Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 28 septembre 2009

Endroit : BFC Halifax, Édifice S-17, Halifax (NÉ)

Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 : Art. 130 LDN, agression sexuelle (art. 271 C. cr.).
•Chef d'accusation 2 : Art. 97 LDN, ivresse.
•Chef d'accusation 3 : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats
•VERDICTS : Chefs d'accusation 1, 2, 3 : Non coupable.

Contenu de la décision

Citation : R. c. Enseigne de vaisseau de 2e classe P. Pelletier, 2009cm4016

 

Dossier : 200872

 

COUR MARTIALE PERMANENTE                                                         

BASE DES FORCES CANADIENNES HALIFAX

HALIFAX, NOUVELLE-ÉCOSSE

 

 

Date : 2 octobre 2009

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL J-G PERRON, J.M.

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

ENSEIGNE DE VAISSEAU DE 2e CLASSE P. PELLETIER

(Requérant)

 

                                                                                                                             Avertissement

 

Restriction à la publication : Par ordonnance de la cour rendue en vertu de l'article 179 de la Loi sur la défense nationale et de l'article 486.4 du Code criminel, il est interdit de publier ou de diffuser, de quelque façon que ce soit, tout renseignement permettant d'établir l'identité de la personne décrite dans le présent jugement comme étant la plaignante.

 

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN VERTU DES ARTICLES 7, 9, 10a), 10b), 24(1) et 24(2) DE LA CHARTE CANADIENNE DES DROITS ET LIBERTÉS.

(Prononcé  oralement)

 

 

 

[1]                 L'accusé, l'enseigne de vaisseau 2e classe Pelletier, a présenté une requête aux termes du sous-alinéa 112.05(5)e) des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes pour l'obtention d'un arrêt des procédures en vertu de l'article 24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés et ce en raison d'un abus de procédure et de la violation de son droit à une défense pleine et entière prévue à l'article 7 de la Charte canadiennes des droits et libertés. Il demande aussi que les éléments de preuve soient exclus selon l'article 24(2) de la Charte suite à la violation des ses droits sous les articles 9, 10 a) et 10 b).

 


[2]                 L'enseigne de vaisseau de 2e classe Pelletier est accusé en vertu des articles 130, 97 et 129 de la  Loi sur la défense nationale, plus particulièrement il est accusé d'avoir commis une agression sexuelle, d'ivresse et de harcèlement. Les détails de ces chefs d'accusation sont :

 

INFRACTION PUNISSABLE SELON L'ARTICLE 130 DE LA LOI SUR LA DÉFENSE NATIONALE, SOIT UNE AGRESSION SEXUELLE CONTRAIREMENT À L'ARTICLE 271 DU CODE CRIMINEL.

 

En ce que le ou vers le 27 avril 2007, au Collège militaire royal, Kingston, Ontario, il a commis une agression sexuelle sur l'élève-officier D.M.

 

Deuxième accusation, article 97 de la Loi sur la défense nationale :

 

IVRESSE

 

En ce que le ou vers le 27 avril 2007, au Collège militaire royal, Kingston, Ontario, il était ivre.

 

Troisième accusation, article 129 de la Loi sur la défense nationale :

 

COMPORTEMENT PRÉJUDICIABLE AU BON ORDRE ET À LA DISCIPLINE

 

En ce que, entre septembre 2006 et le 27 avril 2007, au Collège militaire royal, Kingston, Ontario, il a harcelé l'élève-officier D.M.

 

[3]                 La preuve produite durant la présente requête se compose des faits et questions dont la cour a pris judiciairement connaissance selon l'article 15 des Règles militaires de la preuve, des témoignages du lieutenant de vaisseau Prokes, de l'enseigne de vaisseau de 2e classe Pelletier et du sergent Paré et de pièces déposées par le requérant et l'intimé.

 

[4]                 Le requérant n'allègue pas qu'il y a eu une violation de son droit sous l'article 11 b) de la Charte car il ne considère pas que la période de temps post-accusatoire est déraisonnable. Il indique que cette période de temps s'étend du 14 novembre 2008 au 28 septembre 2009, soit de la date de l'acte d'accusation jusqu'à la date du début de cette cour martiale permanente. Il mentionne même la collaboration exemplaire de la poursuite. Il indique aussi que l'accusé n'a subi aucun préjudice psychologique hors du commun depuis le 14 novembre 2008.

 


[5]                 Le requérant demande à la cour d'ordonner un arrêt des procédures. Il fonde cette demande principalement sur ces allégations d'abus de procédure sur la conduite de l'enquêteur principal de ce dossier qui va à l'encontre des droits protégés par l'article 7 de la Charte. Il plaide aussi qu'il fut victime d'une détention illégale car son arrestation sans mandat était contraire à la loi. Le requérant allègue aussi que son droit d'être informé dans les plus brefs délais des motifs de son arrestation ou de sa détention et d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat et d'être informé de ce droit tel que prescrit par les articles 10 a) et 10 b) de la Charte ont été violés. L'avocat du requérant a aussi indiqué à la cour que l'élément le plus important de sa requête est la violation de son droit d'être informé sans délai anormal de l'infraction précise qu'on lui reproche, droit qui se retrouve à l'article 11 a) de la Charte.

 

[6]                 L'intimé, pour sa part, indique que le délai post-accusatoire doit se calculer à partir de la date où le PVPD fut signé par le sergent Turcotte, soit le 30 avril 2008, et non le 14 novembre 2008 quand l'acte d'accusation fut signé. Il indique aussi que l'article 11 de la Charte vise tout inculpé; donc, les droits prévus à cet article prennent naissance le 30 avril 2008.

 

[7]                 L'intimé indique que selon l'arrêt R. c. Collins (1987) 1 R.C.S. 265, le requérant a le fardeau de la preuve de prouver l'atteinte à ses droits constitutionnels. Il plaide que le requérant était bien au courant du motif de son arrestation au tout début de son interrogation, soit l'agression sexuelle envers D.M. le 27 avril 2007 au CMR de Kingston. Il plaide aussi qu'une détention jugée illégale n'est pas nécessairement arbitraire et que même si la détention est jugée arbitraire, la réparation appropriée serait l'exclusion de la preuve ainsi recueillie. Il indique aussi que le délai pré-inculpatoire doit être considéré selon les directives trouvées dans l'arrêt R. c. Kalanj (1989) 1 R.C.S. 1594.

 

[8]                 L'intimé soumet que le délai dans cette cause n'a aucun effet sur l'équité du procès car la preuve divulguée à l'accusé est complète, que l'accusé possède une excellente mémoire des événements entourant les infractions et que les témoins de l'accusé sont disponibles. Il plaide aussi que le requérant s'est prévalu de son droit de parler à un avocat sans contrainte et qu'il était satisfait de la discussion qu'il a eue avec que des conseils qu'il a reçus. Il souligne aussi les droits prévus aux articles 10 a) et 10 b) de la Charte ne visent qu'une personne qui est détenue ou arrêtée; donc, le requérant ne peut alléguer une violation de ses droits lors de l'appel téléphonique du sergent Turcotte à l'enseigne de vaisseau de 2e classe Pelletier du 16 novembre 2007.

 

[9]                 L'intimé plaide que les nouveaux chefs d'accusation portés le 14 novembre 2008 ne représentent pas un abus de procédure car ceci est prévu par la Loi sur la défense nationale et représente le pouvoir discrétionnaire de la poursuite tel que prévu par la loi. Finalement, il indique que le requérant n'a subi aucun préjudice qui justifie un arrêt des procédures.

 

[10]             La cour se propose de répondre aux questions soulevées par cette requête dans l'ordre suivant : premièrement, la question de l'arrestation arbitraire; ensuite les droits prévus par les articles 10 a) et 10 b) de la Charte; le droit prévu à l'article 11 a); et finalement, l'allégation d'abus de procédure.

 

[11]             Avant de passer à la résolution de ces questions, il s'impose d'indiquer les dates et événements pertinents de cette affaire :

 

27 avril 2007, date de l'incident tel qu'allégué par la plaignante;

 


fin avril 2007, rencontre de l'enseigne de vaisseau de 2e classe Pelletier avec le lieutenant de vaisseau Prokes où il est informé des allégations faites par D.M. et où il reçoit des conseils du lieutenant de vaisseau Prokes;

 

4 juin 2007, conversation téléphonique entre le sergent Turcotte et le lieutenant de vaisseau Prokes;

 

6 juin 2007, arrestation, interrogation et mise en liberté de l'enseigne de vaisseau de 2e classe Pelletier;

 

mai à août 2007, les élof Demers-Martel[1] et Béland sont en formation à la BFC Gagetown;

 

début novembre 2007, entrevues des élof Demers-Martel et Béland par le sergent Turcotte;

 

16 novembre 2007, conversation téléphonique entre le sergent Turcotte et l'enseigne de vaisseau de 2e classe Pelletier;

 

30 avril 2008, le PVPD signé par le sergent Turcotte et remis à l'enseigne de vaisseau de 2e classe Pelletier;

 

début septembre 2008, l'enseigne de vaisseau de 2e classe Pelletier est informé de son droit à la représentation d'un avocat selon l'article 109.04 des ORFC;

 

8 septembre 2008, lettre du commandant de l'enseigne de vaisseau de 2e classe Pelletier à l'autorité de renvoi;

 

8 octobre 2008, lettre de l'autorité de renvoi au Directeur des poursuites militaires;

 

10 novembre 2008, divulgation de la preuve de la poursuite à l'avocat de l'enseigne de vaisseau de 2e classe Pelletier;

 

14 novembre 2008, acte d'accusation signé;

 

28 septembre 2009, date du début des procédures de cette cour martiale.

 

[12]             L'article 9 de la Charte se lit comme suit :

 

Chacun a droit à la protection contre la détention ou l'emprisonnement arbitraire.

 

Les articles 10 a) et 10 b) se lisent comme suit :

 


10. Chacun a le droit, en cas darrestation ou de détention:

 

 a) d'être informé dans les plus brefs délais des motifs de son arrestation ou de sa détention;

 

b) d'avoir recours sans délai à l'assistance d'un avocat et d'être informé de ce droit;

 

[13]      Le requérant demande que sa déclaration consignée sur enregistrement vidéo soit écartée. La cour a la discrétion de déterminer quelle réparation répond le mieux aux violations des droits de l'accusé. Voir R. c. Bjelland 2009 CSC 38. Il fut clairement indiqué par le procureur qu'il n'utilisera aucun élément de preuve qui découle de l'entrevue de l'enseigne de vaisseau de 2e classe Pelletier. L'avocat du requérant est au courant de cette intention. Il appert que, même s'il y aurait eu une violation des droits du requérant sous les articles 9, 10 a) et 10 b), cette violation ne lui causera aucun préjudice au cours du procès. Le requérant demande une réparation, l'exclusion de la preuve, qui semble être purement théorique à ce moment. Il est bien établi dans notre droit canadien que les tribunaux n'ont pas à se prononcer sur des questions de droits qui sont purement théoriques. Compte tenu du fait que le procureur de la poursuite ne se propose pas de mettre en preuve les déclarations du requérant faites au cours de l'entrevue du 6 juin 2007, la cour ne considère pas nécessaire de déterminer si les droits prévus aux articles 9, 10 a) et 10 b) furent violés. Il sera toujours possible à l'accusé de s'objecter à toute preuve qui pourrait être présentée au cours du procès si une règle de droit indique que cette preuve est non-recevable ou si il allègue une violation des ses droits selon la Charte lors de la présentation de cette preuve.

 

[14]      L'article 11 a) de la Charte se lit ainsi :

 

11. Tout inculpé a le droit :

 

a) d'être informé sans délai anormal de l'infraction précise qu'on lui reproche;

 

[15]      Le procès-verbal des procédures disciplinaires (PVPD) complété le 30 avril 2008 et remis à l'accusé comportait une accusation, soit une agression sexuelle envers D.M. qui aurait eu lieu au CMR de Kingston le 27 avril 2007. La preuve démontre clairement que le requérant fut informé de l'accusation d'agression sexuelle la journée même où cette accusation fut portée.

 

[16]      L'article 165.12 a) de la Loi sur la défense nationale permet au Directeur des poursuites militaires de prononcer la mise en accusation d'un accusé en portant toute accusation fondée sur les faits révélés par la preuve. L'acte d'accusation du 14 novembre 2008 comporte l'accusation d'agression sexuelle comprise dans le PVPD du 30 avril 2008 en plus d'une accusation d'ivresse et une accusation de harcèlement envers D.M. Le requérant fut informé des accusations contenues dans l'acte d'accusation dans les quelques jours qui ont suivi la création de ce document. Le requérant prétend pas que ces chefs d'accusation sont incomplets ou vagues.

 

[17]      La cour en conclut donc que le requérant fut informé sans délai anormal des infractions précises qu'on lui reproche. Donc, il n'y a pas de violation du droit sous l'article 11 a) de la Charte.


[18]      L'article 7 de la Charte se lit comme suit :

 

Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

 

[19]      Le requérant met en question la bonne foi du sergent Turcotte, l'enquêteur principal dans ce dossier. Il plaide que le sergent Turcotte manquait d'objectivité et qu'il aurait souvent dit qu'il faisait partie de la section des crimes graves du Service national des enquêtes des Forces canadiennes comme une manigance pour faire parler l'accusé. Il fait aussi référence aux PVPD qui se trouve à la pièce R1-3 comme des exemples ou des situations qui auraient bien pu faire l'objet d'accusations d'agression sexuelle mais qui furent disposées autrement soit par des accusations de voies de fait ou des accusations sous l'article 129 de la Loi sur la défense nationale. Il pose aussi la question s'il s'agit bien d'une coïncidence que le PVPD fut signé trois jours après la période de prescription d'un an pour la tenue d'un procès par voie sommaire.

 

[20]      La pièce R1-6 indique qu'il est allégué que l'accusé aurait entré dans la chambre de D.M. vers 3 heures le 27 avril 2007 et aurait touché sans le consentement de D.M. son épaule, son bras, ses seins et le bas de son abdomen. Cette information semble justifier une accusation d'agression sexuelle. Il est fort possible que d'autres situations de quelques façons similaires à cette cause auraient bien pu être traitées de manière différente. Le droit canadien reconnaît un pouvoir discrétionnaire aux policiers et à la Couronne quant à la mise en accusation. La cour ne perçoit aucune preuve de mauvaise foi ou d'abus de pouvoir de la part du sergent Turcotte ni de la part du Directeur des poursuites militaires dans l'exercice de cette discrétion.

 

[21]      Le témoignage du requérant n'a nullement convaincu la cour que le sergent Turcotte a outrepassé les normes d'interrogation acceptées par le droit canadien. Les références à la section des crimes graves ne représentent pas une forme d'interrogation abusive ou oppressive.

 

[22]      Le chef d'accusation porté le 30 avril 2008 alléguait une agression sexuelle contrairement à l'article 271 du Code criminel du Canada. Cette infraction ne peut être jugée sommairement. Alors, la mise en accusation au-delà d'un an après la date de l'infraction ne représente pas une action qui pourrait être interprétée comme une action qui visait à empêcher l'accusé de pouvoir possiblement se faire juger par son commandant.

 

[23]      Le requérant allègue aussi que l'équité du procès est viciée car il a reçu la divulgation trop tard pour préparer sa défense. Il mentionne aussi qu'il lui est presque impossible d'avoir une défense pleine et entière à cause de l'écoulement du temps.

 


[24]      Le requérant a témoigné que les relevés électroniques des mécanismes des portes ne lui étaient plus disponibles en fin de 2008 suite à son examen de la divulgation de la preuve et qu'il pensait que cet élément était le plus problématique dans la préparation de sa défense. Durant son contre-interrogatoire, il confirma que ces données électroniques pour la porte de sa chambre et pour la porte de la chambre de la plaignante étaient présentes dans la divulgation. Il n'a pas indiqué quelles données d'autres portes lui seraient aussi nécessaires pour sa défense. Il était aussi d'accord qu'il n'y avait aucune allégation qu'il y avait une autre personne dans la chambre de la plaignante la nuit du 27 avril 2007.

 

[25]      Le requérant a confirmé qu'il avait pris des notes suite à sa rencontre avec le lieutenant de vaisseau Prokes en avril 2007 pour se préparer à répondre à cette allégation. Il a une très bonne mémoire des événements depuis sa rencontre avec le lieutenant de vaisseau Prokes en avril 2007. Il a aussi confirmé qu'il avait discuté avec des témoins potentiels en 2008 et que des témoins vont soit témoigner pour lui  ou sont disponibles pour témoigner.

 

[26]      Le requérant est plutôt vague sur les autres aspects de la preuve qui ne lui sont plus disponibles à cause du passage du temps.

 

[27]      Donc, j'en conclus que la preuve du requérant ne démontre pas que le délai de sept mois, soit du 30 avril 2008 au mois de novembre 2008 et même le délai depuis le début de l'enquête, représente un abus de procédure ou fait qu'il ne peut présenter une défense pleine et entière. Il n'y a pas de violation aux droits protégés par l'article 7 de la Charte.

 

[28]      La requête pour l'obtention d'un arrêt de procédures en vertu de l'article 24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés est donc rejetée.

 

 

 

LIEUTENANT-COLONEL J-G PERRON, J.M.

 

Avocats :

 

Major B. McMahon, Procureur militaire régional, région de l'Ouest

Poursuivant

 

Me H. Bernatchez, Bureau du Directeur du service d'avocats de la défense

Avocat de l'enseigne de vaisseau de 2e classe P. Pelletier



[1]Les élof D.M. et Demers-Martel sont des personnes distinctes.

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