Référence : R. c. Capitaine M.H. Danis, 2007 CM 2015
Dossier : 200725
COUR MARTIALE PERMANENTE
CANADA
ONTARIO
BASE DES FORCES CANADIENNES KINGSTON
Date : 4 octobre 2007
SOUS LA PRÉSIDENCE DU CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, J.M.
SA MAJESTÉ LA REINE
c.
CAPITAINE M.H. DANIS
(Contrevenant)
SENTENCE
(Prononcée de vive voix)
TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE
[1] Capitaine Danis, après avoir accepté et inscrit votre plaidoyer de culpabilité relatif aux premier et huitième chefs d’accusation, savoir deux chefs d’accusation pour fraude, et relatif aux cinquième et septième chefs d’accusation, savoir deux chefs d’accusation pour conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline, la cour vous déclare coupable de ces chefs d’accusation.
[2] Il m’incombe maintenant de déterminer votre peine. Pour ce faire, j’ai tenu compte des principes de la détermination de la peine appliqués par les tribunaux ordinaires du Canada ayant compétence en matière pénale et dans les cours martiales. J’ai également tenu compte des faits de l’espèce révélés par les témoignages que j’ai entendus et les documents fournis au cours de l’audience, ainsi que des plaidoiries des avocats de la poursuite et de la défense.
[3] Les principes de la détermination de la peine guident la cour dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en vue de déterminer une peine adéquate et adaptée à chaque cas. En règle générale, la peine doit correspondre à la gravité de l’infraction et au degré de culpabilité de son auteur ou à son niveau de responsabilité et à son sens moral. La cour se fonde sur les peines prononcées par les autres tribunaux dans des affaires similaires, non parce qu’elle respecte aveuglément les précédents, mais parce que notre sens commun de la justice veut que des affaires semblables soient jugées de façon similaire. Néanmoins, lorsqu’elle détermine la peine, la cour tient compte des nombreux facteurs qui distinguent chaque affaire dont elle est saisie, des circonstances aggravantes susceptibles de justifier une peine plus lourde et des circonstances atténuantes susceptibles d’en diminuer la sévérité.
[4] Les buts et les objectifs de la détermination de la peine ont été exposés de diverses manières dans de nombreuses affaires antérieures. En général, ils visent à protéger la société, y compris, bien entendu, les Forces canadiennes, en favorisant le développement et le maintien d’une collectivité juste, paisible, sûre et respectueuse de la loi. Fait important, dans le contexte des Forces canadiennes, ces objectifs incluent le maintien de la discipline, ce comportement d’obéissance qui est si nécessaire à l’efficacité d’une force armée. Ces buts et objectifs comprennent aussi la dissuasion de l’individu, afin que le délinquant ne récidive pas, et celle du public, afin que d’autres ne suivent pas son exemple. La peine vise aussi à assurer la réinsertion du délinquant, à promouvoir son sens de la responsabilité et à dénoncer les comportements illégaux.
[5] Il est normal que certains de ces buts et objectifs l’emportent sur d’autres lors de la détermination d’une peine juste et adaptée à chaque cas. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que chacun d’entre eux doit être pris en compte par le tribunal chargé de déterminer la peine, et qu’une peine juste et adaptée est une combinaison de ces buts, adaptée aux circonstances particulières de l’espèce.
[6] Comme je vous l’ai expliqué lorsque vous avez produit vos plaidoyers de culpabilité, l’article 139 de la Loi sur la défense nationale prescrit les différentes peines qui peuvent être prononcées par les cours martiales. Ces peines sont limitées par les dispositions de la loi qui créent les infractions et qui prévoient les peines maximales et, de plus, par les pouvoirs que peut exercer la cour. Cette dernière ne peut infliger qu’une seule peine au contrevenant, qu’il ait été déclaré coupable d’une seule ou de plusieurs infractions. Cependant, la peine peut comporter plus d’une sanction. Un principe important veut que le tribunal prononce la peine la moins sévère qui permettra de maintenir la discipline. Pour déterminer la peine, en l’espèce, j’ai tenu compte des conséquences directes et indirectes pour le contrevenant de la déclaration de culpabilité et de la peine que je vais lui infliger.
[7] Les faits en l’espèce sont consignés par écrit dans le sommaire des circonstances, soit la pièce 6. Selon les faits, le contrevenant se serait enrôlé dans les Forces canadiennes grâce au programme d’enrôlement direct en qualité d’officier, avec le grade de sous-lieutenant. Il a été accepté dans le Programme d'instruction à l'intention des dentistes militaires et a fréquenté l’Université de Western Ontario pour y recevoir son instruction. Dans le cadre du programme, tous les frais de scolarité et les frais liés à l’achat de livres et d’instruments, ainsi que les autres dépenses nécessaires, sont remboursés aux militaires avec des fonds publics. En août 2002, le contrevenant a présenté une demande à l’université et il a obtenu une bourse d’études de 7 500 $, après avoir fait une fausse déclaration concernant son revenu, savoir qu’il n’a pas révélé qu’il recevait alors un traitement annuel de plus de 40 000 $ à titre de membre des Forces canadiennes. En octobre et novembre 2002, il a reçu des sommes provenant d’une bourse d’études en violation des conditions de l’ordonnance administrative des Forces canadiennes no9-63, qui régit les programmes d’instruction à l’intention des médecins et des dentistes militaires et qui interdit à un militaire d’accepter tout paiement à l’égard de l’exercice de ses fonctions militaires, notamment, dans le cas du contrevenant, pendant qu’il est étudiant en art dentaire. Au cours de l’année universitaire suivante, soit en août 2003, il a de nouveau présenté une demande, cette fois pour une bourse de 8 700 $. Il semble que les représentants de l’université se soient posé la question de savoir si le contrevenant avait droit à une bourse d’études et que, lorsque celui-ci a été interrogé sur ce point au cours d’une rencontre, il a immédiatement reconnu devant les représentants de l’université qu’il les avait trompés quand il avait obtenu la bourse d’études l’année précédente. Sa deuxième demande de bourse a été rejetée et, à la suite de la procédure disciplinaire engagée par l’université, il a été suspendu pendant quelques mois et a dû rembourser la somme de 7 500 $.
[8] Les avocats de la poursuite et de la défense ont convenu qu’une peine appropriée en l’espèce est un blâme et une amende de 2 000 $. Bien entendu, il incombe au tribunal de prononcer la peine, mais lorsque les deux parties s’entendent pour recommander une peine, le tribunal tient compte de cette recommandation. Les cours d’appel du Canada, y compris la Cour d’appel de la cour martiale, ont jugé que le tribunal devrait souscrire à la recommandation conjointe de la poursuite et de la défense, sauf si la peine recommandée est susceptible de jeter le discrédit sur l’administration de la justice ou est contraire à l’intérêt public.
[9] Une fraude commise avec des fonds publics par un officier commissionné constitue un crime grave. Comme j’ai pu le constater auparavant, il s’agit du type d’infraction qui fera souvent perdre son grade à un contrevenant, surtout dans des circonstances où le comportement frauduleux est un comportement répétitif, comme c’est le cas en l’espèce. Ici, le contrevenant a admis sa responsabilité au tout début de l’enquête, tant devant l’université qu’apparemment, devant les enquêteurs militaires. Il a plaidé coupable dès qu’il a pu le faire. Je ne considère pas que ses actes criminels sont le fruit d’un simple manque de jugement, comme le prétend son avocat, mais je conviens que, selon les faits, il éprouve véritablement du remords. J’accepte aussi le fait que le contrevenant subissait d’énormes pressions financières au moment où les infractions ont été commises. Je conviens aussi que le délai interminable qui s’est écoulé entre l’enquête et le moment où des accusations ont été portées a été particulièrement stressant pour le contrevenant et que ce délai, dans les circonstances, devrait être considéré comme une circonstance atténuante. De plus, le contrevenant a, dans une certaine mesure, été puni par l’université lorsqu’il a été suspendu, ce qui a retardé d’un an l’obtention de son diplôme en art dentaire. Il est maintenant dentiste et, semble-t-il, un militaire productif au sein des Forces canadiennes, en plus d’avoir une carrière prometteuse devant lui.
[10] En tenant compte de l’ensemble des circonstances, tant en ce qui concerne l’infraction que son auteur, je ne peux pas dire que la peine proposée par les avocats soit contraire à l’intérêt public ou qu’elle jette le discrédit sur l'administration de la justice. Par conséquent, j’accepte la recommandation conjointe. Veuillez vous lever, capitaine Danis.
[11] Vous êtes condamné à un blâme et à une amende de 2 000 $ que vous devrez payer à raison de 250 $ par mois, et ce, à partir du 1er novembre 2007 et pendant les sept mois suivants. Si, pour une raison ou pour une autre, vous étiez libéré des Forces canadiennes avant d’avoir payé l’amende en totalité, le solde impayé devra être payé la veille de votre libération. Vous pouvez disposer capitaine Danis.
CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, J.M.
Avocats :
Major S.A. MacLeod, Direction des poursuites militaires
Procureur de Sa Majesté la Reine
Major G.K. Duncan, Direction du service d’avocats de la défense
Avocat du capitaine Danis
Capitaine A.C. Laird, Direction des poursuites militaires
Avocat du capitaine Danis