Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 3 juin 2010

Endroit : Base des Forces canadiennes Petawawa, Édifice L-106, Petawawa (ON)

Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats
•VERDICT : Chef d'accusation 1 : Coupable.
•SENTENCE : Mat1 McCabe : un blâme et une amende au montant de 4000$ et Cpl Gibson : un blâme et une amende au montant de 3000$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R. c. McCabe et Gibson, 2010 CM 2008

 

Date : 20100604

Dossier : 201026

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Petawawa

Petawawa (Ontario), Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Matelot de 1re classe J.D. McCabe et Caporal D.A. Gibson, contrevenants

 

 

En présence du Capitaine de frégate P.J. Lamont, J.M.

 


 

[TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE]

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]               Matelot de 1re classe McCabe et Caporal Gibson, la cour, ayant accepté et inscrit vos plaidoyers de culpabilité relativement au chef d’accusation mentionné à l’acte d’accusation, à savoir conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline, en raison d’un comportement de harcèlement contraire à la DOAD 5012-0, vous déclare tous les deux coupables de cette infraction.

 

[2]        Il m’incombe maintenant de déterminer et de prononcer la peine à vous infliger. Pour ce faire, j’ai pris en considération les principes de détermination de la peine qu’appliquent les tribunaux civils de juridiction criminelle au Canada et les cours martiales. J’ai également examiné les faits de la présente affaire qui sont décrits dans le sommaire des circonstances, pièce portant la cote 19, les autres documents soumis au cours de l’audience et les observations des avocats de la poursuite et de la défense, ainsi que les observations présentées par vous, Caporal Gibson, pour votre propre compte.

 

[3]        Les principes de détermination de la peine guident la cour dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de fixer une peine appropriée et propre à chaque cas. La peine doit essentiellement être proportionnée à la gravité de l’infraction, à la culpabilité ou au degré de responsabilité du contrevenant et aux antécédents de celui‑ci. La cour se fonde sur les peines infligées par d’autres tribunaux dans des affaires antérieures semblables, non qu’elle se croie tenue d’imiter servilement les précédents, mais parce que son sens commun de la justice veut que les affaires semblables soient réglées de manière semblable. Néanmoins, lorsqu’elle inflige la peine, la cour tient compte des nombreux facteurs qui caractérisent l’affaire particulière dont elle est saisie, qu’il s’agisse des circonstances aggravantes susceptibles de justifier une peine plus sévère ou des circonstances atténuantes susceptibles d’en diminuer la sévérité.

 

[4]        Les buts et les objectifs de détermination de la peine ont été formulés de diverses manières dans de nombreuses affaires antérieures. En règle générale, ils visent à protéger la société dont, bien entendu, les Forces canadiennes font partie, en favorisant le développement et le maintien d’une société juste, paisible, sûre et respectueuse des lois. Fait important dans le contexte des Forces canadiennes, ces objectifs comprennent le maintien de la discipline, cette habitude d’obéissance si nécessaire à l’efficacité d’une force armée.

 

[5]        Les buts et les objectifs de détermination de la peine comprennent également la dissuasion individuelle, de manière à éviter toute récidive du contrevenant, et la dissuasion générale, de manière à éviter que d’autres ne soient tentés de suivre son exemple. La peine a également pour objet d’assurer la réinsertion sociale du contrevenant, de l’amener à développer son sens des responsabilités et de dénoncer les comportements illégaux. Un ou plusieurs de ces buts et objectifs prédomineront inévitablement dans la détermination d’une peine juste et appropriée dans un cas donné, mais il ne faudrait pas oublier néanmoins que la cour chargée de déterminer la peine doit tenir compte de chacun de ces buts et qu’une peine juste et appropriée doit refléter une combinaison judicieuse de ces buts qui soit adaptée aux circonstances particulières de l’espèce.

 

[6]        Comme je vous l’ai expliqué lorsque vous avez chacun présenté votre plaidoyer de culpabilité, l’article 139 de la Loi sur la défense nationale prévoit les peines possibles qui peuvent être infligées par les cours martiales. Les peines possibles sont limitées par la disposition législative qui crée l’infraction et prescrit une peine maximale. Une seule sentence est rendue à l’égard du contrevenant, qu’il soit déclaré coupable d’une ou de plusieurs infractions, mais cette sentence peut comprendre plusieurs peines. Un principe important veut que la cour inflige la peine la moins sévère propre au maintien de la discipline.

 

[7]        Pour déterminer les peines applicables dans la présente affaire, j’ai tenu compte des conséquences directes et indirectes que le verdict de culpabilité et la peine que je m’apprête à prononcer auront sur les deux contrevenants. 

 

Les faits de l’infraction ne sont pas compliqués et sont exposés dans la pièce 19, le sommaire des circonstances. Ils se résument comme suit :

 

Pendant la formation de technicien médical NQ3 qu’ils ont reçue entre mai et septembre 2008, les deux contrevenants ont à maintes reprises intimidé et rabaissé quatre compagnes de classe en employant un langage vexant et dégradant à l’endroit, semble‑t‑il, des victimes directement et, dans certains cas, à l’endroit d’autres personnes, mais concernant les victimes. 

 

Ni l’un ni l’autre des contrevenants n’a expliqué ni même justifié ce comportement qui, à mon sens, est directement visé par la DOAD 5012-0 intitulée « Prévention et résolution du harcèlement » et qui ne doit donc pas être toléré dans les Forces canadiennes. 

 

Le matelot de 1re classe McCabe est allé jusqu’à toucher plusieurs fois avec ses mains les fesses de l’une des soldates par‑dessus ses vêtements. C’est pourquoi j’estime que le comportement de harcèlement du matelot de 1re classe McCabe avait dans une certaine mesure un caractère sexuel. 

 

[8]        La poursuite demande à l’égard du matelot de 1re classe McCabe un blâme et une amende de 4 000 $. L’avocat du matelot de 1re classe McCabe soutient qu’une réprimande et une amende de 800 $ seraient appropriées. Le caporal Gibson, qui a comparu sans avocat et qui assurait lui‑même sa défense, n’a pas proposé de peine particulière, mais il a fait siennes les observations formulées par l’avocat de la défense représentant le matelot de 1re classe McCabe. À l’invitation de la cour de se prononcer sur ce point, toutes les parties semblaient s’entendre pour dire qu’une peine d’emprisonnement n’était pas justifiée. 

 

[9]        L’infraction comporte certains aspects très aggravants. Contrairement à tous les précédents en matière de détermination de la peine par une cour martiale pour une infraction de cette nature qui ont été invoqués par les avocats, la présente affaire intéressait plusieurs victimes. La conduite reprochée a duré plusieurs mois, jusqu’à ce que les plaintes soient portées à l’attention d’une personne qui a finalement pris des mesures à cet égard.

 

[10]      Les conséquences de la conduite reprochée sur les quatre victimes varient mais, pour toutes, elles ont été graves et ont amené, pour le moins, certaines d’entre elles à abandonner ce cours de formation professionnelle. L’une d’elles présente encore ce qu’elle a décrit comme étant [traduction] « beaucoup de crainte et d’angoisse à l’idée d’être affectée à une base » où le caporal Gibson pourrait travailler. Les autres ont dû demander de l’aide psychologique pour contrer les effets de ce comportement à leur égard.

 

[11]      Les deux contrevenants avaient eu l’avantage de recevoir une formation dans le domaine de la prévention et de la résolution du harcèlement; des enseignements dont ils n’ont manifestement pas tenu compte. En outre, le matelot de 1re classe McCabe, était enquêteur et conseiller qualifié en matière de harcèlement à l’époque où il a commis l’infraction. Il lui incombait nettement non seulement de s’abstenir d’avoir ce genre de comportement mais aussi d’empêcher les autres, comme le coaccusé, d’avoir ce genre de comportement.

 

[12]      Il est indéniable, en raison de leur rang ou de leurs états de service, ou des deux, que les contrevenants étaient plus expérimentés dans ce cours en particulier par rapport aux quatre soldates. Pour cette raison, ils étaient censés adopter le comportement à inculquer à des militaires de rang moins élevé et, dans ce rôle, ils ont tous les deux lamentablement passé à côté de ce qu’on pouvait normalement s’attendre d’eux.

 

[13]      Je tiens compte de plusieurs facteurs atténuants. Les deux contrevenants ont plaidé coupables, ce qui a permis d’éviter aux victimes le supplice d’avoir à revivre les événements en témoignant devant la cour. Le caporal Gibson, en particulier, est bien apprécié de ses supérieurs et de ses collègues de travail et il est d’une aide précieuse dans son métier de technicien médical. Il s’agit d’une première infraction pour les deux contrevenants dont les états de service étaient par ailleurs sans tache. De plus, pour des raisons qui n’ont pas été expliquées à la cour, il s’est écoulé depuis la commission de l’infraction une période de temps considérable durant laquelle les deux contrevenants se sont, semble‑t‑il, bien comportés.

 

[14]      Par ailleurs, j’ai noté que le caporal Gibson, en particulier, semble peu conscient de la gravité de cette infraction. Lorsqu’il s’est adressé à la cour, il a parlé de [traduction] « dramatisation exagérée » pour décrire la réaction à l’infraction. Il n’a pas encore parfaitement compris que les comportements de harcèlement de ce genre qui sont visés par la DOAD 5012-0 minent la confiance mutuelle et le respect qui doivent caractériser les relations personnelles entre les membres d’une force armée efficace. Comme je l’ai souligné dans une affaire antérieure, le comportement de harcèlement est l’antithèse du respect et il compromet directement la capacité des Forces canadiennes à accomplir ses importantes tâches.

 

[15]      J’accepte ce qui est implicite dans les observations de la poursuite, à savoir que les rôles et les comportements différents des deux contrevenants justifient une différence dans les peines à infliger à chacun. J’ai longuement réfléchi à la possibilité d’infliger aux deux contrevenants une peine d’emprisonnement malgré les positions adoptées par les parties devant la cour. Il s’agit d’un cas très serré. Si l’affaire avait été amenée devant la cour sans tarder ou s’il existait des éléments de preuve pour étayer la conclusion suivant laquelle la défense était en grande partie responsable du retard avant le début de l’instance, je peux vous dire que vous partiriez tous les deux pour Edmonton aujourd’hui. Je sais que vous savez pertinemment tous les deux ce que je veux dire.

 

[16]      Matelot de 1re classe McCabe, vous êtes condamné à un blâme et à une amende de 4 000 $. L’amende devra être payée au moyen de versements mensuels de 400 $ chacun, à partir du 1er juillet 2010 et pour les neuf mois suivants. Le cas advenant que vous soyez libéré des Forces canadiennes pour une raison quelconque avant le paiement complet de l’amende, le solde à payer sera dû et exigible le jour précédant votre libération.

 

[17]      Caporal Gibson, vous êtes condamné à un blâme et à une amende de 3 000 $. L’amende devra être payée au moyen de versements mensuels de 300 $ chacun, à partir du 1er juillet 2010 et pour les neuf mois suivants. Le cas advenant que vous soyez libéré des Forces canadiennes pour une raison quelconque avant le paiement complet de l’amende, le solde à payer sera dû et exigible le jour précédant votre libération.


 

Avocats :

 

Major S.A. MacLeod, Service canadien des poursuites militaires

Avocat de Sa Majesté la Reine

 

Lieutenant de vaisseau M.P. Létourneau, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du matelot de 1re classe J.D. McCabe

 

Caporal D.A. Gibson, 2e Ambulance de campagne, Petawawa

Pour son propre compte

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