Cour martiale
Informations sur la décision
Date de l'ouverture du procès : 12 janvier 2009
Endroit : BFC Esquimalt, Édifice 30-N, 2e étage, Victoria (CB)
Chefs d'accusation
•Chefs d'accusation 1, 2 : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
Résultats
•VERDICTS : Acte d'accusation 1 : Coupable. Acte d'accusation 2 : Retiré.
•SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 1000$.
Contenu de la décision
Référence : R. c. Matelot de 1re classe D.J Dashney, 2009 CM 4001
Dossier : 200837
COUR MARTIALE PERMANENTE
CANADA
COLOMBIE-BRITANNIQUE
BASE DES FORCES CANADIENNES ESQUIMALT
Date : 13 Janvier 2009
SOUS LA PRÉSIDENCE DE LIEUTENANT-COLONEL J-G PERRON, J.M.
SA MAJESTÉ LA REINE
c.
MATELOT DE 1RE CLASSE D.J. DASHNEY
(Accusé)
SENTENCE
(Prononcée de vive voix)
[1] Matelot de 1re classe Dashney, veuillez vous lever. Matelot de 1re classe Dashney, ayant accepté et inscrit votre plaidoyer de culpabilité à l’égard du premier chef d’accusation, la cour vous déclare coupable de cette infraction. Vous pouvez vous asseoir.
[2] Le sommaire des circonstances, dont vous avez formellement reconnu
les faits en tant que preuve concluante de votre culpabilité, fournit à la cour les circonstances entourant la perpétration de l’infraction en cause.
[3] Le 18 février 2008, le Lieutenant (M) Desormeaux, l’Officier ingénieur de l’Unité de plongée de la Flotte (Pacifique), et le Maître de 1re classe (M 1) Roussel ont procédé à une entrevue divisionnaire avec vous. L’objectif de cette entrevue était en partie de discuter de vos conditions de service ainsi qu’une offre de poursuivre le service suivant un engagement de durée indéterminée (ED Ind).
[4] Le Matelot de 1re classe Dashney s’était vu offrir auparavant un ED Ind, mais il avait refusé cette offre. Le Lieutenant(M) Desormeaux a réussi à obtenir une nouvelle offre d’ED Ind et à cette fin, elle a pris connaissance de certaines contradictions en ce qui concerne les motifs sous-jacents du refus du Matelot de 1re classe Dashney d’accepter l’offre initiale. Ces contradictions apparentes ont fait l’objet d’une discussion animée au cours de l’entrevue divisionnaire et le Lieutenant(M) Desormeaux a accusé le Matelot de 1re classe Dashney de mentir.
[5] Le 18 février 2008, après l’entrevue divisionnaire, le Matelot de 1re classe Dashney, qui était extrêmement nerveux, a parlé avec le M 1 Roussel et avec le Premier maître de 2e classe (PM 2) Bakker, le Chef des machines, au sujet de son offre d’ED Ind et de l’entrevue divisionnaire. À un moment donné, au cours de cette discussion, le Matelot de 1re classe Dashney a dit, en faisant référence au Lieutenant(M) Desormeaux : [TRADUCTION] « si elle était un homme, je la frapperais pour m’avoir traité de menteur » et [TRADUCTION] « si j’étais un civil et syndiqué, je réglerais ce problème à l’aide d’un bâton de baseball », ou tenu d’autres propos en ce sens.
[6] Quelques jours plus tard, le M 1 Roussel a fait part au Lieutenant(M) Desormeaux des propos du Matelot de 1re classe Dashney. À la suite des propos du Matelot de 1re classe Dashney, le Lieutenant(M) Desormeaux s’est sentie inquiète, intimidée et effrayée. Elle a appelé le gestionnaire des carrières du Matelot de 1re classe Dashney et l’a informé qu’elle n’était plus intéressée à travailler avec ce dernier.
[7] Les principes de détermination de la peine, qui sont les mêmes pour les cours martiales et les procès criminels devant les tribunaux civils au Canada, ont été énoncés de diverses façons. En règle générale, ils sont fondés sur la nécessité de protéger le public, et le public inclut bien sûr les Forces canadiennes. Les principaux principes sont ceux de la dissuasion, soit la dissuasion spécifique destinée à dissuader le contrevenant personnellement, soit la dissuasion générale qui vise à dissuader les autres qui pourraient être tentés de commettre des infractions similaires. Les principes comprennent aussi la réprobation de la société à l’égard de la conduite du contrevenant, et le dernier mais non le moindre, le principe de la réinsertion sociale et de la réforme du contrevenant.
[8] La cour doit décider si la protection du public serait mieux assurée en mettant l’accent sur la dissuasion, la réinsertion sociale, la réprobation, ou une combinaison de ces facteurs.
[9] La cour a aussi tenu compte des indications données aux articles 718 à 718.2 du Code criminel du Canada. Ces articles énoncent les principes et objectifs de détermination de la peine, soit de dénoncer le comportement illégal; de dissuader les délinquants et quiconque de commettre des infractions; d’isoler au besoin les délinquants du reste de la société; de favoriser la réinsertion sociale des délinquants; d’assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité; de susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu’ils ont causé aux victimes et à la collectivité.
[10] Pour déterminer la peine, la cour doit aussi suivre les directives énoncées à l’article 112.48 des Ordonnances et Règlements royaux, qui lui prescrit de tenir compte de toute conséquence indirecte du verdict ou de la peine, et de prononcer une peine proportionnée à la gravité de l’infraction et aux antécédents du contrevenant.
[11] La cour a le devoir d’infliger la peine qui soit la moins sévère tout en étant suffisante pour maintenir la discipline. Le but ultime de l’infliction d’une peine est le rétablissement de la discipline chez le contrevenant et dans les rangs de l’armée. La discipline est cette qualité que tout membre des Forces canadiennes doit posséder pour être en mesure de faire passer les intérêts du Canada et des Forces canadiennes avant ses intérêts personnels. Ce besoin existe parce que les membres des Forces canadiennes doivent obéir rapidement et sans se faire prier aux ordres légitimes, même si ceux‑ci peuvent avoir des conséquences dévastatrices sur le plan personnel, comme des blessures et la mort. Je parle de la discipline comme d’une qualité parce que, bien qu’elle soit enseignée et cultivée par les Forces canadiennes dans le cadre de la formation et des exercices, il s’agit en définitive d’une qualité personnelle essentielle à l’efficacité opérationnelle de toute force militaire.
[12] La poursuite et votre avocat ont tous les deux proposé comme peine à infliger une réprimande et une amende de 1 000 $. Votre avocat a suggéré un paiement par versements mensuels de 200 $.
[13] Dans R. c. Paquette, [1998] CACM n 8, la Cour d'appel de la cour martiale a précisé clairement que le juge appelé à prononcer une peine ne peut rejeter la recommandation conjointe des avocats, à moins que la peine proposée ne soit de nature à déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle ne soit dans l’intérêt public.
[14] J’énoncerai maintenant les circonstances aggravantes et les circonstances atténuantes dont j’ai tenu compte en déterminant la peine appropriée en l’espèce. Je considère les circonstances suivantes comme aggravantes. Bien que vous ayez une fiche de conduite, il y a eu infraction d’ivresse en décembre 2001, mais il n’y a aucun lien avec la présente infraction. Vous avez employé un langage menaçant à l’égard d’un officier commissionné, en présence de votre superviseur immédiat, le M 1 Roussel, et du PM 2 Bakker, le Chef des machines. Vos menaces ont eu des conséquences très importantes sur le Lieutenant(M) Desormeaux. Au moment de cette infraction, vous étiez membre de la Marine depuis environ 20 ans; vous aviez toute l’expérience nécessaire pour connaître les conséquences de vos actions.
[15] En ce qui concerne les circonstances atténuantes, je note ce qui suit. Il ressort des exposés de la poursuite et de la défense que vous avez exprimé la volonté de plaider coupable à ce chef d’accusation à la première occasion. Vous avez également témoigné et vous avez manifesté des remords. Vous avez présenté vos excuses pour le stress et l’angoisse éprouvés par le Lieutenant(M) Desormeaux. Par conséquent, la cour accepte que vous regrettez effectivement vos gestes et que vous reconnaissez pleinement votre responsabilité à cet égard. Vous avez fait quelques tentatives pour apprendre comment maîtriser votre colère en participant en 2008 à huit séances sur la maîtrise de la colère.
[16] Votre avocat a présenté votre rencontre avec le M 1 Roussel et le PM 2 Bakker comme étant entre collègues, comme une séance de défoulement, une rencontre pendant laquelle vous avez cru détenir une tribune privilégiée. Je ne souscris pas à cette description. Le M 1 Roussel était votre superviseur immédiat et vous avez dit que vous ne vous étiez pas senti appuyé par lui lors de votre rencontre précédente avec le Lieutenant(N) Desormeaux et qu’il vous était inférieur. En outre, je doute que la Marine considère un PM 2 comme étant le pair d’un matelot de 1re classe. Vous vous trouviez en présence de deux sous-officiers qui détenaient des positions d’autorité dans le cadre de votre unité. Vous avez menacé en leur présence un officier commissionné, l’Officier ingénieur de votre unité.
[17] J’espère que vous comprenez bien le sérieux de vos propos. Non seulement vous avez menacé d’infliger des blessures, mais aussi vous avez visé par vos menaces un officier supérieur. Les Forces canadiennes ne peuvent pas tolérer une telle conduite. Votre conduite a sapé l’un des fondements de toute force militaire : la discipline.
[18] Matelot de 1re classe Dashney, veuillez vous lever. Vous avez accepté l’entière responsabilité de vos gestes et vous avez tenté de maîtriser votre colère. Vous avez peut-être estimé que vous étiez accusé à tort d’avoir menti, mais il y a d’autres moyens de régler ce genre de situation. J’espère que vous avez appris ces autres moyens de régler un différend.
[19] Je conviens avec la poursuite que la peine doit avant tout tenir compte du principe de la dissuasion, générale et spécifique. J’ai examiné les décisions soumises par la défense et j’ai pris en compte la preuve soumise. J’ai examiné les principes établis par la Cour d'appel de la cour martiale dans R. c. Taylor. J’accepte la recommandation conjointe des avocats à l’égard de la peine, bien que j’estime qu’il s’agit de la peine minimale sur l’échelle des peines en l’espèce.
[20] Je vous condamne à une réprimande et à une amende 1 000 $ payable par versements mensuels de 500 $.
LIEUTENANT-COLONEL J-G PERRON, J.M.
Avocats :
Capitaine de corvette S.C. Leonard, Direction des poursuites militaires, région de l’Ouest
Procureur de Sa Majesté la Reine
Capitaine de corvette J.A. McMunagle, Direction du service d’avocats de la défense
Avocat du Matelot de 1re classe D.J. Dashney