Cour martiale
Informations sur la décision
Date de l'ouverture du procès : 28 janvier 2009
Endroit : Mess du Fort Pepperrell, Édifice 308, avenue Charter, St-John's (NL)
Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 : Art. 114 LDN, a commis un vol, étant, par son emploi, chargé de la garde ou de la distribution de l'objet volé ou d'en avoir la responsabilité.
Résultats
•VERDICT : Chef d'accusation 1 : Coupable.
•SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 1000$.
Contenu de la décision
Référence : R. c. Matelot de 1re classe R.J. Houston, 2009 CM 2004
Dossier : 200907
COUR MARTIALE PERMANENTE
CANADA
TERRE-NEUVE
STATION DES FORCES CANADIENNES ST. JOHN'S
Date : 28 janvier 2009
SOUS LA PRÉSIDENCE DU CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, J.M.
SA MAJESTÉ LA REINE
c.
MATELOT DE 1re CLASSE R.J. HOUSTON
(contrevenant)
SENTENCE
(prononcée de vive voix)
[1] Matelot de 1re classe Houston, la cour, ayant accepté et enregistré votre plaidoyer de culpabilité au chef d’infraction de vol alors que vous étiez chargé, du fait de votre emploi, de la garde ou de la distribution des objets volés, vous déclare aujourd’hui coupable à ce premier chef.
[2] Il m’incombe maintenant de fixer et de prononcer votre sentence. Pour ce faire, j’ai pris en considération les principes de détermination des peines applicables aux tribunaux pénaux ordinaires du Canada et aux cours martiales. J’ai aussi pris en considération les faits de l’espèce tels qu’ils sont décrits dans l’exposé des circonstances déposé sous la cote 6, les autres pièces et écritures produites au cours de l’audience, ainsi que les conclusions orales des avocats des deux parties.
[3] Les principes de détermination des peines guident la cour dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de fixer la sentence juste et appropriée à l’espèce. La sentence doit être en gros proportionnée à la gravité de l’infraction, ainsi qu’au degré de responsabilité et au caractère du contrevenant. La cour est guidée par les sentences qu’ont prononcées d’autres tribunaux dans des affaires antérieures analogues, non qu’elle se croie tenue d’imiter servilement les précédents, mais parce que notre sens commun de la justice veut que les affaires semblables soient réglées de manière semblable. Néanmoins, la cour tient compte aux fins de la fixation de la sentence des nombreux facteurs qui distinguent l’affaire particulière portée devant elle, qu’il s’agisse des circonstances aggravantes qui peuvent commander une sanction plus sévère ou des circonstances atténuantes qui peuvent appeler une réduction de la peine.
[4] Les buts et objectifs de la détermination des peines ont été exprimés de diverses façons dans de nombreuses affaires antérieures. En général, ils se rapportent à la protection de la société, laquelle comprend bien sûr les Forces canadiennes; il s’agit dans ce contexte de contribuer au développement et au maintien d’une société juste, paisible, sûre et respectueuse des lois. Chose importante : dans le cadre des Forces canadiennes, ces objectifs comprennent le maintien de la discipline, cette habitude d’obéissance qui est si nécessaire à l’efficacité d’une armée. Les buts et objectifs de la détermination des peines comprennent aussi la dissuasion individuelle – la sentence doit décourager le délinquant de récidiver – et la dissuasion générale – elle doit décourager les autres de suivre son exemple. Parmi les autres buts, citons la réinsertion sociale du délinquant, le développement de son sens des responsabilités et la dénonciation du comportement illégal. Un ou plusieurs de ces objectifs prédomineront inévitablement dans la détermination d’une sentence juste et appropriée à l’espèce, mais il ne faudrait pas oublier pour autant que chacun des objectifs en question mérite l’attention de la cour chargée de fixer la sentence : pour être juste et appropriée, celle‑ci doit témoigner d’un dosage judicieux de ces buts, adapté aux circonstances particulières de l’espèce.
[5] Comme je vous l’ai dit lorsque vous avez présenté votre plaidoyer de culpabilité, l’article 139 de la Loi sur la défense nationale prévoit les peines que peuvent prononcer les cours martiales. Ces peines possibles sont limitées par la disposition législative qui crée l’infraction et prescrit la peine maximale. Une seule sentence est prononcée contre le délinquant, qu’il soit déclaré coupable d’une ou de plusieurs infractions, mais cette sentence peut comprendre plusieurs peines. Un principe important veut que la cour prononce la peine la moins sévère propre à contribuer au maintien de la discipline.
[6] J’ai déterminé la sentence que je vais prononcer en prenant en considération les conséquences directes et indirectes pour le contrevenant des peines qu’elle prévoit, ainsi que du verdict de culpabilité.
[7] Les faits de l’infraction, que décrit l’exposé des circonstances produit en pièce 6, n’ont rien de compliqué et peuvent se résumer comme suit. Dans le cadre de son travail de steward remplissant des fonctions liées à l’hébergement à la Station des Forces canadiennes St. John’s, le contrevenant a détourné de petites sommes en numéraire reçues d’utilisateurs sur une période de nombreux mois, jusqu’à ce que son activité suscite des soupçons et donne lieu à une enquête. Un total d’environ 500 dollars paraît manquer. Le matelot de 1re classe Houston a immédiatement admis être responsable de la disparition de ce montant dans une déclaration faite aux enquêteurs de la police. Son avocat m’apprend qu’il restituera intégralement aujourd’hui le montant volé.
[8] Les avocats des deux parties ont recommandé de concert une sentence consistant en une réprimande et une amende de 1 000 dollars. Comme ils l’ont rappelé, il appartient évidemment à la cour de déterminer la sentence, mais lorsque, comme dans la présente espèce, les deux parties proposent à cet égard une recommandation conjointe, celle‑ci doit peser lourd dans sa décision. Les cours d’appel de l’ensemble du Canada, y compris la Cour d’appel de la cour martiale dans son récent arrêt Soldat Chadwick Taylor, 2008 CACM 1, ont posé en principe que le tribunal devrait retenir les conclusions communes présentées par les avocats des parties sur la peine, à moins que l’adoption de la sanction ainsi recommandée ne soit susceptible de jeter le discrédit sur l’administration de la justice ou ne soit d’autre manière contraire à l’intérêt public.
[9] Les avocats ont examiné les circonstances aggravantes et atténuantes de la présente espèce. Je suis convaincu que le matelot de 1re classe Houston a appris une très dure leçon sur l’importance de la confiance entre les membres des Forces canadiennes – entre pairs aussi bien qu’entre subordonnés et supérieurs.
[10] Je ne pense pas que la dissuasion spécifique soit ici un facteur de poids, mais la cour se préoccupe grandement de la dissuasion générale dans ce genre d’affaires. Toutefois, je reconnais bien sûr que, dans certains cas, une peine moins sévère que la privation de liberté par incarcération suffit à l’application du principe de dissuasion générale.
[11] Je tiens également compte de la situation personnelle du délinquant. Il a 29 ans, et sa femme est aussi membre des Forces canadiennes. Au cours de plus de dix années de service dans la force de réserve, puis dans la force régulière, son dossier est resté vierge d’infractions disciplinaires. Il a fait l’objet de mesures administratives par suite de son délit, mais il a continué à remplir ses fonctions de steward et est apparemment en voie de retrouver la confiance de ses supérieurs. Il a coopéré avec les enquêteurs de la police et il a plaidé coupable de l’accusation dès que cela lui a été possible. En outre, il a présenté par écrit des excuses formelles à son commandant.
[12 ] Étant donné l’ensemble des circonstances de l’infraction et de la situation du délinquant, je ne puis dire que l’adoption de la sentence proposée conjointement par les avocats des deux parties jetterait le discrédit sur l’administration de la justice ou serait d’autre manière contraire à l’intérêt public. En conséquence, je retiens leur recommandation commune.
[13] Matelot de 1re classe Houston, vous êtes condamné à une réprimande, ainsi qu’à une amende de 1 000 dollars à payer en quatre mensualités consécutives de 250 dollars à compter du 28 février 2009. Dans le cas où vous seriez libéré des Forces canadiennes pour quelque motif que ce soit avant le paiement intégral de votre amende, le solde devrait en être payé la veille de votre libération.
CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, J.M.
AVOCATS
Major J.J. Samson, Poursuites militaires régionales, région de l’Atlantique
Procureur de Sa Majesté la Reine
Major P. Rawal, Poursuites militaires régionales, région de l’Atlantique
Procureur de Sa Majesté la Reine
Lieutenant-colonel D.T. Sweet, Direction du service d’avocats de la défense
Avocat du matelot de 1re classe R.J. Houston