Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 29 octobre 2012.

Endroit : Manège militaire Minto, 969 avenue St-Mathews, Winnipeg (MB).

Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 (subsidiaire au chef d’accusation 2) : Art. 127 LDN, par négligence a omis d’accomplir un acte relatif à un objet susceptible de constituer une menace pour la vie, omission qui était de nature à causer des blessures corporelles à une personne.
•Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 129 LDN, négligence préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats
•VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Une suspension d’instance. Chef d’accusation 2: Coupable.
•SENTENCE : Une amende au montant de 1500$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R c McManus, 2012 CM 3019

Date : 20121029

Dossier : 201246

 

Cour martiale permanente

 

Manège militaire de Minto

Winnipeg (Manitoba) Canada

Entre :

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Lieutenant-colonel B. C. McManus, contrevenante

 

Devant : Lieutenant-colonel L.V. d’Auteuil, J.M.


 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]        Lieutenant-colonel McManus, la cour a accepté et inscrit votre plaidoyer de culpabilité relativement au deuxième chef d’accusation figurant à l’acte d’accusation et elle vous déclare aujourd’hui coupable de cette infraction. Considérant que le premier chef d’accusation est subsidiaire au deuxième chef d’accusation, conformément à l’alinéa 112.05(8)a) des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC), la cour ordonne la suspension de l’instance relativement au premier chef d’accusation.

 

[2]        Il m’incombe maintenant, à titre de juge militaire présidant la présente Cour martiale permanente, de déterminer la peine à infliger.

 

[3]        Le système de justice militaire constitue l’ultime recours pour faire respecter la discipline, qui est une dimension essentielle de l’activité militaire dans les Forces canadiennes. Ce système vise à prévenir l’inconduite ou, d’une façon plus positive, à promouvoir la bonne conduite. C’est grâce à la discipline que les forces armées s’assurent que leurs membres rempliront leurs missions avec succès, de manière fiable et confiante. Le système veille également au maintien de l’ordre public et assure que les personnes assujetties au Code de discipline militaire sont punies de la même façon que toute autre personne vivant au Canada.

 

[4]        Il est reconnu depuis longtemps que l’objectif d’un système de justice ou de tribunaux militaires distinct est de permettre aux forces armées de s’occuper des questions liées au respect du Code de discipline militaire et au maintien de l’efficacité et du moral des Forces canadiennes (voir R c Généreux [1992] 1 RCS 259, à la page 293). Cela étant dit, la peine infligée par un tribunal, qu’il soit militaire ou civil, devrait constituer 1’intervention minimale nécessaire qui est adéquate dans les circonstances particulières.

 

[5]        En l’espèce, le procureur de la poursuite et l’avocat de la contrevenante ont présenté une recommandation conjointe quant à la peine devant être infligée. Ils ont recommandé que la cour vous inflige une amende de 1 500 $ afin de répondre aux exigences de la justice. Bien que la cour ne soit pas liée par cette recommandation conjointe, il est généralement reconnu que le juge qui prononce la peine ne devrait s’en écarter que lorsqu’il a des raisons impérieuses de le faire. Ces raisons peuvent notamment découler du fait que la peine n’est pas adéquate, qu’elle est déraisonnable, qu’elle va à l’encontre de l’intérêt public ou qu’elle a pour effet de jeter le discrédit sur l’administration de la justice (voir R c Taylor, 2008 CACM 1, au paragraphe 21).

 

[6]        L’imposition d’une peine représente l’une des tâches les plus difficiles que le juge doit accomplir. Dans l’arrêt Généreux (voir R c Généreux [1992] 1 RSC 259, à la page 293), la Cour suprême du Canada a reconnu ce qui suit : « [P]our que les forces armées soient prêtes à intervenir, les autorités militaires doivent être en mesure de faire respecter la discipline interne de manière efficace. » Elle a souligné que, dans le contexte particulier de la justice militaire, « les manquements à la discipline militaire doivent être réprimés promptement et, dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil ». Or, le droit ne permet pas à un tribunal militaire d’imposer une sentence qui se situerait au‑delà de ce qui est requis dans les circonstances de l’affaire. En d’autres mots, toute peine infligée par le tribunal doit être individualisée et représenter l’intervention minimale requise, puisque la modération est le principe fondamental des théories modernes de la détermination de la peine au Canada.

 

[7]        L’objectif fondamental de la détermination de la peine par une cour martiale est d’assurer le respect de la loi et le maintien de la discipline par l’infliction de peines visant un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

a)         protéger le public, y compris les Forces canadiennes;

 

b)         dénoncer le comportement illégal;

 

c)         dissuader le contrevenant et quiconque de commettre les mêmes infractions;

 

d)         isoler au besoin les contrevenants du reste de la société;

 

e)         réadapter et réformer les contrevenants. 

 

[8]        Les peines infligées qui composent la sentence imposée par un tribunal militaire doivent également prendre en compte les principes suivants :

 

a)         la proportionnalité par rapport à la gravité de l’infraction;

 

b)         la responsabilité du contrevenant et les antécédents de celui‑ci;

 

c)         l’harmonisation des peines, c’est‑à‑dire l’infliction de peines semblables à celles infligées à des délinquants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables;

 

d)         le cas échéant, le contrevenant ne doit pas être privé de liberté, si une peine moins contraignante peut être justifiée dans les circonstances. En bref, la cour ne devrait avoir recours à une peine d’emprisonnement ou de détention qu’en dernier ressort, comme l’ont établi la Cour d’appel de la cour martiale et la Cour suprême du Canada;

 

e)         enfin, toute peine devrait être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l’infraction et à la situation du contrevenant.

 

[9]        Je conclus que, dans les circonstances particulières de l’espèce, la peine doit viser surtout les objectifs de dénonciation et de dissuasion générale.

 

[10]      Dans la présente affaire, l’infraction militaire en question réside dans le maniement inapproprié d’une arme à feu. Le 15 novembre 2011, un convoi transportant 16 membres du personnel des Forces canadiennes, dont la Lieutenant-colonel McManus, est arrivé à l’Aéroport international de Kaboul. La Lieutenant-colonel McManus avait en sa possession un fusil C7A2 dont le numéro de série était le 88AA05398 et qui était muni d’un chargeur contenant des balles. Elle a franchi la barrière est de l’aéroport et s’est dirigée vers un baril servant à la décharge des armes afin de décharger son fusil.

 

[11]      Lorsque la Lieutenant-colonel McManus a tenté de décharger son fusil C7A2, elle n’a pas enlevé le chargeur avant d’appuyer sur la gâchette, ce qui a provoqué l’éjection d’une balle. Le fusil de la Lieutenant-colonel McManus ne se trouvait pas entièrement à l’intérieur du baril servant à la décharge des armes, de sorte que la balle a ricoché. Personne n’a été blessé, mais la balle a ricoché à côté d’un autre membre des Forces canadiennes, le maître de 2e classe Dill.

 

[12]      Ce type d’infraction est directement lié à certaines obligations d’ordre éthique des membres des Forces canadiennes, comme la responsabilité. Dans le cas d’un officier, tout comme pour un militaire du rang, être digne de foi et fiable en tout temps est plus qu’essentiel pour l’exécution de toute tâche ou mission au sein des forces armées, peu importe la fonction ou le rôle dont il doit s’acquitter, surtout lors de la manutention d’une arme.

 

[13]      Pour en arriver à ce qu’elle estime être une peine juste et appropriée, la cour a tenu compte des facteurs aggravants suivants :

 

a)         La gravité objective de l’infraction. L’infraction dont vous avez été accusée est prévue à l’article 129 de la Loi sur la défense nationale et est punissable de destitution ignominieuse du service de Sa Majesté ou d’une peine moindre.

 

b)         La gravité subjective de l’infraction. En raison de votre grade et, notamment, de votre expérience, vous n’auriez pas dû agir de la sorte. Malheureusement, lors de votre dernière journée dans le théâtre d’opération, vous ne vous êtes pas assurée que votre fusil était entièrement inséré dans le baril servant à la décharge des armes, de sorte que vous n’avez pas retiré correctement votre chargeur et qu’une balle a été éjectée et a ricoché près d’un autre membre des FC.

 

c)         Le lieu de l’accident en question, étant donné que la connaissance des armes est plus importante dans un théâtre d’opération comme celui de l’Afghanistan.

 

[14]      J’ai également tenu compte des facteurs atténuants suivants :

 

a)         Votre plaidoyer de culpabilité. Vu les faits présentés en l’espèce, la cour ne peut considérer votre aveu de culpabilité que comme un signe clair et authentique de remords témoignant de votre désir sincère de demeurer un atout pour les Forces canadiennes. Ce plaidoyer révèle également que vous assumez la pleine responsabilité des actes que vous avez commis.

 

b)         L’absence d’annotation sur votre fiche de conduite. Rien n’indique que vous avez déjà commis une infraction, militaire ou criminelle, semblable, qu’elle soit liée ou non aux événements survenus.

 

c)         Votre efficacité dans le service militaire. Sans aucun doute, vous méritez du respect pour ce que vous avez fait durant votre carrière militaire jusqu’à maintenant. Vos états de service et vos rapports d’appréciation du rendement des cinq dernières années le démontrent clairement et la cour doit en tenir compte.

 

d)         Le fait que vous avez dû vous présenter devant la présente cour martiale, ce qui, j’en suis convaincu, a déjà eu un certain effet dissuasif sur vous et aussi sur d’autres personnes.

 

e)         Le fait qu’il s’agit d’un incident isolé et d’un comportement qui ne vous ressemble pas et qui n’a entraîné aucune autre conséquence.

 

[15]      De plus, comme le procureur de la poursuite l’a souligné, la cour doit également reconnaître, en ce qui a trait à la parité de la peine, qu’il appert manifestement de la jurisprudence qu’une infraction de cette nature nécessite une peine allant d’un blâme à une réprimande assortie d’une amende ou uniquement une amende. Dans les circonstances de la présente affaire, la peine proposée conjointement par les deux avocats se situe manifestement à l’intérieur de cette fourchette.

 

[16]      De plus, si la cour accepte la suggestion des avocats, cette peine demeurera sur votre fiche de conduite, à moins que vous ne bénéficiiez d’une réhabilitation suspendant le casier judiciaire qui vous est aujourd’hui attribué. Dans les faits, votre condamnation entraînera une conséquence qui est souvent ignorée, c’est‑à‑dire que vous aurez désormais un casier judiciaire, ce qui n’est pas négligeable.

 

[17]      Par conséquent, la cour accepte la recommandation conjointe des avocats quant à la peine et vous condamne à un blâme assorti d’une amende de 1 500 $, étant donné que cette peine ne va pas à l’encontre de l’intérêt public et n’est pas susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[18]      Vous DÉCLARE coupable de l’infraction visée par le deuxième chef d’accusation, qui constitue une infraction prévue à l’article 129 de la Loi sur la défense nationale.

 

[19]      ORDONNE la suspension de l’instance relativement au premier chef d’accusation.

 

[20]      Vous CONDAMNE à une amende de 1 500 $, à payer immédiatement.

 


 

Avocats :

 

Lieutenant-colonel S. Richards, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Major S. Collins, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat de la Lieutenant-colonel McManus

 

 

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