Cour martiale
Informations sur la décision
Date de l’ouverture du procès : 13 juillet 2007.
Endroit : Garnison Edmonton, Edmonton (AB).
Chef d’accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 114 LDN, vol.
Résultats
•VERDICT : Chef d’accusation 1 : Coupable.
•SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 400$.
Contenu de la décision
Citation : R. c. Caporal J.M.R. Hutchison, 2007 CM 1015
Dossier : 200733
COUR MARTIALE PERMANENTE
CANADA
ALBERTA
BASE DES FORCES CANADIENNES EDMONTON
Date : 13 juillet 2007
SOUS LA PRÉSIDENCE DU COLONEL M. DUTIL, J.M.C.
SA MAJESTÉ LA REINE
c.
CAPORAL J.M.R. HUTCHISON
(Accusé)
SENTENCE
(Prononcée de vive voix)
TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE
[1] Caporal Hutchison, ayant accepté et inscrit votre plaidoyer de culpabilité relativement au premier chef d’accusation, la cour vous déclare maintenant coupable de ce chef d’accusation.
[2] Évidemment, il s’agit d’une affaire dans laquelle le poursuivant et la défense ont soumis une proposition conjointe et recommandent à la présente cour de vous condamner à une réprimande et à une amende de 400 $. Quoique la cour ne soit pas liée par une recommandation conjointe en matière de détermination de la peine, il est généralement admis qu’elle ne doit s’en écarter que lorsqu’il serait contraire à l’intérêt public de l’accepter et que cela aurait pour effet de déconsidérer l’administration de la justice. Bien qu’à mon avis, votre cause se situe à l’extrême limite de ce qu’il est possible d’accepter en termes de proposition conjointe, je l’accepte néanmoins étant donné que je ne crois pas qu’elle en déborde les limites.
[3] Il est reconnu depuis longtemps que le but d’un système de justice ou de tribunaux militaires distinct est de permettre aux Forces armées de s’occuper des questions qui touchent directement à la discipline, à l’efficacité et au moral des troupes. Il est également reconnu que, dans des circonstances appropriées, le contexte militaire peut justifier et, parfois, dicter une peine plus sévère que si l’infraction avait été commise dans un contexte purement civil en vue de favoriser l’atteinte des objectifs militaires. Ceci étant dit, toute peine imposée par un tribunal, qu’il soit civil ou militaire, doit être la moins sévère possible tout en étant appropriée aux circonstances de l’espèce.
[4] Afin de prononcer cette peine aujourd’hui, j’ai examiné l’ensemble des circonstances de l’infraction, telles qu’elles ont été décrites au cours de la procédure de détermination de la peine, ainsi que la preuve documentaire déposée. J’ai aussi analysé les plaidoiries des avocats et la jurisprudence produite devant la cour. Je dois ajouter que les arrêts Keller et Stevenson s’avèrent aussi appropriés en l’espèce. Et, enfin, j’ai tenu compte des conséquences directes et indirectes que le verdict et la peine auront sur vous.
[5] Les principes qu’il faut prendre en compte pour prononcer une peine adaptée reposent sur les éléments suivants : premièrement, la protection du public, y compris les Forces canadiennes; deuxièmement, la peine applicable à l’accusé; troisièmement, l’effet dissuasif de la peine, non seulement sur l’accusé, mais aussi sur tous ceux qui pourraient être tentés de commettre les mêmes infractions; quatrièmement, l’amendement et la réinsertion de l’accusé; cinquièmement, dans la présente affaire, évidemment, la dénonciation. Il existe d’autres facteurs, mais aux fins de la présente affaire, je crois que ceux‑ci suffiront.
[6] Le principe fondamental est la protection du public, et il appartient à la cour de déterminer ce qui protégera le mieux le public : la dissuasion, la réinsertion ou la peine et la dénonciation ou encore, évidemment, une combinaison de tous ces éléments à divers degrés. La poursuite a cité l’arrêt La Reine c. St. Jean, une décision rapportée au C.A.C.M. 2000 N° 2 dans laquelle l'honorable Juge Létourneau, au nom de la Cour, a mis en lumière les répercussions des actes à caractère frauduleux à l'intérieur des organisations publiques telles que les Forces canadiennes. Je ne répèterai pas cette citation. Il suffit de se référer à la citation contenue dans les observations de la poursuite.
[7] Il est vrai que, bien qu’il ne soit pas question de fraude en l’espèce, il s’agit néanmoins d’une infraction relative aux biens, en particulier aux biens publics, et dans ce contexte, le vol doit faire l’objet d’une sanction qui mette en évidence les principes de la dissuasion générale et de la dénonciation.
[8] Comme je vous l’ai dit plus tôt ce matin, il s’agit d’une infraction très grave, peu importe l’objet du vol ou son montant. En commettant un vol dans le contexte de la présente affaire, vous avez abusé de la confiance qu’avaient placée en vous votre unité, vos camarades, les Forces canadiennes et le gouvernement du Canada. Comprenez-vous cela?
ACCUSÉ : Oui, votre honneur.
[9] Donc, pour déterminer ce qu’elle considère comme une peine équitable et adaptée, la cour a pris en compte les facteurs suivants :
La gravité objective de l’infraction. Une personne reconnue coupable de cette infraction est au moins passible d’un emprisonnement maximal de sept ans. Et je le répète encore, cette infraction très grave consiste en un abus de la confiance dont vous étiez investi, lorsque vous avez agi de façon malhonnête.
Ensuite, le contexte particulier de l’affaire décrit dans le sommaire des circonstances. Contrairement à Keller et Stevenson qui ont volé des biens qu’ils croyaient ou qu’ils ont bien voulu croire abandonnés dans un camion, cette infraction a été commise sur votre lieu de travail, à savoir le magasin du quartier‑maître de compagnie du centre de formation des forces terrestres de l’Ouest, Élément de formation sur le terrain.
Par contre, d’un autre côté, vous avez reconnu que vous étiez responsable de vos actes en plaidant coupable devant cette cour, et je considère qu’il s’agit d’un véritable signe de remords, particulièrement en raison du fait que vous avez avoué vos agissements illégaux aux policiers au début de l’enquête. De plus, sur cette question, je juge encore que votre cas comporte un très bon facteur atténuant, malgré le fait qu’il vous a fallu quelques semaines pour finalement admettre que vous aviez évidemment menti lors de votre premier interrogatoire, en révélant le vol d’un élément, à savoir une tenue de camouflage. Ainsi, la cour est convaincue que le plaidoyer de culpabilité que vous avez présenté devant elle aujourd’hui constitue un authentique signe de remords.
J’accepte également à titre de facteur atténuant le fait que vous ayez retourné le matériel, ce qui signifie l’absence de pertes pour les Forces canadiennes.
En outre, à la lumière de l’ensemble de tous ces éléments, je considère que votre aveu de culpabilité constitue un aveu authentique de votre mauvaise conduite et représente assurément un facteur que je juge essentiel à l’amendement et à la réinsertion de tout contrevenant, en particulier, lorsque ce dernier est aussi jeune que vous.
Enfin, j’ai pris en considération le grade que vous déteniez à l’époque, votre âge, ainsi que votre situation actuelle du point de vue financier, économique, social et familial. En ce qui concerne votre formation, vous allez bientôt obtenir votre diplôme et je n’imposerai certainement pas une peine qui pourrait vous empêcher de terminer vos études. C’est pourquoi je juge appropriée la peine recommandée par la poursuite et la défense.
J’ai aussi tenu compte du fait vous soyez un bon jeune soldat et que les autorités de votre unité soient prêtes à vous faire confiance à nouveau. Cependant, soyez assuré qu’il ne s’agit certainement pas d’une confiance aveugle.
Enfin, je juge à titre de facteur atténuant le long délai qui s’est écoulé avant que vous ne soyez traduit en justice, qui a empêché votre commandant d’instruire cette infraction sommairement, si vous aviez pu choisir ce mode de tribunal militaire, en l’absence d’application de l’alinéa 69b) de la Loi sur la Défense nationale. Et je pense qu’il s’agit d’un facteur atténuant en l’espèce.
[10] Ainsi, pour toutes ces raisons, le tribunal vous condamne à une réprimande et à une amende de 400 $ payables immédiatement.
[11] Rompez, caporal Hutchison. Voilà qui met fin à l’instance de la cour martiale permanente concernant le caporal Hutchison et, par conséquent, l’instance est terminée.
COLONEL M. DUTIL, J.M.C.
Avocats :
Capitaine R.J. Henderson, Poursuites militaires régionales, région de l’Ouest
Procureur de Sa Majesté la Reine
Lieutenant(M) M.P. Létourneau, Direction du service d’avocats de la défense
Avocat du caporal J.M.R. Hutchison