Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

CACM 528 - Appel rejeté

Date de l'ouverture du procès : 23 mars 2009

Endroit : BFC Esquimalt, Édifice 30-N, 2e étage, Victoria (CB)

Chefs d'accusation
•Chefs d'accusation 1, 2 : Art. 130 LDN, trafic (art. 5(1) LRCDAS).
•Chefs d'accusation 3, 4 : Art. 129(2) LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats
•VERDICTS : Chefs d'accusation 1, 2, 3, 4 : Coupable.
•SENTENCE : Emprisonnement pour une période de neuf mois.

Contenu de la décision

Référence : R. c. L’ex-Matelot de 3e classe C.A.E. Ellis, 2009 CM 4008

 

Dossier : 200812                                          

 

 

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

BASE DES FORCES CANADIENNES ESQUIMALT

COLOMBIE-BRITANNIQUE

CANADA


Date : 28 mars 2009


SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL J-G PERRON, J.M.


SA MAJESTÉ LA REINE

c.

L’ex-MATELOT DE 3e CLASSE C.A.E. ELLIS

(contrevenant)

 

NOTE:

 

Des données personnelles ont été supprimées en conformité avec « L’usage de renseignements personnels dans les jugements et protocole recommandé » du Conseil canadien de la magistrature


SENTENCE

(prononcée de vive voix)


 


[1]     Ex-Matelot de 3e classe Ellis, vous avez été déclaré coupable de deux accusations de trafic de cocaïne et de deux accusations d’usage de cocaïne. Je dois maintenant imposer une peine juste et appropriée.

 

[2]     Pour déterminer la peine qui convient en l’espèce, la cour a tenu compte des circonstances entourant la perpétration des infractions, des circonstances atténuantes soulevées par votre avocat, des circonstances aggravantes invoquées par l’avocat de la poursuite et des observations formulées par ces deux avocats ainsi que des principes de détermination de la peine applicables.

 

[3]     Pour imposer la sentence, la cour doit se conformer aux directives énoncées à l’article 112.48 des Ordonnances et règlements royaux, qui l’oblige à tenir compte de toute conséquence indirecte du verdict ou de la sentence et à prononcer une sentence proportionnée à la gravité de l’infraction et aux antécédents du contrevenant.

 

[4]     Les objets et principes de la détermination de la peine, qui s’appliquent aux procès tenus tant devant les cours martiales que les tribunaux civils siégeant en matière pénale au Canada, ont été exprimés de différentes façons. Généralement, ils sont fondés sur la nécessité de protéger le public, lequel comprend évidemment les Forces canadiennes. La cour a examiné les principes énoncés aux articles 718 à 718.2 du Code criminel du Canada. Ces principes visent à dénoncer la conduite illégale, à dissuader le contrevenant et d’autres personnes de commettre des infractions, à isoler le contrevenant de la société, au besoin, à faciliter la réadaptation des contrevenants, à assurer la réparation des préjudices causés aux victimes ou à la collectivité ainsi qu’à promouvoir un sens de la responsabilité chez les contrevenants et une reconnaissance du tort causé aux victimes et à la collectivité. La cour doit décider si la protection du public serait mieux assurée par la dissuasion, la réadaptation, la dénonciation ou un ensemble de ces facteurs.

 


[5]     La cour doit également se fonder sur les articles 129, 130, 139 et 215 de la Loi sur la défense nationale et sur les paragraphes 5(1), 5(3) et 10(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances pour prononcer une sentence légale en l’espèce. Une sentence peut se composer de plusieurs sanctions.

 

[6]      La cour a tenu compte du fait que les peines infligées aux contrevenants ayant commis des infractions similaires dans des circonstances semblables ne devraient pas être démesurément différentes. De plus, la cour doit imposer une peine qui constitue la sanction minimale nécessaire pour maintenir la discipline. L’objet ultime de la détermination de la peine réside dans le rétablissement de la discipline chez le contrevenant et dans la société militaire.

 

[7]        La présente cour martiale vous a déclaré coupable de vous être livré à du trafic de cocaïne à un établissement militaire à deux occasions et d’avoir fait usage de cocaïne à deux occasions. Vous n’avez pas plaidé coupable à ces accusations, mais vous avez admis les faits nécessaires pour établir ces quatre infractions, conformément à l’alinéa 37b) des Règles militaires de la preuve.

 

[8]        La poursuite soutient qu’une peine de neuf à douze mois d’emprisonnement constitue la peine indiquée en l’espèce. Votre avocat de la défense suggère plutôt une peine de destitution ignominieuse des Forces de Sa Majesté et une condamnation avec sursis de six mois.

 

[9]        Je passe maintenant en revue certains faits de la présente affaire qui ne sont pas contestés et qui sont pertinents aux fins de la présente sentence. La pièce 6, votre sommaire des dossiers du personnel militaire, comporte les renseignements suivants :

 

XX XXX XXXX - votre date de naissance;

 

XX XXX XXXX - la date de naissance de votre fils;

 

16 novembre 2006 - la date de votre enrôlement dans les FC;

 

16 mars 2007 - la date approximative de votre arrivée à la BFC Esquimalt;

 

28 novembre 2007 - la date à laquelle vous recevez votre congé de fin d’emploi;

 

5 décembre 2007 - la date de votre libération des FC en application de l’article 2A.

 

[10]      Les renseignements suivants figurent à la pièce 3, soit les admissions formulées par l’ex-Matelot de 3e classe Ellis conformément à l’alinéa 37b) des Règles militaires de la preuve :

 


le 19 mars 2007, l’ex-Matelot de 3e classe Ellis a signé l’Ordre des FMAR(P) 19-5, intitulé « Illicit Drug Involvement in Maritime Forces Pacific » (usage illicite de drogues dans les Forces maritimes du Pacifique);

 

le 20 juin 2007, l’ex-Matelot de 3e classe Ellis a approché l’agent d’infiltration du SNEFC et lui a dit : [traduction] « Vous êtes l’ami de Lee et c’est la seule raison pour laquelle nous nous parlons ». L’ex-Matelot de 3e classe Ellis a mentionné à l’agent d’infiltration qu’il pourrait obtenir deux grammes de cocaïne pour 100 $ ou un lot de huit balles pour 160 $. Il lui a également dit qu’il était le seul gars de la caserne Nelles qui vendait de la drogue et qu’il faisait affaires avec six autres personnes du quartier. L’agent d’infiltration a alors remis à l’ex-Matelot de 3e classe Ellis une somme de 100 $ pour l’achat de deux grammes de cocaïne. L’ex‑Matelot de 3e classe Ellis a dit qu’il ne conservait pas son produit dans sa chambre, qu’il devait sortir pour aller le chercher et qu’il retournerait à la caserne Nelles avec la drogue vers 23h30 le même soir. À 23h33, l’ex-Matelot de 3e classe Ellis a remis à l’agent d’infiltration un petit sac en plastique transparent contenant de la cocaïne;

 

le 22 juin 2007, vers 13h40, l’agent d’infiltration s’est rendu à la chambre de l’ex-Matelot de 3e classe Ellis, à la caserne Nelles, et a demandé à celui-ci s’il pouvait acheter un lot de huit balles de cocaïne, ce qui correspond à environ 3,5 grammes de cocaïne. L’ex-Matelot de 3e classe Ellis a dit à l’agent d’infiltration que ce produit lui coûterait de 160 $ à 180 $. L’agent d’infiltration lui a alors remis un montant de 180 $ pour qu’il effectue l’achat. Vers 17h03, l’ex-Matelot de 3e classe Ellis a frappé à la porte de la chambre de l’agent et a dit à celui-ci qu’il faisait très chaud dans les casernes et qu’il s’apprêtait à sortir maintenant pour aller chercher la cocaïne, parce que l’endroit se trouvait tout près. Quelques minutes plus tard, un paquet de jeu de cartes a été glissé sous la porte. Le paquet contenait un petit sac de cocaïne;

 

le 27 juin 2007, l’ex-Matelot de 3e classe Ellis est arrêté pour trafic de cocaïne.

 

[11]      Votre acte d’accusation, produit comme pièce 5, comporte un total de 15 accusations. Vous avez été déclaré coupable de vous être absenté sans autorisation pendant une période de cinq heures le 10 mai 2007. C’est la seule infraction qui a été perpétrée avant les infractions de trafic de cocaïne et d’usage de cocaïne. Entre le 15 juillet et le 18 octobre 2007, vous avez été déclaré coupable de vous être absenté sans autorisation à neuf occasions pendant des périodes allant de 13 minutes à cinq heures, et vous avez été déclaré coupable de cinq accusations de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline relativement à des actes pouvant donner lieu à une peine de confinement au quartier.

 


[12]      Au cours de votre témoignage, vous avez dit que vous n’avez pas commencé à vous chercher un emploi immédiatement à votre retour à Lower Sackville, parce que vous touchiez encore un montant d’environ 500 $ à 600 $ par mois des Forces canadiennes au cours des premiers mois suivant votre libération. Vous avez commencé à vous chercher un emploi lorsque cette source de revenu a été épuisée. Vous avez ensuite travaillé comme manoeuvre pour différentes entreprises ou exécuté des travaux de pose de cloisons sèches payables en argent comptant pendant la majeure partie de 2008, sauf lorsque vous avez été mis à pied pour cause de manque de travail ou lorsque vous avez souffert d’une infection aux dents. Vous avez travaillé en janvier 2009 et vous êtes sans emploi depuis février 2009. Vous êtes actuellement à la recherche de travail et un de vos amis pourrait être en mesure de vous aider à vous trouver un emploi sous peu. Vous avez dit que vous n’aviez pas touché de prestations d’aide sociale depuis votre retour à Lower Sackville.

 

[13]      Vous avez également dit que vous aviez habité chez la mère de votre petite amie pendant environ un an et que vous sortiez avec votre amie actuelle depuis environ 14 mois. Vous payez une somme d’environ 200 $ par mois pour l’hébergement et la nourriture. Vous avez ajouté que votre amie et vous-même aviez l’intention de vous marier, d’avoir des enfants et de vous installer dans votre propre maison lorsque vous en auriez les moyens.

 

[14]      Vous avez un fils de 4 ans. Votre ex-conjointe a la garde de votre fils, mais vous voyez celui-ci environ deux soirs par semaine à la maison de vos parents ou chez vous ainsi que toutes les deux fins de semaine. Vous soutenez que la relation que vous entretenez avec votre ex-conjointe s’est améliorée récemment et que vous ne versez aucune aide financière pour votre fils, mais que vous lui achetez de la nourriture et des vêtements lorsqu’il passe du temps avec vous.

 

[15]      La relation que vous avez avec vos parents n’était pas très bonne à votre retour à Lower Sackville, mais elle s’est améliorée depuis que vous n’habitez plus avec eux. Vous dites que vous voyez vos parents deux ou trois fois par semaine et qu’ils habitent à environ dix minutes de chez vous.

 

[16]      Vous avez expliqué que vous n’aviez pas terminé vos études secondaires, parce que vous aviez commencé à vivre avec votre ex-conjointe alors que vous étiez encore aux études et que vous avez dû travailler pour payer les factures. Vous avez besoin d’un crédit pour obtenir votre diplôme d’études secondaires. Vous avez mentionné que vous n’avez pu terminer le cours par correspondance qui vous aurait permis d’obtenir ce crédit, parce que vous n’aviez pas les moyens d’en payer les frais qui s’élèvent à 200 $. Vous avez ensuite ajouté que vos parents et vos grands-parents vous aideraient à payer les frais du cours par correspondance.

 


[17]      Vous avez expliqué que vous aviez fait du trafic de cocaïne afin d’en tirer des profits personnels, c’est-à-dire afin de pouvoir vous offrir votre propre cocaïne. Vous avez parlé de toxicomanie et de « problèmes de consommation ». Vous avez dit que tout avait changé pour vous à votre retour à Lower Sackville, lorsque vous avez quitté l’environnement de drogue que vous aviez trouvé à la BFC Esquimalt. Vous avez mentionné que le fait de vous retrouver près de votre fils et d’avoir rencontré votre amie actuelle vous a permis de comprendre qu’il y avait des choses plus importantes que vous‑même dans la vie. De plus, vous avez mentionné que vous ne saviez pas où vous procurer de la drogue lorsque vous êtes revenu à Lower Sackville. Vous avez dit que vous vous teniez éloigné de la drogue et que vous restiez à la maison avec votre amie.

 

[18]      Vous auriez consenti à consulter votre médecin de famille au sujet de votre problème de toxicomanie, mais votre nom a été inscrit sur une liste d’attente aux fins d’un traitement. Vous avez dit que vous ne pouviez vous offrir le coût d’une thérapie qui n’est pas financée par le régime d’assurance-maladie provincial. Vous auriez tenté de joindre un groupe d’aide, mais il semble que le groupe le plus rapproché se trouve loin de votre résidence et que vous n’ayez aucun moyen de transport vous permettant de vous rendre aux réunions du groupe. Vous n’avez vu aucun thérapeute et n’avez participé à aucune thérapie de groupe depuis votre retour à Lower Sackville.

 

[19]      Lorsque la cour vous a demandé à quel moment vous aviez commencé à faire usage de cocaïne, vous avez répondu que vous n’aviez pas consommé de cocaïne avant votre arrivée à la BFC Esquimalt. Lorsqu’elle vous a demandé à quel moment vous aviez consommé de la cocaïne pour la dernière fois, vous avez répondu que c’était le jour de votre arrestation.

 

[20]      Je commente maintenant les décisions citées par les avocats. D’abord, dans l’affaire de l’ex-Soldat Constantin, décision de la cour martiale permanente rendue en 2005, l’accusé a plaidé coupable à une accusation de trafic de marijuana et à une accusation d’usage de marijuana. Les circonstances aggravantes de l’affaire étaient les suivantes :

 

a.  la gravité objective de l’infraction de trafic de marijuana, dont l’auteur est passible de cinq ans d’emprisonnement pour des quantités de moins de trois kilos, et la sanction de destitution ignominieuse du service de Sa Majesté pouvant être infligée relativement à la consommation de marijuana contrairement à l’article 129;

 

b.  le fait que les opérations ont été effectuées sur une période d’environ un mois et demi dans les quartiers pour célibataires;

 

c.  le fait que le contrevenant vendait de la marijuana à la demande d’acheteurs, et ce, pour financer sa propre consommation de marijuana;

 

d.  le caractère prémédité des opérations;

 

e.  le climat malsain qui régnait au sein du peloton d’attente pendant cette période alors qu’un certain nombre de militaires s’adonnaient à la consommation de drogues dans le quartier.

 

[21]      Les facteurs atténuants de l’affaire étaient les suivants :

 

a.  le fait que l’accusé a reconnu sa culpabilité et qu’il a collaboré avec la police;

 

b.  le fait que la marijuana est une drogue dite « douce »;

 

c.  l’absence de fiche de conduite ou de dossier criminel lié aux drogues;

 


d.  le fait que le contrevenant vivait des moments difficiles lors de la perpétration des infractions;

 

e.  le fait que le contrevenant avait développé une dépendance psychologique aux drogues;

 

f.  la preuve documentaire faisant état de la thérapie que le contrevenant a suivie;

 

g.  le fait que, moins de deux mois après sa libération des Forces canadiennes, le contrevenant s’était trouvé un emploi et qu’il occupait un poste permanent auprès de la même entreprise;

 

h.  le fait que le contrevenant habitait avec ses parents et qu’il avait acquis un niveau de maturité et de jugement qui n’était pas présent lors des infractions;

 

i.  le fait que le contrevenant avait été libéré des FC pour des raisons directement liées aux drogues;

 

j.  le jeune âge du contrevenant au moment de la perpétration des infractions;

 

k.  le délai écoulé depuis la perpétration des infractions.

 

[22]      Après avoir examiné ces facteurs aggravants et atténuants, la cour martiale permanente a condamné le contrevenant à une peine d’emprisonnement de 45 jours assortie d’une amende de 2 500 $. Cependant, elle a suspendu l’exécution de la peine d’emprisonnement. Elle était d’avis que la décision rendue par la Cour d’appel de la cour martiale dans R. c. Dominie[1] n’exigeait pas que le contrevenant purge une peine d’emprisonnement pour trafic et usage de marijuana dans les circonstances particulières de cette affaire. De l’avis de la cour martiale permanente, la preuve relative aux démarches de réhabilitation et de réinsertion sociale du contrevenant était très convaincante. La peine d’incarcération signifierait sans doute la perte de l’emploi du contrevenant, laquelle risquerait de se traduire par une perte de motivation, de sorte que le contrevenant deviendrait un fardeau économique et social pour l’ensemble de la collectivité. La cour a été impressionnée par la preuve dont elle avait été saisie au sujet des démarches de réhabilitation.

 


[23]      Dans R. c. Ennis, décision rendue en 2005 par une cour martiale permanente, le contrevenant a été déclaré coupable de trois accusations de trafic de cocaïne et d’ecstasy. Les infractions ont été commises lors de deux opérations distinctes et la seconde touchait à la fois la cocaïne et l’ecstasy. Les quantités n’étaient pas importantes, mais les opérations avaient été conclues dans un but commercial. Une fiche de conduite avait déjà été établie à l’encontre du contrevenant relativement à des infractions d’absence non autorisée et d’ivresse. Il était âgé de 21 ans lors de la perpétration de l’infraction et avait pris des mesures actives pour régler son problème de toxicomanie auparavant, mais ses efforts avaient été vains. Il avait changé ses habitudes de vie de manière importante depuis, il ne fréquentait plus le milieu de la drogue et n’avait pas consommé de drogues depuis plusieurs mois. Il était sans emploi et habitait avec des parents. Il assistait à des séances d’étude biblique et à des réunions des Narcotiques Anonymes. Il avait aidé les autorités à identifier d’autres personnes faisant usage de drogues.

 

[24]      Même si le profit que le contrevenant avait retiré des opérations était minime, la cour a estimé que le fait d’exposer volontairement d’autres personnes au danger associé à ce type de drogues pour son propre usage et sa propre consommation était une affaire grave. Le contrevenant a été condamné à 12 mois d’emprisonnement.

 

[25]      J’examine maintenant les facteurs atténuants en l’espèce. Vous étiez âgé de 22 ans à la date de perpétration des infractions. Même si vous avez une fiche de conduite, je souligne que les infractions dont il est question ici ont été perpétrées après la première infraction figurant sur votre fiche. Cette première infraction concerne une absence non autorisée. Aucune infraction liée à la drogue ne figure sur votre fiche de conduite et vous n’avez aucun antécédent judiciaire relatif à la drogue. Même si ces 15 infractions tendent à montrer que vous n’avez jamais compris le concept de la discipline pendant que vous faisiez partie des Forces canadiennes, je ne crois pas qu’elles ont des répercussions majeures sur la détermination de la peine aujourd’hui, parce qu’elles ne sont nullement liées aux accusations en cause aux présentes.

 

[26]      Vous avez collaboré avec la police militaire. Même si vous n’avez pas plaidé coupable à ces accusations, vous avez fourni des admissions au sujet de faits établissant hors de tout doute raisonnable que vous aviez commis les infractions. Votre avocat a expliqué que vous avez choisi cette option parce que vous désiriez conserver votre droit d’appel, au besoin. Ces admissions signifient que les témoins ne sont pas tenus de comparaître devant la cour martiale, ce qui signifie sans doute une économie en temps et en argent.

 

[27]      Apparemment, vous n’avez aucun contact avec le milieu de la drogue, vous sortez sérieusement avec une personne et vous avez tissé un bon réseau social. Vous avez tenté de travailler sur une base permanente depuis votre retour à Lower Sackville.

 


[28]      Je passe maintenant en revue les facteurs aggravants en l’espèce. Le Parlement du Canada estime que le trafic de cocaïne constitue une infraction très grave, étant donné qu’il a décidé que les personnes déclarées coupables de cette infraction sont passibles de la peine la plus sévère en droit canadien, soit l’emprisonnement à perpétuité. Le trafic de cocaïne est une infraction réprouvée par la société canadienne, en raison du tort qu’elle cause aux individus et à la collectivité. Vous avez joint les rangs des FC quelques mois seulement avant la perpétration de ces infractions. Chaque citoyen canadien sait que le trafic de cocaïne est une infraction criminelle grave. Vous étiez parfaitement au courant de la politique stricte des FC en matière de drogues.

 

[29]      Peu d’éléments de preuve m’incitent à conclure que vous êtes une personne responsable qui cherche vraiment à s’améliorer. Vous n’avez commencé à vous chercher du travail que lorsque vous avez cessé de toucher un revenu mensuel des Forces canadiennes. Vous avez expliqué qu’il vous suffisait de suivre un cours par correspondance pour obtenir votre diplôme d’études secondaires et que vous pouviez obtenir de l’aide de vos parents et de vos grands-parents pour payer les frais de 200 $. Pourtant, vous n’avez présenté aucun élément de preuve démontrant à la cour que vous aviez déployé le moindre effort pour suivre ce cours, pour obtenir votre diplôme d’études secondaires et, par la suite, pour vous trouver un emploi permanent et mieux rémunéré.

 

[30]      Vous parlez de votre problème de toxicomanie, mais je n’ai été saisi d’aucun élément de preuve montrant que vous avez tenté d’utiliser les nombreuses ressources auxquelles ont accès les membres des FC qui veulent régler ce problème. Vous avez décrit les efforts que vous avez déployés à cet égard depuis votre retour à Lower Sackville. Vous avez dit que vous n’aviez pas consommé de drogues depuis votre arrivée là-bas, en partie parce que vous ignoriez où vous procurer de la drogue. Il semblerait que vous ayez rendu une seule visite à votre médecin de famille et que vous n’avez pas encore vu de thérapeute, parce que votre nom est encore trop loin sur la liste d’attente. Je peux comprendre que vous n’avez pas les moyens de payer 200 $ l’heure pour voir un thérapeute privé. Vous dites que vous ne pouvez vous joindre à un groupe d’aide parce que celui-ci tient ses réunions à un endroit assez éloigné de votre résidence et que vous n’avez pas de moyen de transport pour vous y rendre. Je ne crois pas que votre témoignage soit celui d’une personne qui cherche véritablement à se débarrasser de son problème de toxicomanie.

 

[31]      Vous avez déclaré au cours de votre témoignage que vous aviez vendu de la drogue à l’agent d’infiltration pour financer votre propre consommation de cocaïne. Vous étiez disposé à vendre des drogues sur les lieux d’un établissement de la Défense à un autre membre des FC que vous n’aviez jamais rencontré auparavant. Vous avez vendu de la drogue à l’agent d’infiltration parce que le Matelot de 3e classe Lee vous avait dit que l’agent voulait acheter de la drogue. Il ne s’agissait pas d’un cas de « trafic social », mais plutôt du cas d’une personne qui voulait tirer profit de l’opération. Vous vouliez vous faire de l’argent pour financer l’achat de votre propre cocaïne. Vous avez dit à l’agent d’infiltration que vous étiez le seul [traduction] « gars de la caserne Nelles qui vendait de la drogue » et que vous en vendiez à six autres personnes du quartier. Selon vos admissions, vous avez vendu de la drogue à d’autres personnes se trouvant à un établissement de la Défense. Même si vous n’êtes pas puni aujourd’hui pour avoir vendu de la cocaïne à d’autres résidents de la caserne Nelles, cette preuve tend à démontrer que, à tout le moins, vous vouliez vous présenter à un étranger comme une personne importante du milieu de la drogue de la caserne Nelles. Ces paroles montrent un degré de culpabilité plus élevé à l’égard des opérations financières liées à la cocaïne. Votre témoignage ne m’a pas convaincu que vous appartenez à la catégorie des toxicomanes-trafiquants selon la description qui en a été faite dans R. c. Lebovitch[2].

 


[32]      Je suis d’avis que l’avocat de la poursuite n’a pas présenté à la cour la preuve établissant la quantité exacte de cocaïne qui a été vendue à l’agent d’infiltration les 20 et 22 juin 2007. Cette quantité a fait l’objet de discussion à deux occasions entre l’agent d’infiltration et l’ex-Matelot de 3e classe Ellis, mais les admissions et la preuve présentées au cours de l’audience sur la détermination de la peine ou lors de la présentation de la requête fondée sur la Charte ne montrent pas clairement la quantité qui a effectivement été vendue à chaque occasion. À la page 30 de la sentence rendue dans R. c. Matelot de 1re classe Lee, il est mentionné que la quantité réelle de drogue vendue à l’agent d’infiltration par l’ex-Matelot de 3e classe Ellis le 20 juin 2007 s’établissait à 0,9 gramme, alors que les discussions avaient porté sur une quantité de deux grammes et que l’agent d’infiltration avait remis un montant de 100 $ à l’ex‑Matelot de 3e classe Ellis. En conséquence, compte tenu des renseignements figurant dans la sentence rendue dans l’affaire du Matelot de 3e classe Lee et de l’absence d’éléments de preuve précis en l’espèce, la cour n’est pas disposée à conclure que l’ex-Matelot de 3e classe Ellis a effectivement vendu 3,5 grammes de cocaïne à l’agent d’infiltration le 22 juin 2007, même s’il s’agit de la quantité qui a été demandée et payée par l’agent. Néanmoins, la preuve montre que vous étiez disposé à vendre de plus grandes quantités de cocaïne à d’autres membres des FC pour votre bénéfice personnel.

 


[33]     Ex-Matelot de 3e classe Ellis, veuillez vous lever. La sentence que la cour martiale permanente a rendue dans Constantin repose sur des circonstances factuelles différentes à des égards importants des circonstances de la présente affaire. L’ex‑soldat Constantin a plaidé coupable à une accusation de trafic de marijuana et à une accusation d’usage de marijuana. La marijuana est une drogue douce et la peine maximale dont l’auteur de cette infraction est passible est une peine d’emprisonnement de cinq ans pour une quantité inférieure à trois kilogrammes, et non d’emprisonnement à perpétuité, comme c’est le cas en l’espèce. En établissant cette distinction importante sur le plan des peines maximales, le législateur envoie un message clair au sujet de la gravité de l’infraction de trafic de cocaïne. Je ne crois pas qu’il existe dans la présente affaire des circonstances atténuantes aussi importantes que celles qui ont été établies dans l’affaire Constantin. Même si vous avez déployé certains efforts pour vous réadapter et pour réintégrer la société, ces efforts sont nettement inférieurs à ceux qui ont été prouvés dans l’affaire Constantin. Vous étiez disposé à vendre de la cocaïne à d’autres membres des FC que vous ne connaissiez pas pour votre bénéfice personnel. Votre situation s’apparente bien davantage à celle dont la cour martiale permanente a été saisie dans l’affaire Ennis.

 

[34]     Les décisions que la Cour d’appel de la cour martiale a rendues dans R. c. Dominie et R. c. Taylor comportent également des éclaircissements au sujet de la peine à infliger à un contrevenant coupable de trafic de cocaïne[3]. L’emprisonnement est la peine qui convient, à moins que des circonstances extrêmement atténuantes ne montrent qu’il y a lieu de suspendre l’exécution de la peine.

 

[35]     À mon avis, la peine à infliger en l’espèce doit mettre l’accent principalement sur la dénonciation de la conduite du contrevenant et sur la dissuasion générale et particulière. La Cour d’appel de la cour martiale et de nombreuses cours martiales ont souligné à maintes reprises que l’usage et le trafic de drogues sont des infractions plus graves dans le milieu militaire, en raison de la nature des obligations et responsabilités qui incombent à chaque membre des FC en ce qui a trait à la préservation de la sécurité et de la défense de notre pays et de nos concitoyens canadiens. Notre milieu militaire ne saurait tolérer de manquements à sa politique stricte et bien connue qui interdit la consommation de drogues illicites.

 

[36]     Je souligne que, même si vous n’avez pas plaidé coupable, vous avez admis tous les faits de la présente affaire, vous avez témoigné et vous avez exprimé un certain remords. Même si vous avez tenté d’expliquer votre conduite en parlant de votre problème de toxicomanie, vous n’avez présenté aucun élément de preuve montrant que vous avez véritablement cherché à vous en sortir. Les facteurs aggravants, plus précisément votre désir de vendre de plus grandes quantités de cocaïne à un autre membre des FC se trouvant à un établissement de la Défense à des fins de profit personnel, m’incitent à croire qu’il est nécessaire d’infliger une peine qui envoie un message clair à vous-même et aux autres et qui pourra vous aider à reconnaître votre responsabilité à l’égard des infractions que vous avez perpétrées. Cette sentence doit comporter une peine d’emprisonnement. La cour n’a été saisie d’aucun élément de preuve atténuant qui la convainc qu’une suspension de l’exécution de cette peine d’emprisonnement convient en l’espèce, eu égard aux circonstances propres à l’infraction et au contrevenant.

 


[37]     Ex-Matelot de 3e classe Ellis, la cour vous condamne à une peine d’emprisonnement de neuf mois. Vous pouvez vous asseoir. La présente sentence a été prononcée le 28 mars 2009, à 10 h 53.

 

[38]     Je n’ai pas envisagé la possibilité de rendre une ordonnance fondée sur l’article 196.14 de la Loi sur la défense nationale relativement au prélèvement d’échantillons de substances corporelles parce que l’avocat de la poursuite n’a pas sollicité ce type d’ordonnance. De plus, il n’a pas demandé à la cour de rendre une ordonnance interdisant au contrevenant d’avoir en sa possession des armes à feu, arbalètes, armes prohibées, armes à autorisation restreinte, dispositifs prohibés, munitions, munitions prohibées et substances explosives, ou l’un ou plusieurs de ces objets. Après avoir passé en revue les dispositions de l’article 147.1 de la Loi sur la défense nationale et la preuve présentée au procès, j’en suis arrivé à la conclusion que cette ordonnance n’est pas nécessaire pour la sécurité du contrevenant ou celle d’autrui.

 

 

 

 

 

 

LIEUTENANT-COLONEL J.-G. PERRON, J.M.

 

Avocats :

Le major B. McMahon, Poursuites militaires régionales (Ouest)

Avocat de Sa Majesté La Reine

 

Le capitaine de corvette P. Lévesque, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat de l’ex-Matelot de 3e classe Ellis



[1] 2002 CACM 8.

[2](1979) 48 C.C.C. (2d) (C.A. Qc).

[3] Supra note 1; 2008 CACM 1.

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