Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 25 janvier 2010.

Endroit : BFC Gagetown, édifice F-1, Oromocto (NB).

Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 129(1) LDN, actes préjudiciables au bon ordre et à la discipline.
•Chef d’accusation 2 : Art. 84 LDN, a frappé un supérieur.

Résultats
•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2 : Coupable.
•SENTENCE : Un blâme et une amende au montant de 2500$.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence :  R. c. Plourde, 2010 CM 2002

 

Date :  20100126

Dossier :  200911

 

Cour martiale générale

 

Base des forces canadiennes Gagetown

Oromocto (Nouveau‑Brunswick) Canada

 

Entre : 

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Capitaine L.A. Plourde, contrevenant

 

 

En présence du Capitaine de frégate P.J. Lamont, J.M.

 


 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]               Ayant accepté et enregistré vos aveux de culpabilité à l’égard des deux accusations énoncées dans l’acte d’accusation, soit une accusation pour conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline et une accusation pour violence envers un supérieur, la cour vous déclare maintenant coupable de ces deux accusations.

 

[2]               Capitaine Plourde, il m’incombe maintenant de fixer et de prononcer votre sentence. Pour ce faire, j’ai tenu compte des principes de détermination de la peine appliqués par les tribunaux ordinaires du Canada ayant compétence en matière pénale et par les cours martiales. J’ai également examiné les faits de l’espèce tels qu’ils ont été communiqués durant l’audience ainsi que les observations des avocats de la poursuite et de la défense.

 

[3]               Les principes de détermination de la peine guident la cour dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire afin qu’elle fixe une sentence appropriée et adaptée à chaque cas. En règle générale, la sentence doit être proportionnée à la gravité de l’infraction, aux antécédents du contrevenant et à son degré de culpabilité ou de responsabilité. La cour se fonde sur les sentences infligées par les autres tribunaux dans des affaires similaires, non parce qu’elle respecte aveuglément les précédents, mais parce que notre sens commun de la justice veut que les affaires similaires soient jugées de manière similaire. Quoi qu’il en soit, lorsqu’elle fixe la sentence, la cour tient compte des nombreux facteurs qui distinguent chaque affaire dont elle est saisie, des circonstances aggravantes pouvant justifier une peine plus sévère et des circonstances atténuantes pouvant en diminuer la gravité.

 

[4]               Les buts et les objectifs recherchés lorsqu’on fixe la sentence ont été exprimés de diverses manières dans de nombreuses affaires antérieures. En général, ils ont trait à la protection de la société, y compris bien entendu les Forces canadiennes, en contribuant au développement et au maintien d’une collectivité juste, paisible, sûre et respectueuse de la loi. Fait important, dans le contexte des Forces canadiennes, ces objectifs comprennent le maintien de la discipline, ce devoir d’obéissance indispensable à l’efficacité d’une force armée. Les buts et objectifs comprennent aussi la dissuasion spécifique sur le contrevenant, afin que celui-ci ne récidive pas, et la dissuasion générale afin que d’autres ne suivent pas son exemple. La sentence vise aussi à assurer la réinsertion sociale du contrevenant, à promouvoir son sens des responsabilités et à dénoncer les comportements illégaux.

 

[5]               Il est inévitable que certains de ces buts et objectifs prévalent sur les autres au cours du processus permettant d’arriver à une sentence juste et appropriée. Le tribunal chargé de fixer la sentence doit cependant tous les prendre en compte; une sentence juste et appropriée devrait représenter une combinaison de ces buts, adaptée aux circonstances particulières de l’espèce.

 

[6]               Comme je vous l’ai indiqué lorsque vous vous êtes avoué coupable, l’article 139 de la Loi sur la défense nationale prévoit les différentes peines qui peuvent être infligées par la cour martiale. Ces peines sont limitées par la disposition de la loi créant l’infraction et prévoyant une peine maximale. Une seule sentence peut être prononcée contre le contrevenant, qu’il soit déclaré coupable d’une seule infraction ou de plusieurs, mais la sentence peut comporter plus d’une peine. Un principe important veut que le tribunal inflige la peine la moins sévère qui permettra de maintenir la discipline.

 

[7]               Pour déterminer la sentence en l’espèce, j’ai tenu compte des conséquences directes et indirectes que la déclaration de culpabilité et la peine que je vais infliger pourraient engendrer sur le contrevenant.

 

[8]               Les faits concernant les infractions sont énoncés de façon assez détaillée dans la pièce 7, soit l’exposé des circonstances. En résumé, il semble que le contrevenant, sur une période de plusieurs mois, a employé des termes désobligeants et vraisemblablement diffamatoires pour parler de certains de ses supérieurs dans des courriels envoyés à d’autres militaires. Il se plaignait d’être maltraité par ses supérieurs, plainte qui semble mal fondée. Le contrevenant occupait le poste de conseiller municipal de la ville de Oromocto. En avril 2007, lors d’une rencontre publique du conseil, le contrevenant a critiqué personnellement, d’une manière ignoble et virulente, le caractère et la réputation professionnelle de deux de ses supérieurs au grade de lieutenant‑colonel, les qualifiant d’[traduction] « hommes malhonnêtes, grossiers et dangereux ». Ensuite, en juin 2008, lorsqu’on lui a signifié les documents liés à l’accusation découlant de l’incident d’avril 2007, le contrevenant a frappé le Major White sur le côté de la tête en présence de deux autres capitaines, qui ont dû le maîtriser pour ne pas qu’il commette d’autres actes de violence.

 

[9]               Les avocats des deux parties ont recommandé conjointement une sentence consistant en un blâme et une amende de 2 500 $. Comme ils l’ont souligné, il revient évidemment à la cour de prononcer la sentence mais, lorsque les deux parties conviennent d’une recommandation conjointe, comme en l’espèce, celle-ci pèse lourd dans la décision de la cour. Les cours d’appel de l’ensemble du Canada, y compris la Cour d’appel de la cour martiale dans son arrêt Soldat Chadwick Taylor, 2008 CACM 1, ont conclu que la cour devrait retenir la recommandation conjointe des avocats relative à la sentence, à moins que la sentence ainsi recommandée ait pour effet de déconsidérer l’administration de la justice ou soit d’une autre façon contraire à l’intérêt public.

 

[10]           J’ai examiné les circonstances aggravantes et atténuantes indiquées par les avocats durant leurs exposés. À mon sens, le fait que le contrevenant a publiquement dénigré ses supérieurs à plusieurs reprises et sans motifs représente une infraction grave. J’ai entendu les témoignages du Dr John Doucet, psychiatre, et de la Dre Cindy Letts, psychologue, auxquels je souscris. Tous deux ont récemment traité le contrevenant, qui souffrait de trouble de stress post‑traumatique, de trouble dépressif majeur et possiblement de trouble bipolaire. Les avocats des parties ont tous soutenu que la maladie mentale du contrevenant est une circonstance atténuante en l’espèce.

 

[11]           La pertinence de la maladie mentale d’un contrevenant lorsqu’on détermine la sentence appropriée a été analysée dans plusieurs décisions de tribunaux civils canadiens. Les décisions sont rassemblées et analysées par la Cour d’appel de la Saskatchewan dans R. c. Fraser, 2007 SKCA 113, décision rendue le 23 octobre 2007. Dans cette affaire, le juge en chef Klebuc a écrit au paragraphe 35 :

 

[traduction]

 

L’examen de ces décisions soulève deux cas où la sentence pourrait être réduite pour des motifs d’ordre psychiatrique :

 

(1)  Si la maladie mentale a contribué à la perpétration de l’infraction, ou l’a causée;

 

(2)  Si l’emprisonnement ou toute autre peine serait démesurément sévère en raison de la maladie mentale du contrevenant […]

 

En l’espèce, le Dr Doucet et la Dre Letts étaient tous deux d’avis que [traduction] « la maladie du Capitaine Plourde et les médicaments qu’il prenait à l’époque ont contribué à son comportement ayant entraîné les accusations ». Les avocats des deux parties semblent reconnaître la justesse de cette conclusion et m’exhortent à conclure que la santé mentale du contrevenant au moment des infractions constitue une circonstance atténuante dans le processus permettant d’arriver à une sentence appropriée. J’admets avoir du mal à comprendre précisément comment les facteurs relevés par les témoins experts ont contribué au comportement abusif et harcelant que le contrevenant a adopté envers ses supérieurs. Bien entendu, je reconnais que l’irritabilité, peut‑être même l’hostilité, dont le contrevenant a fait preuve lorsqu’il a commis les infractions peuvent être des symptômes de la maladie dont il souffre. Toutefois, j’estime qu’il est difficile de conclure, à la lumière des témoignages que j’ai entendus, que les symptômes décrits par les témoins experts permettent d’expliquer, ou même de justifier ou de minimiser, les comportements qui sous-tendent les infractions reprochées.

 

[12]           Je ne veux pas donner l’impression de minimiser de quelque façon que ce soit la gravité de la maladie mentale du contrevenant. Il ne fait aucun doute qu’il est gravement malade et ce, probablement depuis de nombreuses années. Je souligne simplement le fait que j’ai du mal à tirer les mêmes conclusions que celles des témoins experts à la lumière des témoignages que j’ai entendus. Je reconnais toutefois que les avocats des deux parties sont du même avis que les témoins experts. 

 

[13]           Compte tenu de toutes les circonstances, soit les circonstances des infractions et la situation du contrevenant, je ne saurais affirmer que la recommandation conjointe des avocats aurait pour effet de déconsidérer l’administration de la justice ou serait d’une autre façon contraire à l’intérêt public. Par conséquent, j’accepte cette recommandation.

 

[14]           Capitaine Plourde, veuillez vous lever. Vous êtes condamné à recevoir un blâme et à payer une amende de 2 500 $. L’amende doit être payée à même l’indemnité de départ qui vous sera versée lors de votre libération des Forces canadiennes.

 


 

Avocats :

 

Major J.J. Samson, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

M. David J. Bright, avocat, Boyne Clarke Avocats, 33 Alderney Drive, Dartmouth (Nouvelle‑Écosse)

Mme Amy Gibson, avocate, Boyne Clark Avocats, 33 Alderney Drive, Dartmouth (Nouvelle‑Écosse)

Avocats du Capitaine L.A. Plourde

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