Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date of commencement of the trial: 15 February 2007.
Location: CFB Valcartier, building 534, the Academy, Courcelette, QC.
Charges
•Charge 1 (alternative to Charge 2): Para. 117(f) NDA, an act of a fraudulent nature not particularly specified in sections 73 to 128 of the National Defence Act.
•Charge 2 (alternative to Charge 1): S. 129 NDA, an act to the prejudice of good order and discipline.
Results
•FINDINGS: Charge 1: Withdrawn. Charge 2: Guilty.
•SENTENCE: A reprimand and a fine in the amount of $2500.

Cour martiale générale (CMG) (est composée d’un juge militaire et d’un comité)

Contenu de la décision

Citation : R. c. Sergent J.Y.V. Cayer, 2007 CM 1006

 

Dossier : 200698

 

 

COUR MARTIALE DISCIPLINAIRE

ESCADRON DES TRANSMISSIONS

5E GROUPE DE SOUTIEN DE SECTEUR

GARNISON DE VALCARTIER

COURCELETTE, QUÉBEC

 

Date : 15 février 2007

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU COLONEL M. DUTIL, J.M.C.

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

SERGENT J.Y.V. CAYER

(Contrevenant)

 

SENTENCE

(Prononcée oralement)

 

 

[1]                    Sergent Cayer, la Cour ayant accepté et enregistré votre aveu de culpabi­lité au 2e chef d'accusation aux termes du paragraphe 187 b) de la Loi sur la défense nationale, je vous trouve maintenant coupable du 2e chef d'accusation. En ce qui a trait au premier chef d'accusation, il convient de rappeler qu'il a fait l'objet d'un retrait par la poursuite, et ce avant que l'accusé n'avoue sa culpabilité quant au deuxième chef. Puisque l'accusé n'a pas plaidé non coupable à l'égard d'une ou plusieurs autres accusa­tions, il m'incombe à ce stade-ci des procédures de décider de la sentence qui doit être imposée au sergent Cayer. Les avocats en présence ont présenté à la Cour une soumis­sion commune relativement à la sentence que je devrais imposer et les procureurs recommandent à la Cour d'imposer une réprimande assortie d'une amende de 2500 dollars. Or, l'obligation d'en arriver à une sentence adéquate incombe au tribunal qui a le droit de rejeter la proposition conjointe des avocats. Il est toutefois de jurisprudence constante que seuls des motifs incontournables peuvent permettre au tribunal de s'écarter de la proposition commune. Ainsi, le juge devrait accepter la soumission commune des avocats à moins qu'elle ne soit jugée inadéquate ou déraisonnable, contraire à l'ordre public ou qu'elle déconsidérerait l'administration de la justice. Par exemple, si elle tombe à l'extérieur du spectre des sentences qui auraient été précédemment infligées pour des infractions semblables. En contrepartie, les avocats sont tenus d'exposer au juge tous les faits à l'appui de cette proposition commune.


[2]                    Dans l'arrêt R. c. Généreux de la Cour suprême du Canada, il a été établi que « pour que les Forces armées soient prêtes à intervenir, les autorités militaires doivent être en mesure de faire respecter la discipline interne de manière efficace. » Et la Cour suprême a souligné que dans le contexte particulier de la discipline militaire, les manquements à la discipline devaient être réprimés promptement et, dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil. Mais même élevé au niveau de principes, cet énoncé émis par la Cour suprême ne permet pas toutefois à un tribunal militaire d'imposer une sentence composée d'une ou plusieurs peines qui se situerait au-delà de ce qui est requis dans les circonstances d'une affaire en particulier. En d'autres mots, toute peine infligée, que ce soit par un tribunal militaire ou par un tribunal civil, doit toujours représenter l'intervention minimale requise.

 

[3]                    Pour déterminer ce qui constitue en l'espèce la sentence appropriée, j'ai pris en compte les circonstances qui ont entourées la commission de l'infraction telles que révélées par le sommaire des circonstances dont le sergent Cayer a accepté la véracité. J'ai également considéré la preuve documentaire qui a été déposée devant la cour et les plaidoiries des avocats. J'ai analysé ces divers éléments à la lumière des objectifs et des principes applicables en matière de la détermination de la peine. J'ai aussi pris en compte toute conséquence indirecte du verdict et de la sentence sur le contreve­nant, y compris le fait que vous allez avoir un casier judiciaire. Il va de soi que les objectifs et les principes dont je fais mention varient légèrement d'un cas à l'autre et l'importance qu'il leur est attribuée sera toujours modulée ou adaptée aux circonstances d'une affaire. Et je pense qu'il est reconnu que pour contribuer à l'un des objectifs essentiels de la discipline militaire, les objectifs et les principes sont les suivants :

 

premièrement, la protection du public et le public inclut ici les Forces canadiennes;

 

deuxièmement, la punition et la dénonciation du contrevenant;

 

troisièmement, la dissuasion du contrevenant et aussi pour quiconque voudrait commettre les mêmes infractions;

 

quatrièmement, il est parfois important d'isoler le délinquant de la société, y compris des membres des Forces canadiennes;

 

cinquièmement, la réhabilitation et la réforme du contrevenant;

 

sixièmement, la proportionnalité à la gravité des infractions et le degré de responsabilité du contrevenant;

 

septièmement, l'harmonisation des peines;

 


huitièmement, le recours à une peine privative de liberté, soit la détention ou s'emprisonnement et ce, seulement lorsque la cour est satisfaite qu'il s'agit effectivement de la peine de dernier ressort applicable dans les circonstances d'une affaire;

 

finalement, la cour va prendre en considération les circonstances aggra­vantes et atténuantes qui sont liées aux circonstances de l'affaire et à la situation personnelle du contrevenant.

 

Dans la présente cause, la protection du public sera atteinte par une sentence qui mettra l'emphase sur la dissuasion collective mais aussi celle du contrevenant et ce, malgré ce qu'en dit la poursuite. Mais je reviendrai un peu plus tard sur la dissuasion spécifique et comment la Cour considère que l'objectif de dissuasion spécifique aura été atteint dans cette cause. Il est aussi important de mettre l'emphase aussi sur la punition du contreve­nant ainsi que la dénonciation du geste du contrevenant. À un degré moindre, il faut reconnaître toutefois que la sentence doit être proportionnelle à la gravité de l'infraction dans le contexte de l'ensemble de cette affaire et le degré de responsabilité du sergent Cayer, caporal-chef à l'époque, par rapport au rôle du bénéficiaire de l'acte reproché, soit l'ex-sergent Desmeules. Le sommaire des circonstances démontre que l'accusé, comme je le disais, caporal-chef à l'époque des événements, a sollicité et autorisé certains de ses subalternes pour accomplir du travail de rénovation à la résidence de son ancien supervi­seur et ami, et ce durant les heures de travail pour une période de cinq jours consécutifs. Donc, c'est en fonction de ces circonstances-là et de tous les facteurs que j'ai mentionnés que l'examen de la suggestion commune des procureurs doit être évaluée et que cette soumission conjointe ou commune doit permettre la réalisation des objectifs et des principes en matière de la détermination de la peine.

 

Outre les documents d'ordre administratif déposés par le procureur de la poursuite, la preuve entendue ‒‒ et, en fait, déposée lors de l'audition portant sur la détermination de la sentence ‒‒ se limite tout simplement à la soumission commune des faits qui a été déposée sous la pièce PP1-8.

 

[4]                    Donc, en considérant quelle sentence serait appropriée, la Cour a pris en considération les facteurs aggravants et les facteurs atténuants suivants . Je considère comme aggravants :

 

La nature de l'infraction et la peine prévue par le législateur. Dans le cas de ce deuxième chef d'accusation, il s'agit d'un acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline qui est punissable de la destitution ignominieuse du service de Sa Majesté. Comme je l'ai fait remarquer au sergent Cayer au début de l'explication du plaidoyer de culpabilité, il s'agit d'une infraction objectivement très sérieuse.

 


Deuxièmement, je considère comme aggravant le fait que vous avez abusé de votre situation d'autorité en autorisant certains de vos subordonnés à accomplir des tâches tout à fait illégitimes et injustifiables sur les heures de travail qui n'ont absolument rien à voir et strictement rien à voir avec l'accomplissement de fonctions militaires.

 

Troisièmement, le fait que votre abus d'autorité a été fait sciemment et délibérément pour accommoder un ancien superviseur mais surtout un ami.

 

Et, quatrièmement, je considère comme aggravant également, votre âge et votre niveau d'expérience au sein des Forces canadiennes.

 

Il est inconcevable qu'un homme de votre expérience militaire puisse aussi simplement s'approprier d'une autorité qu'il n'a pas dans la gestion des ressources humaines des Forces canadiennes. Il s'agit d'un exemple frappant, pour moi, de dilapidation indirecte de fonds publics.

 

[5]                    Quant aux facteurs atténuants, je retiens effectivement que :

 

Vous avez avoué votre culpabilité devant le juge qui préside cette ins­tance ce matin et le fait que vous avez informé le procureur de la pour­suite, par l'intermédiaire de votre avocat, de votre intention de le faire, et ce à la première opportunité raisonnable. Ceci est particulièrement impor­tant dans le cadre d'une cour martiale disciplinaire. Non seulement des témoins n'ont pas eu à être appelés mais les membres du comité de la cour martiale n'auront pas à être déployés pour une période plus ou moins longue, à tout le moins pour la durée des procédures. Donc, dans ce contexte, je considère que cet aveu de culpabilité est sincère et qu'il témoigne, je dois dire, du remords qui vous habite relativement à ces incidents-là.

 

Deuxièmement, je considère comme atténuant le fait qu'il s'agisse ou qu'il semble s'agir d'un acte tout à fait isolé et hors caractère. Je pense qu'effectivement que les circonstances démontrent que vous avez fait preuve d'un profond manque de jugement dans les circonstances. Ce n'est pas parce qu'un ami nous demande des faveurs qu'il faut y acquiescer. Il faut réfléchir sur la portée de ce qui est demandé et des conséquences qui peuvent en résulter. Et dans ce cas-ci, vous avez manqué le bateau de façon parfaite, je dois dire.

 


 Je considère aussi comme atténuant le délai qui existe, en tout cas, depuis la commission des infractions. Mais, là-dessus, je comprends que vous avez eu des problèmes médicaux et qui ne sont pas tout à fait réglés et que tout ça vous a causé un stress. Mais comprenez bien qu'il s'agit d'un stress que vous vous êtes imposé et infligé à vous-même. C'est à la suite de vos actions illicites et illégitimes que ce stress, en partie à tout le moins, a pu vous affecter. Donc, oui, effectivement le délai depuis la commission des infractions joue un rôle. Le fait que vous en avez été stressé joue effectivement un rôle aussi, mais tout ça doit être mis dans son contexte.

 

Je considère aussi que vos états de service et votre réputation d'excellent travailleur, le fait qui a été mis en preuve à l'effet que la chaîne de com­mandement vous témoigne toujours toute sa confiance, je pense qu'elle veut vous témoigner toute sa confiance; je pense que vous avez encore une bonne côte à remonter, mais il semble clair qu'ils sont prêts à vous accorder une deuxième chance. Et l'examen de la soumission commune des avocats se fait également dans ce contexte-là.

 

[6]                    Je pense que pour les fins de la dissuasion spécifique, l'enclenchement du processus judiciaire a fait son oeuvre. Il faut comprendre que le sergent Cayer a vu son comportement dénoncé auprès des ses pairs et qu'il a été, par la suite, condamné par une cour martiale. Donc, compte tenu des propos qui ont été émis par le procureur de la poursuite et du contexte dans lequel ils ont été formulés, je considère que la mise en accusation et la déclaration de culpabilité s'avèrent, dans le contexte du délinquant qui est ici aujourd'hui, des mesures de dissuasion efficaces à l'égard du contrevenant, parce que non seulement c'est une personne qui n'était pas criminalisée ou qui avait des problèmes disciplinaires et aussi parce que je pense que vous savez, Sergent Cayer, dorénavant que cette erreur vous sera particulièrement coûteuse. Vous n'êtes pas sans savoir que vous avez non seulement terni votre dossier militaire, vous avez terni votre réputation, mais vous aurez également, oui, un fiche de conduite mais un casier judiciaire aussi. Il faut bien comprendre que l'abus d'autorité sous quelque forme que ce soit et l'utilisation frauduleuse, et j'emploie ici le mot « frauduleux », l'utilisation frauduleuse de ressources, tant financières qu'humaines, constitue un acte ou un comportement des plus préjudiciable au bon ordre et à la discipline parce qu'elle trahit directement la confiance qui a été investie par l'état, par les citoyens et aussi par la chaîne de commandement militaire. Pourquoi? Parce que les positions comme celle que vous occupez et que vous occupiez à l'époque sont réservées ‒‒ ou devraient l'être ‒‒ aux gens qui sont les plus méritants et les plus dignes de confiance. Donc, c'est dans ce contexte-là qu'existe cet abus d'autorité et la dilapidation de ressources financières et humaines, parce que d'utiliser du personnel militaire payé à même les fonds publics à des fins illégitimes, c'est de la dilapidation des ressources tant monétaires ou financières qu'humaines.

 


[7]                    Donc, je pense qu'il est impératif que dans un cas comme le vôtre, la sentence reflète la gravité de ce bris de confiance. Et pour moi, une sentence adéquate dans ce cas-ci ne peut être suffisante à moins qu'elle ne comprenne un blâme, pas une réprimande. Et ce blâme doit être accompagné d'une forte amende. Et c'est pourquoi, j'ai examiné la soumission commune des parties avec beaucoup d'attention. Et ma revue des principes et des circonstances particulières de cette affaire sont tels que je suis quand même disposé à accepter la soumission commune des avocats que je considère être la sentence la plus minimale pour assurer la protection du public et le maintien de la discipline dans les circonstances. Parce que d'une part, les procureurs m'ont convaincu qu'elle semble être adéquate pour le maintien de la discipline et que d'autre part, elle ne déconsidérait pas pour autant l'administration de la justice militaire. Donc, avec égard pour cette recommandation, je vais l'accepter. Mais je dois vous dire que je l'accepte avec une très grande réticence.

 

[8]                    Veuillez vous lever. Je vous condamne à une réprimande et à une amende de 2500 dollars. Vous pouvez vous asseoir.

 

[9]                    Les modalités du paiement de l'amende : le premier versement s'effectuera le 15 mars 2007 et le deuxième versement le 15 avril 2007. Donc, deux paiements égaux de 1250 dollars. Évidemment, si vous étiez libéré des Forces canadiennes avant le paiement complet de cette amende, le solde en sera exigible immédiatement avant la date de votre libération. Faites sortir le sergent Cayer.

 

 

 

                                                                                           COLONEL M. DUTIL, J.M.C.

 

Avocats :

 

Capitaine de corvette M.D.M. Raymond, Procureur militaire régional de l'Est

Avocat de la poursuivante

Major L. D'Urbano, Direction du service d'avocats de la défense

Avocat du sergent J.Y.V. Cayer

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