Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 5 février 2008.
Endroit : Fort Saint-Jean, édifice De Léry, pièce 2070, Saint-Jean (QC).
Chef d’accusation:
• Chef d’accusation 1 : Art. 129 LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
Résultats:
• VERDICT : Chef d’accusation 1 : Coupable.
• SENTENCE : Une amende au montant de 200$.

Contenu de la décision

Référence : R. c. Élève-officier J.P.S. Maheu, 2008 CM 1014

 

Dossier : 200725

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

FORT SAINT-JEAN

ST-JEAN SUR LE RICHELIEU

QUÉBEC

 

Date : 5 février 2008

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU COLONEL MARIO DUTIL, JUGE MILITAIRE EN CHEF

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

Poursuivante

c.

ÉLÈVE-OFFICIER J.P.S. MAHEU

(Accusé)

 

 

SENTENCE

(Oralement)

 

[1]                    Élève-officier Maheu, la cour ayant accepté et enregistré votre aveu de culpabilité au 1er chef d'accusation pour un acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline contrairement à l’article 129 de la Loi sur la défense nationale, la cour vous trouve maintenant coupable de ce chef d’accusation.  L’infraction s’est produite lorsque vous avez enfreint la programme des Forces canadiennes sur le contrôle des drogues en consommant un joint de cannabis (marihuana) le ou vers le 30 juillet 2006 dans les environs de Thetford Mines lors d’un congé de fin de semaine en présence d’amis civils.  Il s’agit d’une contravention directe à l’article 20.04 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes.

 

[2]                    La Cour suprême du Canada a reconnu dans l’arrêt R. c. Généreux  que « pour que les Forces armées soient prêtes à intervenir, les autorités militaires doivent être en mesure de faire respecter la discipline interne de manière efficace. »  La Cour suprême a souligné que dans le contexte particulier de la discipline militaire, les manquements à la discipline devaient être réprimés promptement et, dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil. Mais même élevé au niveau des principes, cet énoncé émis par la Cour suprême ne permet toutefois pas à un tribunal militaire d’imposer une sentence composée d’une ou plusieurs peines  qui se situeraient au-delà de ce qui est requis dans les circonstances d'une affaire donnée.  En d’autres mots, toute peine infligée par un tribunal, qu’il soit civil ou militaire, doit toujours représenter  l’intervention minimale requise.

 

[3]                    En déterminant la sentence qu’elle estime être appropriée et minimale dans les circonstances, la Cour a pris en compte les circonstances entourant la commission de l'infraction telles que révélées par le sommaire des circonstances dont vous avez accepté la véracité, la preuve documentaire déposée devant la cour ainsi que les plaidoiries des avocats.

 

[4]                    Les circonstances de  cette affaire sont simples.  Le 30 juillet 2006 alors que vous étiez en congé de fin de semaine, vous avez fumé un joint de cannabis marihuana en présence d’amis civils à Thetford Mines.  Dès le lendemain matin à votre retour au travail, vous vous présentez chez votre commandant et lui avouez cette inconduite.  La preuve indique que vous étiez à ce moment bouleversé et concerné pour votre geste et des conséquences qui en résulteraient.  Il ne fait aucun doute que vous connaissiez la politique de Forces canadiennes en matière de drogues à ce moment et que vous saviez dès lors que vous l’aviez violée, même si au moment de la commission de l’infraction vous n’étiez pas en devoir, en présence de militaires et aussi à l’extérieur d’un établissement de défense.

 

[5]                    Il ressort également de la preuve que les remords exprimés dès le premier jour se sont traduits aussitôt par votre intention de plaider coupable et de reconnaître votre erreur dès que les accusations furent portées.  Au surplus, vous avez fait l’objet d’une mise en garde et surveillance aux termes du programme sur le contrôle des drogues en mai 2007, en fait le 18 juin 2007.  Mine de rien, cette mesure administrative a eu pour effet de retarder votre promotion au grade de sous-lieutenant qui aurait du avoir lieu le ou vers le 1er mai 2007, soit après la fin de vos études universitaires que vous avez complétées avec un baccalauréat en droit.  La preuve révèle également que cette mesure administrative aura eu un impact financier direct d’environ 27,000 dollars, soit la différence entre la solde d’un élève-officier et celle d’un sous-lieutenant.  Cette mise en garde et surveillance se termine en juin 2008 et vous devriez être promu à ce moment.

 

[6]                    La poursuite soumet que la sentence devrait mettre l’emphase sur la dénonciation du comportement et la dissuasion générale.   Elle recommande une sentence composée d’une réprimande et d’une amende de 600 à 800 dollars.  La défense recommande la plus faible des peines aux termes de la loi, soit l’avertissement au motif que cette erreur vous a déjà coûté extrêmement cher et que votre comportement post-infraction est en tout point exemplaire depuis plus de 18 mois.

 

[7]                    Il est reconnu que lorsqu'il s'agit de donner une sentence appropriée à un accusé pour les fautes qu'il a commises et à l'égard des infractions dont il est coupable, certains objectifs sont visés à la lumière des principes applicables en matière de sentencing quoique ces principes varient légèrement d'un cas à l'autre.  L'importance qui leur est attribuée doit toutefois, et toujours, être adaptée aux circonstances de l'affaire.  Le processus de détermination de la sentence est individualisé. Donc pour contribuer à l'un des objectifs essentiels de la discipline militaire, ces objectifs et ces principes sont les suivants :

 

premièrement, la protection du public et le public inclut ici les Forces canadiennes;

 

deuxièmement, la punition et la dénonciation du contrevenant;

 

troisièmement, la dissuasion du contrevenant, et quiconque, de commettre de telles infractions;

 

quatrièmement, isoler le délinquant, le cas échéant, de la société y compris des membres des Forces canadiennes;

 

cinquièmement, la réhabilitation et la réforme du contrevenant ;

 

sixièmement, la proportionnalité à la gravité des infractions et le degré de responsabilité du contrevenant;

 

septièmement, l’harmonisation des peines;

 

huitièmement, le recours à une peine privative de liberté et ce, seulement lorsque la cour est satisfaite qu’il s’agit de la peine de dernier ressort; et

 

finalement, la Cour prendra en compte les circonstances aggravantes et atténuantes qui sont liées tant aux circonstances de l'affaire qu'à la situation du contrevenant.

 

[8]                   Dans la présente cause, la cour est convaincue que ce genre d’infraction doit être dénoncé et que la dissuasion générale est importante.  La politique des Forces canadiennes en matière de drogues constitue l’une des pierres angulaires dans la gestion d’une force armée disciplinée, opérationnelle et professionnelle.  Dès les premiers contacts avec la vie militaire, chaque candidat en est informé.  Il en va notamment de l’état de préparation opérationnel des Forces canadiennes, de la santé et sécurité des militaires et du public, de la sécurité des établissements de défense, de la sécurité des renseignements pour des raisons d’intérêt national, de la discipline, de la fiabilité des militaires et de la cohésion et du moral au sein des Forces canadiennes.   Toute violation à cette politique est objectivement très sérieuse, en particulier pour les officiers, y compris les élèves-officiers.

 

[9]                   En considérant quelle sentence serait appropriée, la Cour doit tenir compte de la gravité objective de l’infraction et du degré de responsabilité du contrevenant eu égard aux circonstances aggravantes et atténuantes qui sont liées à la perpétration de l’infraction et/ou à la situation du contrevenant. L’infraction pour laquelle vous avez avoué votre culpabilité est objectivement sérieuse. Elle est passible de la destitution ignominieuse du service de Sa Majesté.  Il s’agit selon moi du seul facteur aggravant dans les circonstances de cette affaire.

 

[10]                 Quant aux facteurs atténuants, la Cour retient les éléments suivants :

 

1.Le comportement du délinquant après la commission de l’infraction :  La cour reconnaît votre aveu de culpabilité devant cette cour s'avère comme l’aboutissement sincère et logique des remords que vous avez exprimés dès le lendemain de votre inconduite.

 

2.Les conséquences administratives déjà encourues par votre inconduite à la suite de votre mise en garde et surveillance : La preuve indique que vous aurez encouru une perte de 27,000 dollars pour avoir fumé un joint de cannabis en raison de la décision prise par votre commandant, une décision tout à fait justifiée dans les circonstances, de ne pas vous accorder une promotion au grade de sous-lieutenant en mai 2007.

 

3.Votre rendement depuis l’incident qui fait l’objet de cette cour martial : Votre commandant  témoigne au document déposé sous la pièce 3  de votre excellent rendement et d’une conduite exemplaire. 

 

4.Le délai écoulé depuis la commission de l’infraction et votre désir de procéder dans cette affaire dès le mois de septembre 2007 : Il existe en fait un délai de plus de 18 mois entre la commission de l’infraction et le début des procédures devant la cour martiale.  Non seulement, s’agit-il d’une affaire dont les faits sont simples et dont l’enquête ne comportait aucune difficulté particulière. Une telle affaire aurait dû avoir été réglée, j’en conviens, beaucoup plus tôt.

 

5.L’absence d’antécédents criminels ou disciplinaires :  Il s’agit de vos premiers démêlés avec la justice et j’espère avoir raison d’être convaincu qu’il s’agira de vos derniers démêlés avec la justice.

 

6.Votre âge :  Vous aviez 20 ans et un mois au moment de la commission de l’infraction. Et en conséquence, la cour doit ne doit pas imposer une sentence qui pourrait avoir un impact négatif sur la réhabilitation d’un jeune adulte pour un incident qui résulte d’une erreur de jugement et d’un manque de maturité en ce qui a trait à la nature du geste répréhensible et de ses conséquences.  Je suis convaincu que vous mesurez dorénavant la portée de votre inconduite et que vous en avez déjà tirées les leçons qui s’imposent.

 

[11]                 La cour a porté une attention particulière à la recommandation de la défense relativement à la peine d’avertissement.   Malgré l’éloquence démontrée par l’avocat de la défense, je ne peux souscrire à une telle approche, même si les circonstances particulières de l’élève-officier Maheu supportent l’imposition d’une sentence très faible dans l’échelle des peines normalement infligées pour de telles infractions.  L’usage de stupéfiants contrairement à la politique des Forces canadiennes sur le contrôle des drogues constitue une inconduite qui est objectivement trop sérieuse dans la myriade d’actes, de comportement ou de négligence qui sont préjudiciables au bon ordre et à la discipline.

 

[12]                 Toutefois, la cour est d’avis que la judiciarisation de votre conduite, la décision de ne pas vous accorder la promotion au grade de sous-lieutenant et les conséquences financières directes d’environ 27,000 dollars déjà encourues suite à la mise en garde et surveillance dont vous avez été l’objet sont suffisants pour assurer la dénonciation du comportement et la dissuasion générale dans les circonstances particulières de la présente affaire.  La sentence minimale devrait donc pouvoir vous permettre de regarder vers l’avenir avec confiance et détermination en permettant qu’elle puisse être radiée de votre fiche de conduite le plus tôt possible, soit à la fin d’une période de 12 mois pendant laquelle aucune condamnation n’aura été consignée sur la fiche de conduite ou pour un élève-officier au moment de l’obtention de la commission d’officier aux termes de la DAOD 7006-1 Établissement et tenue des fiches de conduite.

 

[13]                 En conséquence, la cour vous condamne à l’amende pour un montant de 200 dollars. N’eut été des circonstances particulières reliées aux conséquences directes et indirectes que cette conduite a déjà eu sur vous et de votre comportement exemplaire depuis cet événement, une sentence de l’ordre d’une réprimande et d’une amende au montant de 400 dollars aurait été indiquée. 

 

COLONEL M. DUTIL, J.M.C.

 

Avocats :

 

Major J. Caron, Procureur militaire régional de l'Est

Avocat de la poursuivante

Lieutenant de vaisseau M.P.  Létourneau, Directeur du Service d’avocats de la défense

Avocat de l’élève-officier Maheu

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