Cour martiale
Informations sur la décision
CACM 523 - Appel rejeté
Date de l'ouverture du procès : 5 janvier 2009
Endroit : BFC Esquimalt, Édifice 30-N, 2e étage, Victoria (CB)
Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 : Art. 130 LDN, trafic (art. 5(1) LRCDAS).
Résultats
•VERDICT : Acte d'accusation 1 : Coupable.
•SENTENCE : Emprisonnement pour une période de cinq mois.
Cour martiale générale (CMG) (est composée d'un juge militaire et d'un comité)
Contenu de la décision
Référence : R. c. Matelot de 3e classe M. Lee, 2009 CM 4002
Dossier : 200811
COUR MARTIALE GÉNÉRALE
CANADA
COLOMBIE- BRITANNIQUE
BASE DES FORCES CANADIENNES ESQUIMALT
Date : le 15 janvier 2009
SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL J-G PERRON, J.M.
SA MAJESTÉ LA REINE
c.
MATELOT DE 3e CLASSE M. LEE
(Accusé)
SENTENCE
(Prononcée de vive voix)
TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE
[1] Matelot de 3e classe Lee, au terme d’un procès, la Cour martiale générale vous a reconnu coupable de trafic de cocaïne pour avoir aidé, encouragé, conseillé et amené le matelot de 3e classe Ellis à faire le trafic de cocaïne. La cour doit maintenant infliger une sentence juste et appropriée.
[2] Pour déterminer la sentence appropriée, la Cour a pris en compte les circonstances entourant la commission de la présente infraction, les circonstances atténuantes invoquées par votre avocat, les circonstances aggravantes invoquées par le procureur de la poursuite, ses observations et celles de votre avocat ainsi que les principes applicables en matière de détermination de la peine.
[3] Ces principes, qui sont communs aux cours martiales et aux tribunaux civils de juridiction criminelle au Canada, ont été énoncés de diverses manières. En général, ils s’appuient sur la nécessité de protéger le public, ce qui, naturellement, inclut les Forces canadiennes. Les principes fondamentaux sont les principes de dissuasion, qui comprennent la dissuasion spécifique, c’est-à-dire l’effet dissuasif personnel, et la dissuasion générale; c’est‑à‑dire la dissuasion visant ceux qui seraient peut‑être tentés de commettre des infractions de nature semblable. Ces principes comprennent aussi celui de la dénonciation de la conduite et, enfin et surtout, celui de l’amendement et de la réinsertion sociale du contrevenant.
[4] La cour doit décider si la protection du public serait mieux servie par la dissuasion, la réinsertion sociale, la dénonciation, ou par une combinaison de ces facteurs.
[5] Lorsqu’elle inflige une peine, la cour est également tenue de suivre les directives énoncées à l’article 112.48 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes, qui l’obligent à tenir compte de toute conséquence indirecte du verdict ou de la sentence et à infliger une peine proportionnée à la gravité de l’infraction et aux antécédents du contrevenant.
[6] La cour a examiné les directives énoncées aux articles 718 à 718.2 du Code criminel canadien. Les objectifs et principes énoncés à ces articles visent à dénoncer le comportement illégal, dissuader le contrevenant et quiconque de commettre des infractions, isoler au besoin le contrevenant du reste de la société, favoriser la réinsertion sociale des contrevenants, assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité et susciter la conscience de leurs responsabilités chez les contrevenants et la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité
[7] La cour a également été guidée par les dispositions des articles 130 et 139 de la Loi sur la défense nationale, l’article 724 du Code criminel du Canada et les paragraphes 5(1), 5(3) et 10(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances dans la détermination de la peine que la loi permet d’infliger en l’espèce. Une sentence peut comporter plus d’une peine.
[8] La cour a pris en compte le fait que les peines infligées à des contrevenants qui ont commis des infractions similaires en des circonstances similaires ne devraient pas être disproportionnées. La cour doit aussi infliger la peine minimale qui serait requise pour le maintien de la discipline.
[9] L’objectif ultime de la détermination de la peine consiste à rétablir la discipline chez le contrevenant et dans la collectivité militaire. La discipline est la qualité que chaque membre des FC doit posséder pour lui permettre de placer les intérêts du Canada et ceux des Forces canadiennes devant les siens propres. Cela est nécessaire car les membres des Forces canadiennes doivent obéir volontairement et promptement à des ordres licites pouvant avoir des conséquences personnelles désastreuses telles que des blessures et la mort.
[10] L’avocat de la poursuite a soutenu que les principes de dénonciation et de dissuasion générale et personnelle étaient les facteurs fondamentaux s’appliquant en l’espèce. Il a fait valoir qu’une peine d’emprisonnement de six mois serait une peine appropriée en l’espèce. Votre avocat a suggéré un blâme et une perte d’ancienneté. Il a également suggéré une peine de 14 jours d’emprisonnement et une amende de 3 000 $ payable au rythme mensuel de 200 $.
[11] Le législateur canadien considère le trafic de cocaïne comme une infraction extrêmement grave puisqu’il a décrété que la peine la plus sévère en droit canadien, l’emprisonnement à perpétuité, est la peine maximale appropriée pour cette infraction. La société canadienne condamne le trafic de cocaïne en raison du tort qu’il cause aux individus et qu’il lui cause.
[12] Vous ne vous êtes engagé dans les Forces canadiennes que quelques mois avant que la présente infraction ne soit commise. Même si cela n’a pas été démontré devant cette Cour, c’est un fait bien connu que la politique en matière de drogues des Forces canadiennes est clairement enseignée aux recrues. Chaque citoyen canadien sait que le trafic de cocaïne constitue une infraction criminelle grave. Nul besoin de recevoir un enseignement sur le contenu de la politique en matière de drogues des Forces canadiennes pour savoir qu’il vaut mieux garder ses distances à l’égard des drogues comme la cocaïne et particulièrement à l’égard des trafiquants de cocaïne. Vous n’avez pas tenté de le faire.
[13] La Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit dans l’arrêt R. c. Généreux, [1992] 1 R.C.S. 259 :
La sécurité et le bien‑être des Canadiens dépendent dans une large mesure de la volonté d'une armée, composée de femmes et d'hommes, de défendre le pays contre toute attaque et de leur empressement à le faire. Pour que les Forces armées soient prêtes à intervenir, les autorités militaires doivent être en mesure de faire respecter la discipline interne de manière efficace. Les manquements à la discipline militaire doivent être réprimés promptement et, dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil. Il s'ensuit que les Forces armées ont leur propre code de discipline militaire qui leur permet de répondre à leurs besoins particuliers en matière disciplinaire. En outre, des tribunaux militaires spéciaux, plutôt que les tribunaux ordinaires, se sont vu conférer le pouvoir de sanctionner les manquements au Code de discipline militaire. Le recours aux tribunaux criminels ordinaires, en règle générale, serait insuffisant pour satisfaire aux besoins particuliers des Forces armées sur le plan de la discipline. Il est donc nécessaire d'établir des tribunaux distincts chargés de faire respecter les normes spéciales de la discipline militaire.
La Cour a ensuite repris les commentaires de la Cour fédérale exprimés dans la décision Mackay c. Rippon, [1978] 1 C.F. 233 (1re inst.), aux pages 235 et 236 :
Sans code de discipline militaire, les Forces armées ne pourraient accomplir la fonction pour laquelle elles ont été créées. Vraisemblablement ceux qui s'enrôlent dans les Forces armées le font, en temps de guerre, par patriotisme et, en temps de paix, pour prévenir la guerre. Pour qu'une force armée soit efficace, il faut qu'il y ait prompte obéissance à tous les ordres licites des supérieurs, respect des camarades, encouragement mutuel et action concertée; il faut aussi respecter les traditions du service et en être fier. Tous les membres des Forces armées se soumettent à un entraînement rigoureux pour être à même, physiquement et moralement, de remplir le rôle qu'ils ont choisi et, en cela, le respect strict de la discipline est d'une importance capitale.
Plusieurs infractions de droit commun sont considérées comme beaucoup plus graves lorsqu'elles deviennent des infractions militaires, ce qui autorise l'imposition de sanctions plus sévères. Les exemples en ce domaine sont légion, ainsi le vol au détriment d'un camarade. Dans l'armée la chose est plus répréhensible puisqu'elle porte atteinte à cet "esprit de corps" si essentiel, au respect mutuel et à la confiance que doivent avoir entre eux des camarades, ainsi qu'au moral de la vie de caserne. Pour un citoyen, en frapper un autre, c'est se livrer à des voies de faits punissables en tant que telles, mais pour un soldat, frapper un officier supérieur, c'est beaucoup plus grave; c'est porter atteinte à la discipline et, en certains cas, cela peut équivaloir à une mutinerie. À l'inverse, l'officier qui frappe un soldat commet aussi une infraction militaire sérieuse. Dans la vie civile, un citoyen peut à bon droit refuser de travailler, mais le soldat qui agit ainsi commet une mutinerie, ce qui est une infraction des plus graves, passible de mort en certains cas [...]De même, un citoyen peut quitter son emploi en tout temps, sa conduite ne sera entachée que d'inexécution d'obligations contractuelles mais, pour un soldat, agir ainsi constitue une infraction sérieuse, qualifiée d'absence sans permission et, s'il n'a pas l'intention de revenir, de désertion.
J’ajouterais que le trafic de cocaïne est un autre exemple d’infraction civile que les militaires traitent plus sévèrement.
[14] L’usage de drogues illicites ou leur trafic ne peuvent être tolérés par les Forces canadiennes et, pour illustrer ce point, je citerai un extrait de la décision de la Cour d’appel de la cour martiale du Canada dans R. c. Taylor, 2008 CACM 1 :
À mon avis, la peine visée par l’appel n’est pas manifestement inappropriée. La Cour doit faire preuve de retenue à l’égard de la déclaration que le juge militaire a faite dans sa décision, selon laquelle « [...] l’usage et le trafic de drogues constituent une menace directe à l’efficacité opérationnelle de nos forces ainsi qu’à la sécurité de notre personnel et de notre équipement ». Cet avis est conforme aux décisions faisant autorité rendues par la Cour. En effet, dans l’arrêt R. c. Dominie, 2002 CACM 8, le juge Ewaschuk a dit ce qui suit :
Le trafic répété du crack, même s’il est de nature non commerciale, doit généralement être sanctionné par l’emprisonnement, même pour les civils. Lorsqu’il s’agit de militaires, la dissuasion exige clairement la pleine conscience qu’ils seront emprisonnés s’ils font le trafic du crack sur une base militaire. On ne peut bénéficier d’une peine d’emprisonnement avec sursis, sauf dans les rares cas où il existe des circonstances atténuantes exceptionnelles. Ce n’est pas le cas ici.
J’ai examiné la jurisprudence présentée par le procureur de la poursuite et par votre avocat. Premièrement, je suis d’avis que l’affaire R. c. Hoddinott, une décision de la Cour martiale permanente rendue en 2006, diffère tellement quant aux faits qu’elle ne m’est d’aucune utilité en l’espèce. Dans Hoddinott, l’accusé avait été reconnu coupable de trafic de marijuana. Il avait remis un joint à un agent d’infiltration dans son appartement à Halifax. L’acte avait été décrit comme un trafic entre amis et connaissances. L’infraction n’avait pas été commise dans un établissement de défense ou en présence d’autres militaires. Comme l’a déclaré le juge présidant l’audience dans cette affaire, ce scénario ne peut se comparer au trafic de drogues dures telle que la cocaïne, même en petites quantités, lequel requiert une sanction des plus sévère comme l’emprisonnement. Les facteurs atténuants, mentionnés au paragraphe 13 de cette décision, ne se retrouvent pas en l’espèce, à l’exception du fait que la fiche de conduite du matelot de 3e classe Lee ne contient pas, elle non plus, d’infraction associée à la drogue. L’avocat de la défense n’a formulé aucun commentaire à l’égard de la jurisprudence présentée par le procureur de la poursuite.
[15] Le procureur de la poursuite m’a remis un tableau faisant état de nombreux cas de trafic jugés par des cours martiales. Je ne peux en faire qu’un usage restreint car ce tableau n’offre qu’un résumé de chaque décision imposant une peine. Il serait de beaucoup préférable de faire en sorte qu’une copie de ces décisions soit jointe à ce genre de tableau, fournissant ainsi au juge chargé de la détermination de la peine l’occasion d’en prendre connaissance en totalité et d’évaluer précisément chacun des facteurs atténuants et aggravants qui ont été pris en compte ainsi que les éléments de preuve présentés à la cour qui ont été jugés pertinents à l’étape de la détermination de la peine. L’avocat de la défense ne s’est pas opposé au dépôt du tableau devant la cour et j’en tirerai les renseignements pertinents à l’étape du prononcé de la peine dans le présent procès.
[16] Dans cette optique, je me suis concentré sur les décisions portant sur le trafic de cocaïne. Les autres affaires portent sur le trafic de drogues de nature différente et je ne les considère pas aussi pertinentes que celles ayant trait au trafic de cocaïne.Voici les affaires que j’estime pertinentes : Ex-Caporal Beek, Ex-Caporal Stevens, Soldat Taylor, Ex-Soldat Legresley, Ex-Matelot de 3e classe Ennis et
Matelot-chef Dominie. On m’a également soumis la décision Ennis et les décisions de la Cour d’appel de la cour martiale Taylor et Dominie.
[17] L’ex-Caporal Beek a été reconnu coupable de six chefs d’accusation de trafic de cocaïne et méthamphétamine et condamné à une peine d’emprisonnement de neuf mois. Je dois souligner que la Cour d’appel de la cour martiale a annulé la déclaration de culpabilité et ordonné un nouveau procès. En conséquence, je ne tiendrai pas compte de cette affaire dans la présente décision.
[18] L’ex-Caporal Stevens a été reconnu coupable de quatre chefs d’accusation de trafic de cocaïne et méthamphétamine et condamné à une peine d’emprisonnement de 16 mois. Il avait enregistré un plaidoyer de culpabilité. Le trafic aurait été perpétré à des fins commerciales. Il avait encore des activités dans le monde de la drogue et on a jugé qu’il était susceptible de récidiver.
[19] L’ex-soldat Taylor a été reconnu coupable d’un chef d’accusation de trafic de cocaïne et d’un chef d’accusation de possession de marijuana et il a été condamné à une peine d’emprisonnement de 40 jours et à une amende. Il avait enregistré un plaidoyer de culpabilité et les avocats avaient tous deux recommandé une peine de 40 jours et une amende. La cour l’a condamné à une peine d’emprisonnement de 40 jours et à une amende. Cette sentence a été confirmée par la Cour d’appel de la cour martiale.
[20] L’ex-Soldat Legresley a été reconnu coupable de deux chefs d’accusation de trafic de cocaïne et condamné à une peine d’emprisonnement de 60 jours. Aucun autre renseignement n’est fourni sur cette affaire. L’ex-Matelot de 3e classe Ennis a été reconnu coupable de trois chefs d’accusation de trafic de cocaïne et méthamphétamine et condamné à une peine d’emprisonnement de 12 mois. Ces infractions visaient deux transactions différentes et on a présumé de la nature commerciale de celles-ci en raison de la quantité de drogues en cause.
[21] Le Matelot-chef Dominie a été reconnu coupable d’un chef d’accusation de trafic entre amis de cocaïne crack et de possession illicite de biens volés, et condamné à une peine d’emprisonnement de huit mois.
[22] Ces affaires font donc état d’une gamme de peines d’emprisonnement variant de 40 jours à 16 mois. Le nombre de chefs d’accusation, les faits précis ainsi que les facteurs atténuants et aggravants propres à chacun de ces affaires devraient donc être pris en compte dans toute tentative de comparaison entre ces affaires et la présente espèce. Malheureusement, tous les renseignements ne m’ont pas été fournis pour chacune de ces affaires.
[24] Les décisions de la Cour d’appel de la cour martiale dans Dominie et Taylor m’indiqueront la voie à suivre quant à l’infliction d’une peine au contrevenant reconnu coupable de trafic de cocaïne. L’emprisonnement est la sentence appropriée sauf lorsque des circonstances atténuantes exceptionnelles font pencher la balance en faveur d’une peine d’emprisonnement avec sursis.
[25] Matelot de 3e classe Lee, vous avez été reconnu coupable par le comité de la Cour martiale générale d’avoir aidé, encouragé, conseillé ou amené à commettre l’infraction de trafic de cocaïne dans un établissement militaire. Vous n’avez pas été reconnu coupable en tant qu’auteur principal. Néanmoins, en vertu du paragraphe 72(1), vous avez participé à l’infraction de trafic de cocaïne et vous en êtes reconnu coupable.
[26] Le juge chargé de la détermination de la sentence s'acquitte de cette tâche en suivant deux principes. Premièrement, il « est lié [...] par la base factuelle expresse ou implicite du verdict du jury » : R. c. Brown, [1991] 2 R.C.S. 518, p. 523[...] Il « considère comme prouvés tous les faits, exprès ou implicites, essentiels au verdict de culpabilité qu’a rendu le jury » (Code criminel, al. 724(2)a)), et il ne doit pas considérer comme un fait tout élément de preuve qui n’est compatible qu’avec un verdict rejeté par le jury [...]
Je viens de citer un extrait du paragraphe 17 de R. c. Ferguson (2008) 228 C.C.C. (3d) 385.
[27] La question de la crédibilité des témoins se situe au cœur du présent procès étant donné que le comité devait décider laquelle des versions des événements lui serait crédible, la vôtre ou celle des témoins de la poursuite. Le comité a décidé de croire le témoignage des témoins de la poursuite quant à votre participation dans la vente de cocaïne par le matelot de 3e classe Ellis. Le comité a estimé que votre participation était beaucoup plus importante que ce que vous aviez déclaré dans votre témoignage.
[28] Le Caporal-chef Janes participait à une opération secrète dont la cible était le trafic de drogues au Pavillon Nelles. Il vous a abordé et questionné au sujet de la cocaïne parce que vous et le matelot de 3e classe Ellis étiez sur sa liste de personnes présentant un intérêt. Vous auriez pu vous éloigner de tout ce scénario en disant au Caporal-chef Janes que vous ne pouviez l’aider. Vous auriez pu vous abstenir de dire à d’autres personnes, spécialement au matelot de 3e classe Ellis, que le Caporal-chef Janes cherchait à se procurer de la cocaïne. Au contraire, vous avez choisi de prendre part au trafic de cocaïne parmi les militaires les plus subalternes de la Marine.
[29] Vous avez déclaré dans votre témoignage que le matelot de 3e classe Ellis n’était pas votre ami. En contre-interrogatoire, vous avez initialement déclaré que vous aviez entendu la rumeur selon laquelle le matelot de 3e classe faisait le trafic de drogues, mais vous avez par la suite tenté de modifier votre témoignage en déclarant que vous aviez entendu que le matelot de 3e classe Ellis ne s’adonnait qu’au trafic d’espadrilles. Selon votre témoignage, vous avez demandé au Caporal-chef Janes s’il était policier et s’il voulait une dose pour qu’il vous laisse en paix, quoique vous ayez aussi déclaré que vous ne le soupçonniez pas vraiment de faire partie des forces de l’ordre. Vous avez expliqué lui avoir demandé s’il venait de Borden parce que vous vouliez en savoir plus sur les autres bases des Forces canadiennes; cependant, vous ne lui avez rien demandé à propos de Gagetown lorsqu’il vous a répondu en provenir, et non pas provenir de Borden. Vous avez dit dans votre témoignage que le 20 juin 2007 au Fleet Club, vous aviez tenu au matelot de 3e classe Ellis exactement les mêmes propos que ceux échangés avec d’autres personnes; notamment que le Caporal-chef Janes cherchait de la cocaïne, et vous avez déclaré que vous étiez allé parler au matelot de 3e classe Ellis pour discuter de l’achat par ce dernier du camion du matelot de 3e classe Wilde.
[30] Vous avez dit que vous ne saviez pas ce que ferait le matelot de 3e classe Ellis des renseignements, mais aussi que vous vous en moquiez. Je crois comprendre du verdict du comité que votre version des événements n’a pas été crue ni vos explications sur vos raisons de questionner le Caporal-chef Janes ou de parler au matelot de 3e classe Ellis. Vous avez facilité la vente de cocaïne au sein de la collectivité des militaires dans un établissement de défense. Vous avez aidé le matelot de 3e classe Ellis à trouver un acheteur de drogues dans le cadre d’une situation qui n’était pas celle de trafic entre amis. Le matelot de 3e classe n’avait jamais rencontré le Caporal-chef Janes avant que vous ne les mettiez en contact alors que ne connaissiez le Caporal-chef Janes que depuis une semaine. Bien que la quantité de drogues vendue, 0,9 gramme, ne soit pas qualifiée d’importante, de minime ou de normale, les discussions portaient sur la vente de deux grammes. Malgré la quantité vendue, l’objet de la transaction était purement d’ordre commercial. Vous avez collaboré à une transaction commerciale de cocaïne.
[31] Votre fiche de conduite fait état de trois accusations d’absence sans permission qui sont survenues les 13 juin et 24 juillet 2007 et le 11 septembre 2008. Je constate que la présente infraction a été commise après la première apparaissant sur votre fiche de conduite. À mon avis, ces infractions n’ont que peu d’effet sur la présente phase de détermination de la peine étant donné leur absence totale de lien avec la présente infraction, même si elles démontrent que votre maîtrise de la notion de discipline est encore imparfaite.
[32] Voici les facteurs atténuants que j’ai identifiés :
La pièce 9 fournit à notre Cour la description d’un très bon rendement au travail pendant la période de trois mois qui s’étend du 22 septembre au 20 décembre 2008. Le commandant qui a écrit cette lettre conclut que vous avez démontré un bon potentiel pour devenir un excellent matelot. Ses commentaires sur votre rendement et votre potentiel sont les seuls éléments de preuve dont dispose la présente cour à ces égards durant votre brève carrière dans les Forces canadiennes. Notre Cour n’a aucune autre description de votre rendement et potentiel depuis votre enrôlement en 2006. J’accepterai cette pièce, cette lettre de référence, pour ce qu’elle est : une description d’un très bon rendement pour une période de trois mois et, fondée sur ces trois mois, l’évaluation d’un officier supérieur sur votre potentiel pour devenir un excellent matelot.
Je suis d’accord avec votre avocat pour dire que vous n’êtes pas le contrevenant principal et qu’aucune preuve ne permet de croire que vous faites usage de cocaïne ou que vous êtes mêlé à des affaires de drogues d’une quelconque autre manière qu’en ce qui concerne la présente infraction.
[33] Ce n’est pas un facteur aggravant que de ne pas avoir enregistré un plaidoyer de culpabilité ni d’avoir été reconnu coupable au terme d’un procès. Mais comme l’a souligné le procureur de la poursuite, la cour ne peut prendre en compte le remords en tant que facteur atténuant étant donné l’absence de plaidoyer de culpabilité et de toute autre manifestation de remords.
[34] Matelot de 3e classe Lee, levez-vous. Vous avez fait vos choix et je ne vois rien en l’espèce m’incitant à croire que des influences extérieures ont été exercées sur votre capacité d’arrêter ces choix. Rien ne m’indique qu’il vous a été intimé de prendre une direction autre que celle que vous vouliez vraiment emprunter ou que vous ne pouviez pas modifier le cours des événements.
[35] Aucune circonstance atténuante extraordinaire ne m’a été soumise au stade de détermination de la peine dans la présente instance de la Cour martiale générale. Aucun élément de preuve atténuant ne m’a été présenté autre que l’unique lettre de référence ayant trait à votre rendement durant la période de septembre à décembre 2008.
[36] J’estime que la présente sentence devrait être axée principalement sur la dénonciation de la conduite du contrevenant et sur les dissuasions générale et personnelle. Je parle de dissuasion personnelle car vous ne comprenez pas la nature de vos gestes ni n’acceptez les conséquences de vos actes.
[37] Aucun élément de preuve atténuant sérieux n’a été présenté à notre Cour. Votre avocat a insisté sur le fait que vous n’étes pas le contrevenant principal, que vous n’êtes accusé que d’une infraction de trafic et que rien ne prouve que vous faites usage de cocaïne.
[38] Les facteurs aggravants, plus précisément votre volonté d’aider à faire le trafic de cocaïne à des fins commerciales au sein de la collectivité des militaires dans un établissement de défense, m’incite à croire que la présente cour doit prononcer une peine lançant, à vous et aux autres, un message clair et vous aidant à assumer vos responsabilités à l’égard de la présente infraction.
[39] Matelot de 3e classe Lee, la Cour vous condamne à une peine d’emprisonnement de cinq mois. Vous pouvez vous asseoir.
[40] La sentence a été prononcée à 9 heures 53, le 15 janvier 2009.
LIEUTENANT-COLONEL J-G PERRON, J. M.
Avocats :
Le Captaine D.G. Curliss, Direction des poursuites militaires, Région de l’Ouest
Procureur de Sa Majesté la Reine
Le Captaine B.L.J. Tremblay, Direction du service d’avocats de la défense
Avocat du Matelot de 3e classe M. Lee.