Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 16 octobre 2007.

Endroit : Garnison Edmonton, aménagements pour lectures d’entraînement, Edmonton (AB).

Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 130 LDN, braquer une arme à feu (art. 87 C. cr.).
•Chef d’accusation 2 : Art. 130 LDN, usage négligent d’une arme à feu (art. 86 C. cr.).

Résultats
•VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Non coupable. Chef d’accusation 2 : Retiré.

Contenu de la décision

Référence : R. c. Caporal C.P. Healy, 2007 CM 2016

 

Dossier : 200744

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CANADA

ALBERTA

BASE DES FORCES CANADIENNES EDMONTON

 

Date : le 18 octobre 2007

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, J.M

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

CAPORAL C.P. HEALY

(Accusé)

 

VERDICT

(Prononcé de vive voix)

 

 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

[1]                    Caporal Healy, la cour vous déclare non coupable de la première accusation. Vous pouvez rompre et vous asseoir aux côtés de votre avocat.

 

[2]                    Le Caporal Healy est accusé dune infraction pour avoir braqué une arme à feu contrairement à larticle 87 du Code criminel du Canada, laquelle est également une infraction dordre militaire aux termes de larticle 130 de la Loi sur la défense nationale. Au début du présent procès devant la cour martiale permanente, le poursuivant a retiré la deuxième accusation dusage négligent dune arme à feu.

 


[3]                    Les événements qui ont donné lieu à laccusation davoir braqué une arme à feu sur une autre personne se sont produits dans la caravane où sont installés les ordinateurs liés à Internet, au camp Nathan Smith, à Kandahar, en Afghanistan. À la date mentionnée dans lacte daccusation, soit le 18 juillet 2006, le Caporal Healy était assis devant un des huit ordinateurs installés dans la caravane. Sans aucune raison apparente pour quiconque, le Caporal Healy a dégainé son pistolet dordonnance, un Sig Sauer de calibre 9 mm, et a levé son arme. La principale question en litige en lespèce est de savoir sil a braqué son arme sur un autre soldat, le Caporal Anderson, qui était assis devant lordinateur lautre côté de lallée qui sépare les deux rangées de cabines dordinateur.

 

[4]                    Dans une poursuite devant une cour martiale, comme dans toute autre poursuite pénale devant un tribunal au Canada, il incombe au poursuivant de prouver la culpabilité de laccusé hors de tout doute raisonnable. Dans un contexte juridique, il sagit dun terme technique ayant une signification consacrée. Si la preuve ne permet pas détablir la culpabilité de laccusé hors de tout doute raisonnable, celui‑ci doit être déclaré non coupable de linfraction. Le fardeau de la preuve incombe toujours à la poursuite et laccusé na jamais à prouver son innocence. En fait, laccusé est présumé innocent à toutes les étapes de la procédure, jusquà ce que le poursuivant ait prouvé sa culpabilité hors de tout doute raisonnable, au moyen dune preuve que le tribunal accepte.

 

[5]                    La preuve hors de tout doute raisonnable ne signifie pas certitude absolue, mais il nest pas suffisant de prouver seulement une culpabilité probable. Si la cour est seulement convaincue que laccusé est plus probablement coupable que non coupable, cela ne suffit pas pour le déclarer coupable hors de tout doute raisonnable; dans ce cas, laccusé doit être déclaré non coupable. De fait, la norme « hors de tout doute raisonnable » est beaucoup plus proche de la certitude absolue que de la « culpabilité probable ».

 

[6]                    Cependant, le doute raisonnable nest pas un doute futile ou imaginaire. Il ne se fonde pas sur la sympathie ou les préjugés. Cest un doute fondé sur la raison et le bon sens, qui découle de la preuve présentée ou de labsence de preuve. La preuve hors de tout doute raisonnable sapplique à chacun des éléments de linfraction reprochée. En dautres termes, si la preuve ne permet pas de prouver chacun des éléments de linfraction hors de tout doute raisonnable, laccusé doit être déclaré non coupable.

 

[7]                    La règle du doute raisonnable sapplique à la crédibilité des témoins dans une affaire comme la présente où la preuve révèle différentes versions des faits essentiels qui ont une incidence directe sur les questions en litige. Parvenir à une conclusion sur les faits ne se résume pas à préférer la version dun témoin à celle dun autre. Le tribunal peut accepter la véracité de tout ce que dit un témoin, ou ne pas laccepter du tout. Il peut aussi naccepter la véracité et lexactitude que dune partie seulement du témoignage. Si la cour accepte le témoignage dun accusé sur les aspects les plus essentiels dune affaire, ce dernier ne peut être déclaré coupable de laccusation qui pèse contre lui. Mais même si son témoignage nest pas accepté, sil demeure un doute raisonnable pour la cour, il doit être déclaré non coupable. Et si la preuve de laccusé ne laisse aucun doute raisonnable à la cour, celle‑ci doit quand même examiner toute la preuve quelle tient pour crédible et fiable afin de décider si la culpabilité de laccusé est établie hors de tout doute raisonnable.


[8]                    Avant que la cour puisse déclarer le Caporal Healy coupable de linfraction reprochée, le poursuivant doit la convaincre hors de tout doute raisonnable quil a dirigé ou braqué son arme à feu de manière intentionnelle. En dautres termes, il doit avoir tenu son arme à feu comme si lautre personne, le Caporal Anderson, était la cible quil visait.

 

[9]                    LAdjudant London a affirmé, dans son témoignage, quil a vu laccusé, qui était assis, lever son bras droit avec le pistolet dans sa main droite, étendre le bras à travers lallée séparant les deux rangées de cabines de la caravane, à la hauteur de la tête du Caporal Anderson, qui était assis dans la cabine située de lautre côté de lallée. LAdjudant London a montré à la cour quel mouvement il prétend que laccusé a fait à ce moment-là. Lorsquil a fait cette démonstration à la cour, son bras droit était complètement déplié, parallèle au plancher, le pistolet étant à la hauteur de lépaule.

 

[10]                  Deux des autres témoins, le Caporal Cruickshanks, témoin à charge, et laccusé, qui a témoigné pour sa défense, ont souscrit au témoignage de lAdjudant London selon lequel laccusé aurait dégainé son pistolet dordonnance et levé le bras droit, mais tous deux ont affirmé que larme était tenue suivant un angle vers le bas, pointée vers le plancher. Le Caporal Cruickshanks a aussi montré quels avaient été les gestes de laccusé au moment en question. Selon sa démonstration, le bras droit nétait pas complètement déplié et le pistolet, faisant un angle de 45 degrés, était pointé vers le plancher.

 

[11]                  Jaccepte le témoignage du Caporal Cruickshanks lorsquil décrit le mouvement que laccusé a fait avec son pistolet dordonnance. Le Caporal Cruickshanks se trouvait dans la cabine dordinateur située derrière celle du Caporal Anderson, de lautre côté de lallée par rapport au Caporal Healy. Il avait une bonne chance de voir les événements en question, puisque ceux-ci se sont déroulés très près de lui. Son attention a été attirée par les actes de laccusé, lorsquil a entendu le bruit dun pistolet quon dégaine. Son témoignage sur la direction dans laquelle larme était pointée était clair, concis et cohérent, et ce, pendant tout linterrogatoire principal et pendant le contre-interrogatoire.

 


[12]                  Sur ce point, je préfère le témoignage du Caporal Cruickshanks à celui donné par lAdjudant London. LAdjudant London était assis derrière le Caporal Cruickshanks, attendant son tour pour avoir accès à un ordinateur. De son point dobservation, lAdjudant London avait une vision claire de lallée centrale de la caravane, mais, à mon avis, son observation du Caporal Healy et du Caporal Anderson doit avoir été gênée, dans une certaine mesure, par les murs qui séparent les cabines dans la caravane où se trouvent les ordinateurs. Les photographies prises à lintérieur de la caravane peu après les événements montrent que les cabines dordinateur sont séparées par des murs destinés, sans doute, à assurer une certaine intimité aux utilisateurs des ordinateurs. Je naccepte pas le témoignage de lAdjudant London quand il affirme quil voyait la tête du Caporal Healy et de celle Caporal Anderson sans obstruction au moment en question. Les photographies, pièces 10 et 11, le montrent clairement.

 

[13]                  Il sensuit que, daprès lensemble de la preuve, je tire en conclusion de fait que le Caporal Healy a pointé son arme vers le plancher et non vers la tête du Caporal Anderson. Je ne suis pas convaincu hors de tout doute raisonnable que le Caporal Healy a dirigé son arme vers le Caporal Anderson; par conséquent, il nest pas coupable de linfraction reprochée.

 

[14]                  Officier de la Cour, vous pouvez remettre sa coiffure au Caporal Healy. Caporal Healy, vous pouvez vous retirer. Linstance de la cour martiale concernant le Caporal Healy est maintenant terminée.

 

 

 

                                                            CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, J.M.

 

 

Avocats :

 

Le Major B.J.A. McMahon, Procureur militaire régional, région du Centre

Procureur de Sa Majesté la Reine

Le Lieutenant de vaisseau M.P. Létourneau, Direction du service davocats de la défense

Avocat du Caporal C.P. Healy

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