Cour martiale
Informations sur la décision
Date de l’ouverture du procès : 27 mars 2007.
Endroit : 6080 rue Young, 5e étage, salle d’audience, Halifax (NÉ).
Chefs d’accusation
•Chefs d’accusation 1, 2 : Art. 97 LDN, ivresse.
•Chef d’accusation 3 : Art. 90 LDN, s’est absenté sans permission.
•Chef d’accusation 4 : Art. 83 LDN, a désobéi à un ordre légitime d’un supérieur.
Résultats
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2 : Coupable. Chefs d’accusation 3, 4 : Retirés.
•SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 1500$.
Cour martiale disciplinaire (CMD) (est composée d’un juge militaire et d’un comité)
Contenu de la décision
Citation : R. c. Maître de 2e classe K.C.S. Melchior, 2007 CM 1009
Dossier :200706
COUR MARTIALE DISCIPLINAIRE
CANADA
NOUVELLE-ÉCOSSE
BASE DES FORCES CANADIENNES HALIFAX
Date :27 mars 2007
SOUS LA PRÉSIDENCE DU COLONEL M. DUTIL, J.C.M.
SA MAJESTÉ LA REINE
c.
MAÎTRE DE 2E CLASSE K.C.S. MELCHIOR
(Contrevenant)
SENTENCE
(Prononcée oralement)
TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE
[1] Maître de 2e classe Melchior, la Cour ayant accepté et enregistré un plaidoyer de culpabilité aux premier et deuxième chefs d’accusation aux termes de l’alinéa 187b) de la Loi sur la défense nationale, je vous trouve maintenant coupable de ces chefs d’accusation. Comme les troisième et quatrième chefs d’accusation ont déjà fait l’objet d’un retrait par la poursuite, il n’y a pas d’autres accusations et, conformément à la Loi, il incombe au juge de décider de la sentence.
[2] Les avocats de la poursuite et de la défense ont présenté une soumission commune sur la sentence. Ils recommandent à la cour de vous infliger une réprimande et une amende d’un montant de 1 500 $, payable par tranches de 100 $ par mois. Quoique la cour ne soit pas liée par cette soumission commune, il est généralement accepté que la cour ne s’en écarte que lorsqu’il serait contraire à l’intérêt public de l’accepter et que l’administration de la justice pourrait être déconsidérée de ce fait; or, ce n’est pas le cas en l’espèce.
[3] Il est depuis longtemps reconnu que le but d’un système de justice militaire distinct est de permettre aux Forces armées de s’occuper des questions qui touchent directement à la discipline, à l’efficacité et au moral des troupes. Il est aussi reconnu que le contexte militaire peut, dans certaines circonstances, justifier et parfois exiger une peine qui favorise des objectifs militaires. Toutefois, la peine imposée par un tribunal, qu’il soit militaire ou civil, devrait représenter la mesure minimale nécessaire adaptée aux circonstances de l’espèce.
[4] Pour décider de la sentence, j’ai tenu compte de l’ensemble des circonstances liées à la perpétration de l’infraction, comme elles sont révélées par le sommaire des circonstances, que vous avez accepté en tant que preuve concluante, ainsi que par l’exposé conjoint des faits. En résumé, les faits et les circonstances entourant les infractions sont les suivants : le 17 octobre 2005, vers 8 h, à bord du navire NCSM MONTRÉAL, qui était à quai à Ireland Island aux Bermudes, les membres de l’équipage se sont rassemblés sur le pont d’envol pour la présentation du personnel de l’Entraînement maritime qui allait faire un exposé sur les mesures de sécurité. Cet exposé faisait partie des exercices préparatoires, savoir une évaluation critique du navire et de son personnel, ainsi que de leur efficacité en mer; au cours de ce rassemblement, vous aviez une tenue négligée et désordonnée, vous aviez les mains dans les poches et n’écoutiez pas beaucoup, voire pas du tout, l’exposé, allant même, à un certain moment, jusqu’à vous appuyer sur le filet du pont d’envol; or, pendant cet exercice préparatoire, vous deviez manier des outils et de l’équipement électriques et superviser le travail du personnel chargé de ce type de manipulation à bord du navire. En qualité de commandant adjoint de la Section arrière de lutte contre les avaries, vous étiez responsable d’une section des réparations et de lutte contre l’incendie regroupant plusieurs métiers; pendant cette période, votre superviseur a remarqué que vous dégagiez une forte odeur d’alcool, que vous aviez du mal à parler, que vos yeux étaient vitreux et que vous aviez du mal à tenir debout. En conséquence, il vous a été ordonné d’aller consulter l’adjoint au médecin et, bien entendu, il a été facile pour lui de déterminer que vos facultés étaient affaiblies et que vous étiez inapte à la tâche. Cet incident a évidemment causé un surplus de travail aux autres membres de l’unité, qui ont alors dû compenser votre incapacité à exercer vos fonctions.
[5] Le 1er décembre 2005, lorsque le navire était à quai à Norfolk (Virginie) aux États-Unis, vous avez aussi été déclaré inapte à la tâche du fait de votre consommation d’alcool. Ce jour-là, à 9 h du matin, vous étiez dans votre couchette et, une fois encore, en état d’ébriété. Vers 10 h 10, vous vous êtes présenté devant le capitaine d’armes et, là encore, vous sentiez l’alcool, vous aviez du mal à tenir debout, vous vous exprimiez de manière incohérente, vos yeux étaient vitreux, vous aviez du mal à parler, vous étiez mal rasé, et votre tenue de combat de la marine n’était pas repassée. Vous avez été escorté jusqu’au cabinet de l’adjoint au médecin de l’unité où, comme quelques mois auparavant, il a pu être constaté que vous étiez en état d’ébriété et inapte à la tâche.
[6] Ces renseignements, ainsi que les circonstances de l’espèce, ont été pris en compte, tout comme l’ensemble de la preuve documentaire qui a été déposée devant moi. J’ai aussi pris en compte des soumissions présentées par les deux avocats. J’ai examiné ces renseignements à la lumière des principes et des objectifs de la détermination de la peine et j’ai également tenu compte des conséquences directes et indirectes que le verdict et la sentence auront sur votre vie.
[7] Comme l’a déclaré le poursuivant, les objectifs et les principes à appliquer pour déterminer la peine qu’il convient d’infliger sont généralement, entre autres, la protection du public, cette notion comprenant évidemment les intérêts des Forces canadiennes; la dénonciation du contrevenant; le châtiment du contrevenant; l’effet dissuasif de la peine non seulement sur le contrevenant, mais sur toute autre personne qui pourrait être tentée de commettre la même infraction; l’amendement et la réinsertion du contrevenant; la proportionnalité entre la peine infligée pour une infraction en particulier par rapport au crime commis ou par rapport au contrevenant; et la parité dans les peines infligées, c’est-à-dire que la peine infligée doit être comparable aux peines infligées à des contrevenants du même genre pour des infractions similaires perpétrées dans des circonstances comparables. Par conséquent, j’ai examiné la soumission commune à la lumière des faits pertinents énoncés au sommaire des circonstances, et de leur importance, et j’ai également tenu compte de la soumission commune après avoir appliqué les principes de la détermination de la peine pertinents. Selon moi, la présente sentence devrait insister sur la nécessité d’un effet dissuasif général et d’un effet dissuasif spécifique, mais également sur la dénonciation claire du comportement, en plus de laisser une place à la réinsertion.
[8] Les principales circonstances atténuantes en l’espèce sont les suivantes : premièrement, votre rapide admission des faits, le fait que vous ayez assumé la responsabilité de vos gestes dès le départ et vos plaidoyers de culpabilité, ce qui montre que vous éprouvez de véritables remords pour vos actes; deuxièmement, le temps écoulé entre la perpétration de l’infraction et le dépôt des accusations initiales, soit environ 15 mois, pour une affaire simple en apparence (cela ne veut pas dire que cette affaire soit sans gravité, mais c’était certainement une enquête assez simple à faire, et il était facile de prendre les mesures appropriées); troisièmement, vos excellents états de service; et, quatrièmement, le fait que les incidents afférents à votre consommation excessive d’alcool semblent être les symptômes d’un problème plus grave, savoir votre alcoolisme, que vous avez réussi à corriger avec un traitement médical et que vous semblez avoir enrayé puisque vous êtes sobre depuis plus d’un an. Et je vous encourage vivement à continuer dans cette voie, ce qui, selon moi et dans les circonstances en l’espèce, constitue un élément clé de l’acceptation de la soumission commune. Et je vois aussi comme une circonstance atténuante le fait que ces incidents se soient produits à un moment où vous étiez émotivement fragile en raison de longues séparations d’avec votre famille et de tensions liées à votre travail, principalement avec votre capitaine d’armes, qui vous ont donné l’impression que vous étiez déprécié.
[9] Il y a cependant les facteurs aggravants suivants : premièrement, la gravité objective de l’infraction, puisqu’elle a été perpétrée lorsque vous exerciez vos fonctions, ce qui signifie une peine d’emprisonnement de moins de deux ans; deuxièmement, votre grade et votre expérience au moment de la perpétration de l’infraction présumée; troisièmement, le fait que les infractions aient été perpétrées quand vous exerciez vos fonctions dans le cadre d’activités menées en déploiement; et, quatrièmement, le fait que votre conduite ait miné votre autorité et votre respect, et ceux de la chaîne de commandement du navire, dont vous faisiez partie, à l’égard des marins que vous commandiez. Ce type de comportement, de la part d’officiers et de militaires du rang placés dans des postes de leadership, mine le fondement de la discipline militaire et risque d’avoir une incidence négative irréversible sur le moral et sur la cohésion des troupes, deux éléments nécessaires à la réalisation de la mission de l’unité et de ses objectifs.
[10] En conséquence et d’après les éléments de preuve dont je dispose, je n’ai aucun motif valable pour rejeter la soumission commune présentée par les avocats, et je l’accepte. Je vous condamne donc à une réprimande et à une amende d’un montant de 1 500 $, payable en quinze versements mensuels de 100 $ chacun, et ce, à compter d’aujourd’hui. Si vous veniez à être libéré des Forces canadiennes avant le paiement intégral de l’amende, le montant de celle-ci sera dû et exigible en totalité la veille de la date d’entrée en vigueur de votre libération.
[11] Les délibérations de la cour martiale disciplinaire relatives au maître de 2e classe Melchior sont terminées.
COLONEL M. DUTIL, J.C.M.
Avocats :
Major J.J. Samson, Procureur militaire régional, Atlantique
Procureur de Sa Majesté la Reine
Lieutenant-colonel D. Couture, Direction du service d’avocats de la défense
Avocat du maître de 2e classe K.C.S. Melchior