Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

CACM 508 - Appel accordé

Date de l’ouverture du procès : 23 octobre 2007.

Endroit : BFC Gagetown, édifice F-1, Oromocto (NB).

Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 : Al. 87d) LDN, s’est évadé d’une caserne.
•Chefs d’accusation 2, 6 : Art. 90 LDN, s’est absenté sans permission.
•Chef d’accusation 3 : Art. 85 LDN, s’est conduit d’une façon méprisante à l’endroit d’un supérieur.
•Chef d’accusation 4 : Art. 83 LDN, a désobéi à un ordre légitime d’un supérieur.
•Chef d’accusation 5 : Al. 87c) LDN, a résisté à une personne chargée de l’appréhender.

Résultats
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2, 3, 4, 5, 6 : Coupable.
•SENTENCE : Destitution du service de Sa Majesté et détention pour une période de 90 jours.

Cour martiale disciplinaire (CMD) (est composée d’un juge militaire et d’un comité)

Contenu de la décision

Référence : R. c. Soldat R.J. Tupper, 2007 CM 1028

 

Dossier : 200742

 

 

COUR MARTIALE DISCIPLINAIRE

CANADA

NOUVEAU-BRUNSWICK

BASE DES FORCES CANADIENNES GAGETOWN

 

 

Date : le 30 octobre 2007

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU COLONEL M.  DUTIL, J.M.C.

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

SOLDAT R.J. TUPPER

(Délinquant)

 

SENTENCE

(Prononcée de vive voix)

 

 

[1]                                         Le 28 octobre 2008, le Soldat Tupper a été déclaré coupable des infractions suivantes, à savoir : évasion dune caserne, en contravention à lalinéa 87d) de la Loi sur la défense nationale; deux chefs daccusation dabsence sans permission, en contravention à larticle 90 de la Loi sur la défense nationale; acte dinsubordination pour sêtre conduit de façon méprisante à légard dun supérieur, en contravention à larticle 85 de la Loi sur la défense nationale; désobéissance à un ordre légitime, en contravention à larticle 83 de la Loi sur la défense nationale; et résistance aux personnes chargées de lappréhender, en contravention à lalinéa 87c) de la Loi sur la défense nationale.

 

[2]                                         Les circonstances de lespèce se rapportent à deux ensembles distincts de faits. Les faits daprès lesquels le comité de la cour martiale a déclaré le Soldat Tupper coupable des infractions dont il était accusé peuvent être résumés de la manière suivante :

 

[3]                                         Le 7 décembre 2006, le Soldat Tupper, militaire en activité de service au sein de la Cie G, deuxième bataillon RCR, Royal Canadian Regiment, a été condamné à une peine de consignation au quartier pour une période de 12 jours prenant fin le 18 décembre 2006.

 


[4]                                         À la suite du prononcé de la peine, lAdjudant-maître Venus a remis des documents afin que la peine soit mise en application. Le Caporal-chef Moore, le sergent de service du bataillon, était chargé, dans le cadre de ses fonctions, de soccuper des détenus et des personnes consignées au quartier ou en privation de congé. Il avait été informé de la peine du Soldat Tupper. Le Caporal-chef Moore avait donné ses instructions au Soldat Tupper de vive voix et lavait personnellement vu avec les instructions écrites destinées aux délinquants, que le sergent-major de drill, SMD, ladjudant Collins lui avait donné pour consigne de lire.

 

[5]                                         Dans le cadre de sa peine, le Soldat Tupper devait se rendre à lédifice D57 pour lappel de 19 heures 30, à la suite de lappel de 18 heures. Le Soldat Tupper ne sétant pas présenté à lui à lappel de 19 heures 30, le Caporal-chef Moore a tenté en vain de le joindre par téléphone pour savoir où il se trouvait. À 20 heures 40, le Caporal-chef Moore a dépêché un chauffeur de service à la chambre du Soldat Tupper, et le Caporal-chef Moore a été avisé que le Soldat Tupper ne sy trouvait pas. Le Soldat Tupper ne sest pas présenté à lui par la suite, et le Caporal-chef Moore navait pas été informé quil était dispensé de se présenter aux horaires prévus ou autorisé à ne pas sy présenter. Un mandat darrestation a été délivré le 8 décembre par le Lieutenant-colonel R.D. Walker, commandant du bataillon, en vue de larrestation du Soldat Tupper pour une infraction militaire alléguée dabsence sans permission.

 

[6]                                         Vers 11 heures, le 14 décembre 2006, lAdjudant-maître Venus, vêtu dun uniforme de combat et portant son insigne de grade, arrivait au bureau de sa compagnie quand il a entendu la voix du Soldat Tupper. Il sest approché de ce dernier et la vu habillé en tenue civile, assis près dun bureau. Le Soldat Tupper le connaissait. LAdjudant-maître Venus lui a ensuite ordonné de sortir du bureau et dattendre devant la porte du bureau de la Cie G. Ladjudant-maître avait bien entendu connaissance du mandat darrestation.

 

[7]                                         Le Soldat Tupper sest levé, et alors quil commençait à sortir du bureau, il a dit [traduction« connerie » ou des mots du même genre, tout en avançant dans le couloir. Ladjudant-maître Venus a décrit le ton de la voix du Soldat Tupper comme étant élevé. Le Soldat Tupper a continué à marcher dans le couloir, ignorant les paroles de ladjudant-maître lui ordonnant de revenir à deux ou trois reprises, en vain. Le sergent-major de compagnie a ensuite ordonné à deux soldats non identifiés de larrêter, mais ces derniers nont pas réagi; par conséquent, lAdjudant-maître Venus a demandé au Caporal-chef Jobe de sen charger. LAdjudant Collins a également ordonné au Sergent Russell darrêter le Soldat Tupper au même moment.

 


[8]                                         Le Sergent Russell et le Caporal-chef Jobe ont parlé au Soldat Tupper au bout du couloir. Le Sergent Russell a dabord essayé de le convaincre de ne pas senfuir et dobéir. Le Soldat Tupper est parvenu à continuer à avancer dans le couloir après avoir agité ses bras vers eux et sêtre débattu pour sécarter du Sergent Russell. Ce dernier a tenté de retenir le Soldat Tupper, tandis que celui-ci le poussait et se débattait pour senfuir, tout en souriant au cours de leur affrontement physique. Le Soldat Tupper a été maîtrisé et emmené vers une chaise située à proximité, puis il sest finalement calmé. LAdjudant-maître Venus ayant appelé la police militaire, celle-ci a emmené le Soldat Tupper hors des locaux peu de temps après.

 

[9]                                         Le 11 janvier 2007, le Soldat Tupper était absent à lappel du rôle du matin à 7 heures 30. Le Sergent Simmons a pris note de son absence. Le lieu du service du Soldat Tupper le 11 janvier 2007 était le service des approvisionnements de la Cie G, situé dans lédifice D57, BFC Gagetown (Nouveau-Brunswick). Le Sergent Simmons a été informé ce matin-là que le Soldat Tupper avait téléphoné au bureau du service des approvisionnements de la compagnie. Il a rencontré le Soldat Tupper à 9 heures 45 le 11 janvier 2007, à cet endroit.

 

[10]                                     Vers 8 heures 55, le Caporal-chef Parker avait reçu un appel téléphonique du Soldat Tupper qui lui avait dit quil ne sétait pas réveillé parce quil avait dormi dans une autre chambre. Le Soldat Tupper a avisé le Caporal-chef Parker quil arriverait au travail avec un peu de retard. Le Caporal-chef Parker lui a répondu [traduction« Daccord », ce qui signifiait, comme il la expliqué, quil en avait pris note. Le Caporal-chef Parker a demandé au Soldat Tupper de se rendre sur le lieu de travail DQP, ce qui signifie « dès que possible ». Il a ensuite informé son supérieur de la teneur de leur conversation, et il na revu le Soldat Tupper quà 9 heures 45, le 11 janvier 2007. Cest ainsi que sachève le résumé de la preuve.

 

[11]                                     Au cours de laudience de détermination de la peine, le Soldat Tupper a admis avoir également commis une infraction militaire dune nature similaire, à savoir de sêtre absenté sans permission, en contravention à larticle 90 de la Loi sur la défense nationale, et dont il avait été déclaré coupable par la cour. Le Soldat Tupper a demandé à la présente cour de tenir compte de cette infraction militaire pour déterminer la peine, comme sil en avait été accusé, jugé et déclaré coupable. Conformément au paragraphe 194(1) de la Loi sur la défense nationale, la cour a fait droit à sa demande.

 

[12]                                     Les faits entourant cette infraction en particulier révèlent que vers 7 heures 30, le 31 mai 2007, sans permission, le Soldat Tupper était absent du Deuxième Bataillon, Royal Canadian Regiment, et quil est demeuré absent jusquà 8 heures environ, le 31 mai 2007, même si le Sergent Dube lui avait ordonné dêtre présent la veille. Le Soldat Tupper a été retrouvé dans sa chambre à 7 heures 40, endormi dans des habits civils. Il sest présenté à 8 heures à son lieu de service.

 


[13]                                     Pour déterminer la peine aujourdhui, la cour a accepté comme prouvés lensemble des faits exprès ou implicites qui étaient essentiels au verdict de culpabilité du comité de la cour martiale. Jai également tenu compte des circonstances de la perpétration des infractions exposées au cours de laudience de détermination de la peine, ainsi que les témoignages entendus par la cour et les preuves documentaires produites à ce moment. Jai dautre part examiné la jurisprudence qui ma été présentée par les avocats dans leur recommandation relative à la peine. Enfin, la cour a pris en compte toute répercussion directe ou indirecte du verdict et de la peine pour le Soldat Tupper.

 

[14]                                     Au cours de laudience de détermination de la peine, la cour a entendu plusieurs témoins. Le Major Hartson, commandant de la Cie G, 2 RCR et ancien commandant du détachement arrière du 2 RCR, a rendu un long témoignage quant à limportance de la discipline dans son unité et des problèmes de discipline auxquels ils sont confrontés. Il a insisté sur les effets sur lunité du manque de discipline personnelle à léchelon le plus bas en ce qui concerne le respect immédiat, total et sans réserve que doivent les soldats à leur hiérarchie. Son témoignage, ainsi que ceux des autres témoins militaires entendus au cours de laudience, soulignent sans équivoque limportance dinculquer la discipline dans le cadre de la formation des militaires en activité de service et de leurs activités quotidiennes afin de sassurer quelle soit présente sur le champ de bataille, tant au plan individuel que collectif.

 

[15]                                        La cour accepte sa déclaration suivant laquelle, étant donné que le 2 RCR se prépare à être déployé en Afghanistan à lété 2008, il est essentiel que son unité parvienne à maintenir le degré le plus élevé de discipline et de cohésion afin de ne pas mettre en danger la vie des soldats, au-delà du risque inhérent aux missions de combat, et afin que la mission soit couronnée de succès. Le Major Hartson a décrit de manière approfondi les effets quont eus jusque lors les agissements du Soldat Tupper sur la discipline de lunité, et le fardeau administratif quil est devenu pour lui et ses subalternes. Il a déclaré que lunité avait demandé que le Soldat Tupper soit libéré des Forces canadiennes en raison de sa violation de la politique sur les drogues, mais quelle ne sattend pas à ce que les autorités administratives du Quartier général de la défense nationale acceptent cette recommandation.

 

[16]                                        Le Major Hartson a également décrit le Soldat Tupper comme un soldat moyen quand il était à son plus haut niveau en avril 2006, mais quil avait eu un rendement très faible depuis la découverte de son problème de consommation de drogue, avec dimportantes lacunes au niveau de lobéissance et du respect strict à légard de sa hiérarchie, y compris après le dépôt des accusations. Enfin, le Major Hartson a exposé les circonstances ayant motivé linscription des mentions figurant sur sa fiche de conduite. Le Soldat Tupper a donné à la cour son point de vue concernant ces condamnations antérieures.

 


[17]                                     M. Jones et Mme McKenzie ont témoigné au sujet des rapports quils avaient eus avec le Soldat Tupper et de sa dépendance à la cocaïne. M. Jones a déclaré que le Soldat Tupper a besoin dun traitement supplémentaire et quil navait pas suivi ses recommandations, à tout le moins durant les deniers mois. Mme McKenzie a expliqué quelle avait eu affaire au Soldat Tupper vers le 7 décembre 2007, lorsquelle la rencontré alors quil était dans une situation de crise. Elle a déclaré quil sétait inscrit à lépoque au centre de désintoxication de Fredericton, et que, selon ce quelle en savait, le Soldat Tupper avait quitté le centre de traitement en allant à lencontre des conseils professionnels quil avait reçus. Elle contredit le Soldat Tupper sur ce point. Elle nétait pas au courant du fait que le Soldat Tupper purgeait une peine de consignation au quartier lorsquil a décidé de sinscrire et de fréquenter un centre de désintoxication.

 

[18]                                     Le Soldat Marr et le Soldat Anderson ont déclaré dans leur déposition quils étaient de très bons amis du Soldat Tupper, quils lui faisaient confiance et quils pouvaient toujours compter sur lui. Le Soldat Marr a affirmé que le comportement quavait eu le Soldat Tupper au cours des derniers mois nétait certainement pas celui du Soldat Tupper quil connaissait au mieux de sa forme. Chaque témoin entendu a loué le Soldat Tupper pour sa forme physique, en la décrivant comme étant supérieure à celle des autres soldats; toutefois, ces mêmes témoins ont souligné limportance du respect des ordres et de lautodiscipline dans une unité dinfanterie.

 

[19]                                     Le Caporal-chef Anderson a déclaré dans son témoignage quil avait supervisé directement le Soldat Tupper au cours dune période de quatre ou cinq jours, et quil avait travaillé avec lui pendant environ quatre mois. Il a affirmé quil travaillerait à nouveau avec le Soldat Tupper. Il convenait du fait que les militaires en activité de service ne peuvent pas se livrer à des altercations physiques avec des supérieurs, et que ceux qui ne suivent pas les ordres mettent en bout de ligne en danger la vie de leurs camarades.

 

[20]                                     Mme Peters a déclaré quelle était la sœur aînée du Soldat Tupper, et quelle connaissait ses problèmes de drogue. Elle a affirmé avoir remarqué un changement dans le comportement du Soldat Tupper à la suite du décès de leur grand-mère lannée auparavant. Elle a déclaré avoir parlé avec le Soldat Tupper de ses problèmes et être dun grand secours à son frère cadet. Elle a affirmé quil était venu la voir pour obtenir de laide, et cest à ce moment-là que le Soldat Tupper a décidé dentrer en désintoxication. Cependant, elle était au courant du fait que le Soldat Tupper était censé se trouver dans sa caserne lorsquil sest adressé au centre de désintoxication. Elle ne pense pas quil ait besoin dun nouveau traitement, mais plutôt des gens qui lui sont attachés et qui le soutiennent.

 

[21]                                     Le Soldat Tupper a témoigné au sujet de sa dépendance aux drogues et des rapports quil avait eus récemment avec la justice militaire, de même quavec la justice civile. Il ressort clairement de son témoignage quil estime que sa hiérarchie a été injuste envers lui et quelle ne la pas soutenu dans son combat contre la drogue. Le Soldat Tupper a déclaré que ses supérieurs sen prenaient à lui tout le temps. Il a affirmé quil souhaitait quitter larmée et quil ne pouvait pas retourner dans son unité actuelle.

 


[22]                                     Je dois préciser que les éléments de preuve qui mont été présentés indiquent clairement que le Soldat Tupper a été traité comme un problème purement disciplinaire et administratif qui générait davantage que sa juste part de préoccupations et de paperasserie. Cétait peut-être la seule façon de traiter ce problème à lépoque, et il est également clair, avec le recul, que les autorités de lunité ne voyaient pas les signes qui auraient pu les alerter quant à lorigine du problème, à savoir la dépendance du Soldat Tupper à la cocaïne. Elles ont simplement tenté de résoudre le problème en sattaquant à certaines de ses conséquences. Cependant, la cour nest pas convaincue que lattitude du Soldat Tupper, indigne dun soldat professionnel, soit uniquement attribuable à sa dépendance. Son témoignage révèle son mépris à légard de sa hiérarchie.

 

[23]                                     Il est reconnu depuis longtemps que le but dun système de justice ou de tribunaux militaires distinct est de permettre aux Forces armées de soccuper des questions qui touchent directement à la discipline, à lefficacité et au moral des troupes. Ceci étant dit, toute peine imposée par un tribunal, quil soit civil ou militaire, doit être la moins sévère possible tout en étant appropriée aux circonstances de lespèce. La cour qui prononce la peine dun contrevenant relativement aux infractions quil a commises doit poursuivre certains objectifs conformément aux principes applicables en matière de détermination de la peine. Il est reconnu que, bien que ces principes et ces objectifs puissent varier sensiblement selon le cas, il faut toujours cependant les adapter aux circonstances ainsi quau contrevenant.

 

[24]                                     Pour contribuer au maintien de la discipline militaire, les principes et objectifs de la détermination de la peine peuvent être énumérés comme suit : premièrement, la protection du public, y compris les Forces canadiennes; deuxièmement, la punition et la dénonciation de la conduite illégale; troisièmement, la dissuasion du contrevenant et de quiconque voudrait commettre de telles infractions; quatrièmement, lisolement des contrevenants du reste de la société, y compris des membres des Forces canadiennes, lorsque cela est nécessaire; cinquièmement, la réadaptation des contrevenants; sixièmement, la proportionnalité de la peine par rapport à la gravité de linfraction et au degré de responsabilité du contrevenant; septièmement, le fait que la peine doive être similaire aux peines imposées à des contrevenants du même genre pour des infractions comparables commises dans des circonstances similaires; huitièmement, le fait quun contrevenant ne devrait pas être privé de sa liberté si une peine ou une combinaison de peines moins restrictives serait indiqué dans les circonstances; et finalement, la prise en compte par la cour de toute circonstance aggravante ou atténuante liée à la perpétration de linfraction ou à la situation du contrevenant.

 

[25]                                     La cour conclut que la peine quelle doit prononcer en lespèce doit répondre à la nécessité de protéger le public et les Forces canadiennes, au moyen de sanctions qui contribuent au maintien de la discipline et à la préservation des intérêts de la justice militaire, en mettant laccent sur les objectifs de dissuasion générale, de sanction, et de dénonciation de la conduite.

 


[26]                                     Le Soldat Tupper a été déclaré coupable dinsubordination et de désobéissance, infractions qui sont au cœur de la discipline militaire. Il est généralement admis que ces infractions figurent parmi les infractions les plus graves dans la justice militaire, étant donné quelles minent les fondations de lorganisation militaire. Cependant, la peine doit permettre la réadaptation, en tenant compte du jeune âge du contrevenant, et elle ne doit pas entraver ses efforts visant à combattre sa dépendance aux drogues et à lalcool qui a joué un rôle important dans la perpétration de la plupart des infractions en cause.

 

[27]                                     Afin de déterminer une peine quelle considère comme étant équitable et adaptée, la cour a pris en compte les facteurs aggravants suivants :

 

1.                   La gravité objective des troisième et quatrième chefs daccusation. Les infractions visées par les articles 83 et 85 de la Loi sur la défense nationale sont passibles, respectivement, de lemprisonnement à perpétuité et de la destitution ignominieuse du service de Sa Majesté. Il sagit dinfractions extrêmement graves;

 

2.                   Ensuite, le contexte particulier de laffaire tel que lont révélé les témoignages entendus à laudience au sujet des autres infractions. Même si elles ne sont passibles que dun emprisonnement de moins de deux ans, elles ont été commises dans un contexte dinsubordination et de désobéissance qui les place à lextrémité supérieure en termes de gravité. Cela est tout particulièrement vrai si lon tient compte des circonstances dans lesquelles les première et deuxième infractions ont été perpétrées, alors que le Soldat Tupper purgeait déjà une peine de consignation au quartier pour une infraction dabsence sans permission dont il avait été déclaré coupable le même jour. Ce comportement démontre un profond mépris pour la primauté du droit et la justice militaire. Cependant, il est nécessaire de les replacer dans le contexte de létat mental du Soldat Tupper le même jour, alors quil avait à nouveau consommé de la cocaïne dans sa caserne tout en purgeant sa peine, et de sa décision de chercher à obtenir de laide sur-le-champ relativement à sa dépendance aux drogues;

 


3.                   Le fait que vous ayez une fiche de conduite pour des infractions similaires ou connexes relatives à la désobéissance et au manquement au devoir militaire. Toutefois, la cour naccepte pas lobservation faite par la poursuite suivant laquelle la cour devrait considérer comme un facteur aggravant le fait que vous ayez représenté un fardeau administratif pour votre unité, et que vous ayez continué à faire preuve dune mauvaise conduite lors de vos quartiers libres et dans votre vie civile. La cour ne vous condamnera pas pour des infractions dont vous navez pas été accusé, jugé et déclaré coupable, et elle ne substituera pas le processus judiciaire aux procédures et aux recours administratifs dont disposent les autorités de lunité lorsquelles ont affaire à des personnes qui deviennent un fardeau administratif pour des raisons qui relèvent ou ne relèvent pas du contrôle du membre, et qui vont jusquà la libération éventuelle de celui-ci;

 

4.                   Le fait que vous ayez tenté de dissimuler votre évasion du quartier du 7 au 14 décembre 2006, en impliquant les services de santé afin quils vous remettent un justificatif pour votre absence de votre lieu de service. Même si je comprends que vous ayez quitté votre consignation au quartier afin de résoudre votre problème de consommation de drogues, vous vous êtes tout de même soustrait à une peine légitime. Si lors de votre retour dans votre unité le 14 décembre 2006, après avoir quitté le centre de désintoxication, vous vous étiez montré prêt à expliquer les raisons de vos actes, plutôt que davoir recours à des manœuvres trompeuses, jaurais pu en déduire que vous respectiez sincèrement votre hiérarchie et conclure que vos actes étaient uniquement attribuables à votre état. Malheureusement, ce nest pas le cas;

 

5.                   Le fait que, à toutes fins pratiques, vous nayez jamais purgé votre peine de consignation au quartier qui vous a été infligée par un tribunal militaire;

 


6.                   Le fait que vous soyez un soldat expérimenté qui connaissait, ou devait connaître, limportance de lobéissance et du respect de la hiérarchie.

 

[28]                                     La cour tient compte des facteurs atténuants suivants :

 

1.                   Votre jeune âge et votre état médical précaire. Même si vous pensez peut-être ne pas avoir besoin de soutien du type de celui décrit par M. Jones pour être en mesure de vaincre le combat contre vos démons personnels, vous êtes très fragile, et je suis daccord avec votre sœur lorsquelle affirme que vous avez besoin dêtre dans un environnement propice où les gens prennent soin de vous;

 

2.                   Le fait que les incidents en question soient attribuables dans une large mesure à votre dépendance à légard de la cocaïne.

 

[29]                                     La poursuite fait observer que la peine minimale devrait consister en une période demprisonnement comprise entre trois et six mois. Votre avocat recommande quil soit sursis à toute peine demprisonnement, en raison du fait que votre unité na jamais corrigé votre conduite comme elle se le devait, comme le montrent les accusations portées contre vous, et que ces événements sont la conséquence de votre consommation de cocaïne sur laquelle vous naviez plus demprise. Votre avocat a également souligné limportance du fait que la peine vous permette de continuer le traitement de votre dépendance aux drogues.

 

[30]                                     Dans larrêt R. c. Gladue (1999), 133 C.C.C. (3d) 385, la Cour suprême du Canada a déclaré que lemprisonnement devrait être la sanction pénale de dernier recours. Ce principe a été récemment réitéré par la Cour dappel de la cour martiale dans laffaire R. c. Baptista, référence neutre : 1, rendue le 27 janvier 2006. Il est tout à fait clair quon ne doit recourir à lemprisonnement que si aucune autre peine, ou combinaison de peines, ne convient à légard de linfraction et du contrevenant.

 


[31]                                     Afin de concevoir une peine ou une sanction équitable et appropriée, la cour a examiné attentivement les autres peines, ou combinaisons de peines, en vertu de larticle 139 de la Loi sur la défense nationale, pour garantir la protection du public au moyen dune peine qui montre la nécessité de punir et de dénoncer le contrevenant, et qui favorise la dissuasion générale, sans toutefois compromettre indûment laspect de réadaptation de la peine en lespèce. Vos condamnations témoignent clairement dun profond mépris pour lautorité militaire, lobéissance et la primauté du droit. Il sagit dinfractions très graves dans les circonstances et qui prennent toute leur importance dans le contexte de la participation des Forces canadiennes à la guerre contre le terrorisme. Ces valeurs et ces compétences institutionnelles distinguent les membres de larmée des autres membres de la société.

 

[32]                                     Si vos agissements navaient pas été favorisés par votre dépendance à la cocaïne, une peine demprisonnement dune durée de cinq mois serait tout indiquée. En outre, la preuve qui ma été présentée ne me donne aucune raison convaincante qui justifierait de suspendre une telle peine. Dautre part, la preuve, y compris votre témoignage, appuie la conclusion selon laquelle il ny a plus de place pour vous au sein des Forces canadiennes. La gravité objective des infractions en cause, et plus particulièrement les circonstances dans lesquelles elles ont été perpétrées, sont tellement graves que la cour doit infliger une peine de dernier recours afin de répondre aux principes et aux objectifs de la détermination de la peine, et de préserver la discipline et la confiance à légard de ladministration de la justice militaire.

 

[33]                                     Cependant, la peine prononcée par la cour peut assurer la dénonciation et la sanction de votre conduite, au moyen dune peine moindre sur léchelle des sanctions et permettre ainsi de vous aider dans votre lutte contre votre toxicomanie. Pour ces motifs, la cour vous condamne à la destitution avec une peine accessoire de détention dune période de 90 jours. Rompez et asseyez-vous aux côtés de votre avocat.

 

[34]                                     En outre, la cour rend lordonnance suivante, à savoir une ordonnance vous interdisant pour une période de sept ans commençant aujourdhui et finissant le 29 octobre 2014, davoir en votre possession des armes à feu, des arbalètes, des armes prohibées, des armes à autorisation restreinte, des dispositifs prohibés, des munitions, munitions prohibées et des substances explosives, ou lun ou plusieurs de ces objets, conformément à larticle 147.1 de la Loi sur la défense nationale. La présente sentence a été rendue à 14 heures 04, le 30 octobre 2007.

 

 

 

 

                                                                                          COLONEL M.  DUTIL, J.M.C.

 

 

 

 

AVOCATS

 

Major J.J. Samson, Procureur militaire régional, région de l’Atlantique

Procureur de Sa Majesté la Reine

Lieutenant-Colonel D.T. Sweet, Direction du service d'avocats de la défense

Avocat du Soldat R.J. Tupper

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