Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 10 mai 2007.

Endroit : BFC Esquimalt, édifice 30-N, 2e étage, Victoria (CB).

Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 (subsidiaire au chef d’accusation 2) Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
•Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 1) Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats
•VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Une suspension d’instance. Chef d’accusation 2 : Coupable.
•SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 400$.

Contenu de la décision

Référence : R. c. ex-Sous-Lieutenant M. Barnaby ,2007 CM 1010

 

Dossier : 2006100

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CANADA

COLOMBIE-BRITANNIQUE

ESQUIMALT

 

 

Date : 10 mai 2007

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU COLONEL M. DUTIL, J.M.C.

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

EX-SOUS-LIEUTENANT M. BARNABY

(Accusé)

 

 

SENTENCE

(Prononcée de vive voix)

 

 

[1]                 Après avoir accepté et inscrit un plaidoyer de culpabilité à légard du deuxième chef daccusation, la cour vous déclare coupable de celui-ci et ordonne la suspension de linstance relativement au premier chef daccusation.

 

[2]                 Il est reconnu depuis longtemps que le but dun système de justice militaire distinct est de permettre aux Forces armées de soccuper des questions qui touchent directement la discipline, lefficacité et le moral des troupes. Il est également reconnu que, dans des circonstances appropriées, le contexte militaire peut justifier et, parfois, dicter une peine propre à favoriser latteinte des objectifs militaires. Cela dit, toute peine infligée par un tribunal, quil soit militaire ou civil, doit être la moins sévère qui soit adaptée aux circonstances de lespèce.

 

 

[3]                                         Afin de déterminer la peine aujourdhui, la cour a examiné lensemble des circonstances liées à la perpétration de linfraction, telles quelles ressortent du sommaire des circonstances que vous avez accepté en tant que preuve concluante, ainsi que de lexposé conjoint des faits.


 

[4]                                         En bref, les circonstances et les faits entourant linfraction sont les suivants : dans la soirée du 30 septembre 2005, on vous a vu dans une boîte de nuit, en train de fumer ce qui semblait être une cigarette de marihuana. Comme lenquêteur a pensé que vous et une autre personne, étiez membres des Forces armées, lun des policiers vous a demandé si vous étiez dans larmée et vous avez répondu : « oui ».

                                                                                                                                             

[5]                                         Il semble que lune des deux personnes fumait une cigarette de marihuana et que cette personne cétait vous. Selon le sommaire des circonstances, vous avez laissé tomber ce qui restait de cette cigarette et la police la recueilli. Lanalyse effectuée par la suite a révélé quil sagissait dune substance contrôlée qui contenait du tetrahydrocannabinol, qui est bien sûr une substance contrôlée sous le régime de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Il ressort également de la preuve que vous saviez quil est interdit dutiliser des drogues au sein des Forces canadiennes.

 

[6]                                         La preuve révèle aussi que, non seulement vous étiez en service au moment en cause, mais que vous létiez à titre dofficier de service de votre escadron. Selon la preuve, même si vous nêtes pas tenu, à ce moment-là, de vous trouver dans lunité ou au quartier général de lunité dans le secteur de lunité, vous étiez tout de même lofficier de service de votre escadron au moment de la perpétration de linfraction.

 

[7]                                         Afin de déterminer la peine, jai aussi tenu compte de la preuve documentaire présentée devant moi, du témoignage du Major Leblanc, auparavant le Lieutenant-Colonel Leblanc, qui, à cette époque, était le commandant, du témoignage du Major Sharpe, ainsi que du vôtre. Jai pris en compte les observations faites par les deux avocats, jai examiné ces informations à la lumière des principes et objectifs de la détermination de la peine. Enfin, jai pris en compte toutes les conséquences directes et indirectes que le verdict et la peine auront sur vous, malgré le fait que cet incident a déjà entraîné votre expulsion des Forces armées.

 


[8]                                         Bien sûr, les avocats connaissent les objectifs et principes à prendre en compte pour déterminer la peine, mais ce nest pas nécessairement le cas de tout le monde. Ces objectifs et ces principes sont ceux dont les tribunaux tiennent compte toutes les fois où ils doivent déterminer quelle peine il convient dinfliger et il sagit généralement de ce qui suit : le premier est la protection du public, ce qui comprend les Forces canadiennes ; le deuxième élément ou deuxième principe est la dénonciation du contrevenant et de son comportement illégal ; le troisième, le châtiment du contrevenant. Ensuite, sy ajoute leffet dissuasif de la peine non seulement sur le contrevenant mais sur quiconque serait tenté de commettre la même infraction ou une infraction similaire. Il y a également lamendement et la réinsertion du contrevenant, ainsi que la proportionnalité de la peine à la gravité du crime et au degré de responsabilité du contrevenant. Cest à ce principe que lavocat de la défense faisait référence lorsquil disait que la peine doit être adaptée non seulement à linfraction, mais aussi au contrevenant. Il y aussi le principe de parité des peines, ce à quoi la poursuite faisait référence quand elle a dit que la peine infligée devrait être similaire à celles infligées à des contrevenants du même genre pour des infractions comparables dans des circonstances semblables. Quel principe et objectif a préséance sur les autres est une question qui variera en fonction de chaque cas. Dans certains cas, la réinsertion pourrait être le principe ou lobjectif premier, dans dautres, la dénonciation ou bien le châtiment du contrevenant. En lespèce, je conviens avec le poursuivant que la peine à infliger dans le cas qui nous occupe, devrait mettre laccent sur la dissuasion générale et la dénonciation, même si je trouve que la jurisprudence fournie na été guère utile, sinon pas utile du tout.

 

[9]                                         La cour estime que cette cause représente un très bon exemple de mépris flagrant à légard de la discipline militaire de base et dun manque de respect tant envers la politique des Forces canadiennes relative aux drogues que face à linterdiction de lusage de drogues par de jeunes officiers commissionnés. La situation est dautant plus grave quau moment où linfraction a été commise, non seulement vous étiez en service, mais, en plus, vous étiez investi des devoirs et responsabilités de lofficier de service pour son unité.

 

[10]                                     Non seulement la peine doit-elle favoriser la dissuasion générale, mais jajouterais quelle doit également tenir compte du principe de détermination de la peine quest la dénonciation.

 

[11]                                     La cour en arrive à la conclusion que les faits de lespèce sont extrêmement graves, et ce, même si la quantité de cannabis utilisée contrairement à larticle 20.04 des ORFC est minime. Non seulement cette situation témoigne du mépris flagrant dun officier à légard de la politique relative aux drogues, mais elle révèle un manque criant face au professionnalisme et à lintégrité qui sont exigés même au plus bas niveau hiérarchique.

 

[12]                                     La période pendant laquelle vous avez servi au sein des Forces canadiennes a été très courte, mais je crois quil ne fait aucun doute que vous éprouvez véritablement des remords face à votre conduite passée qui, bien sûr, a déjà conduit à votre libération des Forces canadiennes. Je pense aussi que votre témoignage lance, à vos anciens collègues et à quiconque senrôle dans les Forces armées, le message que cette question doit toujours être prise très au sérieux.

 


[13]                                     La conduite du processus disciplinaire prévu par larticle 3 de la Loi sur la défense nationale, qui finalement est la cause de notre présence ici aujourdhui, le procès lui-même et votre plaidoyer de culpabilité doivent jouer un rôle important dans la réalisation de la dissuasion générale. Le montant de lamende nest pas un facteur déterminant dans le présent contexte. La réprimande, qui est une peine plus sévère que lamende dans léchelle des peines, se justifie afin de mettre en évidence la gravité du comportement. De manière générale, je suis daccord avec les avocats quant aux facteurs aggravants et atténuants en lespèce. Bien sûr, le fait que vous ayez été lofficier de service de lunité en plus dêtre en service au moment où linfraction a été commise est de la plus haute importance. Malgré votre manque dexpérience, vous étiez investi des mêmes responsabilités que les autres officiers de votre unité. Le fait que vous étiez en formation en cours demploi, FCE, en attendant de suivre votre cours de navigation aérienne, natténue en rien votre responsabilité. Il est courant que les militaires en FCE de votre rang exercent les fonctions dofficier de service. Même si cette tâche nétait pas complexe, elle était importante puisque vous représentiez le commandant, une position de confiance où on sattendait à ce que vous fassiez preuve de professionnalisme, dintégrité et dun jugement solide et clair. Par ailleurs, tel que la preuve la démontré, il sagit du premier incident du genre impliquant lofficier de service dune unité, indépendamment de son grade.

 

[14]                                     Je répète que les faits de lespèce démontrent un profond manque de jugement et un manque total de respect envers lune des politiques les plus élémentaires des Forces canadiennes. Il ne sagit pas seulement de la démonstration du manque de maturité de la part dun officier subalterne qui, malgré son inexpérience, non seulement aurait dû savoir quelles étaient les conséquences de son geste, mais qui était loin de lignorer. Personne ne devrait être surpris de constater que la gravité de votre conduite a amené la chaîne de commandement à réagir rapidement en recommandant votre libération à partir du 27 juillet 2007, mais je suis dans lobligation de prendre en compte cette libération ou cette décision en déterminant la peine à vous infliger aujourdhui.

 

[15]                                     Par ailleurs, il existe aussi dimportants facteurs atténuants, le plus important, en lespèce, étant votre plaidoyer de culpabilité, surtout après votre témoignage, dans lequel vous avez assumé lentière responsabilité de votre comportement et de votre profond manque de jugement. Il ne fait aucun doute que la présente instance, le processus judiciaire ainsi que votre présence devant la cour lancent un message très clair que de tels comportements ne sauraient être tolérés. Espérons que la présence, dans la salle, de plusieurs de vos anciens collègues permettra à dautres de comprendre que les conséquences de tels gestes sont nombreuses et étendues. Le fait que vous naviez ni dossier disciplinaire ni casier judiciaire auparavant ainsi que votre jeune âge sont aussi des facteurs atténuants importants dans la détermination de la peine à infliger. Vous êtes également sans emploi. Enfin, la cour estime quil convient, à un degré moindre cependant, de prendre en compte le temps écoulé.

 

[16]                                     Il importe de souligner que, par suite du verdict et de la peine infligée, vous aurez maintenant un casier judiciaire, ce qui devrait également contribuer à leffet dissuasif général. Le fait que vous ayez un casier judiciaire montre la gravité du comportement qui est la cause de votre présence devant cette cour aujourdhui, mais en ce qui vous concerne, il aura aussi des conséquences sur votre avenir immédiat. Il sagit là également dun élément qui devrait servir à dissuader quiconque songerait à minimiser limportance de votre comportement passé.


[17]                                     Pour ces motifs, ex-Sous-lieutenant Barnaby, la cour vous condamne à une réprimande et une amende de 400$, payable en quatre versements de 100$ par mois à partir daujourdhui, au moyen de chèques certifiés ou par mandats faits à lordre du receveur général du Canada, envoyés à ladresse qui vous sera fournie, à vous et à votre avocat, par le poursuivant.

 

[18]                                     Linstance de la présente cour martiale permanente concernant lex- Sous-lieutenant Barnaby est terminée. Merci.

 

                                                                                                                                             

 

 

COLONEL M. DUTIL, J.M.C.

 

 

Avocats :

 

Le major S.D. Richards, Poursuites militaires régionales (Atlantique)

Procureur de Sa Majesté la Reine

Le capitaine de corvette J.C.P. Lévesque, Direction du service davocats de la défense

Avocat de lex-Sous-lieutenant M. Barnaby

 

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