONCA 56, au paragraphe 64. J’examinerai maintenant la preuve relative à l’activité sexuelle survenue pendant la nuit du 18 au 19 novembre 2006 qui a été produite par l’accusé et par la poursuite. [33] L’accusé a déclaré dans son témoignage que, après qu’I.M. a quitté la chambre de la plaignante, celle-ci était éveillée et était étendue sur le lit. Elle lui aurait dit qu’elle avait froid. L’accusé a alors pris une autre couverture sur l’autre lit. Pendant qu’il lui tournait le dos, la plaignante aurait enlevé son maillot de bain mouillé et se serait étendue sous les couvertures. L’accusé a dit qu’il ne l’avait pas vue faire cela. Il l’a enveloppée dans la couverture, mais elle avait toujours froid. Il aurait alors enlevé son t-shirt et son maillot de bain hawaïen - mais aurait gardé son caleçon - et se serait étendu sous les couvertures derrière la plaignante pour la réchauffer avec son corps. La plaignante aurait alors commencé à frotter ses fesses contre lui. Il se serait éloigné, mais elle aurait recommencé à se frotter contre lui. Il lui aurait demandé [TRADUCTION] « si c’est ça qu’elle voulait » et elle lui aurait répondu [TRADUCTION] « ouais ». Il a décrit leur relation sexuelle et a mentionné qu’il ne se rappelait pas beaucoup de choses qu’ils s’étaient dites; il se souvenait cependant que la plaignante gémissait et répondait à ses attouchements. Elle lui aurait demandé ce qu’il faisait quand il avait voulu avoir du sexe oral avec elle et elle l’aurait attiré à elle. Il a dit qu’il l’avait regardée dans les yeux. Après la relation sexuelle, la plaignante lui aurait souri, ses yeux étaient ouverts, mais aucun mot n’a été changé. [34] L’accusé a reconnu qu’il était attiré par la plaignante parce qu’elle était séduisante, intelligente et pleine d’esprit. Il semblait également avoir eu du plaisir à flirter avec elle pendant le cours. Il a dormi pelotonné contre elle dans son lit le premier soir qu’ils ont passé aux Bermudes et, bien qu’il ait dit pendant l’interrogatoire principal qu’il ne se rappelait pas qui avait alors fait les premiers pas, il a admis lors de son contre-interrogatoire que c’était lui. Il a convenu avec elle qu’elle avait de beaux seins. [35] L’accusé a d’abord déclaré dans son témoignage qu’il était présent lorsqu’I.M. avait décidé de ramener la plaignante à sa chambre. Pour expliquer la décision d’I.M., il a seulement dit que la plaignante était peut-être mouillée ou qu’il était tard. Il n’était pas d’accord avec la poursuite lorsqu’elle a dit qu’il n’était pas présent lorsqu’I.M. avait pris cette décision. Il a indiqué en outre qu’il avait oublié de dire à I.M. qu’il avait la clé de la chambre de la plaignante. Or, lors de son contre-interrogatoire, il a clairement déclaré qu’il n’était pas présent lorsqu’I.M. avait décidé de ramener la plaignante à sa chambre. Il s’agit d’une contradiction flagrante étant donné qu’il s’agissait de déterminer, au moment où cette question a été abordée, si la plaignante était en mesure de rejoindre ses camarades ou si elle était intoxiquée au point où on avait dû la
Page 9 de 15 reconduire à sa chambre. L’accusé a affirmé dans son témoignage que la plaignante n’était pas ivre ou qu’elle ne semblait pas avoir les facultés affaiblies lorsqu’I.M. et lui l’avaient retrouvée dans l’eau. Il a considéré qu’elle pouvait soit les rejoindre au bar, soit aller dans sa chambre; c’était à elle de décider. [36] L’accusé a aussi déclaré lors de son contre-interrogatoire que la plaignante n’avait eu aucune difficulté à marcher de la plage à sa chambre. Comment peut-il affirmer une telle chose s’il n’était pas là lorsqu’I.M. a conduit la plaignante à sa propre chambre et, comme il l’a dit également, s’il marchait devant I.M. et la plaignante lorsqu’ils l’ont conduite de la chambre de ce dernier à sa chambre? Il a indiqué qu’il n’avait pas vu I.M. soutenir la plaignante parce qu’il marchait devant eux. [37] L’accusé a dit que la plaignante dormait dans le lit d’I.M. et que le climatiseur était probablement en marche. Il n’a pas dit que la plaignante avait froid, mais, une fois rendue dans sa chambre, celle-ci avait froid à cause de la climatisation. Pour régler le problème, il a posé une autre couverture sur elle et s’est étendu dans le lit avec elle pour la réchauffer avec son corps. Il n’a pas pensé arrêter le climatiseur ou employer un moyen moins intime pour l’aider à se réchauffer. Il semble également que son témoignage en l’espèce soit quelque peu différent de celui qu’il a prononcé lors du premier procès. Selon ce témoignage, il aurait retiré tous ses vêtements lorsqu’il a rejoint la plaignante dans le lit, alors qu’il dit maintenant qu’il n’a pas enlevé son caleçon. [38] L’accusé a constamment essayé de décrire la plaignante comme une personne qui n’était pas intoxiquée au point d’être incapable de consentir à une relation sexuelle. La contradiction de ses propos concernant la question de savoir s’il était là lorsqu’I.M. a décidé de conduire la plaignante à sa chambre n’est pas sans importance en l’espèce. Après avoir affirmé qu’il était présent et oublié de mentionner que la plaignante ne pouvait pas entrer dans sa chambre parce qu’elle n’avait pas la clé et qu’elle était censée passer par sa propre chambre, l’accusé a dit qu’il n’était pas là lorsqu’I.M. a décidé de reconduire la plaignante. À cause de cette contradiction importante, la cour a des doutes au sujet de la crédibilité de l’accusé. [39] La plaignante était endormie dans la chambre d’I.M. et l’accusé a convenu avec lui qu’il n’était pas acceptable qu’une femme mariée dorme dans la chambre d’un homme marié, même si lui-même avait dormi avec elle la nuit précédente. Une fois la plaignante retournée dans sa chambre, elle aurait dit à l’accusé qu’elle avait froid. L’accusé a conclu que la meilleure façon de l’aider consistait à se déshabiller et à se coucher dans le lit avec elle pour la réchauffer avec son corps. Il a offert de la rejoindre dans le lit pour la réchauffer. Il n’a pas pensé éteindre le climatiseur. L’accusé n’a jamais mentionné dans son témoignage que la santé de la plaignante était à ce point en danger. Lors du présent procès, il a déclaré qu’il n’avait pas enlevé son caleçon, alors qu’il aurait dit, lors du premier procès, qu’il avait enlevé tous ses vêtements.
Page 10 de 15 [40] L’accusé n’avait aucune raison de penser qu’il était urgent qu’il se couche avec la plaignante dans le lit. Il n’a pas dit dans son témoignage qu’elle était en danger. Il aurait pu éteindre le climatiseur. Son histoire est très suspecte. Il a agi comme un homme qui veut coucher avec une femme attirante pour d’autres raisons que lui administrer des soins d’urgence. Cette partie du témoignage de l’accusé n’est pas crédible. La cour conclut qu’il voulait s’étendre dans le lit avec la plaignante dans l’espoir d’avoir des rapports sexuels avec elle. La manière dont il dit avoir réagi aux avances de la plaignante n’est pas celle d’un homme qui a besoin de beaucoup d’encouragements pour avoir une relation sexuelle. [41] Cela étant dit, l’accusé n’a pas nécessairement commis une agression sexuelle parce qu’il voulait avoir des rapports sexuels avec la plaignante et qu’il en a effectivement eus. L’accusé a décrit la relation sexuelle. Il a affirmé que la plaignante y avait consenti en disant [TRADUCTION] « ouais » et en y participant. Il a indiqué qu’il ne se rappelait pas vraiment ce qu’ils s’étaient dit. Son avocat lui a posé des questions suggestives, en particulier en lui demandant si les yeux de la plaignante étaient ouverts et si elle savait ce qui se passait, ce à quoi il a répondu par l’affirmative. [42] La cour ne croit pas la version de l’accusé concernant les faits ayant mené à la relation sexuelle. L’accusé essaie continuellement de minimiser le degré d’intoxication de la plaignante et il souhaite se distancier de la décision de la reconduire dans sa chambre après qu’elle a été retrouvée sur la plage. Son témoignage concernant cet incident très important est toutefois contradictoire. Il veut seulement se dépeindre comme une victime des circonstances. [43] Si elle ne pense pas nécessairement que l’accusé avait projeté de coucher avec la plaignante cette nuit-là, la cour croit cependant qu’il a vu une occasion d’avoir une relation sexuelle avec la plaignante alors qu’elle était intoxiquée. [44] La cour rappelle que « [...] le manque de crédibilité de l’accusé n’équivaut pas à une preuve de sa culpabilité hors de tout doute raisonnable ». Voir R. c. J.H.S., [2008] 2 R.C.S. 152, au paragraphe 13. La cour doit maintenant se demander si la preuve de l’accusé soulève un doute raisonnable dans son esprit. Pour répondre à cette question, elle doit déterminer « [...] si la preuve offerte par l’accusé, appréciée au regard de l’ensemble de la preuve, soulève un doute raisonnable quant à sa culpabilité ». Voir R. c. Dinardo, 2008 CSC 24, au paragraphe 23. J’examinerai maintenant le reste de la preuve. [45] La plaignante a témoigné, mais elle n’est pas un témoin fiable. Le passage du temps, son niveau d’intoxication et son désir d’oublier ce qui s’est passé influent considérablement sur son souvenir des faits. Elle a aussi indiqué dans son témoignage qu’elle faisait des cauchemars récurrents concernant les incidents. Depuis le premier procès, elle est en congé de maladie et est suivie par une équipe médicale parce qu’elle souffre d’un grave TSPT et d’un trouble dépressif majeur liés aux incidents survenus en
Page 11 de 15 novembre 2006. Elle a reconnu avoir des troubles de mémoire à cause du TSPT, mais elle a déclaré dans son témoignage que ces troubles ne touchaient que sa mémoire à court terme. [46] La plaignante a argumenté pendant la plus grande partie de son contre-interrogatoire et elle a essayé de se soustraire à certaines questions. Son témoignage comporte un assez grand nombre d’incohérences qui ne sont pas sans importance. Bien qu’elle n’ait exprimé aucun doute, pendant son interrogatoire principal, sur la manière dont elle avait couru pour vomir sur la plage, elle a indiqué pendant son contre-interrogatoire qu’elle ne se rappelait pas avoir couru vers la plage. [47] La plaignante se rappelait en partie la conversation qu’elle avait eue avec I.M. lorsqu’il l’avait découverte sur la plage. Elle se souvenait qu’il l’avait aidée à monter l’escalier abrupt et que celui-ci semblait plus abrupt que plus tôt dans la journée. I.M. devait l’aider parce qu’elle avait de la difficulté à conserver son équilibre en marchant. Elle se souvient seulement de s’être retrouvée dans sa chambre, bien qu’elle ait été conduite initialement dans la chambre d’I.M. [48] Elle se rappelle avoir eu froid lorsqu’elle est retournée dans sa chambre parce qu’elle portait toujours son maillot de bain mouillé. Elle a décrit de manière relativement détaillée l’endroit où se tenaient I.M. et l’accusé dans sa chambre. Elle s’est couchée sous les couvertures sans enlever son maillot de bain mouillé. Elle se souvient que l’accusé l’a engueulée parce qu’elle s’était baignée seule dans la baie et qu’elle lui a demandé d’arrêter. Elle se serait alors tournée sur son côté gauche, aurait fermé les yeux et aurait perdu connaissance. Elle tournait ainsi le dos à l’accusé. Les lumières de la chambre étaient toujours allumées. Elle ne se rappelle pas avoir vu I.M. quitter la chambre. [49] Elle a ensuite décrit comment elle s’est réveillée et s’est rendu compte que l’accusé était sur elle et qu’ils étaient en train d’avoir une relation sexuelle. Elle n’a pas bougé et ne se rappelle pas lui avoir parlé parce qu’elle ne croyait pas ce qui était en train de se passer. Elle a déclaré qu’elle n’a pas été consciente très longtemps de l’activité sexuelle et qu’elle ne se rappelle pas avoir vu l’accusé quitter sa chambre. Elle a affirmé dans son témoignage qu’elle ne voulait pas avoir de rapports sexuels avec lui. [50] Au cours de son contre-interrogatoire, elle a déclaré qu’elle se rappelait avoir eu froid et être mouillée alors qu’elle était couchée et qu’elle avait probablement enlevé son maillot. Elle a alors dit : [TRADUCTION] « Je ne l’avais plus lorsqu’il est venu dans le lit. » L’avocat de la défense a ensuite dit : [TRADUCTION] « Vous voulez dire lorsque vous vous êtes réveillée », ce à quoi la plaignante a répondu par l’affirmative. Bien qu’il semble y avoir une certaine confusion en ce qui concerne le moment où elle aurait enlevé son maillot de bain, la plaignante croit qu’elle l’a ôté. Tout cela démontre un certain degré de conscience et de capacité motrice. Cette partie du témoignage de la plaignante est analogue au témoignage de l’accusé.
Page 12 de 15 [51] Au cours de son contre-interrogatoire, la plaignante a déclaré qu’elle ne savait pas si elle était restée éveillée jusqu’à la fin de la relation sexuelle. Plus tard, lorsqu’elle a appris que l’accusé prétendait qu’elle s’était frottée à nouveau sur lui et qu’elle avait initié les contacts sexuels avec lui, elle a indiqué qu’elle ne se rappelait pas ces faits. L’avocat de la défense a cité une partie du témoignage qu’elle a rendu lors du premier procès, au cours de laquelle elle a répondu qu’il était peu probable, quoique possible, qu’elle ait donné son consentement. Il a été question de certains faits qu’elle ne se rappelait pas, comme le fait qu’elle avait marché avec l’aide d’I.M. Elle aurait donc pu aussi oublier qu’elle avait consenti à avoir des rapports sexuels avec l’accusé. Elle a répondu qu’elle [TRADUCTION] « ne pouvai[t] pas croire qu’il y avait des raisons de consentir à cela ». [52] La plaignante allègue que l’accusé lui a pris les seins le matin du 18 novembre. Cette allégation a aussi été faite au cours du premier procès. La plaignante n’en avait jamais parlé à personne avant d’en informer la poursuite la veille du premier procès, malgré le fait qu’elle aurait pu en parler à l’enquêteur du SNEFC à deux occasions. [53] La plaignante a aussi déclaré dans son témoignage qu’elle avait des ecchymoses à l’intérieur des cuisses à cause de l’agression sexuelle. Elle a dit que ces ecchymoses étaient encore visibles lorsqu’elle a été examinée par le médecin à l’hôpital général de Belleville. Lorsque la poursuite lui a demandé si elle les avait montrées au médecin, elle a répondu que ce dernier voulait prendre des photos, mais qu’elle avait refusé parce qu’il s’agissait de son corps et qu’elle ne voulait pas qu’il soit photographié. Au cours de son contre-interrogatoire, elle a déclaré qu’elle ne se rappelait pas avoir montré ses ecchymoses au médecin, mais qu’elle en aurait parlé au personnel médical de l’hôpital. La pièce 4, l’exposé conjoint des faits supplémentaire, indique que la plaignante a été examinée par le Lieutenant de vaisseau De La Roche, un médecin de la Force de réserve, à l’urgence de l’hôpital général de Belleville. Celui-ci n’a pas noté de blessures pendant son examen de la plaignante et il n’a pas l’habitude de prendre de photos. La plaignante aurait parlé de ses ecchymoses à J.H. et à l’enquêteur du SNEFC, sans toutefois les leur montrer. [54] Le témoignage de la plaignante concernant les ecchymoses et son allégation selon laquelle l’accusé lui aurait pris les seins jettent des doutes sur sa crédibilité. Ses explications ne sont pas très convaincantes et son témoignage concernant ce qui s’est passé avec le médecin au sujet de ses ecchymoses est incohérent et contredit la preuve contenue dans la pièce 4. En conséquence, la cour se demande si la plaignante essaie d’embellir l’allégation d’agression sexuelle. [55] Le témoignage de la plaignante concernant le fait qu’elle a dormi blottie contre l’accusé la nuit précédente jette aussi des doutes sur sa crédibilité. La plaignante a déclaré qu’elle se serre souvent contre des hommes qu’elle considère comme des amis. Le fait que l’accusé lui a demandé si elle voulait qu’il se couche contre elle et dorme avec elle la première nuit aux Bermudes ne l’a pas dérangée. Il semble que ce genre de
Page 13 de 15 pratique soit acceptable si personne n’est au courant. C’est ce que la plaignante a dit à l’accusé. Elle a cependant expliqué qu’il s’agissait d’une blague. Elle n’a pas dit à son mari ni à personne d’autre qu’elle avait dormi avec l’accusé le 17 novembre et elle s’est mise à argumenter lorsqu’elle a été contre-interrogée sur cette question. Elle n’a rien dit à son mari parce que, selon elle, [TRADUCTION] « cela ne lui aurait rien apporté de bon ». [56] On ne peut pas logiquement déduire du fait qu’elle a dormi blottie contre l’accusé une nuit qu’elle voulait avoir une relation sexuelle avec lui la nuit suivante. Cependant, les arguments captieux qu’elle a invoqués en réponse aux questions sur ce sujet, l’irritation qu’elle a manifestée à l’égard de l’avocat de la défense lorsqu’il a été question du fait qu’elle aurait dû dire la vérité à son mari et ses déclarations concernant les [TRADUCTION] « différents niveaux de vérité » amènent aussi la cour à douter de sa crédibilité. [57] I.M. a déclaré dans son témoignage que la plaignante avait grimpé sur une balustrade d’une hauteur de trois pieds pour aller sur la plage. Il a indiqué que la plaignante avait eu besoin d’aide pour retourner à sa chambre parce qu’elle avait de la difficulté à marcher; elle trébuchait. Il n’a pas dit qu’elle ne pouvait pas marcher. Il a aussi déclaré qu’elle avait vomi lorsqu’il était avec elle dans la baie. Il l’a conduite dans sa propre chambre après qu’elle lui a dit qu’elle n’avait pas sa clé parce qu’elle n’avait pas de poche et qu’elle avait pris des dispositions avec l’accusé. I.M. a laissé la plaignante dans sa chambre et est retourné au bar finir son verre. [58] I.M. a indiqué qu’il était intoxiqué ce soir-là et qu’il a de la difficulté à se rappeler ce qui s’est exactement passé à cause du temps écoulé depuis les incidents. Il a reconnu qu’il avait un meilleur souvenir des faits lors du premier procès. Il a affirmé dans son témoignage que la plaignante aurait dû recevoir des soins médicaux en raison de son degré d’intoxication. Au cours de son contre-interrogatoire, il a admis qu’il n’en avait pas parlé lors du premier procès et qu’il y avait pensé seulement quelques jours avant le présent procès. [59] I.M. n’est pas considéré comme un témoin crédible et fiable. Il ressort clairement de son témoignage que son degré d’intoxication et le passage du temps influent sur son souvenir des faits. Il se considère comme un ami de la plaignante. J.H. l’a décrit comme un bon ami de la plaignante. Sa crédibilité est aussi mise en doute parce qu’il essaie d’exagérer le degré d’intoxication de la plaignante en décrivant les soins médicaux qu’il lui aurait donnés, alors qu’il a admis qu’il avait seulement pensé à ces soins quelques jours avec le présent procès. [60] La cour retient de son témoignage que la plaignante était intoxiquée, mais qu’elle a été capable de sauter par-dessus une balustrade de trois pieds, de répondre à son offre, de marcher - quoiqu’avec de l’aide - et de lui dire qui avait la clé de sa chambre et pour quelle raison. Il a décidé de la conduire à sa propre chambre, mais il
Page 14 de 15 semble qu’il n’ait pas jugé que son état exigeait qu’il reste avec elle puisqu’il a décidé de retourner au bar pour finir son verre. [61] J.H. est une très bonne amie de la plaignante. Elle est un témoin crédible et fiable. Elle a témoigné avec franchise. Le 18 novembre, elle a quitté le groupe vers 22 h 30 pour aller se coucher. Elle a dit que la plaignante était heureuse, qu’elle marchait droit, qu’elle n’était pas trop intoxiquée et qu’elle avait discuté avec elle sans problème. Elle a ajouté que personne n’avait bu au point d’être en danger lorsqu’elle avait quitté le groupe. [62] Les témoignages de la plaignante, d’I.M. et de J.H. ne permettent pas de savoir quelle quantité d’alcool la plaignante a consommée. Celle-ci a mentionné qu’elle était très intoxiquée à la fin de la soirée du 18 novembre, sans préciser toutefois la quantité d’alcool qu’elle avait bue. Elle dit seulement que son verre avait toujours plein lorsqu’elle était au bar principal et qu’elle avait peut-être bu quelques bières. Elle se rappelle avoir dépensé beaucoup d’argent, mais n’a pas indiqué précisément le montant. Elle pensait avoir remis son argent à I.M., mais elle n’en était pas parfaitement certaine. [63] La cour a considéré que le témoignage de la plaignante n’était pas digne de foi. La cour a aussi des doutes au sujet de sa crédibilité. Compte tenu des observations faites précédemment au sujet des témoignages de la plaignante, d’I.M. et de J.H., la cour estime que la preuve de l’accusé, appréciée au regard de l’ensemble de la preuve, soulève un doute raisonnable quant à la question de savoir si la plaignante était incapable de consentir à des rapports sexuels avec lui. Étant parvenu à cette conclusion, j’estime également que, compte tenu des éléments de preuve admis par la cour, la poursuite n’a pas établi hors de tout doute raisonnable que la plaignante était intoxiquée au point d’être incapable de consentir à des rapports sexuels avec l’accusé. [64] Compte tenu également des éléments de preuve qu’elle a admis, la cour conclut que la preuve de l’accusé, appréciée à nouveau au regard de l’ensemble de la preuve, soulève un doute raisonnable quant à la question de savoir si la plaignante n’a pas consenti à des rapports sexuels avec l’accusé. Elle aurait conclu aussi que la poursuite n’a pas établi hors de tout doute raisonnable que la plaignante n’a pas consenti à avoir des rapports sexuels avec l’accusé. [65] Même s’il n’est pas nécessaire qu’elle le fasse vu ces conclusions, la cour se prononcera sur la question de la croyance sincère, mais erronée, que la plaignante a consenti à avoir une relation sexuelle. Il n’est pas nécessaire qu’une croyance sincère soit raisonnable, mais l’accusé doit avoir pris les mesures raisonnables pour s’assurer du consentement. Voir l’article 273.2 du Code criminel du Canada et R. c. Brooks, [1999] A.C.A.C. n o 8. La plaignante n’était pas certaine si elle était restée éveillée jusqu’à la fin de la relation sexuelle et elle ne pouvait pas se rappeler si elle s’était frottée une nouvelle fois sur l’accusé et avait initié des contacts sexuels avec lui. Elle
Page 15 de 15 n’a pas catégoriquement nié que cela ait pu arriver. Il est possible qu’elle ait réagi de la manière décrite par l’accusé. [66] La cour a déjà déterminé que la preuve n’a pas démontré que la plaignante était intoxiquée au point d’être incapable de donner son consentement. La fiabilité et la crédibilité de la plaignante ont déjà été évaluées par la cour. Par conséquent, la preuve de l’accusé, appréciée au regard de l’ensemble de la preuve, amène la cour à penser qu’il aurait pu aussi croire sincèrement, mais à tort, que la plaignante consentait à avoir des rapports sexuels. [67] Ex-Maître de 1 re classe McDougall, la cour vous déclare non coupable de l’accusation d’agression sexuelle. LIEUTENANT-COLONEL J-G. PERRON, J.M. AVOCATS Capitaine M. Pecknold, Service canadien des poursuites militaires Procureur de Sa Majesté la Reine Maître Mike Pretsell, Pretsell Cavanaugh, 161, rue Front, Belleville (Ontario) K8N 2Y6 Avocat de l’ex-Maître de 1 re classe McDougall
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