Cour martiale
Informations sur la décision
Date de l'ouverture du procès : 20 novembre 2007
Endroit : BFC Petawawa, édifice L-106, Petawawa (ON).
Chefs d'accusation :
•Chefs d’accusation 1, 4 : Art. 130 LDN, accès à la pornographie juvénile (art. 163.1(4.1) C. cr.).
•Chefs d’accusation 2, 5 : Art. 130 LDN, possession de pornographie juvénile (art. 163.1(4) C. cr.).
•Chef d’accusation 3 : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
Résultats :
•VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Coupable. Chefs d’accusation 2, 3, 4, 5 : Retirés.
•SENTENCE : Détention pour une période de 14 jours.
Contenu de la décision
Référence : R. c. Caporal D. Petten, 2007cm2023
Dossier : 2006106
COUR MARTIALE PERMANENTE
CANADA
ONTARIO
BASE DES FORCES CANADIENNES PETAWAWA
Date : Le 21 novembre 2007
DEVANT : LE CAPITAINE DE FRÉGATE P. LAMONT, J.M.
SA MAJESTÉ LA REINE
c.
CAPORAL D. PETTEN
(Contrevenant)
SENTENCE
(Oralement)
[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]
[1] Caporal Petten, ayant accepté et enregistré votre plaidoyer de culpabilité au premier chef d’accusation, à savoir une accusation d’accès à la pornographie juvénile, la cour vous déclare maintenant coupable de ce chef d’accusation.
[2] Il m’incombe maintenant de déterminer votre peine. Pour ce faire, j’ai tenu compte des principes de la détermination de la peine appliqués par les cours ordinaires de juridiction criminelle au Canada et par les cours martiales. J’ai tenu compte également des faits de l’espèce décrits dans le sommaire des circonstances, pièce 6, des témoignages que j’ai entendus et des éléments de preuve que j’ai reçus au cours du procès ainsi que des plaidoiries du poursuivant et de l’avocat de la défense.
[3] Les principes de la détermination de la peine guident la cour dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en vue de déterminer une peine adéquate et adaptée à chaque cas. En règle générale, la peine doit correspondre à la gravité de l’infraction, au degré de responsabilité de son auteur et à sa moralité. La cour se fonde sur les peines prononcées par les autres tribunaux dans des affaires similaires, non parce qu’elle respecte aveuglément les précédents, mais parce que son sens commun de la justice veut qu’elle juge de façon similaire les affaires similaires. Néanmoins, lorsqu’elle détermine la peine, la cour tient compte des nombreux facteurs qui distinguent chaque affaire dont elle est saisie, des circonstances aggravantes susceptibles de justifier une peine lourde et des circonstances atténuantes susceptibles d’en diminuer la sévérité.
[4] Les buts et les objectifs recherchés lorsque l’on détermine la peine ont été exposés de diverses manières dans de nombreuses affaires antérieures. En général, ils visent à protéger la société, y compris bien entendu les Forces canadiennes, en favorisant le développement et le maintien, au sein de cette société, d’un climat de justice, de paix, de sécurité et de respect des lois. Fait important dans le contexte des Forces canadiennes, ces objectifs incluent le maintien de la discipline, cette habitude d’obéir si nécessaire à l’efficacité d’une force armée. Ces buts et objectifs comprennent aussi un volet dissuasion individuelle, pour éviter toute récidive du contrevenant, et un volet dissuasion générale, pour éviter que d’autres ne soient tentés de suivre son exemple. La peine a aussi pour objet d’assurer la réinsertion du contrevenant, de promouvoir son sens des responsabilités et de dénoncer les comportements illégaux.
[5] Il est normal qu’au cours du processus permettant d’arriver à une peine juste et adaptée à chaque cas, certains de ces buts et objectifs l’emportent sur d’autres. Toutefois, il incombe à la cour chargée de déterminer la peine de les prendre tous en compte; une peine juste et adaptée est une sage combinaison de ces buts, adaptée aux circonstances particulières de l’espèce.
[6] Comme je vous l’ai expliqué lorsque vous avez présenté votre plaidoyer de culpabilité, l’article 139 de la Loi sur la défende nationale prévoit les différentes peines qu’une cour martiale peut infliger. Ces peines sont limitées par la disposition de la loi créant les infractions et prévoyant les peines maximales et aussi par le champ de compétence susceptible d’être exercé par la cour. Une seule peine peut être infligée au contrevenant, qu’il soit déclaré coupable d’une seule infraction ou de plusieurs. Mais la peine peut comporter plus d’une sanction. Un principe important veut que le tribunal inflige la peine la moins sévère qui permettra de maintenir la discipline. Pour déterminer la peine dans la présente affaire, j’ai tenu compte des conséquences directes et indirectes qu’auront la déclaration de culpabilité et la peine que je m’apprête à infliger.
[7] Les faits de l’espèce sont décrits dans la pièce 6. En bref, le contrevenant, un commis aux approvisionnements du 2e Régiment, Royal Canadian Horse Artillery, a attiré l’attention de la police militaire relativement à une présumée utilisation non autorisée de son ordinateur de bureau. L’enquête a révélé que l’utilisateur avait accédé à des sites Internet reconnus pour présenter des images de pornographie juvénile. Le mois suivant, une activité similaire a été observée et le Service national des enquêtes des Forces canadiennes a été appelé. Grâce à un logiciel spécialisé, les enquêteurs ont réussi à extraire des images de l’ordinateur du contrevenant, en dépit de ses apparentes tentatives visant à supprimer définitivement le matériel. En janvier 2005, les enquêteurs ont obtenu un mandat général autorisant la surveillance vidéo du Caporal Petten et la surveillance réelle de l’utilisation de son ordinateur de bureau. Les enquêteurs ont ainsi obtenu des éléments de preuve établissant que le contrevenant avait utilisé son ordinateur de bureau pour accéder à des sites de pornographie juvénile sur Internet, au cours de la période allant du 26 janvier au 14 mars 2005.
[8] Le contrevenant a été arrêté pour cette infraction le 24 mars 2005 et rencontré par les enquêteurs. Durant l’entrevue, le contrevenant a avoué avoir accédé à de la pornographie juvénile et en avoir regardé sur son ordinateur de bureau pendant plus d’un an. Il a collaboré avec les enquêteurs et a dit éprouver du remords pour ses actes. Environ 850 images et 25 films représentant des enfants se livrant à une activité sexuelle ont été visionnés. Bien que je ne dispose pas des images qui ont été visionnées par le contrevenant, elles sont décrites dans une certaine mesure dans l’exposé conjoint des faits. Il ne fait aucun doute que le matériel, tel qu’il est décrit, constitue de la pornographie juvénile au sens de l’article 163.1 du Code criminel.
[9] La poursuite soutient que, compte tenu de l’ensemble des circonstances aggravantes et atténuantes, la peine appropriée en l’espèce est la détention pour une durée de 14 à 30 jours. La poursuite sollicite également une ordonnance obligeant le contrevenant à fournir le nombre d’échantillons de substances corporelles jugé nécessaire pour analyse génétique. L’avocat du contrevenant convient qu’une peine de détention est indiquée, et exhorte la cour à infliger une durée de 14 jours. La défense convient qu’une ordonnance de prélèvement d’un échantillon d’ADN est indiquée.
[10] L’avocat de la défense qualifie la recommandation de peine de détention de recommandation conjointe des deux parties, malgré la différence quant à la durée de la peine recommandée. Bien que je doute que cette recommandation soit exacte en droit, en dernière analyse, je conclus que je n’ai pas à trancher la question de savoir s’il s’agit d’une recommandation conjointe en l’espèce.
[11] J’ai tenu compte des circonstances aggravantes et atténuantes dont les avocats ont fait état en ce qui concerne l’infraction et le contrevenant. Le matériel a été visionné, semble-t-il, durant les heures de travail sur un ordinateur du MDN, en dépit d’une directive claire interdisant l’utilisation non autorisée de ces ordinateurs. Le comportement s’est poursuivi pendant quelques mois. Personne d’autre ne semble avoir été exposé à ce matériel par suite du comportement du contrevenant; il semble plutôt que celui-ci ait pris certaines mesures, quoique inefficaces, en vue de dissimuler électroniquement la perpétration de l’infraction.
[12] La nature du matériel pornographique est également pertinente. Comme je l’ai affirmé dans l’affaire Caporal-chef Winstanley :
Selon moi, la nature du matériel en cause peut être un facteur important au moment de la détermination de la peine. La pornographie juvénile est définie dans le Criminal Code, mais, au sein de cette définition même, il existe des variations dans la nature du matériel qui n’a de limite apparemment que dans l’imagination perverse des personnes qui l’on produit. Tout ceci est répréhensible, mais lorsque le matériel est particulièrement offensant ou dégradant pour les enfants en cause, une peine plus lourde sera, en règle générale, appropriée.
[13] Je prends aussi en compte la situation personnelle du contrevenant. Il est présentement âgé de 40 ans; il a été marié deux fois, quoiqu’il vive maintenant séparé, et subvient aux besoin de ses enfants; il n’a pas d’antécédents de manquement à la discipline et est considéré comme un membre précieux de son unité. Il a pleinement collaboré à l’enquête et a plaidé coupable dès que possible après avoir fait connaître son intention de le faire. L’infraction a été découverte il y a longtemps et il a dû supporter l’incertitude d’une longue enquête policière avant qu’une accusation soit portée et que l’affaire soit finalement entendue. Je considère comme authentiques les excuses qu’il a faites en cour. Le contrevenant a demandé et suivi les conseils d’un psychologue hautement qualifié, le Dr Firestone, dont le rapport m’a été soumis. Sur la base de ce rapport, je conclus que le contrevenant ne présente pas un risque élevé de récidive.
[14] Comme la poursuite l’a fait observer, dans ce type d’affaire, la cour s’intéresse surtout aux objectifs de détermination de la peine de la dénonciation et de la dissuasion générale. La Cour d’appel de la cour martiale a souscrit à ce point de vue dans l’affaire R. c. Dixon, 2005, CACM 2. Dans cette affaire, la cour a estimé qu’une peine de 10 jours d’emprisonnement, avec sursis, assortie d’une amende élevée, constituait une peine sévère pour un contrevenant qui en était à sa première infraction dans des circonstances quelque peu différentes de celles de l’espèce. Depuis la perpétration de l’infraction, le législateur a exprimé son opinion quant à la gravité objective de ce type d’infraction en exigeant que des peines d’emprisonnement minimales soient infligées, ce qui démontre la gravité objective de ce type de comportement.
[15] Je suis convaincu que la fourchette de peines proposée par l’avocat est appropriée, et compte tenu de toutes les circonstances concernant l’infraction et le contrevenant, je suis convaincu que la peine se situant au bas de la fourchette est la peine appropriée en l’espèce. Je suis également convaincu qu’il est dans l’intérêt de l’administration de la justice de prononcer l’ordonnance de prélèvement d’un échantillon d’ADN demandée par la poursuite et à laquelle la défense consent.
[16] Veuillez vous lever, Caporal Petten. Vous êtes condamné à la détention pour une durée de 14 jours. Je vous ordonne également de fournir le nombre d’échantillons de substances corporelles jugé nécessaire pour analyse génétique. La sentence est prononcée à 11 h 15, le 21 novembre 2007.
LE CAPITAINE DE FRÉGATE P. LAMONT, J.M.
Avocats :
Le Capitaine D. Kirk, directeur des poursuites militaires
Procureur de Sa Majesté la Reine
Le Major C.E. Thomas, Direction du service d’avocats de la défense
Avocat du Caporal Petten