Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 19 juin 2007.

Endroit : BFC Greenwood, édifice 221, centre d’entraînement Commodore de l’air Birchall, Greenwood (NÉ).

Chef d’accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 83 LDN, a désobéi à un ordre légitime d’un supérieur.

Résultats
•VERDICT : Chef d’accusation 1 : Non coupable.

Contenu de la décision

Citation : R. c. Sergent T.P. Craig, 2007 CM 2008

 

Dossier : 200706

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CANADA

NOUVELLE‑ÉCOSSE

14e ESCADRE GREENWOOD

 

Date : 20 juin 2007

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, J.M.

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

SERGENT T.P. CRAIG

(Accusé)

 

VERDICT

(Prononcé de vive voix)

 

 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

[1]                    Sergent Craig, la cour vous déclare non coupable du chef daccusation.  Vous pouvez rompre et vous asseoir aux cotés de votre avocat.

 

[2]                    Le Sergent Craig est accusé davoir désobéi à un ordre légitime, aux termes de larticle 83 de la Loi sur la défense nationale, pour avoir demandé, vers le 1er septembre 2006, à la base des Forces canadiennes Greenwood, Nouvelle-Écosse ou dans les environs de celle-ci, à M. Charles Ross de modifier lhoraire de travail du Sergent Craig, de manière contraire à un ordre quil avait reçu de lAdjudant Moffatt le 28 juillet 2006.

 

[3]                    Daprès ma compréhension de la présente affaire, le question principale consiste à déterminer si laccusé a fait ou non une demande telle que celle qui est alléguée dans lacte daccusation. Puisque je ne suis pas convaincu suivant la norme requise que la preuve ait établi la culpabilité de laccusé à légard du chef daccusation, laccusé a le droit dêtre acquitté.

 


[4]                    Dans une poursuite devant une cour martiale, comme dans toute autre poursuite pénale devant un tribunal au Canada, il incombe à la poursuite de prouver la culpabilité de laccusé hors de tout doute raisonnable. Dans un contexte juridique, il sagit dun terme technique ayant une signification consacrée. Si la preuve ne permet pas détablir la culpabilité de laccusé hors de tout doute raisonnable, celui‑ci ne doit pas être déclaré coupable de linfraction. Le fardeau de la preuve incombe toujours à la poursuite et laccusé na jamais le fardeau de prouver son innocence. En fait, laccusé est présumé innocent à toutes les étapes de la procédure, jusquà ce que la poursuite ait prouvé sa culpabilité hors de tout doute raisonnable, au moyen dune preuve admise par le tribunal.

 

[5]                    La preuve hors de tout doute raisonnable ne signifie pas quil doive y avoir certitude absolue, mais il nest pas suffisant de prouver seulement une culpabilité probable. Si la cour est plutôt convaincue que laccusé est plus probablement coupable que non coupable, cela ne suffit pas pour le déclarer coupable hors de tout doute raisonnable; dans ce cas, laccusé doit être acquitté. De fait, la norme  hors de tout doute raisonnable  est beaucoup plus proche de la certitude absolue que de la  culpabilité probable . Cependant, le doute raisonnable nest pas un doute futile ou imaginaire. Il ne se fonde pas sur la sympathie ou les préjugés. Cest un doute fondé sur la raison et le bon sens, qui découle de la preuve présentée ou de labsence de preuve. La preuve hors de tout doute raisonnable sapplique à chacun des éléments de linfraction reprochée. En dautres termes, si la preuve ne permet pas de prouver chacun des éléments de linfraction hors de tout doute raisonnable, laccusé doit être acquitté.

 

[6]                    La règle du doute raisonnable sapplique à la crédibilité des témoins dans une affaire comme la présente où la preuve révèle différentes versions des faits essentiels qui ont une incidence directe sur les questions en litige. Parvenir à une conclusion sur les faits ne se résume pas à préférer la version dun témoin à celle dun autre. Le tribunal peut accepter la véracité de tout ce que dit un témoin, ou ne pas laccepter du tout. Il peut aussi naccepter la véracité et lexactitude que dune partie seulement du témoignage. Si le tribunal accepte le témoignage dun accusé sur les aspects les plus essentiels dune affaire, ce dernier ne peut être déclaré coupable de laccusation qui pèse contre lui. Cependant, même si son témoignage nest pas accepté, mais quil demeure toutefois un doute raisonnable, il doit être acquitté. Et même si la preuve de laccusé ne soulève à son avis aucun doute raisonnable, le tribunal doit quand même examiner toute la preuve dont il admet la crédibilité et la fiabilité pour décider si la culpabilité de laccusé est établie hors de tout doute raisonnable.

 


[7]                    Le poursuivant a correctement énoncé dans sa plaidoirie les éléments de linfraction de désobéissance à un ordre légitime. Jestime que lidentité de laccusé ainsi que la date et le lieu de la commission de linfraction ont été établis. Daprès moi, il ne fait aucun doute que la communication (pièce 4) transmise le 28 juillet 2006 par voie électronique entre lAdjudant Moffatt et laccusé  constituait un ordre légitime et que cet ordre avait été donné par un officier supérieur, au sens où ce terme est défini à larticle 2 de la Loi sur la défense nationale. Je conclus que laccusé savait que lAdjudant Moffatt était un officier supérieur, et quil était certainement au courant des termes de lordre comme le montre son courriel de réponse daté du 1er août 2006. Cependant, pour les raisons énoncées ci-après, je ne suis pas convaincu hors de tout doute raisonnable que laccusé ait effectivement désobéi à lordre de lAdjudant Moffatt. Je ne suis pas non plus convaincu que laccusé ait eu lintention de désobéir à lordre.

 

[8]                    La preuve a révélé que laccusé avait pour tache descorter des agents contractuels civils qui travaillaient à la base de Greenwood. M. Charles Ross agissait pour le compte de lentrepreneur afin de coordonner linstallation de nouveaux équipements davionique sur les aéronefs des Forces canadiennes. Ses fonctions comprenaient la planification de lescorte des travailleurs civils au cours de leurs activités par des commissionnaires civils. À la demande de la hiérarchie de laccusé, il a pris ce dernier comme escorte afin de sadapter à certaines restrictions apparemment imposées à laccusé sur le lieu de travail. Même sil travaillait dune certaine manière pour M. Ross, laccusé demeurait soumis aux ordres de sa hiérarchie. Son superviseur immédiat, lAdjudant Moffatt, a pris connaissance de certaines difficultés concernant des modifications aux horaires de travail des escortes, qui étaient apparemment demandées par laccusé de temps en temps, avec un préavis qui était considéré comme étant court. Par conséquent, lAdjudant Moffatt a transmis lordre auquel lacte daccusation fait référence, par un courriel du 28 juillet 2006, adressé de manière claire et non équivoque à laccusé, dans les termes suivants : [Traduction]  les demandes ultérieures de modification de votre horaire doivent passer par moi et non pas par M. Ross .

 

[9]                    M. Ross a déclaré dans sa déposition quil préparait chaque jeudi lhoraire de travail des escortes pour la semaine suivante. Au moment qui nous intéresse, laccusé alternait des quarts de travail de jour et de nuit avec un commissionnaire nommé Campbell. M. Ross a déclaré quil avait préparé le jeudi 31 août lhoraire de travail concernant la semaine suivante commençant le lundi 4 septembre. Laccusé était censé effectuer un quart de travail de 10 heures qui devait commencer le lundi 4 septembre à 14 heures. Il a en outre déclaré quil avait discuté de lhoraire avec laccusé, au retour dune période de congé. Daprès M. Ross, laccusé lui avait affirmé avoir parlé à Campbell au sujet de la modification de son quart de travail. M. Ross navait pas pu joindre Campbell pour confirmer ce fait, mais laccusé a assuré à M. Ross que Campbell effectuerait le quart du lundi commençant à 14 heures, et Ross semble avoir accepté cette affirmation. En fait, Campbell a bien effectué le quart du lundi, comme le montre la compilation des heures réelles travaillées effectuée par Ross et figurant au document produit comme pièce 6. 

 

[10]                  Laccusé a témoigné pour son propre compte et relaté la discussion quil avait eue avec M. Ross le vendredi matin, mais en des termes très différents. Il a déclaré que Campbell lavait contacté à la fin de laprès-midi du jeudi 31 août, en lui demandant de changer de quart avec laccusé le lundi, et que laccusé lui avait répondu quil ne pourrait pas laider. Puis, le lendemain, il avait simplement discuté avec M. Ross au sujet de la demande que Campbell lui avait faite. Laccusé a déclaré quil navait pas travaillé le lundi, parce quil nétait pas prévu à lhoraire ce jour-là.


[11]                  Il est évident que les deux versions de la conversation qui a eu lieu le vendredi 1er septembre sont incompatibles. Sil sagissait seulement de déterminer quel est le témoignage qui doit être préféré, jaccepterais davantage le témoignage de M. Ross que celui de laccusé. Jai été impressionné par la minutie avec laquelle M. Ross a témoigné, et après avoir observé laccusé au cours de son témoignage, jai des doutes quant à sa volonté daider la cour en disant toute la vérité. Cependant, comme je lai déjà mentionné, ce nest pas le critère qui est prévu par la loi. M. Ross a rédigé une note le 14 septembre 2006, dans laquelle il donne le détail de sa conversation du 1er septembre avec laccusé. Le document est identifié comme étant la pièce 8. Dans sa note, M. Ross déclare, en référence à la conversation du 1er septembre avec laccusé, quil avait pour intention de demander au Sergent Craig sil voulait effectuer un quart de travail de 10 heures le lundi. Le Sergent Craig lavait informé que le Commissionnaire Campbell avait demandé à travailler la semaine suivante et quil souhaitait travailler le soir. Le Sergent Craig lui avait assuré que le Commissionnaire Campbell se présenterait le lundi. M. Ross avait ensuite préparé lhoraire en tenant compte des déclarations du Sergent Craig.

 

[12]                  À mon avis, cette version de la conversation est plus fiable, puisquà lépoque à laquelle M. Ross a rédigé cette note, il faisait référence à des événements survenus tout juste deux semaines auparavant. M. Ross ne prétend nulle part dans la note que laccusé lui aurait demandé de modifier lhoraire, tel que cela est allégué dans lacte daccusation. En fait, la preuve suscite en moi certains doutes quant à savoir si lhoraire de travail avait déjà été préparé le 31 août, ou sil na été préparé quaprès la conversation du 1er septembre. Par conséquent, je ne suis pas convaincu quune modification ait été apportée à lhoraire, qui aurait nécessité que laccusé sadresse à sa hiérarchie comme il en avait reçu linstruction, ni quune modification ait été demandée par le Sergent Craig. Pour les mêmes motifs, je ne suis pas convaincu que laccusé ait eu lintention de désobéir à lordre de lAdjudant Moffatt lorsquil a fait la déclaration en question à M. Ross le 1er septembre. Par conséquent, il nest pas coupable du chef daccusation.

 

[13]                  Officier de justice, veuillez rendre au Sergent Craig son couvre‑chef. Sergent Craig, vous pouvez disposer. Linstance de la cour martiale concernant le Sergent T.P. Craig est à présent terminée.

 

 

 

 

                                                          CAPITAINE DE FRÉGATE  P.J. LAMONT, J.M.

 

Avocats :

 

Major J.J. Samson, Poursuites régionales militaires, Atlantique


Procureur de Sa Majesté la Reine

Capitaine de corvette J.C.P. Levesque, Direction du service d'avocats de la défense

Avocat du Sergent T.P. Craig

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.