Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

CACM 555 - Appel abandonné

Date de l'ouverture du procès : 10 septembre 2012.

Endroit : BFC Kingston, RTIFC, 20 avenue Red Patch, Kingston (ON).

Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 : Art. 114 LDN, vol.
•Chef d'accusation 2 : Art. 125a) LDN, a fait volontairement une fausse déclaration dans un document officiel établit par lui.
•Chef d'accusation 3 : Art. 116a) LDN, a vendu irrégulièrement un bien public.
•Chef d'accusation 4 : Art. 130 LDN, possession d'un dispositif prohibé (art. 92(2) C. cr.).

Résultats
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2, 3, 4 : Coupable.
•SENTENCE : Une rétrogradation au grade de caporal et une amende au montant de 2000$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R c Cyr, 2012 CM 3012

 

Date : 20120919

Dossier : 201213

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Kingston

Kingston (Ontario) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Sergent J.S.F. Cyr, requérant

 

 

Devant : Lieutenant-colonel L.-V. d'Auteuil, J.M.


 

MOTIFS DE LA DÉCISION SUR L'ADMISSIBILITÉ

DES DÉCLARATIONS DE L’ACCUSÉ DU 1ER ET 3 NOVEMBRE 2010

 

(Oralement)

LE CONTEXTE

[1]               Le sergent Cyr est accusé de vol contrairement à l'article 114 de la Loi sur la Défense nationale, d'avoir fait volontairement une fausse déclaration dans un document officiel établit par lui contrairement au paragraphe 125a) de la Loi sur la Défense nationale, d'avoir vendu irrégulièrement un bien public contrairement au paragraphe 116a) de la Loi sur la Défense nationale et finalement une dernière infraction  aux termes de l'article 130 de la Loi sur la Défense nationale pour possession d'un dispositif prohibé contrairement au paragraphe 92(2) du Code criminel.

[2]               Au début de ce procès par cour martiale permanente, soit le 10 septembre 2012, avant de nier ou d'avouer sa culpabilité à l'égard de chaque chef d'accusation, l'avocat de la défense qui représente le sergent Cyr a présenté une requête pour laquelle un avis écrit avait été reçu par le bureau de l'administrateur de la cour martiale le 25 juillet 2012, et une requête supplémentaire pour laquelle un avis écrit avait été reçu le 24 août 2012, visant à obtenir de la cour martiale une ordonnance en vertu du paragraphe 24(2) de la Charte canadienne des droits et libertés (ci-après la Charte) afin d'exclure certains éléments de preuve en raison d'une violation alléguée des droits de l'accusé se trouvant aux articles 8, 9 et au paragraphe 10b) de la Charte canadiennes des droits et libertés.

[3]               Cette requête préliminaire est présentée dans le cadre du sous-alinéa 112.05(5)e) des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ci-après ORFC) à titre de question de droit ou question mixte de droit et de fait à être tranché par le juge militaire qui préside la cour martiale, telle que prévue à l'article 112.07 des ORFC.

[4]               Il est important de rappeler ici qu'en raison de l'étendue des violations alléguées, et qu'en raison de l'intention déclarée de la poursuite d'introduire cinq déclarations de l'accusé, dont deux verbales et trois écrites, considérées comme des aveux non officiels au sens de l'article 42 des Règles militaires de la preuve, j'ai décidé d'entendre l'ensemble de ces arguments dans trois voir dire différents. La présente décision concerne le deuxième voir dire que j'ai entendu et porte seulement sur le caractère libre et volontaire des déclarations verbales et écrites du sergent Cyr qui auraient faites le 1er et le 3 novembre 2010 à un enquêteur de la police militaire.

[5]               La preuve au soutien de cette requête est composée :

a.                   Du témoignage du caporal-chef Goulet, policier militaire, patrouilleur à la section des patrouilles au détachement de la police militaire de la garnison Valcartier et personne ayant aidée le responsable de l'enquête qui a mené aux accusations devant cette cour;

b.                  du témoignage du sergent Bernier, policier militaire et chef geôlier de la caserne disciplinaire à la garnison Valcartier;

c.                   de la pièce VD2-1, un disque DVD sur lequel a été copié l'entrevue du 1er novembre 2010 du sergent Cyr par la police militaire;

d.                  de la pièce VD2-2, la transcription écrite de l'entrevue du 1er novembre 2010 du sergent Cyr par la police militaire;

e.                   de la pièce VD2-3, un disque DVD sur lequel a été copié l'entrevue du 3 novembre 2010 du sergent Cyr par la police militaire;

f.                    de la pièce VD2-4, la transcription écrite de l'entrevue du 3 novembre 2010 du sergent Cyr par la police militaire;

g.                   de la pièce VD2-5, une déclaration écrite du sergent Cyr à la police militaire et datée du 3 novembre 2010

h.                   de la pièce VD2-6, le registre de contrôle de la caserne disciplinaire de la garnison de Valcartier concernant le sergent Cyr concernant sa présence du 1er au 3 novembre 2010;

i.                     de la pièce VD2-7, le formulaire de droits légaux signé par le sergent Cyr le 1er novembre 2010;

j.                    de la pièce VD2-8, une déclaration écrite du sergent Cyr à la police militaire et datée du 1er  novembre 2010;

k.                  de la pièce VD2-9, le formulaire de droits légaux signé par le sergent Cyr le 3 novembre 2010; et

l.                     la connaissance judiciaire prise par la cour des faits et questions énoncées à la règle 15 des Règles militaires de la preuve.

[6]               Suite à deux perquisitions effectuées par la police militaire les 29 et 30 octobre 2010, en son absence parce qu'il était à l'extérieur du pays, le sergent Cyr a été arrêté par la police militaire le 1er novembre 2010 près de son domicile. Il appert que le sergent Meunier, policier militaire, avait préalablement communiqué par téléphone avec l'accusé afin de convenir d'un endroit approprié proche de sa résidence pour procéder à son arrestation. Le but de cette procédure était d'éviter d'effectuer cette arrestation devant la famille du sergent Cyr.

[7]               C'est le caporal-chef Goulet, policier militaire, qui s'est rendu sur place et qui a procédé à l'arrestation. Il était accompagné du caporal Bergeron, stagiaire à l'époque, qui n'a pas participé activement à l'arrestation.

[8]               Le caporal-chef Goulet a avisé le sergent Cyr des motifs de son arrestation et de ses droits légaux. Par la suite, il lui a passé les menottes et il l'a placé à l'arrière de son véhicule. Ils se sont rendus au détachement de la police militaire sur la garnison Valcartier. Le trajet a pris environ 30 minutes. Il a décrit le sergent Cyr comme étant calme et coopératif. Aucun échange n'a eu lieu entre ce dernier et le policier.

[9]               Lors de leur arrivée au détachement de la police militaire de la garnison Valcartier, le caporal-chef Goulet a alors emmené le sergent Cyr à une salle d'entrevue où il a fait l'objet d'une surveillance continue. Il a détaché et lui a enlevé les menottes. Il l'a aussi informé que le sergent Meunier, policier militaire, viendrait le rencontrer.

[10]           Le sergent Meunier est venu rencontrer le sergent Cyr pendant quelques minutes pour lui expliquer la suite des événements. Il lui a indiqué qu'il procèderait à une entrevue avec lui.

[11]           Par la suite, le sergent Cyr a été transféré dans une salle d'interrogatoire. Il a été avisé par le sergent Meunier, qui était seul avec lui dans la salle, des infractions dont il était soupçonné, de son droit de garder le silence et de son droit à l'assistance immédiate et sans frais d'un avocat.

[12]           Le sergent Cyr a indiqué qu'il comprenait ce dont il était soupçonné, qu'il comprenait qu'il avait droit de garder le silence et il a indiqué qu'il ne désirait pas consulter un avocat. Il a été avisé par le sergent Meunier que s'il voulait consulter un avocat, il pouvait le faire en tout temps durant l'interrogatoire et qu'il cesserait immédiatement de le questionner afin de lui permettre de procéder à la consultation.

[13]           Durant l'entrevue, le caporal-chef Goulet était situé de l'autre côté d'un miroir où il voyait très bien l'entrevue. Sa fonction principale était d'observer et de prendre des notes de l'entrevue.

[14]           Le sergent Meunier a procédé à l'interrogatoire du sergent Cyr. Suite à ses questions, le sergent Cyr a avoué avoir volé la plupart des objets auxquels l'enquêteur a fait référence durant l'entrevue. Il a aussi indiqué que l'ensemble d'outils DeWalt avait été remis dans un pawn shop et qu'il croyait qu'il avait été vendu, étant donné qu'il n'était pas allé le récupérer. Il a aussi indiqué que lui et sa conjointe avait consommé de la marijuana.

[15]           Vers la fin de l'entrevue, le sergent Cyr a fourni une déclaration écrite dans laquelle il a résumé l'ensemble des aveux qu'il avait fait verbalement auparavant à l'enquêteur. L'entrevue s'est passée dans l'après-midi et elle a duré environ 3 heures. Le sergent Cyr a été décrit comme quelqu'un de dépressif, triste, mais calme et soulagé suite à sa confession. Suivant l'entrevue, le sergent Cyr a eu l'opportunité de rencontrer un padré dans une salle d'entrevue différente de celle où il a été interrogé.

[16]           Par la suite, il a été décidé par le caporal-chef Goulet de détenir le sergent Cyr en raison de certaines craintes à ce qu'il attente à sa vie, et aussi parce qu'il restait certaines vérifications concernant la preuve et qu'il voulait que le sergent Cyr n'ait pas l'opportunité de la faire disparaître suite à sa libération.

[17]           Un exposé écrit a été préparé à cet effet. Le sergent Cyr a été confié au chef geôlier de la caserne disciplinaire de la garnison Valcartier, le sergent Bernier. Ce dernier a pris acte de l'exposé écrit et le sergent Cyr a été placé en cellule. Un repas lui a été fourni le soir même. Étant un prévenu, il n'avait pas de tâches particulières à accomplir.

[18]           Le sergent Cyr a été détenu à partir d'environ 17 heures le 1er novembre et il a été libéré au début de l'après-midi du 3 novembre. Durant son séjour en détention, il a été seul dans sa cellule et sous constante surveillance. Le matin du 2 novembre, il a rencontré une psychologue, tel qu'il l'avait souhaité. Il a pu contacter sa conjointe en après-midi de la même journée. Le matin du 3 novembre, le sergent Meunier, à titre d'adjudant des patrouilles, est allé s'enquérir de l'état du sergent Cyr.

[19]           Au début de l'après-midi du 3 novembre, le sergent Meunier a procédé à un second interrogatoire du sergent Cyr. En conséquence, il a été transféré dans la salle d'interrogatoire. Le sergent Meunier, cette fois en présence du caporal-chef Goulet qui était dans la salle, a procédé à l'interrogatoire du sergent Cyr.

[20]           Ce dernier a été avisé par le sergent Meunier des infractions dont il était soupçonné, de son droit de garder le silence, de son droit de garder le silence même s'il avait parlé de cette affaire auparavant avec des personnes en autorité, incluant la police, et de son droit d'avoir recours immédiatement et sans frais aux services d'un avocat.

[21]           Le sergent Cyr a indiqué qu'il comprenait les infractions dont il était soupçonné, de son droit de garder le silence, et ce, malgré le fait qu'il avait déjà discuté de cette affaire dans le cadre d'une entrevue précédente avec le sergent Meunier, et qu'il ne voulait pas consulter un avocat.

[22]           Il a alors été questionné sur certains autres items pour lesquels il a déclaré être le propriétaire légitime, sur l'ensemble d'outils DeWalt et certaines autres transactions qu'il aurait faites au même pawn shop. Il a aussi avoué l'identité de la personne qui lui avait fourni de la marijuana.

[23]           À la fin de l'entrevue, il a été libéré. Il s'est par la suite rendu à son domicile où il a indiqué volontairement aux policiers militaires les items appartenant aux Forces canadiennes. Par la suite, il est retourné avec des membres de son unité à la base des Forces canadiennes Kingston.

[24]           Les déclarations d'un accusé comportent deux aspects, tout comme c'est le cas avec la plupart de la preuve soumise par la poursuite : l'admissibilité en vertu des règles de preuve et l'exclusion en vertu de la Charte. Ces deux aspects sont souvent confondus. La poursuite a le fardeau d'établir l'admissibilité. La défense a le fardeau d'établir que la preuve admissible doit être exclue. Afin d'établir l'admissibilité de la déclaration d'un accusé à une personne en autorité, la poursuite doit en prouver le caractère volontaire hors de tout doute raisonnable. Afin de voir exclu une déclaration admissible, la défense doit prouver selon la balance des probabilités, premièrement qu'elle a été obtenue en violation d'un droit prévu à la Charte, et deuxièmement que son admissibilité déconsidèrera l'administration de la justice.

[25]           Si c'est un fait qu'il s'agit de deux questions différentes, autant sur le plan du fardeau de présentation que de persuasion, en gardant cela à l'esprit, beaucoup de confusion sera ainsi évitée. Dans le cadre du présent voir dire, je traiterai uniquement de la question de l'admissibilité des déclarations verbales et écrites du sergent Cyr du 1er et 3 novembre 2010 en vertu de l'article 42 des Règles militaires de la preuve ainsi qu'en vertu de la règle de common law.

[26]           Tel que précisé par le juge Hugessen de la cour d'appel de la cour martiale dans l'affaire R c Laflamme, CACM 342, les règles militaires de la preuve ont été adoptées par le gouverneur en conseil, et elles doivent recevoir application dans le cadre d'une cour martiale parce qu'elles ont force de loi.

[27]           Par contre, à mon avis, s'il existe une règle de preuve sur le même principe qui est plus favorable à l'accusé, à ce moment la cour doit plutôt considérer d'utiliser cette dernière.

[28]           L'article 42 des Règles militaires de la preuve reprend dans son essence la règle de common law définit par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R c Oickle, [2000] 2 RCS 3. Cependant, cette dernière décision a pour effet de préciser un certain nombre de facteurs qui ne se retrouve pas actuellement à l'article 42 Règles militaires de la preuve, comme l'état d'esprit conscient et les ruses policières, et en cela, cette situation commande que cette cour utilise plutôt les facteurs précisés dans Oickle, reflétant ainsi la situation la plus favorable pour l'accusé en matière de recevabilité d'un aveu non officiel.

[29]           Il est essentiel de rappeler qu'aucune déclaration d'un accusé à une personne en autorité, n'est admissible en tant que partie intégrante de la preuve présentée par la poursuite, ou encore dans le cadre du contre-interrogatoire d'un accusé, qu'à la condition que son caractère volontaire en soit prouvé hors de tout doute raisonnable.

[30]           Le caractère volontaire d'une déclaration exige, d'une part, qu'elle n'ait pas été obtenue suite à une crainte de quelque préjudice ou l'espoir d'un avantage suite à une promesse faite par une personne en autorité, et d'autre part, qu'elle soit le produit d'un état d'esprit conscient. Les fondements d'une telle règle proviennent du fait d'éviter les condamnations qui s'appuient sur des confessions dont la fiabilité pourrait être douteuse et aussi pour dissuader toute tactique coercitive de l'État.

[31]           En appliquant la règle de common law des confessions, il est important de garder à l'esprit son double objectif qui est, à la fois, le besoin de protéger les droits d'un accusé sans pour autant limité celui de la nécessité pour la société que soit enquêté et résolu les crimes, tel que mentionné par le juge Iacobucci au nom de la majorité au paragraphe 33 de la décision de Oickle.

[32]           Qu'une déclaration soit volontaire est une question presque entièrement contextuelle. En raison de la variété et l'interaction complexe des circonstances qui peuvent en vicier le caractère volontaire, la détermination de cette question est gouvernée beaucoup plus par des directives que par des règles. Le juge doit considérer l'ensemble des circonstances entourant la déclaration et se demander si cela soulève un doute raisonnable en ce qui a trait à son caractère volontaire. Tel que mentionné dans la décision de Oickle aux paragraphes 47 à 71, les facteurs pertinents que le juge doit considérer inclus :

a.                   les menaces ou promesses;

b.                  l'oppression;

c.                   l'état d'esprit conscient; et

d.                  les autres ruses policières.

[33]           Dans le présent voir dire, il n'est pas contesté par la poursuite que les déclarations de l'accusé ont été faites à une personne en autorité. Une personne en autorité est toute personne pour qui l'accusé croit raisonnablement qu'elle agit au nom de l'État et qu'elle pourrait influencer le cours de l'enquête ou du procès. Cette définition comporte à la fois des aspects objectifs et subjectifs. Elle s'applique habituellement à celles qui sont impliquées dans l'arrestation, la détention, l'enquête ou la poursuite de l'accusé. Celles qui sont dans des positions conventionnelles d'autorité, tels que les policiers en uniforme et les gardiens de prisons sont des personnes en autorité simplement en raison de leur statut. Ici, le sergent Cyr a été interrogé suite à son arrestation et à sa détention par un policier militaire. Il est clair que dans le présent cas, qu'un voir dire est requis. D'ailleurs, l'accusé n'y a pas renoncé. Au contraire, il l'a expressément demandé.

[34]           Maintenant, je vais procéder à l'analyse des faits en utilisant les quatre facteurs susmentionnés afin de déterminer le caractère des déclarations verbales et écrites faites par le sergent Cyr les 1er et 3 novembre 2010.

[35]           La crainte d'un préjudice ou l'espoir d'un avantage : cet élément ne requiert pas d'une confession d'être spontanée, sans incitation ou sans être influencée par la conduite ou les questions de la police. L'ensemble des circonstances doivent être examinées lors de l'examen du caractère volontaire. La question est de savoir s'il y a un doute raisonnable qu'une déclaration était volontaire en raison de menaces ou d'avantages, pris individuellement ou en combinaison avec d'autres circonstances. Les menaces imminentes ou la torture porte atteinte clairement au caractère volontaire, mais la plupart des cas ne sont pas aussi clairs. Les menaces voilées, par exemple, requièrent un examen plus minutieux. La police peut souvent, et de manière appropriée, offrir certains avantages pour obtenir une déclaration. Les avantages deviennent inappropriés seulement si, lorsque seul ou en combinaison avec d'autres facteurs, cela devient suffisant pour soulever un doute raisonnable. L'aspect fondamental est de savoir s'il y avait une forme d'encouragement par les interrogateurs, indépendamment que cela soit fait sous forme de menace ou promesse.

[36]           Les formes d'encouragement faites par une personne en autorité est l'une des plus importantes considérations lorsque des avantages sont allégués, mais ne sont pas nécessairement en soi déterminatif du caractère volontaire. Je dois donc déterminer s'il y avait des avantages proposés au point où « à eux seuls ou combinés à d'autres facteurs sont importants au point de soulever un doute raisonnable quant à la question de savoir si on a subjugué la volonté du suspect » (voir Oickle au paragraphe 57). Alors que des encouragements peuvent servir à établir l'existence d'une menace ou promesse, c'est la force de cet avantage allégué qui doit être considéré dans le cadre contextuel plus global de l'examen du caractère volontaire. Malgré le fait que ce test est essentiellement subjectif, puisqu'il dépend du fait qu'un tel espoir ou crainte existe dans l'esprit de l'accusé, il doit y avoir quelque action de la part des autorités fournissant une base objective à ce qui a entraîné la réponse subjective. S'il n'y a pas d'oppression ou d'avantages, la propre timidité d'un accusé ou sa crainte subjective de la police ne rendra pas une déclaration inadmissible, à moins que des circonstances externes concernant les policiers eux-mêmes jettent un doute sur le caractère volontaire, ou toutes autres circonstances comme l'absence de l'état d'esprit requis.

[37]           Concernant la déclaration du 1er novembre 2010, l'avocat de la défense soutient qu'en utilisant la carte géographique de l'Afghanistan qui a été découverte chez le suspect, il l'a fait d'une manière suffisamment menaçante que cela lui aurait permis de prendre le contrôle sur le suspect au point où cela aurait facilité grandement l'obtention d'aveux de la part du sergent Cyr. À mon avis, aucune menace n'a été faite au sergent Cyr. Il a été placé devant certains faits constatés par les policiers suite à la perquisition à son domicile, et il a choisi d'avouer qu'il avait pris cette carte ainsi que d'autres objets. Rien n'empêche un policier qui interroge un suspect de lui soumettre le résultat d'une perquisition ainsi que son point de vue quant aux conséquences de cette découverte, dans la mesure où cela n'est pas utilisé pour susciter une crainte tellement grande qu'il doit conclure qu'il n'a pas d'autre choix que d'avouer en raison de cette menace. Ici, le suspect a qualifié son geste « d'innocent », en ce sens qu'il s'agissait de quelque chose de stupide qu'il avait fait. Cependant, en soi ou en combinaison avec d'autres éléments de cet interrogatoire, la cour est d'avis que cela ne constituait nullement une menace de la part du sergent Meunier.

[38]           Toujours concernant cette même déclaration, la défense soumet que le sergent Meunier était très directif au point où il ne laissait pas le choix au suspect de lui identifier les objets à sa résidence qui appartenaient aux Forces canadiennes. En fait, en proposant d'inscrire dans son rapport que le sergent Cyr était coopératif, il aurait proposé en échange à ce dernier de lui avouer quels étaient les objets volés. Dans les faits, ce que le sergent Meunier a fait est simplement d'indiquer au suspect que le fait de coopérer serait mentionné dans son rapport mais cela n'était pas assorti d'une promesse d'une clémence quant à la peine ou la nature des accusations qui pourraient être portées, ou encore quant à un traitement plus favorable. Le sergent Meunier était prêt à inscrire ce fait dans son rapport, sans plus. Cela donnait au sergent Cyr l'assurance que son attitude positive serait soulignée mais sans savoir quel avantage réel il pourrait en tirer. En soi, cela ne constitue pas une promesse ou un avantage qui jette un doute raisonnable sur le caractère volontaire de la déclaration.

[39]           Finalement, le fait d'indiquer à un suspect qu'il pourrait émotionnellement se sentir mieux s'il avouait son implication dans la commission d'une infraction, ne constitue pas en soi une menace ou promesse. Tout au plus, il s'agit d'un facteur suggéré au suspect afin qu'il considère dans quelle mesure il décidera de parler ou non à un enquêteur. Dans le contexte où il a été dûment avisé des conséquences reliées au fait de parler au policier, combiné avec la possibilité de consulter un avocat immédiatement, ce à quoi il a renoncé, le sergent Cyr a décidé qu'il avouerait quels étaient les objets volés. Pris seul ou dans le contexte général de l'entrevue, cet encouragement ne soulève pas un doute raisonnable quant au caractère volontaire de la déclaration.

[40]           En conséquence, la poursuite a démontré hors de tout doute raisonnable qu'il n'y avait eu aucune menace ou promesse faites pour l'obtention de la déclaration verbale et écrite du 1er novembre 2010 du sergent Cyr.

[41]           En ce qui a trait à la déclaration verbale et écrite du sergent Cyr en date du 3 novembre 2010, la défense n'a soulevé aucun point particulier quant à l'existence de menace ou promesse pouvant soulever un doute quant au caractère volontaire. Il appert que la poursuite a soumis la preuve de l'ensemble des événements qui se sont passés durant la détention du sergent Cyr entre la fin de sa déclaration du 1er novembre 2010 et le début de celle du 3 novembre 2010, et la cour n'y voit aucune menace ou promesse qui auraient été faites. En réalité, la cour constate qu'il y a absence de toute menace ou promesse qui pourraient soulever un doute raisonnable quant au caractère volontaire.

[42]           La cour conclut donc que la poursuite a démontré hors de tout doute raisonnable qu'il n'y avait eu aucune menace ou promesse faites pour l'obtention de la déclaration verbale et écrite du 3 novembre 2010 du sergent Cyr.

[43]           Oppression : Des conditions et circonstances oppressives ont le potentiel de produire des confessions involontaires. Je dois donc considérer si le sergent Cyr :

a.                   a été privé de nourriture, de vêtements, d'eau, de sommeil ou de soins médicaux;

b.                  s'est vu refusé l'accès à un avocat;

c.                   a été confronté à des éléments de preuve inexistants ou inadmissibles; et

d.                  a été interrogé de manière agressive durant une période prolongée.

[44]           Seul, aucun de ces facteurs ne peut nécessairement constituer un fondement pour l'inadmissibilité, mais par contre cela pourrait être le cas en raison de la gravité qui pourrait y être attaché. Cependant, ces facteurs combinés entre eux ou avec d'autres circonstances peuvent devenir très importants quant à la question du caractère volontaire.

[45]           Je suis satisfait qu'aucun de ces facteurs ne soulève un doute raisonnable quant à l'existence de conditions et circonstances oppressives qui auraient entraînées une déclaration involontaire de la part du sergent Cyr, autant pour la déclaration verbale et écrite du 1er novembre 2010 que celles du 3 novembre 2010. Même si par son style et son langage un peu coloré, le sergent Meunier semblait bousculer le suspect, dans les faits il s'est limité à soumettre au sergent Cyr le résultat des découvertes effectuées dans le cadre des perquisitions. Il l'a confronté sur ce qui a été trouvé et il a laissé le loisir au sergent Cyr de parler ou non. Le policier n'a jamais créé de climat oppressif par l'utilisation de mesures extrêmes. Il n'était pas agressif, il n'a pas utilisé d'éléments de preuve inexistants, et le sergent Cyr n'a pas fait l'objet de privation. Je suis aussi satisfait qu'il avait accès gratuitement aux services d'un avocat suite à son arrestation et durant toute sa période de détention et que cela n'a jamais fait l'objet d'un refus quelconque. Dans les faits, il a clairement refusé chaque fois d'en consulter un et il n'a jamais exprimé d'une quelconque manière le désire de le faire.

[46]           En conséquence, je conclus donc que la poursuite a démontré hors de tout doute raisonnable qu'il n'y a eu aucune oppression présente pour l'obtention de l'ensemble des déclarations qui font l'objet du présent voir dire.

[47]           L'état d'esprit conscient : L'état d'esprit conscient est une composante limitée de la capacité cognitive suffisante pour comprendre ce qu'une personne dit, ce qui est demandé et que sa déclaration peut-être utilisée à son propre détriment. L'habileté analytique n'est pas requise.

[48]           Il existe une distinction, d'une part, entre l'habileté à comprendre le contenu d'une déclaration et le fait qu'elle peut être utilisée contre soi, et d'autre part, se sentir pousser à faire une déclaration et l'absence de soucis par rapport aux conséquences d'un tel acte. L'absence d'habileté est un indicateur de l'absence de l'état d'esprit conscient requis et va directement à la question de l'admissibilité. Le fait de se sentir pousser et l'absence de soucis par rapport aux conséquences concerne simplement le poids qu'on doit y accorder. Le fardeau de prouver la capacité mentale repose sur la poursuite. S'il y a un doute raisonnable que les déclarations n'étaient pas le résultat d'un esprit conscient, elles doivent être exclues.

[49]           Il apparaît clairement de la preuve soumise par la poursuite, particulièrement l'enregistrement vidéo des deux interrogatoires, que le sergent Cyr avait l'état d'esprit conscient requis. Il comprenait très bien ce qui était dit, ce qui lui était demandé et le fait que ce qu'il disait pouvait être utilisé contre lui. En conséquence, je suis satisfait que la poursuite à prouver hors de tout doute raisonnable que le sergent Cyr avait un état d'esprit conscient au moment où il a fait la déclaration verbale et écrite du 1er novembre 2010 et celles du 3 novembre 2010.

[50]           Les autres ruses des policiers : Les ruses policières comportent deux aspects qui entraînent une analyse distincte. Considérée avec les trois autres facteurs, cette question peut soulever un doute raisonnable de son propre chef ou en combinaison avec d'autres circonstances, quant au caractère volontaire. Parce qu'elles comportent aussi un objectif plus spécifique de maintenir l'intégrité du système de justice, les ruses policières peuvent mener aussi à l'exclusion sans pour autant violer le droit au silence d'un accusé ou miner le caractère volontaire, si leur utilisation est si odieuse au point de choquer la collectivité.

[51]           Dans la présente cause, il n'y a aucune prétention que des ruses ont été utilisées dans le cadre de l'obtention des déclarations de la part du sergent Cyr. Au contraire, il a été démontré par la poursuite que les policiers ont essentiellement confronté l'accusé avec les faits qu'ils connaissaient. Lorsque le sergent Cyr a affirmé que certains des objets lui appartenaient, les policiers n'ont pas remis ses affirmations en question et ils ont simplement donné foi à ses dires ou conclu qu'ils devaient faire des vérifications. En aucun temps, les policiers ont eu recours à des ruses odieuses au point de choquer la collectivité. Dans les faits, ils n'en ont utilisées aucune.

[52]           Suite à l'analyse de ces facteurs, que ce soit de manière individuelle ou en les considérant dans leur ensemble, j'en viens à la conclusion que la poursuite à démontrer hors de tout doute raisonnable le caractère libre et volontaire des déclarations verbales et écrites qui ont été faites par le sergent Cyr les 1er et 3 novembre 2010.

POUR CES RAISONS, LA COUR

[53]           DÉCLARE que la poursuite à démontrer hors de tout doute raisonnable le caractère libre et volontaire des déclarations verbales et écrites qui ont été faites par le sergent Cyr les 1er et 3 novembre 2010.


Avocats :

 

Major E. Carrier, Service canadien des poursuites militaires

Avocat de la poursuivante

 

Major E. Thomas, Service d'avocats de la défense

Avocat pour le sergent J.S.F. Cyr

 

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