Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 10 septembre 2012.

Endroit : BFC Kingston, RTIFC, 20 avenue Red Patch, Kingston (ON).

Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 : Art. 114 LDN, vol.
•Chef d'accusation 2 : Art. 125a) LDN, a fait volontairement une fausse déclaration dans un document officiel établit par lui.
•Chef d'accusation 3 : Art. 116a) LDN, a vendu irrégulièrement un bien public.
•Chef d'accusation 4 : Art. 130 LDN, possession d'un dispositif prohibé (art. 92(2) C. cr.).

Résultats
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2, 3, 4 : Coupable.
•SENTENCE : Une rétrogradation au grade de caporal et une amende au montant de 2000$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R c Cyr, 2012 CM 3015

 

Date : 20120921

Dossier : 201213

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Kingston

Kingston (Ontario) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Sergent J.S.F. Cyr, contrevenant

 

 

Devant : Lieutenant-colonel L.-V. d'Auteuil, J.M.


 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Oralement)

 

[1]               Le 20 septembre 2012, la cour martiale permanente a reconnu coupable le sergent Cyr de vol contrairement à l'article 114 de la Loi sur la Défense nationale, d'avoir fait volontairement une fausse déclaration dans un document officiel établit par lui contrairement au paragraphe 125a) de la Loi sur la Défense nationale, d'avoir vendu irrégulièrement un bien public contrairement au paragraphe 116a) de la Loi sur la Défense nationale et finalement, aux termes de l'article 130 de la Loi sur la Défense nationale, de possession d'un dispositif prohibé contrairement au paragraphe 92(2) du Code criminel.

 

[2]               Il est de mon devoir maintenant à titre de juge militaire présidant la cour martiale permanente de déterminer la sentence.

 

[3]               Dans le contexte particulier d'une force armée, le système de justice militaire constitue l'ultime recours pour faire respecter la discipline qui est une dimension essentielle de l'activité militaire dans les Forces canadiennes. Le but de ce système est de prévenir toute inconduite ou de façon plus positive de veiller à promouvoir la bonne conduite. C'est au moyen de la discipline que les forces armées s'assurent que leurs membres rempliront leur mission avec succès, en toute confiance et fiabilité. Le système de justice militaire voit aussi au maintien de l'ordre public et s'assure que les personnes justiciables du code de discipline militaire sont punies de la même façon que toute autre personne vivant au Canada.

 

[4]               L'imposition d'une sentence est une des tâches les plus difficiles pour un juge. La Cour suprême du Canada a reconnu dans l'arrêt R c Généreux,[1992] 1 RCS 259 que « pour que les Forces armées soient prêtes à intervenir, les autorités militaires doivent être en mesure de faire respecter la discipline interne de manière efficace. » Elle a aussi souligné que « dans le contexte particulier de la discipline militaire, les manquements à la discipline devraient être réprimés promptement, et dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil. » Or, le droit ne permet pas à un tribunal militaire d'imposer une sentence qui se situerait au-delà de ce qui est requis dans les circonstances de l'affaire. En d'autres mots, toute peine infligée par un tribunal, qu'il soit civil ou militaire, doit être individualisée et représenter l'intervention minimale requise puisque la modération est le principe fondamental de la théorie moderne de la détermination de la peine au Canada.

 

[5]               Dans le cas qui nous occupe, le procureur de la poursuite a suggéré que la cour impose une peine de rétrogradation au grade de caporal et une amende de 5,000 dollars. D'autre part, l'avocat de la défense qui représente le sergent Cyr a recommandé à la cour l'imposition d'un blâme ou d'une réprimande assorti d'une amende de 5,000 dollars.

 

[6]               L'imposition d'une sentence devant une cour martiale a pour objectif essentiel le respect de la loi et le maintien de la discipline, et ce, en infligeant des peines visant un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

a)                  la protection du public y compris les Forces canadiennes;

 

b)                  la dénonciation du comportement illégal;

 

c)                  la dissuasion du contrevenant et quiconque de commettre les mêmes infractions;

 

d)                 isoler au besoin les contrevenants du reste de la société; et

 

e)                  la réhabilitation et la réforme du contrevenant.

 

[7]               Les peines infligées qui composent la sentence imposée par un tribunal militaire peuvent également prendre en compte les principes suivants :

 

a)                  la proportionnalité en relation à la gravité de l'infraction;

 

b)                  la responsabilité du contrevenant et les antécédents de celui-ci;

 

c)                  l'harmonisation des peines, c'est-à-dire l'infliction de peine semblable à celle infligée à des contrevenants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables;

 

d)                 l'obligation, avant d'envisager la privation de liberté, d'examiner la possibilité de peine moins contraignante lorsque les circonstances le justifie. Bref, le tribunal ne devrait avoir recours à une peine d'emprisonnement ou de détention qu'en dernier ressort; et

 

e)                  finalement, toute peine qui compose une sentence devrait être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l'infraction ou à la situation du contrevenant.

 

[8]               La cour est d'avis que l'infliction d'une peine au contrevenant dans cette cause doit mettre l'accent sur l'objectif lié d'abord à la dénonciation du comportement illégal et puis à celui de la dissuasion générale. Il est important de retenir que le principe de dissuasion générale implique que la peine infligée devrait non seulement dissuader le contrevenant de récidiver mais aussi dissuader toute autre personne qui se trouve dans une situation analogue de se livrer aux mêmes actes illicites.

 

[9]               Dans R c St-Jean, CACM 2000 no. 2, le juge Létourneau, de la Cour d'appel de la cour martiale, a souligné les conséquences des fraudes commises au sein des organismes publics comme les Forces canadiennes. Au paragraphe 22, il a déclaré ce qui suit :

 

Après avoir examiné la peine imposée, les principes applicables et la jurisprudence de notre Cour, je ne peux affirmer que le président a commis une erreur ou a agi de façon déraisonnable quand il a fait valoir la nécessité de mettre l'accent sur l'objectif de dissuasion. Dans un organisme public aussi grand et complexe que les Forces armées canadiennes, qui possède un budget considérable, qui gère une quantité énorme d'équipement et de biens de l'État et qui met en application une multitude de programmes divers, la direction doit inévitablement pouvoir compter sur le concours et l'intégrité de ses employés. Aucune méthode de contrôle, si efficace qu'elle puisse être, ne peut remplacer l'intégrité du personnel auquel la direction accorde toute sa confiance. Un abus de confiance telle la fraude est souvent très difficile à découvrir et les enquêtes qui y ont trait sont dispendieuses. Les abus de confiance minent le respect du public envers l'institution et ont pour résultat la perte de fonds publics. Les membres des Forces armées qui sont déclarés coupables de fraude, et les autres membres du personnel militaire qui pourraient être tentés de les imiter, devraient savoir qu'ils s'exposent à des sanctions qui dénonceront de façon non équivoque leur comportement et leur abus de la confiance que leur témoignaient leur employeur de même que le public et les dissuaderont de se lancer dans ce genre d'activités. L'objectif de dissuasion n'implique pas nécessairement l'emprisonnement dans de tels cas, mais il n'en exclut pas en soi la possibilité, même dans le cas d'une première infraction. Il n'y a pas à notre Cour de règle stricte selon laquelle une fraude commise par un membre des Forces armées contre son employeur commande obligatoirement l'imposition d'une peine d'emprisonnement ou ne peut automatiquement mériter de l'emprisonnement. Chaque cas dépend des faits et des circonstances.

 

Même si ce passage réfère à la commission d'une infraction de fraude, je crois qu'il demeure pertinent dans la perspective de considérer une infraction de vol, les deux faisant référence à une question d'abus de confiance.

[10]           Suite à deux perquisitions effectuées par la police militaire les 29 et 30 octobre 2010, en son absence parce qu'il était à l'extérieur du pays, le sergent Cyr a été arrêté par la police militaire le 1er novembre 2010 près de son domicile.

 

[11]           La police militaire a procédé à l'interrogatoire du sergent Cyr. Suite à ses questions, le sergent Cyr a avoué avoir volé entre 2005 et 2010 la plupart des objets auxquels l'enquêteur a fait référence durant l'entrevue. Il a aussi indiqué que l'ensemble d'outils DeWalt avait été remis dans un pawn shop et qu'il croyait qu'il avait été vendu, étant donné qu'il n'était pas allé le récupérer. Il a avoué à l'enquêteur qu'il avait fait une fausse déclaration à son unité dans sa note de service du 12 octobre 2010 relativement à la perte de cet équipement. Il a aussi indiqué que lui et sa conjointe avait consommé de la marijuana.

 

[12]           Le sergent Cyr a été détenu à partir d'environ 17 heures le 1er novembre 2010 et il a été libéré au début de l'après-midi du 3 novembre. Durant son séjour en détention, il a été seul dans sa cellule et sous constante surveillance.

 

[13]           Au début de l'après-midi du 3 novembre, la police militaire a procédé à un second interrogatoire du sergent Cyr. Il a alors été questionné sur certains autres items pour lesquels il a déclaré être le propriétaire légitime, sur l'ensemble d'outils DeWalt et certaines autres transactions qu'il aurait fait au même pawn shop. Il a aussi avoué l'identité de la personne qui lui avait fourni de la marijuana.

 

[14]           À la fin de l'entrevue, il a été libéré. Il s'est par la suite rendu à son domicile où il a indiqué volontairement aux policiers militaires les items appartenant aux Forces canadiennes. Par la suite, il est retourné avec des membres de son unité à la base des Forces canadiennes Kingston.

 

[15]           Pour en arriver à ce qu'elle croit être une peine juste et appropriée, la cour a donc tenu compte des circonstances aggravantes et atténuantes révélées par les faits de cette cause.

 

[16]           En ce qui concerne les facteurs aggravants, la cour retient les aspects suivants :

 

a)                  La gravité objective des infractions. Vous avez été trouvé coupable de quatre infractions d'ordre militaire, soit l'une aux termes de l'article 114 de la Loi sur la défense nationale qui est passible, au maximum, d'un emprisonnement de 7 ans ou d'une peine moindre, une autre aux termes du paragraphe 125a) de la Loi sur la défense nationale qui est passible, au maximum, d'un emprisonnement de 3 ans ou d'une peine moindre, d'une troisième aux termes du paragraphe 116a) de la Loi sur la défense nationale qui est passible, au maximum, d'un emprisonnement de moins de 2 ans ou d'une peine moindre, et finalement d'une autre aux termes de l'article 130 de la Loi sur la Défense nationale pour possession d'un dispositif prohibé contrairement au paragraphe 92(2) du Code criminel qui est passible, au maximum, d'un emprisonnement de 10 ans ou d'une peine moindre;

 

b)                  Relativement à la gravité subjective, il y a quatre aspects que je retiens de la preuve qui m'a été présentée :

 

                                            i.                        D'abord, il y a l'abus de confiance. Sergent Cyr, vous avez d'abord et avant tout abusé à l'époque de la confiance de votre unité. Ils vous avaient placé dans une position où justement votre intégrité ne devait pas faire de doute quand on vous avait confié des biens publics, on vous avait confié les biens de l'unité qui servaient aux opérations telles qu'en a témoigné le capitaine Durepos. Il y a aussi l'abus de confiance de façon plus générale envers les Forces canadiennes, envers ceux qui vous ont fait confiance car ça demeure un privilège dans les Forces canadiennes de porter un uniforme. Il y a aussi votre grade. Le grade que vous aviez à l'époque, à ce je comprends c'était caporal-chef et sergent, signifie quelque chose dans notre organisation. Il appert que vous aviez des fonctions de leader et, à cet effet-là, l'exemple que vous avez fourni était plutôt décevant. Vous deviez faire preuve d'intégrité, vous deviez être un exemple pour vos subordonnés et je comprends de la preuve qu'il vous est arrivé à l'occasion de remettre de votre initiative certains biens à certaines personnes en fonction du travail qu'il avait fait ou simplement parce que c'était un témoignage d'appréciation des efforts qu'il avait fait en accomplissement d'une tâche ou d'une mission. Disons que ce n'était pas le bon exemple à donner. Il y a aussi votre fonction, vous étiez responsable du quartier maître pendant une bonne période de temps. Il y a des gens qui se reposaient sur vous pour être certain que tous les éléments dont ils avaient besoin pour l'accomplissement de tâches ou de missions étaient présents, et à cet effet-là, vous avez trahi leur confiance.

 

                                          ii.                        Le deuxième aspect que je retiens, c'est par rapport aux objets volés. Il y a la nature, la valeur et la quantité d'objets que vous avez volés. La nature disons elle est diversifiée mais il y a des objets qui se rapportent à l'informatique, il y a des objets d'une nature un peu différente : hache, pelles, tentes modulaires, ou plutôt des structures de tente modulaire. Tout ça fait en sorte qu'une fois accumulée, il a été démontré à la cour qu'il y avait environ une valeur de 4,500 dollars. Il s'agit, une fois qu'on met tout ça ensemble, d'un montant qui est quand même important.

 

                                        iii.                        Il y a la préméditation. C'est le troisième facteur sur lequel ou le troisième aspect que je retiens à titre de facteur aggravants. Préméditer implique le fait qu'il y a une forme de planification. Ce n'est pas quelque chose que vous avez fait de manière spontanée ou que certaines circonstances vous ont amené à prendre des décisions et que vous avez été, dans un court laps de temps, amené à décider si c'était une bonne chose ou pas à faire. Au contraire, quand on regarde la durée pour laquelle ça s'est passée, il y a une réelle planification des actes. Ici, je dois considérer aussi le fait que lorsque vous avez placé au pawn shop un bien public appartenant aux Forces canadiennes, voyant que vous ne seriez pas en mesure de le récupérer, vous avez planifié de manière délibérée de fournir par écrit ainsi que verbalement une déclaration que vous saviez totalement fausse. Ce qui ajoute en termes de confiance et d'intégrité mais qui ajoute aussi en termes de préméditation à ce qui s'est passé. Il y a la répétition, plusieurs objets. Il appert clairement que ce n'est pas quelque chose que vous avez fait en une seule fois mais plusieurs fois. Dans le cadre de la préméditation, il m'est apparu clairement que vous aviez accès à certaines ressources de soutien, à certaines ressources pour vous aider sur le plan psychologique et que ce n'est pas quelque chose que vous avez utilisé. Sans vous faire nécessairement le reproche de ne pas avoir utilisé ces ressources-là pour essayer à l'époque de traiter ou de régler le problème que vous avez constaté, il n'en reste pas moins qu'il a été démontré à la cour que suite au diagnostic qui été posé en 2004, et au fait que vous aviez accès à des gens pour vous aider à traiter votre problème, il n'y a absolument rien qui a été fait, au contraire, ça c'est déroulé en parallèle, c’est-à-dire que les vols ont été faits de manière continue et d'un autre côté, vous rencontriez probablement de temps à autre certaines personnes pour vous aider à régler ou à améliorer votre situation concernant le syndrome post traumatique qui avait été diagnostiqué et les conséquences qui en découlaient.

 

                                        iv.                        Le quatrième et dernier facteurle quatrième et dernier aspect que je retiens c'est l'insouciance. Vous savez qu'en amenant des chargeurs chez vous puis en les gardant, en termes de sécurité, il y a une raison pour laquelle vous devez probablement connaître comme la plupart des militaires si la loi prévoit que de tels objets ne peuvent être gardés sans une autorisation, le fait qu'on vous les confit dans le cadre de vos fonctions militaires et que vous les ameniez chez vous pour les garder pour une raison ou pour une autre sans avoir aucune intention de les ramener, en termes de sécurité, vous êtes tout à fait conscient et en les gardant chez vous, vous avez fait preuve ainsi d'une certaine insouciance. Aussi vous avez fait preuve d'insouciance quant à la revente de l'équipement DeWalt. L'équipement, les outils qui étaientque vous aviez pris au quartier maître, vous ne vous êtes pas soucié de les retourner, vous vous êtes soucié de faire en sorte de compenser rapidement de régler un problème en en créant un autre. Vous ne vous êtes pas nécessairement soucié non plus des opérations de l'unité ou l'impact de votre comportement sur les opérations de l'unité, disons que ça semblait venir loin dans vos priorités. La preuve semble démontrer aussi que, que ce soit sur vous ou sur votre carrière professionnelle à ce moment-là, c’est-à-dire durant la commission des infractions, vous n'aviez pas vraiment de soucis à ce qui vous arriverait autant personnellement que professionnellement.

 

[17]           Par contre la cour retient certains facteurs atténuants:

 

a)                  tout d'abord, et je l'ai mis en premier parce que je lui accorde une certaine importance, il y a votre coopération. Vous m'avez entendu au cours de ces deux derniers jours en discuter lorsque ce facteur a été évoqué par les avocats. Effectivement, je dois constater que même si vous n'avez pas plaidé coupable, et personne ne vous le reproche, mais vous avez quand même d'une part admis certains faits et il y a deux ans, lorsqu'on vous a mis devant le fait accompli, comme l'a dit si bien le procureur de la poursuite, vous avez collaboré. Vous n'avez pas essayé de vous cacher et en ce sens, la cour doit tenir compte de ce facteur comme un facteur atténuant.

 

b)                  Il y a aussi le fait de l'absence d'un casier judiciaire ou d'une inscription à votre fiche de conduite révélant la commission d'infractions de même nature ou qui sont quand même similaires.

 

c)                  Je retiens aussi comme facteur atténuant, l'absence de conséquences réelles. Il n'a pas été démontré à la cour qu'il y a eu une conséquence sur les opérations de l'unité même si il manquait de l'équipement. Les biens ont été récupérés, l'ensemble des biens à l'exception des outils DeWalt. En ce sens, c'est un facteur qui est atténuant, les conséquences sont quand même limitées en termes de perte.

 

d)                 Il y a aussi votre performance professionnelle, particulièrement depuis les deux dernières années et je dois dire aussi que si je me fie au témoignage du capitaine Durepos, il vous considérait comme une personne de confiance donc vous deviez à tout le moins performer normalement pour qu'il puisse avoir confiance en vous. Je comprends aussi que le major Jones vous a vu évoluer durant une période qui était en principe quand même difficile pour vous parce que vous aviez ces accusations qui pendaient qui devaient procéder et vous avez fait preuve, et je vais utiliser le mot de la psychiatre dans sa lettre « a fait preuve d'une très grande résilience » ce qui signifie que malgré l'adversité vous avez su sur le plan professionnel et personnel composer avec tout ce qui se passait de plutôt négatif, et en ce sens, il s'agit d'un facteur atténuant qui est quand même considéré important par la cour.

 

e)                  Il y a votre âge aussi. Vous avez un bagage de connaissance à ce stade-ci et d'expérience qui est quand même appréciable et vous pouvez en faire encore profiter les Forces canadiennes et la société en général.

 

f)                   Je veux revenir sur votre état psychologique. J'y ai fait allusion dans le cadre des facteurs aggravants mais c'est aussi un facteur qui doit être atténuant. Il y a une certaine explication à ce qui est arrivé sur le plan personnel et psychologique. Sans excusé tout ce qui est arrivé, il n'en reste pas moins que c'est un problème que, comme l'a mentionné le major Thomas, que vous n'avez pas souhaité, qui a été exacerbé par votre condition, c’est-à-dire des symptômes reliés audes symptômes post-traumatique et je dois noter que plus particulièrement depuis le moment où vous avez été confronté par la police militaire à ce qui se passait, vous aviez pris l'engagement de régler le problème et c'est ce que vous avez tenté de faire et semblez avoir fait jusqu'ici. En fait, vous vous êtes pris en mains mais il a fallut que la police vous mette face à votre problème.

 

g)                  Je dois tenir compte aussi que vos gestes ont eu des conséquences sur votre employabilité au cours des deux dernières années. Je comprends qu'en n'ayant pas la cote de sécurité requise, même si votre commandant avait voulu vous employer dans certains postes en raison de votre expérience, de votre formation et de votre grade, il ne pouvait pas le faire parce qu'on vous avait retiré votre cote de sécurité en raison de ce qui était arrivé et en raison probablement des accusations, je n'ai pas une preuve parfaite là-dessus mais la cour peut inférer ça, donc il y a quand même une conséquence, vous n'avez pas été employé à votre pleine capacité dans les emplois ou autres simplement à cause de ce qui est arrivé.

 

h)                  Un autre facteur dont la cour doit tenir compte, c'est le fait que vous avez eu à faire face à cette cour martiale. La cour martiale est publique, est accessible aux gens qui sont intéressés à savoir qu'est-ce qui se passe dans cette affaire. C'est une composante de la justice militaire. Il est clair que ça a eu un effet dissuasif autant sur vous que sur les gens qui ont assistés, qui sont au courant que ça se passe, et je dois en tenir compte.

 

i)                    Il y a une chose que la cour retient, c'est une conséquence du fait que vous avez été reconnu coupable par cette cour mais vous aurez un casier judiciaire. Ça implique que vous devrez passer par un processus de demande de pardon tel que requis par la loi une fois que la sentence sera totalement purgée.

 

[18]           La cour doit aussi tenir compte d'un facteur qui est la parité des sentences. Je crois que ce qu'il faut retenir c'est que considérant le rôle qu'une personne telle que vous avez joué dans cette affaire, en fonction aussi de votre grade et de vos fonctions que vous avez eu à l'époque des incidents, vous vous exposez à une sentence qui va d'une réprimande et une amende substantielle à une rétrogradation et une amende substantielle. Dans les cas les plus graves, une peine d'incarcération pourrait être considérée.

 

[19]           Concernant l'incarcération, je souscris à la suggestion des avocats des deux parties que cela n'est pas approprié dans les circonstances. Il s'agit d'une mesure de dernier recours et les objectifs, principes et circonstances ne militent nullement en faveur de l'infliction d'une telle peine.

 

[20]           En ce qui a trait à la rétrogradation, je suis d'avis que dans les circonstances il s'agit d'une peine qui pourrait refléter adéquatement l'objectif de dénonciation. Considérant les facteurs aggravants et atténuants, l'objectif poursuivi et les principes applicables, j'en viens à la conclusion que cette peine reflète ce qui doit être imposé minimalement dans les circonstances.

 

[21]           Même si la cour vous rétrograde aujourd'hui, il est clair que vous pourrez continuer à démontrer les mêmes efforts que vous avez fait, autant sur le plan personnel que professionnel, afin de regagner la confiance de vos pairs et de vos supérieurs, de votre entourage ainsi qu'en vous-même en regagnant ce que vous aurez ainsi perdu. Le chemin sera peut-être long mais vous aurez la chance de prouver à tous jusqu'à quel point votre désir de réhabilitation est sincère.

 

[22]           Accessoirement, l'infliction de cette peine fera comprendre à tous que toute autre personne qui se retrouvera dans une situation similaire ne devra pas se livrer aux mêmes actes illicites.

 

[23]           En ce qui concerne le fait d'assortir cette peine d'une amende, la cour est d'avis que dans les circonstances de l'espèce, il s'agit de quelque chose d'approprier dans les circonstances. D'ailleurs, les avocats, dans leur soumission respective à la cour, ont convenu qu'en raison des objectifs poursuivis de dénonciation et de dissuasion générale, cela pouvait être approprié.

 

[24]           La question demeure à savoir quel devrait être le montant de cette amende. C'est ici que je crois qu'en raison des facteurs atténuants soumis à cette cour, il est approprié de considérer quelque chose d'inférieur à ce qui a été proposé par les deux parties. À mon avis, une amende de 2,000 dollars rencontrerait amplement les objectifs poursuivis dans les circonstances de cette affaire.

 

[25]           J'ai aussi examiné la question de savoir s'il convient en l'espèce de rendre une ordonnance interdisant au contrevenant, c’est-à-dire au sergent Cyr, de posséder une arme, tel que me l'y oblige l'article 147.1 de la Loi sur la Défense nationale. À mon avis, une telle ordonnance n'est ni souhaitable, ni nécessaire pour protéger la sécurité d'autrui ou du contrevenant dans les circonstances de ce procès, particulièrement à la lumière des critères applicables à l'article 109 du Code criminel dans le contexte d'une infraction de possession d'un dispositif prohibé sachant qu'il n'était pas titulaire d'un permis qui l'y autorisait. Même si cette dernière infraction comporte une peine maximale d'emprisonnement égale à dix ans, je considère qu'elle n'a pas été perpétrée avec usage, tentative ou menace de violence contre autrui et je ne rendrai aucune ordonnance à cet effet.

 

[26]           Une peine équitable et juste doit tenir compte de la gravité de l'infraction ou des infractions dans ce cas-ci et de la responsabilité du contrevenant dans le contexte précis de l'espèce. En conséquence, la cour considère que l'imposition d'une rétrogradation au grade de caporal et d'une amende de 2,000 dollars est en conformité avec l'application de ce principe, compte tenu de l'ensemble des circonstances et des facteurs aggravants et atténuants identifiés par cette cour. La cour considère qu'il s'agit de la peine minimale applicable dans les circonstances.

 

[27]           Sergent Cyr, levez-vous, s'il vous plaît.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[28]           CONDAMNE le sergent Cyr, à une rétrogradation au grade de caporal et à une amende de 2,000 dollars. L'amende doit être payée par le versement d'un montant de 100 dollars le 1er octobre 2012, suivi de dix-neuf autres versements mensuels consécutifs de 100 dollars à être versé le 1er jour de chaque mois. Si, pour une raison ou pour une autre, vous étiez libéré des Forces canadiennes avant d'avoir fini de payer cette amende, le montant total impayé devra être versé avant votre libération.


 

Avocats :

 

Major E. Carrier, Service canadien des poursuites militaires

Avocat de la poursuivante

 

Major E. Thomas, Service d'avocats de la défense

Avocat pour le sergent J.S.F. Cyr

 

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