Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 26 septembre 2008

Endroit : Garnison Valcartier, l'Académie (Édifice 534), Courcelette (QC)

Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 (subsidiaire au chef d'accusation 2) : Art. 130 LDN, manquement à l'obligation de prendre des précautions à l'égard d'une substance explosive, causant ainsi des lésions corporelles (art. 80 C. cr.).
•Chef d'accusation 2 (subsidiaire au chef d'accusation 1) : Art. 127 LDN, volontairement, a accompli un acte relatif à une substance susceptible de constituer une menace pour la vie, acte qui a causé des blessures corporelles à une personne.

Résultats
•VERDICTS : Chef d'accusation 1 : Une suspension d'instance. Chef d'accusation 2 : Coupable.
•SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 1000$.

Contenu de la décision

Citation : R c Caporal M.S. Labrie, 2008 CM 1021

 

Dossier : 200844

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

UNITÉ DE SOUTIEN DE SECTEUR VALCARTIER

QUÉBEC

CANADA

 

Date : 26 septembre 2008

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU COLONEL MARIO DUTIL, JUGE MILITAIRE EN CHEF

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

CAPORAL M.S. LABRIE

(Contrevenant)

 

SENTENCE

Prononcée oralement

 

 

[1]                    La cour ayant accepté et enregistré votre aveu de culpabilité à l'égard du deuxième chef d'accusation pour une infraction d'avoir volontairement fait un acte qui était susceptible de causer des blessures corporelles à une personne, dans ce cas-ci à votre propre personne, une infraction aux termes de l'article 127 de la Loi sur la défense nationale, la cour vous trouve maintenant coupable de ce chef d'accusation. En ce qui a trait au premier chef d'accusation, la cour ordonne une suspension d'instance.

 


[2]                    Les circonstances entourant cette affaire sont assez simples, c'est-à-dire alors qu'en février 2007 alors que vous étiez en exercice aux États-Unis à titre de sapeur dans lequel vous faisiez partie de la force ennemie, vous avez ramassé à la fin de la journée un simulateur d'artillerie mouillé. On vous a observé à ce moment-là l'ouvrir avec votre couteau de poche et verser la poudre contenue dans le simulateur d'artillerie sur le sol en disant à un de vos collègues,  « Regarde ça, il y a une mèche lente. » On connaît la suite. Votre collègue s'est éloigné. Vous vous êtes éloigné et vous avez fait un petit tas avec le reste de la poudre et vous vous êtes allumé une cigarette. Une fois votre cigarette terminée ou presque terminée, vous avez adressé la parole à votre collègue en lui disant,  « Regarde ça. » C'est alors que votre collègue s'est retourné et que vous, vous avez mis votre cigarette dans la poudre. Évidemment, l'explosion résultant de cet acte a ébloui votre collègue qui a senti la chaleur qui lui était à une dizaine de pieds du dispositif. Quant à vous, vous avez eu la main droite et le côté droit du visage brûlés par l'explosion et ce, au premier degré. Vous avez dû recevoir des soins médicaux incluant le fait d'être évacué dans un hôpital près du lieu de l'exercice et ensuite rapatrié au Canada. En plus de ne pas pouvoir participer à la fin de l'exercice avec vos collègues, vous avez été incapable d'accomplir vos fonctions militaires durant une période de 14 jours en raison d'un congé de maladie. Évidemment vous saviez à ce moment-là, puisque c'est là votre métier et vous avez reçu suffisamment de formation à ce jour pour le savoir, qu'un simulateur d'artillerie demeure un engin explosif et que vous en êtes la preuve vivante aujourd'hui, qu'un tel dispositif peut provoquer de graves blessures ou de graves dommages matériels.

 

[3]                    À la suite de cette affaire, votre chaîne de commandement a jugé approprié d'entreprendre contre vous des mesures administratives relatives à votre comportement et ça s'est résulté par un avertissement écrit d'une période de six mois sans oublier le fait que vous avez dû à quelques reprises témoigner dans le cadre d'instructions, imposées par votre chaîne de commandement, témoigner de l'incident auquel vous avez participé et dans lequel vous avez été blessé. L'adjudant Comeau a d'ailleurs témoigné des remords que vous avez manifestés lors de votre période d'instruction obligatoire et du fait que, à son avis, vous aviez compris le message ou qu'en fait vous deveniez à ce moment-là un porte-parole tout à fait crédible pour témoigner du caractère dangereux et tout à fait inapproprié d'un tel comportement surtout pour une personne qui est dans le génie de combat.

 

[4]                    Il est reconnu depuis un bon nombre d'années que les autorités militaires doivent être en mesure de faire respecter la discipline interne de manière efficace, non seulement par l'usage de tribunaux militaires mais par toute mesure qu'elles peuvent juger appropriées. Ici, au-delà des mesures administratives qui ont été prises, les autorités militaires et la Direction des poursuites militaires ont cru qu'il était tout à fait approprié dans les circonstances que votre comportement fasse l'objet d'accusations formelles, en particulier pour des raisons qui ont trait à la nécessité de mettre l'emphase sur la dissuasion générale et la dénonciation d'un tel comportement dans le cadre d'une force armée disciplinée et des besoins d'avoir une force armée disciplinée. Donc, la judiciarisation de votre conduite a été jugée importante et nécessaire dans les circonstances malgré les mesures administratives qui avaient été prises. Cela témoigne du sérieux et de la gravité de l'acte que vous avez volontairement posé. Toutefois, même s'il s'agit aujourd'hui d'imposer une sentence pour l'acte pour laquelle vous avez avoué votre culpabilité, il n'en demeure pas moins que le tribunal doit imposer, comme il en a le devoir, la peine minimale requise dans les circonstances.

 


[5]                    Les procureurs aujourd'hui soumettent à la cour conjointement que la sentence appropriée, juste et minimale dans les circonstances devrait être composée d'une réprimande et d'une amende de 1000 dollars. La défense, avec le consentement de la poursuite, demande à la cour qu'elle exerce sa discrétion et qu'elle vous permette de payer cette amende selon des modalités de cinq versements consécutifs égaux de 200 dollars par mois. Les procureurs savent très bien que la cour n'est pas liée par la soumission conjointe qu'ils ont formulée et que la cour a entière discrétion pour l'accepter ou la rejeter. Les procureurs savent aussi que la cour dans l'exercice de sa discrétion ne devrait pas rejeter une soumission conjointe des avocats surtout lorsqu'il s'agit d'avocats d'expérience à moins que la soumission conjointe est contraire à l'ordre public ou qu'elle déconsidérerait l'administration de la justice; par exemple, si la sentence proposée tomberait à l'extérieur du cadre des sentences normalement imposées dans des circonstances similaires.

 

[6]                    La poursuite n'a pas pu aujourd'hui informer la cour de décisions vraiment similaires et elle a également indiqué à la cour que ce genre d'infraction ne constitue pas un fléau. Mais je suis d'accord, et j'avais posé la question à la poursuite un peu plus tôt lors de ses représentations sur sentence, je crois que ce genre d'infraction, les infractions contraires portées aux termes de l'article 127 de la Loi sur la défense nationale relativement à la manipulation de substances explosives, que ce soit volon­taire ou par négligence, sont des infractions qui sont non seulement extrêmement sérieuses lorsqu'elles ont été faites volontairement, telles qu'en témoigne la peine maximale d'emprisonnement à perpétuité, mais qui sont intrinsèquement sérieuses dans le cadre d'une force armée disciplinée et avant tout opérationnelle et surtout pour les membres de ces forces armées qui sont les spécialistes des armes de combat y compris le génie de combat. Donc, la cour accepte totalement les raisons fondamentales mises de l'avant par la poursuite et reconnues aussi par l'avocat de la défense dans cette affaire que les besoins ou les facteurs primordiaux qui doivent être tenus en compte ici ou qui doivent pris en compte par la cour sont la dissuasion générale et la dénonciation du geste.

 

[7]                    La cour est d'accord avec les avocats ici qu'il ne s'agit pas d'un cas où la dissuasion spécifique doit être mise de l'avant et je suis convaincu que non seulement votre expérience malheureuse avec les blessures que vous avez subies vous-même et aussi les conséquences directes qui ont eu lieu déjà, à savoir, les mesures qui ont été prises contre vous par votre chaîne de commandement relativement à cet incident et finalement la judiciarisation du processus qui font de vous un acteur principal dans cette cour martiale ou l'acteur principal dans cette cour martiale aujourd'hui, ces trois éléments mis ensemble sont suffisants, je pense, pour convaincre la cour que vous avez compris, que vous avez appris votre leçon et que vous pouvez dorénavant servir et continuer à servir d'exemple à savoir pour ce qu'il ne faut pas faire relativement à la manipulation de substances explosives.

 


[8]                    En ce qui a trait à la réhabilitation, je crois que cette réhabilitation a déjà été amorcée bien avant aujourd'hui et ce par l'imposition directe des mesures prises par votre chaîne de commandement et je vous renvoie ici aux présentations formelles qu'on vous avait demandées à l'époque pour relater votre expérience dans la manipulation inappropriée que vous avez faite à l'époque.

 

[9]                    Donc, j'accepte les recommandations de la poursuite et de la défense et j'accepte également non seulement quant à la sentence à imposer mais les motifs qui supportent cette recommandation par le fait même. Même si cette infraction est passible de l'emprisonnement à perpétuité, il faut comprendre que dans les circonstances de l'affaire, il s'agit quand même de circonstances qui placent cette infraction dans son contexte à un niveau relativement peu élevé dans l'échelle de gravité à cette infraction en soi. J'accepte aussi les recommandations des avocats ou l'opinion émise par les avocats en présence aujourd'hui que la cour doit tenir en compte les facteurs atténuants tels que votre participation à l'enquête; votre admission dès le départ de votre responsa­bilité; des remords que vous avez exprimés par la suite et votre plaidoyer de culpabilité; et l'indication de ce plaidoyer par l'entremise de votre avocat envers la poursuite à un moment le plus rapproché possible. Donc, cela témoigne effectivement des remords dans les circonstances et de l'acceptation de votre responsabilité relativement à ces événements. La cour accepte également comme facteur atténuant le fait que vous remplissez vos fonctions militaires de façon adéquate, correcte et que vos supérieurs sont satisfaits de votre rendement et qu'ils n'ont pas à craindre de récidive de votre part en la matière.

 

[10]                  La poursuite a parlé comme facteur atténuant peut-être du délai qui s'était écoulé depuis la commission de l'infraction et du prononcé des accusations. Dans les circonstances de cette affaire, je pense qu'il ne s'agit pas d'un facteur atténuant mais d'un facteur tout simplement neutre. Donc, la cour n'accorde pas de poids supplémentaire dans l'acceptation de la soumission commune. Je retiens l'absence d'antécédents criminels ou disciplinaires ainsi que votre âge. Je pense que vous avez encore de nombreuses années à offrir un service militaire qui je l'espère sera exemplaire. C'est une tache à votre dossier mais il faut regarder en avant et non pas en arrière par rapport à ça et apprendre de ses erreurs ce que vous semblez avoir fait selon, en tout cas, l'adjudant Comeau, ce que vous semblez avoir compris depuis un bon moment déjà.

 

[11]                  En conséquence, la cour va accepter sans aucune réserve la soumission commune des avocats en présence aujourd'hui, à savoir, que la cour va vous imposer la réprimande et l'amende au montant de 1000 dollars. J'accepte également que vous puissiez verser ou payer cette amende en cinq paiements consécutifs égaux de 200 dollars par mois. Ça commence aujourd'hui. Et j'accepte également la recommandation du procureur de la poursuite, je n'ai pas entendu l'avocat de la défense sur cette question, mais je suis d'accord avec la poursuite qu'il ne s'agit pas d'un cas qui requière l'émission d'une ordonnance aux termes de l'article 147.1 de la Loi sur la défense nationale compte tenu des circonstances particulières de l'incident en question.

 

 


                                                                                           COLONEL M. DUTIL, J.M.C.

 

Avocats:

 

Major J. Caron, Procureur militaire régional, Région de l'Est

Avocat de la poursuivante

Capitaine B. Tremblay, Direction du service d'avocats de la défense

Avocat du caporal M.S. Labrie

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