Cour martiale
Informations sur la décision
Date de l’ouverture du procès : 13 février 2007.
Endroit : BFC Trenton, édifice 22, 3e étage, 74 avenue Polaris, Astra (ON).
Chef d’accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 95 LDN, a maltraité une personne qui en raison de son grade lui était subordonnée.
Résultats
•VERDICT : Chef d’accusation 1 : Coupable.
•SENTENCE : Un blâme et une amende au montant de 1000$.
Contenu de la décision
Référence : R. c. Capitaine S. Trus, 2007 CM 2003
Dossier : 200683
COUR MARTIALE PERMANENTE
CANADA
ONTARIO
BASE DES FORCES CANADIENNES TRENTON
Date : le 13 février 2007
PRÉSIDENT : CAPITAINE DE FRÉGATE P. J. LAMONT, J.M.
SA MAJESTÉ LA REINE
c.
CAPITAINE S. TRUS
(Accusé)
SENTENCE
(Prononcée oralement)
TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE
[1] Capitaine Trus, la cour ayant accepté et enregistré votre plaidoyer de culpabilité à une accusation vous reprochant d’avoir maltraité un subordonné vous déclare maintenant coupable de cette accusation.
[2] Il incombe maintenant à la cour de déterminer votre peine. Pour ce faire, la cour a tenu compte des principes de la détermination de la peine qu’appliquent les cours ordinaires de juridiction criminelle du Canada ainsi que les cours martiales. La cour a également pris en compte les faits de l’espèce, qui sont indiqués dans le sommaire des circonstances (pièce 6), les autres éléments présentés pendant la phase préliminaire et les plaidoiries de la poursuite et de la défense.
[3] Les principes de la détermination de la peine guident la cour dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en vue de déterminer une peine adéquate et adaptée à chaque cas. En règle générale, la peine doit correspondre à la gravité de l’infraction, au degré de responsabilité de son auteur et à sa moralité. La cour se fonde sur les peines prononcées par les autres tribunaux dans des affaires similaires, non parce qu’elle respecte aveuglément les précédents, mais parce que son sens commun de la justice veut qu’elle juge de façon similaire les affaires similaires. Néanmoins, lorsqu’elle détermine la peine, la cour tient compte des nombreux facteurs qui distinguent chaque affaire dont elle est saisie, des circonstances aggravantes susceptibles de justifier une peine lourde et des circonstances atténuantes susceptibles d’en diminuer la sévérité.
[4] Les buts et les objectifs recherchés lorsque l’on détermine la peine ont été exposés de diverses manières dans de nombreuses affaires antérieures. En général, ils visent à protéger la société, y compris bien entendu les Forces canadiennes, en favorisant le développement et le maintien d’une collectivité juste, paisible, sûre et respectueuse de la loi. Fait important, dans le contexte des Forces canadiennes, ces objectifs incluent le maintien de la discipline, cette habitude d’obéir si nécessaires à l’efficacité d’une force armée. Ces buts et objectifs comprennent aussi un volet dissuasion individuelle, pour éviter toute récidive du contrevenant, et un volet dissuasion générale, pour éviter que d’autres ne soient tentés de suivre son exemple. La peine a aussi pour objet d’assurer la réinsertion du contrevenant, de promouvoir son sens des responsabilités et de dénoncer les comportements illégaux.
[5] Il est normal qu’au cours du processus permettant d’arriver à une peine juste et adaptée à chaque cas, certains de ces buts et objectifs l’emportent sur d’autres. Toutefois, il incombe à la cour chargée de déterminer la peine de les prendre tous en compte; une peine juste et adaptée est une sage combinaison de ces buts, adaptée aux circonstances particulières de l’espèce.
[6] Comme la cour vous l’a expliqué lorsque vous avez plaidé coupable, l’article 139 de la Loi sur la défense nationale prévoit les différentes peines qu’une cour martiale peut infliger. Ces peines sont limitées par la disposition de la Loi qui crée l’infraction et qui prévoit une peine maximale et aussi par la compétence que peut exercer la présente cour. Un contrevenant reçoit une seule sentence, qu’il ait été déclaré coupable d’une ou de plusieurs infractions, mais cette sentence peut prévoir plusieurs peines. Un principe important veut que la cour inflige la peine la moins sévère permettant de maintenir la discipline. Pour déterminer la peine, dans la présente affaire, la cour a tenu compte des conséquences directes et indirectes qu’auront la déclaration de culpabilité et la peine qu’elle s’apprête à infliger.
[7] Pour résumer, il ressort des faits de l’infraction qu’au début de la soirée du jour allégué dans l’accusation, la police militaire de la 5e Escadre Goose Bay a été appelée pour intervenir chez l’accusé en raison de troubles à sa résidence. Le Caporal Deslippe et le Corporal Hessling, policiers militaires ont trouvé l’accusé apparemment très ivre. Ils l’ont arrêté pour l’infraction d’ivresse, l’ont conduit à la Section de la police militaire et le Caporal Deslippe l’a mis en cellule.
[8] Du début de son incarcération et pendant une période de presque trois heures, l’accusé n’a pas décoléré et s’est montré violent. Il n’a cessé d’adresser des injures et des grossièretés au Caporal Deslippe, utilisant les mots précisés dans le chef d’accusation. L’avocat a dit à la cour, et la cour accepte, que l’accusé se souvient très peu du soir en question et ne se rappelle pas du tout les événements qui ont suivi son arrestation. Il est clair qu’il souffre d’alcoolisme et d’autres problèmes médicaux, et que la combinaison d’une consommation excessive d’alcool et de médicaments d’ordonnance peut expliquer ses trous de mémoire.
[9] La cour ne sait pas trop si l’alcool ou la médication, ou la combinaison des deux a contribué à la perpétration de l’infraction, mais étant donné que l’accusé a indiqué rapidement qu’il entendait plaider coupable et compte tenu des déclarations qu’il a faites à son commandant de détachement actuel, le Major Cupples, la cour est convaincue que le comportement dont l’accusé a fait preuve à l’égard du Caporal Deslippe ne lui ressemblait pas du tout. Pour une raison quelconque, il semble avoir complètement perdu le contrôle de lui-même à cette occasion.
[10] L’avocat de la poursuite et l’avocat de l’accusé ont tous deux convenu qu’une peine appropriée en l’espèce serait un blâme et une amende de 1 000 $. La cour accepte les divers facteurs atténuants et aggravants mentionnés par le poursuivant et adoptés par l’avocat du Capitaine Trus dans leurs plaidoiries, mais, selon elle, le temps que l’accusé a passé sous la garde de la police militaire n’est pas attribuable à l’infraction à l’égard de la quelle la peine doit être prononcée aujourd’hui. Par ailleurs, la cour ferait aussi une distinction entre les circonstances de la présente affaire et les circonstances plus habituelles du cas où l’abus ou le mauvais traitement se produit dans le cadre d’une relation d’emploi, et est le fait d’un superviseur envers un subalterne.
[11] Cela ne signifie pas que les membres de la police militaire n’ont pas le droit d’être traités avec la courtoisie et le respect habituels par leur supérieurs militaires. Il faut simplement remarquer qu’en raison de leur formation et de leur expérience, les membres de la police militaire vont probablement moins souffrir des mêmes sortes de conséquences démoralisantes par suite de ce genre de comportement que les personnes qui en sont victimes dans le cadre d’une relation en milieu de travail.
[12] L’accusé est un homme d’âge mur. Il a 45 ans. Après quelques années parmi les rangs des caporaux et soldats des Forces canadiennes, il a été libéré et a poursuivi sa carrière dans le secteur privé. Il est ensuite retourné aux études, s’est joint de nouveau aux Forces canadiennes et a obtenu des qualifications en médecine dentaire. Ses évaluations de rendement récentes indiquent qu’à l’exception de la conduite qui l’a mené devant la cour, il était bien placé pour obtenir une promotion. Il a été hospitalisé à deux reprises à des fins de réadaptation pour les alcooliques et il a fait deux rechutes, la deuxième juste avant le moment de l’infraction. Il semble que le troisième traitement a connu plus de succès et on dit que l’accusé est en excellente voie de guérison.
[13] Il appartient évidemment à la cour de décider de la peine à prononcer, mais lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, les deux parties conviennent de la peine recommandée, la cour y attache beaucoup d’importance. Les cours d’appel de l’ensemble du Canada, notamment la Cour d’appel de la cour martiale, ont statué que la proposition élaborée conjointement par les avocats sur la peine à infliger devait être acceptée par la cour, sauf si la peine recommandée risque de déconsidérer l’administration de la justice ou est autrement contraire à l’intérêt public. Compte tenu de toutes les circonstances, tant celles qui concernent l’infraction que celles qui concernent l’accusé, la cour ne peut pas dire que la peine recommandée conjointement par les avocats risquerait de déconsidérer l’administration de la justice ou serait autrement contraire à l’intérêt public. Par conséquent, la cour accepte la recommandation conjointe des avocats.
[14] Levez-vous, Capitaine Trus. La cour vous condamne à un blâme et à une amende de 1 000 $ à payer par versements de 200 $ par mois à partir du 15 mars 2007 et pendant les quatre mois suivants. Si vous deviez être libéré des Forces canadiennes, pour quelque raison que ce soit, avant le paiement complet de l’amende, le montant non réglé sera exigible le jour précédant votre libération. Sortez Capitaine Trus.
[15] L’instance devant la cour martiale à l’égard du Capitaine Trus est à présent terminée.
CAPITAINE DE FRÉGATE P. J. LAMONT, J.M.
Avocats :
Major J.J. Samson, Poursuites militaires régionales, Région de l’Atlantique
Procureur de Sa Majesté la Reine
Capitaine de corvette J.A. McMunagle, Direction du service d’avocats de la défense
Avocat du Capitaine S. Trus