Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 22 juillet 2014.

Endroit : BFC Bagotville, édifice 81, rue Windsor, Alouette (QC).

Chefs d’accusation
•Chefs d’accusation 1, 2 : Art. 101.1 LDN, a omis de se conformer à une condition imposée sous le régime de la section 3.
•Chefs d’accusation 3, 4 : Art. 90 LDN, s’est absenté sans permission.

Résultats
•Verdicts : Chefs d’accusation 1, 3 : Coupable. Chefs d’accusation 2, 4 : Retirés.
•Sentence : Détention pour une période de cinq jours. L’exécution de la peine de détention a été suspendue.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R c Lévesque, 2014 CM 3012

 

Date : 20140722

Dossier : 201402

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Bagotville

Bagotville (Québec) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Caporal N.P. Lévesque, contrevenant

 

 

Devant : Lieutenant-colonel L.-V. d'Auteuil, J.M.


 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Oralement)

 

[1]               Caporal Lévesque, la cour accepte et enregistre votre plaidoyer de culpabilité relativement aux premier et troisième chefs d'accusation figurant à l'acte d'accusation et, par le fait même,  vous déclare coupable aujourd'hui de ces deux infractions. Considérant que les deuxième et quatrième chefs d'accusation ont été retirés, il n'y a pas d'autres chefs que la cour doit traiter.

 

[2]               Maintenant, il m'incombe à titre de juge militaire présidant la présente cour martiale de déterminer la peine à être infligée au caporal Lévesque.

 

[3]               Le système de justice militaire constitue l'ultime recours pour faire respecter la discipline qui est une dimension essentielle de l'activité militaire dans les Forces canadiennes. Ce système vise à prévenir l'inconduite ou d'une façon plus positive à promouvoir la bonne conduite. C'est grâce à la discipline que les Forces armées s'assurent que leurs membres rempliront leur mission avec succès de manière fiable et confiante. Le système veille également au maintien de l'ordre public et assure que les personnes assujetties au Code de discipline militaire sont punies de la même façon que toute autre personne vivant au Canada. Dans l'arrêt R c Généreux, [1992] 1 RCS 259, à la page 293, la Cour suprême du Canada a reconnu ce qui suit :

 

Pour que les Forces armées soient prêtes à intervenir, les autorités militaires doivent être en mesure de faire respecter la discipline interne de manière efficace.

 

 

Elle a aussi souligné que dans le contexte particulier de la justice militaire :

 

Les manquements à la discipline militaire doivent être réprimés promptement et, dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil. 

 

[4]               Or le droit ne permet pas à un tribunal militaire d'imposer une sentence qui se situerait au-delà de ce qui est requis dans les circonstances de l'affaire. En d'autres mots, toute peine infligée par le tribunal doit être individualisée et représenter l'intervention minimale requise puisque la modération est le principe fondamental des théories modernes de la détermination de la peine au Canada.

 

[5]               Ici, le procureur de la poursuite et l'avocat du contrevenant ont présenté une recommandation conjointe quant à la peine à être infligée. Ils ont recommandé que la cour impose au caporal Lévesque de la détention pour une période de cinq jours. Bien que la cour ne soit pas liée par cette recommandation conjointe, il est généralement reconnu que le juge qui prononce la peine ne devrait s'en écarter que lorsqu'il a des raisons impérieuses de le faire. Ces raisons peuvent notamment découlées du fait que la peine n'est pas adéquate, qu'elle est déraisonnable, qu'elle va à l'encontre de l'intérêt public, ou qu'elle a pour effet de jeter le discrédit sur l'administration de la justice. À cet effet, voir R c Taylor, 2008 CACM 1, au paragraphe 21. Je me dois aussi de mentionner le fait que les deux parties ont suggéré à la cour qu'elle suspende l'exécution de la sentence de détention.

 

[6]               L'objectif fondamental de la détermination de la peine par une cour martiale est d'assurer le respect de la loi et le maintien de la discipline par l'infliction de peines visant un ou plusieurs objectifs :

 

a)                  protéger le public, y compris les Forces canadiennes;

 

b)                  dénoncer le comportement illégal;

 

c)                  dissuader le contrevenant et quiconque de commettre les mêmes infractions;

 

d)                 isoler, au besoin, les contrevenants du reste de la société; et

 

e)                  réadapter et réformer les contrevenants.

 

[7]               Les peines infligées qui composent la sentence imposée par un tribunal militaire doivent également prendre en compte les principes suivants :

a)                  la proportionnalité par rapport à la gravité de l'infraction;

 

b)                  la responsabilité du contrevenant et les antécédents de celui-ci;

 

c)                  l'harmonisation des peines, c'est-à-dire l'infliction de peines semblables à celles infligées à des délinquants pour des infractions semblables commises dans des circonstances similaires;

 

d)                 le cas échéant, le contrevenant ne doit pas être privé de liberté si une peine moins contraignante peut être justifiée dans les circonstances, en bref la cour ne devrait avoir recours à une peine d'emprisonnement ou de détention qu'en dernier ressort, comme l'ont établi la Cour d'appel de la cour martiale et la Cour suprême du Canada; et

 

e)                  enfin, toute peine devrait être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration des infractions et à la situation du contrevenant.

 

[8]               Je conclus que dans les circonstances particulières de l'espèce, la peine doit viser surtout les objectifs de dénonciation et de dissuasion générale. Il faut se rappeler que la dissuasion générale ne vise pas seulement le contrevenant mais aussi tout autre militaire qui serait tenté de commettre des infractions similaires ou semblables et de décourager ces gens de les commettre.

 

[9]               Le caporal Lévesque était depuis le 12 mars 2012 à l'effectif du 1er Hôpital de campagne du Canada à la base des Forces canadiennes Petawawa en Ontario. En mai 2013, considérant des restrictions de nature médicale, le caporal Lévesque devait être présent au travail seulement du lundi au vendredi de 13 h à 15 h 30.

 

[10]           Le 6 mai 2013, le caporal Lévesque ne s'est pas présenté au travail à 13 h comme convenu. Un membre de sa chaîne de commandement est entré en contact avec lui et lui a indiqué de se présenter le lendemain.

 

[11]           Le 7 mai 2013, il ne s'est toujours pas présenté au travail à 13 h. Il a encore été contacté et on lui a ordonné de se présenter au travail. Le soir du 7 mai 2013, le commandant a émis un mandat d'arrestation à l'endroit du caporal Lévesque. Le 8 mai 2013, le caporal Lévesque ne s'est pas présenté à un rendez-vous médical le matin à l'hôpital de la base de Petawawa. Il ne s'est pas présenté le même jour au travail à 13 h, à son endroit où il devait exécuter son devoir. En après-midi, il a donc été arrêté en vertu du mandat d'arrestation qui avait été émis. Le soir même, il a été remis en liberté sous certaines conditions incluant le fait de se présenter du lundi au vendredi à 13 h et à 15 h au Duty Centre du 1er Hôpital de campagne à moins d'être autorisé à ne pas le faire. Un membre de sa chaîne de commandement s'est assuré qu'il comprenait que sa présence était requise au 1er Hôpital de campagne à 13 h le lendemain 9 mai 2013.

 

[12]           Le 9 mai 2013, le caporal Lévesque ne s'est toujours pas présenté au 1er Hôpital de campagne tel que requis. Les policiers militaires ont procédé à son arrestation cette journée-là. L'officier réviseur de l'unité n'a pas remis le caporal Lévesque en liberté.

 

[13]           Le 14 mai 2013, une audition concernant la révision de la détention du caporal Lévesque a eu lieu devant un juge militaire à Petawawa et il a été remis en liberté sous certaines conditions. Le 15 novembre 2013, le caporal Lévesque a été transféré à la base des Forces canadiennes Bagotville où il poursuit ses traitements médicaux près de sa famille.

 

[14]           Il est bon de rappeler que les types d'infractions qui sont devant la cour sont directement liés à certaines obligations d'ordre éthique dont celles reliées à la responsabilité et à la fiabilité. Pour un militaire du rang, tout comme pour un officier, être fiable en tout temps est plus qu'essentiel pour l'exécution de toute tâche ou mission au sein des Forces armées peu importe la fonction ou le rôle dont il doit s'acquitter.

 

[15]           Maintenant pour en arriver à ce qu'elle estime être une peine juste et appropriée, la cour a tenu compte des facteurs aggravants suivants :

 

a)                  D'abord il y a la gravité objective des infractions. Vous avez été accusé de deux infractions, l'une prévue à l'article 90 de la Loi sur la défense nationale, et l'autre à l'article 101.1 de la Loi sur la défense nationale, et les deux sont punissable d'un emprisonnement de moins de deux ans ou d'une peine moindre;

 

b)                  Il y a aussi la gravité subjective de l'infraction, et je retiens deux éléments relativement à ça;

 

                                            i.            D'abord il y a votre grade, caporal, et votre expérience. Ça fait quand même quelques années que vous êtes au sein des Forces canadiennes. Au moment où vous avez décidé de ne pas vous présenter tel que convenu et tel que vous y étiez engagé puisque c'était une condition, vous saviez très bien les conséquences auxquelles vous vous exposiez. Je ne nie pas qu'il y avait un contexte dans lequel vous l'avez fait, mais, comme militaire, vous connaissiez ces conséquences et vous saviez l'importance que cela représentait de vous présenter et en omettant de le faire, compte tenu de tout ce que vous connaissez sur la vie militaire et de l'importance d'être fiable, vous saviez très bien ce que vous faisiez à ce moment-là,

 

                                          ii.            Il y a aussi le contexte. Je comprends des circonstances que l'unité a eu une approche progressive à votre égard. Elle vous a donné des avertissements, a pris une approche d'abord administrative pour vous aviser des conséquences. Tout ça révèle à la cour qu'il y a une forme de préméditation puisque vous n'avez pas manqué qu'à une seule reprise, mais à plusieurs reprises auparavant, ce qui fait en sorte que ce n'est pas d'une manière spontanée ou d'une manière accidentelle quelconque où vous vous êtes retrouvé à ne pas vous présenter tel que requis. Définitivement, vous n'étiez pas là et vous l'avez fait de manière délibérée en toute connaissance de cause.

 

[16]           Maintenant il y aussi des facteurs atténuants que la cour retient qui sont les suivants :

 

a)                  D'abord il y a votre plaidoyer de culpabilité. Votre aveu de culpabilité est un signe clair, authentique de remords, mais surtout il révèle le fait que vous assumez pleinement la responsabilité de vos actes que vous avez commis dans les circonstances;

 

b)                  La cour retient aussi l'absence d'annotation sur votre fiche de conduite relativement à la commission d'une infraction de même nature ou de toute autre nature. Je retiens que je n'ai aucune indication que vous avez commis une infraction militaire ou une infraction criminelle quelconque de nature identique liée aux évènements qui sont devant la cour, en fait, vous n'avez eu aucune condamnation dans le passé et cela joue en votre faveur;

 

c)                  Je retiens aussi le fait que vous avez dû vous présenter devant la présente cour martiale qui demeure un évènement particulier ayant, à mon avis, un effet dissuasif sur vous mais aussi sur tous les autres membres de la communauté militaire;

 

d)                 Je retiens aussi qu'il s'agit d'un incident isolé. Il s'agit d'un comportement qui est plutôt inhabituel pour vous, compte tenu de tout ce qu'on m'a exposé vous concernant aujourd'hui et qu'il y a aussi un contexte médical qui explique le fait que vous auriez pu manquer de jugement au moment de la commission des infractions; et

 

e)                  En effet ces circonstances médicales-là, je dois les retenir aussi comme facteur atténuant, et je pense qu'ils ont joué un certain rôle sur la façon dont vous avez commis les infractions.

 

[17]           Les avocats ont déposé une cause devant la cour qui est R c Crossman, 2013 CM 1004. J'ai pris la peine de faire le tour rapidement de la jurisprudence impliquant des sentences ayant des infractions qui sont identiques à celles devant la cour aujourd'hui, c'est-à-dire l'absence sans permission et le défaut de se conformer à une condition. Afin d'avoir un portrait plus général, parce que les avocats, comme je l'ai exprimé, ont fait une suggestion commune mais qui consiste en de la détention, mais dans les circonstances, j'étais curieux de savoir qu'est-ce qui en était de façon plus spécifique, alors au lieu de revenir devant la cour puis de demander aux avocats de me fournir ça, je l'ai fait moi-même. Ce ne sont pas des circonstances identiques, j'en suis conscient, mais je retiens entre autre : R c Nicholson, 2009 CM 1015, où il y a eu une sentence de destitution du service de Sa Majesté; R c Billinsgley, 2009 CM 2016, où il y a eu de la détention et de la destitution; R c Rozell, 2004 CM 59, où il y a eu de l'emprisonnement et une amende; R c O'Toole, que j'avais mentionné, 2012 CM 1010, qui est la seule cause que j'ai vu qui réfère à une réprimande et une amende; R c Heideman, c'est une de mes décisions, 2013 CM 3004, une suggestion commune, j'ai imposé la destitution du service de Sa Majesté; R c Coombs, 2011 CM 3006, une autre de mes décisions dans laquelle j'y imposais la suggestion commune des parties, une détention de 23 jours, c'est-à-dire 35 jours moins 12 jours déjà purgés en détention préventive et une amende. Et lorsque je place l'ensemble de ces circonstances, et je vais vous dire j'ai fait une recherche très sommaire, je comprends que quand on est dans une situation d'absence sans permission et du non-respect d'une condition, telle que soulignée par les parties, la réprobation morale est un peu plus grande relativement à la combinaison de ces deux infractions-là, et ce que je vois c'est sûr que c'est des causes souvent qu'il y a avait plus qu'une infraction ou des périodes d'absence sans permission pouvaient être un peu plus grande mais il y avait aussi des conditions qui n'avaient pas été respectées, la combinaison de ces éléments m'amène à croire que l'emprisonnement, la destitution et la détention étaient plus souvent utilisés que la réprimande ou l'amende lorsqu'on avait la combinaison de ces infractions-là.

 

[18]           Il faut souligner que la détention telle que suggérée par les parties et je vais paraphraser la Note A de l'article 104.09 des ORFC, la détention est une punition qui vise à d'abord à réhabiliter les détenus militaires, parce qu'on tente de leur redonner l'habitude d'obéir dans un cadre militaire et à cet effet ils sont soumis à un régime d'entraînement particulier lorsqu'ils sont en détention qui insiste sur les valeurs et les compétences qui sont propres aux Forces armées canadiennes.

 

[19]           De plus, lorsque les gens sont en détention, ils peuvent dépendant des périodes, évidemment là, puis je n'ai pas de preuve, mais ils peuvent quand même avoir accès à des soins spécialisés ou à des programmes d'orientation si le besoin s'en fait sentir. De plus, la peine de détention, puisqu'on dit que ça vise à réhabiliter, prévoit habituellement qu'une fois que la peine a été purgée que le militaire retourne directement à son unité.

 

[20]           Donc c'est le but de la réhabilitation et c'est dans ce sens que je le prends, c'est dans ce sens que je comprends que les parties ont soumis leur suggestion, c'est-à-dire qu'il y a eu un écart de conduite, un écart de conduite qui est plus que l'absence sans permission, on l’a avisé, on l’a mis sous condition en disant qu'il allait faire l'objet d'accusations donc il était formellement avisé et malgré cela, il n'a pas eu le réflexe qu'on s'attend de tout militaire c'est-à-dire se soumettre aux conditions qui lui étaient imposées et a une condition particulière.

 

[21]           La suggestion commune peut sembler élevée dans les circonstances, mais je considère quand même qu'elle est raisonnable compte tenu de la combinaison des infractions et de leur nature; des circonstances, telles que soulignées par la poursuite entre autre le contexte, ce n'était pas quelque chose qui est arrivé soudainement tout d'un coup mais l'unité a travaillé sur ces aspects-là avant d'arriver à quelque chose de plus formel en terme d'accusation; il y a aussi les principes et objectifs dont je parlais, c'est-à-dire la dénonciation, la dissuasion générale qui sont rencontrés par la détention; et aussi une forme de parité, comme je disais, c'est quelque chose qui est quand même puni sévèrement quand on parle de la combinaison des deux infractions. Donc dans les circonstances, la suggestion sous forme de détention n'apparait pas déraisonnable à la cour.

 

[22]           Au niveau de la durée, évidemment, ceci a un autre impact. Je considère la détention préventive qui a été faite pour une période de cinq jours et ce qui est suggéré, cinq jours de détention, ne m'apparait pas déraisonnable, au contraire, il s'agit d'une très courte période de détention et elle semble justifiée dans les circonstances. Donc en conséquence, la cour accepte la recommandation conjointe des avocats quant à la peine relativement à condamner le caporal Lévesque à une peine de détention de cinq jours étant donné que cela ne va pas à l'encontre de l'intérêt public et n'est pas susceptible de déconsidérer l'administration de la justice.

 

[23]           Maintenant ceci dit, les parties m'ont aussi soumis le fait que je devrais suspendre l'exécution de la peine de détention. L'article 215 de la Loi sur la défense nationale se lit comme suit :

 

Le tribunal militaire peut suspendre l’exécution de la peine d’emprisonnement ou de détention à laquelle il a condamné le contrevenant.

 

[24]           Simplement vous rappelez que cet article se situe à la section 8 du Code de discipline militaire contenu dans la Loi sur la défense nationale et qui a pour sujet les « Dispositions applicables à l'emprisonnement et à la détention ». La suspension de l'exécution d'une peine d'emprisonnement ou de détention est un pouvoir discrétionnaire et exceptionnel qui peut être exercé par un tribunal militaire ce qui inclut la cour martiale. Il s'agit d'un pouvoir différent de celui prévu à l'article 731 du Code criminel qui permet à un tribunal civil de juridiction criminelle de sursoir au prononcé d'une peine tout en soumettant un contrevenant à une probation ou encore à ce qui est prévu à l'article 742.1 du Code criminel relatif à l'emprisonnement avec sursis qui permet toujours à un tribunal de juridiction criminelle de condamner un contrevenant à purger une peine d'emprisonnement dans la collectivité.

 

[25]           Comme je l'ai noté dans une série de décisions, là je réfère aux décisions de R c Paradis, 2010 CM 3025, R c Zammitti, 2010 CM 3024, R c Wilcox, 2011 CM 3012, R c Masserey, 2012 CM 3004 et R c Vézina, 2013 CM 3015, décisions que j'ai rendues là depuis 2010, 2011, 2012, 2013 et j'en ai une autre ici en 2014, il n'y a pas de critères particuliers énumérés dans la Loi sur la défense nationale pour l'application de l'article 215.

 

[26]           L'interprétation que j'en ai fait, et qui a été reprise aussi par d'autres juges militaires, est que si l'accusé démontre par prépondérance de preuve l'existence de circonstances particulières qui lui sont propres ou d'exigences opérationnelles propres aux Forces canadiennes justifiant alors la nécessité de suspendre l'exécution de la sentence d'emprisonnement ou détention, alors la cour émettra une telle ordonnance. Mais d'un autre côté, avant d'arriver à cette conclusion, la cour se devra de déterminer si la suspension de cette peine ne minera pas la confiance du public dans le système de justice militaire en tant qu'élément du système de justice canadien en général. Donc il s'agit ici qu'il y ait une démonstration par prépondérance de preuve de circonstances particulières.

 

[27]           Je retiens de la preuve, et particulièrement du témoignage du caporal Lévesque, qu'il y a eu un changement d'environnement qui a été effectué pour favoriser sa réhabilitation, changement d'environnement visant entre autre chose à avoir un meilleur soutien familiale, ce que cela a favorisé depuis novembre 2013, une amélioration appréciable sur le plan médical particulièrement sur le plan psychologique de la condition du caporal Lévesque et ce qui lui permet aujourd'hui d'affirmer à la cour qu'il entend faire un retour à temps plein dans son métier éventuellement. Il est dans une phase de réhabilitation sans aucun problème incluant aucun problème disciplinaire depuis novembre 2013. Et je dois souligner, Caporal Lévesque, que depuis cet incident-là qui est arrivé le 9 mai 2013 et auquel a référé votre avocat comme étant peut-être un peu le fond du baril si vous voulez, vous avez réussi à vous réintégrer d'une certaine manière dans la vie militaire et vous avez l'objectif de vous réintégrer totalement au sein de la vie militaire et vous prenez, à ce que je comprends, tous les moyens nécessaires pour le faire. À mon avis, l'ensemble de ces faits constituent une preuve de circonstances exceptionnelles et il a été prouvé par prépondérance de preuve qu'il serait approprié dans les circonstances de suspendre l'exécution de la peine de détention de cinq jours. Et à mon avis, cette suspension compte tenu de l'ensemble des circonstances qui sont connues aujourd'hui et que vous avez exposées devant la cour, caporal Lévesque, ne minerait pas la confiance du public dans le système de justice militaire en tant qu'élément du système de justice canadien en général. Essentiellement, je ne pense pas que le public commencerait à douter de l'efficacité du système de justice militaire si vous ne purgiez pas votre peine compte tenu des circonstances. Maintenant c'est quelque chose qui est très spécifique ici et qui s'applique à la présente cause.

 

[28]           J'espère que vous allez continuer vos efforts parce que vous avez démontré que vous avez une persévérance puis un désir de vous en sortir et que l'incident pour lequel on est ici aujourd'hui est une exception, jusqu'à date vous en avez fait la preuve, et je vous souhaite bonne chance dans ce qui s'en vient parce que ce n'est pas terminé et vous devrez continuer à faire preuve de courage puis de détermination, puis j'espère que votre famille va continuer à vous soutenir dans votre démarche.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

 

[29]           DÉCLARE le caporal Lévesque coupable des infractions visées aux premier et troisième chefs d'accusation.

 

[30]           CONDAMNE le contrevenant à une peine de détention pour une durée de cinq jours.

 

ET

 

[31]           SUSPEND l'exécution de la peine de détention de cinq jours.


Avocats :

 

Major J.E. Carrier, Service canadien des poursuites militaires

Avocat de la poursuivante

 

Major J.L.P.L. Boutin, Service d'avocats de la défense.

Avocat pour le caporal N.P. Lévesque

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