Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 30 avril 2012

Endroit : BFC Edmonton, édifice 403, chemin Korea, Edmonton (AB)

Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 : Art. 83 LDN, a désobéi à un ordre légitime d’un supérieur.

Résultats
•VERDICT : Chef d'accusation 1 : Coupable.
•SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 250$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R c Butt, 2012 CM 3007

 

Date : 20120502

Dossier : 201203

 

Cour martiale permanente

 

Garnison d’Edmonton

Edmonton (Alberta), Canada

 

Entre : 

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Soldat M. E. Butt, contrevenant

 

 

En présence du Lieutenant-Colonel L.-V. d’Auteuil, J.M.

 


 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]               Soldat Butt, à l’issue d’un procès complet, la Cour martiale permanente vous a déclaré aujourd’hui coupable du seul et unique chef figurant à l’acte d’accusation, soit avoir désobéi, le 25 septembre 2011, à l’aérodrome de Kandahar, ou près de ce lieu, dans la province de Kandahar, en Afghanistan, à l’ordre donné par l’Adjudant Heselton de porter vos lunettes de protection balistique.

 

[2]               Il m’incombe maintenant, à titre de juge militaire présidant la Cour martiale permanente, de déterminer la peine. Le système de justice militaire constitue l’ultime recours pour faire respecter la discipline, qui est une dimension essentielle de l’activité militaire dans les Forces canadiennes. Ce système vise à prévenir l’inconduite ou, d’une façon plus positive, à promouvoir la bonne conduite. C’est grâce à la discipline que les forces armées s’assurent que leurs membres rempliront leurs missions avec succès en toute confiance et fiabilité. Le système veille également au maintien de l’ordre public et assure que les personnes assujetties au Code de discipline militaire sont punies de la même façon que toute autre personne vivant au Canada.

 

[3]               Il est reconnu depuis bien longtemps que l’objectif d’un système de justice ou de tribunaux militaires distincts est de permettre aux forces armées de s’occuper des questions liées au respect du Code de discipline militaire et au maintien de l’efficacité et du moral des Forces canadiennes. Cela étant dit, la peine infligée par un tribunal, qu’il soit militaire ou civil, devrait constituer l’intervention minimale nécessaire qui est adéquate dans les circonstances particulières. En l’espèce, le procureur de la poursuite a recommandé que la présente cour vous inflige une réprimande et vous inflige une amende de 1 000 $. D’autre part, votre avocat a recommandé que la présente cour vous inflige une amende de 500 $ afin de satisfaire aux exigences de la justice militaire.

 

[4]               Le prononcé d’une sentence devant une cour martiale a pour objectif essentiel d’assurer le respect de la loi et le maintien de la discipline, et ce, en infligeant des peines visant un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

a)                  protéger le public, y compris les Forces canadiennes;

 

b)                  dénoncer le comportement illégal;

 

c)                  dissuader le contrevenant et quiconque de commettre la même infraction;

 

d)                 isoler au besoin les contrevenants du reste de la société;

 

e)                  réadapter et réformer les contrevenants.

 

 

[5]               Lorsqu’elle prononce une sentence, la cour militaire doit également tenir compte des principes suivants :

 

a)                  la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction;

 

b)                  la peine doit être proportionnelle à la responsabilité du contrevenant et aux antécédents de celui‑ci;

 

c)                  la peine infligée doit être semblable à celle infligée à un contrevenant pour une infraction semblable commise dans des circonstances semblables;

 

d)                 le contrevenant ne doit pas être privé de sa liberté s’il est possible, dans les circonstances, d’infliger une peine moins contraignante. En bref, la cour ne doit infliger une peine d’emprisonnement ou de détention qu’en dernier ressort comme l’ont établi les cours d’appel, la Cour d’appel de la cour martiale et la Cour suprême du Canada;

 

e)                  enfin, toute peine doit être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l’infraction et à la situation du contrevenant.

 

[6]               La cour est d’avis que l’infliction d’une peine au contrevenant dans la présente affaire doit mettre l’accent sur les objectifs liés à la dénonciation et à l’effet dissuasif général et spécifique. Il est important de retenir que le principe de dissuasion général implique que la peine infligée devrait non seulement dissuader le contrevenant de récidiver, mais aussi dissuader toute autre personne qui se trouve dans une situation analogue de se livrer aux mêmes actes illicites.

 

[7]               La désobéissance à l’ordre légitime d’un supérieur constitue en soi une infraction militaire très grave. Comme l’a dit la Cour d’appel de la cour martiale dans les décisions Billard et Liwvy, il faut obéir à un ordre légitime en raison de sa fonction fondamentale au sein d’une force armée. Dans un contexte militaire, cela a un impact sur la cohésion et le moral des unités, car il s’agit de l’application du principe de l’obéissance et de l’appui à l’autorité légale, que tous les militaires des Forces canadiennes doivent servir. Être un soldat respectueux et responsable en toutes circonstances et en tout temps constitue un aspect fondamental sur lequel une force armée doit pouvoir compter pour garantir le succès de la mission.

 

[8]               Dans la présente affaire, le Soldat Butt savait avant de quitter le camp, à bord du véhicule, qu’il devrait porter ses lunettes de protection balistique une fois à l’extérieur du périmètre de sécurité, car un officier supérieur lui en avait donné l’ordre. Or, juste avant son départ, il s’est rendu compte qu’il ne les avait pas et, à partir de ce moment, il savait ou aurait dû savoir qu’il ne pourrait pas obéir à l’ordre donné à cet effet par l’Adjudant Heselton. Puis, tout en sachant qu’il ne serait pas en mesure d’obtempérer à cet ordre, une fois rendu sur les lieux, il est sorti du véhicule et il a décidé d’accomplir la tâche de déchargement du véhicule sans dire un mot sur sa situation. Ce n’est que lorsque l’Adjudant Heselton l’a questionné sur son défaut de respecter l’ordre qu’il a avoué qu’il ne pouvait agir conformément à cet ordre. Essentiellement, le Soldat Butt n’a jamais expressément refusé d’obéir à l’ordre, mais par ses actions, il a implicitement fait preuve d’une certaine négligence et insouciance dans les circonstances de l’affaire. Il connaissait la situation, mais il a choisi de désobéir à l’ordre sans rien faire pour en informer sa chaîne de commandement.

 

[9]               Pour arriver à déterminer ce qu’elle croit être une peine juste et appropriée, la cour a donc tenu compte des circonstances aggravantes et atténuantes suivantes :

 

a)                  La cour considère la gravité objective de l’infraction comme un facteur aggravant. Vous avez été déclaré coupable d’une infraction punissable aux termes de l’article 83 de la Loi sur la défense nationale pour avoir désobéi à un ordre légitime, le tout étant passible, au maximum, d’un emprisonnement à perpétuité ou d’une peine moindre.

 

b)                  Deuxièmement, la gravité subjective de l’infraction qui couvre trois aspects. Tout d’abord, il faut rappeler que cet incident s’est produit en théâtre opérationnel, lequel était considéré comme un environnement hostile qui obligeait les soldats à fonctionner avec tout leur équipement de protection personnel. De cette façon, cela minimise le risque de blessure et diminue également le risque que des soldats deviennent un certain fardeau pour les autres en raison des blessures subies durant l’exécution de la mission. En ne portant pas une partie de votre équipement de protection, vous avez mis votre vie et celle des autres en danger, ce que l’ordre légitime donné tentait d’éviter.

 

c)                  Il y a également le fait que vous commencez à avoir une certaine connaissance du système de justice militaire. L’existence d’une inscription sur votre fiche de conduite en 2009 démontre votre incapacité à l’occasion de remettre les choses en ordre pour éviter des conséquences fâcheuses sur vous et sur les autres. En plus du fait que vos superviseurs savaient très bien qu’il vous arrivait régulièrement de perdre des articles de votre équipement personnel au cours de cette mission, cela indique clairement à la cour que prendre soin de vous-même peut constituer un défi pour vous et une source de préoccupation constante pour les autres.

 

d)                 Enfin, vous comptiez assez d’expérience au moment de l’incident pour connaître et démontrer le genre de respect que vous devez témoigner à l’égard des commandements que vous recevez et des autorités qui veillent à leur application. Pendant un instant, vous ne vous êtes pas préoccupé de la situation et des conséquences pour vous et pour ceux qui vous entourent. Cette conduite était, et est toujours totalement inacceptable.

 

[10]           La cour considère comme atténuants les facteurs suivants :

 

a)                  Votre âge et votre potentiel de carrière au sein des Forces canadiennes; à 25 ans, vous avez de nombreuses années devant vous pour contribuer positivement à la société en général et aux Forces canadiennes.

 

b)                  Le fait que vous avez reconnu immédiatement la situation évidente dans laquelle vous vous trouviez et que vous avez clairement et pleinement expliqué à votre supérieur ce qui était la cause de votre défaut de vous conformer à l’ordre. Essentiellement, vous n’avez pas tenté d’excuser votre comportement.

 

c)                  Le fait d’avoir eu à faire face à cette cour martiale, dont la tenue publique a été annoncée, et qui a eu lieu en présence de certains de vos pairs, a certainement eu un effet dissuasif très important sur vous et sur eux. Le message est que le genre de conduite que vous avez eu en ce qui a trait à la désobéissance ne sera toléré d’aucune manière et que ce genre de comportement sera réprimé en conséquence.

 

d)                 L’absence de toute autre conséquence sur vous et sur les autres au moment de l’incident. Vous vous êtes essentiellement exposé à un risque de blessure pour une période de temps relativement courte et la situation a été rapidement réglée par votre supérieur sans qu’il n’y ait d’incidence sur la conduite et le succès de la mission.

 

[11]           En outre, il faut dire que la peine, quelle qu’elle soit, demeurera sur votre fiche de conduite tant que vous ne vous verrez pas accorder une réhabilitation pour le casier judiciaire que vous obtenez aujourd’hui. La réalité est que votre condamnation aujourd’hui entraînera une conséquence qu’on oublie souvent, à savoir que vous aurez désormais un casier judiciaire, ce qui n’est pas sans importance.

 

[12]           La gamme appropriée de peines pour des infractions de cette nature et dans un tel contexte va habituellement d’un blâme, à une réprimande et une amende et jusqu’à une amende seulement dans certains cas. La cour tient à rappeler qu’une réprimande constitue une peine sérieuse dans un contexte militaire. Elle est supérieure dans l’échelle des peines à une amende, quel que soit le montant. Elle reflète le doute que l’on a eu quant à l’engagement du militaire au moment de la commission de l’infraction. Elle reflète le sérieux accordé à l’infraction qui a été commise, mais aussi l’espoir réel de réhabilitation qui existe chez le contrevenant. Compte tenu de la nature de l’infraction, des principes applicables de détermination de la peine, notamment celui des peines infligées par des tribunaux militaires à des contrevenants comparables pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables, compte tenu enfin des facteurs aggravants et atténuants exposés ci-dessus, je suis d’avis qu’une réprimande et une amende semblent constituer la peine la moins sévère indiquée et nécessaire en l’espèce.

 

[13]           Pour ce qui est du montant de l’amende, la cour ne pense pas que le montant que propose le procureur de la poursuite reflèterait réellement une peine proportionnée à la gravité de l’infraction et aux antécédents du contrevenant particulièrement dans un contexte où une amende est combinée à une réprimande. La Cour conclut qu’une amende de 250 $ représenterait davantage la portée réelle de ce principe. Comme l’ont dit souvent des juges militaires qui prononcent une sentence, une peine juste et équitable doit tenir compte de la gravité de l’infraction et de la responsabilité du contrevenant dans le contexte précis de l’espèce. De l’avis de la cour, une réprimande combinée à une amende de 250 $ constitue une peine minimale appropriée et une peine adaptée à l’infraction.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[14]           Vous CONDAMNE à une réprimande et à une amende de 250 $, laquelle est payable immédiatement.


 

Avocats :

 

Capitaine de corvette S. Torani, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Capitaine de corvette B. Walden, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du Soldat M. E. Butt

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