Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 31 mars 2008

Endroit : Garnison Longue-Pointe, édifice 11, côté sud, Montréal (QC).

Chefs d’accusation

•Chefs d’accusation 1, 2 : Art. 125a) LDN, a fait volontairement une fausse déclaration dans un document officiel signé de sa main.
•Chef d’accusation (subsidiaire au chef d’accusation 4) : Art. 130 LDN, fraude (art. 380(1)a) C. cr.).
•Chef d’accusation 4 (subsidiaire au chef d’accusation 3) : Art. 117f) LDN, acte de caractère frauduleux non expressément visé aux articles 73 à 128 de la Loi sur la défense nationale.

Résultats

•VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 2, 3, 4 : Non coupable.

Contenu de la décision

Citation : R. c. Capitaine (Retraité) M.R. Benoît, 2008 CM 1010

 

Dossier : 200763

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

5e GROUPE DE SOUTIEN DE SECTEUR

GARNISON DE LONGUE-POINTE

MONTRÉAL, QUÉBEC

 

Date : 2 avril 2008

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU COLONEL MARIO DUTIL, JUGE MILITAIRE EN CHEF

 

SA MAJESTÉ LA REINE

(Intimée)

c.

CAPITAINE (RETRAITÉ) M.R. BENOÎT

(Requérant)

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN VERTU DE L'ARTICLE 11 b) DE LA CHARTE POUR LA VIOLATION DU DROIT D'ÊTRE JUGÉ DANS UN DÉLAI RAISONNABLE

(Prononcée oralement)

 

 

 

Introduction

 

 

[1]                    Il s'agit d'une décision de la cour sur la requête présentée par la défense aux termes du sous-alinéa 112.05 5) e) des Ordonnances et Règlements royaux applicables aux Forces canadiennes pour l'arrêt des procédures en vertu de l'article 24(1) de la Charte canadienne des droits et libertés en raison de la violation des droits de l'accusé d'être jugé dans un délai raisonnable prévu à l'article 11 b) de la Charte.

 

[2]                    La preuve devant cette cour est constituée des éléments suivants :

 

Premièrement, les questions du domaine de la connaissance judiciaire aux termes de l'article 15 des Règles militaires de la preuve.

 

Deuxièmement, les pièces déposées devant la cour :


a.   la pièce R1-2 ‒‒ Soumission conjointe des faits;

 

b.   la pièce R1-3 ‒‒ Curriculum vitae de monsieur Christian Blanchette, psychologue; et

 

c.   la pièce R1-4 ‒‒ Un document contenant un rapport d'expertise de monsieur Christian Blanchette, psychologue, en date du 17 mars 2008, trois rapports d'évolution psychologique du même auteur en date du 1er juillet 2007, du 6 octobre 2007 et du 29 janvier 2008 et un rapport de consultation après consultation psychologique par monsieur Jean-Bernard Dupuy, Psychologue, en date du 10 août 2006.

 

Troisièmement, la preuve est constituée aussi du témoignage de M. Christian Blanchette, psychologue, à titre de témoin expert sur l'évolution et le suivi de clients en matière de troubles psychologiques liés au stress et à la dépression. Monsieur Blanchette est le psychologue clinicien du capitaine (Retraité) Benoît depuis juillet 2007.

 

[3]                    L'exposé des faits pertinents pour l'examen de cette requête a fait l'objet d'un sommaire conjoint des faits qui énonce ce qui suit :

 

1.     Le 14 février 2007, 11 chefs d'accusation sont portés à l'endroit du capitaine (Retraité) Benoît par le caporal Provencher, enquêteur au Service national des enquêtes des Forces canadiennes, Région de l'Est, pour des infractions présumées qu'il aurait commises entre le mois de novembre 2005 et le mois de mai 2006.

 

2.     Le ou vers le 16 février 2007, le lieutenant-colonel Richardson, Commandant du Service de soutien au personnel du 5e Groupe de soutien de secteur et Commandant du capitaine (Retraité) Benoît, s'informe auprès des autorités médicales s'il existe des contre-indications avant que le SNEFC(RE) procède à la signification des accusations.

 

3.     Le 16 février 2007, le major Parizeau, médecin militaire, avise le lieutenant-colonel Richardson que suite à une consultation avec un intervenant clinique impliqué dans ce dossier, il n'y a pas de contre-indication médicale concernant les actions légales qui seront prises la semaine suivante et qu'ils préviendront le capitaine (Retraité) Benoît que des procédures allaient être tenues envers lui sous peu et qu'un soutien médical lui sera accessible et disponible au besoin suite à ces procédures.


4.     Le 19 février 2007, le capitaine (Retraité) Benoît signe le procès-verbal de procédures disciplinaires en présence du caporal Provencher et du lieutenant-colonel Richardson.

 

5.     Dans la semaine du 19 février 2007, un avis juridique en vertu de l'article 107.11 des ORFC est demandé par le lieutenant-colonel Richardson, Commandant du Service de soutien au personnel du 5e Groupe de soutien de secteur.

 

6.     Le 13 mars 2007, un avis juridique en vertu de l'article 107.11 des ORFC est transmis au lieutenant-colonel Richardson par le major Lortie, aviseur légal de l'unité.

 

7.     Le 16 février 2007, le lieutenant-colonel Richardson demande à l'autorité de renvoi, le brigadier-général Barabé, Commandant du Secteur du Québec de la force terrestre, de connaître ces accusations puisqu'il n'avait pas compétence pour les infractions inscrites au procès-verbal de procédures disciplinaires et demande à cet effet qu'une cour martiale permanente soit convoquée dans ce dossier.

 

8.     Le 16 avril 2007, le brigadier-général Barabé, par l'entremise de son chef d'état-major, demande un avis juridique dans ce dossier.

 

9.     Le 1er mai 2007, le brigadier-général Barabé reçoit un avis juridique du lieutenant-colonel Mackay, adjoint au Juge-avocat général, Région de l'Est.

 

10.   Le 23 mai 2007, le brigadier-général Barabé transmet les accusations au Directeur des poursuites militaires à Ottawa et recommande que ces accusations soient jugées par une cour martiale permanente.

 

11.   Le 11 juin 2007, le Directeur adjoint des poursuites militaires, le lieutenant-colonel MacGregor, désigne le capitaine de corvette Raymond comme procureur au dossier.

 

12.   Le 15 juin 2007, le capitaine de corvette Raymond demande la divulgation de la preuve dans ce dossier.

 

13.   Le 20 juin 2007, le capitaine de corvette Raymond reçoit la divulgation de la preuve dans ce dossier.

 


14.   Le 22 juin 2007. Le capitaine de corvette Raymond transmet la divulgation de la preuve au bureau du Directeur des avocats de la défense à Ottawa.

 

15.   La semaine du 2 juillet 2007, le capitaine de corvette Raymond agit comme procureur dans le cadre du procès à l'endroit de l'ex-maître de 1re classe Pelletier. Au cours de ce procès, le juge militaire, le lieutenant-colonel d'Auteuil, fixe la suite des procédures au 25 septembre 2007 et demande aux procureurs de réserver à leur calendrier les trois premières semaines d'octobre 2007 pour finaliser le procès.

 

16.   La semaine du 14 juillet 2007, le capitaine de corvette Raymond agit comme procureur dans le cadre du procès à l'endroit du sergent Couture.

 

17.   Le 23 juillet 2007, le capitaine de corvette Raymond demande un complément d'enquête à la chaîne de commandement du capitaine (Retraité) Benoît.

 

18.   Du 31 juillet au 20 août 2007, le capitaine de corvette Raymond est en congé annuel.

 

19.   Le 28 août 2007, le lieutenant de vaisseau Létourneau communique pour la première fois avec le capitaine de corvette Raymond et l'avise qu'il est l'avocat de défense du capitaine (Retraité) Benoît, que son client souffre du syndrome de stress post-traumatique et qu'il est très difficile pour le capitaine (Retraité) Benoît d'attendre de subir son procès. Il l'informe qu'il a beaucoup de disponibilité et qu'il serait prêt à procéder dès que possible, sauf le 18 et 19 septembre 2007 et la semaine du 2 octobre 2007. Le même jour, le capitaine de corvette Raymond lui répond que le dossier n'a pas encore été acheminé à l'administrateur des cours martiales et qu'il est peu probable en raison de la disponibilité judiciaire que le procès puisse se tenir avant 2008.

 

20.   Le 13 septembre 2007, le capitaine de corvette Raymond obtient le complément d'enquête demandé le 23 juillet 2007.

 

21.   Le 1er octobre 2007, un acte d'accusation est signé par le Directeur adjoint des poursuites militaires à l'endroit du capitaine (Retraité) Benoît.

 


22.   Le 2 octobre 2007, la mise en accusation à l'endroit du capitaine (Retraité) Benoît est prononcée par le Directeur adjoint des poursuites militaires.

 

23.   Le 5 octobre 2007, l'administratrice des cours martiales atteste avoir reçu signification de la mise en accusation et demande aux procureurs, dans les 30 jours de ladite signification, de choisir de consentement une date qui leur convient pour le procès.

 

24.   Le 2 novembre 2007, le capitaine de corvette Raymond avisait l'avocat de la défense qu'il fallait fixer une date dans ce dossier et lui demande ses disponibilités.

 

25.   Le 5 novembre 2007, le capitaine de corvette Raymond avise l'administrateur adjoint des cours martiales que lui et l'avocat de la défense du capitaine (Retraité) Benoît sont prêts pour fixer une date de procès.

 

26.   Le 8 novembre 2007, le lieutenant de vaisseau Létourneau fait parvenir au capitaine de corvette Raymond une lettre du psychiatre traitant du capitaine (Retraité) Benoît en date du 29 octobre 2007 et adressée à madame Sylvie Léveillée au ministère des Anciens combattants du Canada.

 

27.   Le 8 novembre 2007, l'administrateur adjoint des cours martiales avise les procureurs au dossier qu'il y a de la disponibilité judiciaire à compter du 10 mars 2008 et les procureurs donnent leur accord pour procéder à cette date.

 

28.   Le 9 novembre 2007, l'administrateur adjoint des cours martiales avise les procureurs au dossier qu'un seul juge militaire francophone disponible est le juge d'Auteuil et que ce dernier ne peut siéger sur cette cause puisqu'il était l'adjoint au Juge-avocat général, Région de l'Est au moment de la commission des infractions alléguées. Par le fait même, l'administrateur adjoint des cours martiales avise les procureurs au dossier que la prochaine semaine avec disponibilité judiciaire, où un juge francophone est disponible, est le 31 mars 2008.

 

29.   Le 9 novembre 2007, le procès est fixé à la première date judiciaire disponible, soit le 1er avril 2007.

 


30.   Le 22 février 2008, le lieutenant de vaisseau Létourneau signifiait un avis de requête pour délai déraisonnable dans ce dossier.

 

[4]                    Monsieur Christian Blanchette, psychologue, a été accepté comme témoin expert par la cour et il a abondamment témoigné sur les nombreuses rencontres qu'il a eues avec le capitaine (Retraité) Benoît depuis l'été 2007 aux prises avec divers troubles psychologiques, y compris le syndrome de stress post-traumatique. Il aurait rencontré le capitaine (Retraité) Benoît à au moins 35 reprises depuis l'arrivée de ce dernier dans la région de Rouyn-Noranda en Abitibi à la suite de sa libération des Forces canadiennes. Monsieur Blanchette a témoigné à l'effet que le capitaine (Retraité) Benoît souffre depuis plusieurs années du syndrome post-traumatique à la suite d'événements qui auraient eu lieu en ex-Yougoslavie aux alentours de 1993. Il a indiqué également à la cour que le capitaine (Retraité) Benoît souffrirait encore aujourd'hui de dépression sévère dont les symptômes seraient contrôlés par médication prescrite par un psychiatre. Il ressort du témoignage du monsieur Blanchette que, selon lui, les différents intervenants en santé mentale et en soutien psychologique n'ont pas à ce jour prescrit de traitement ou commencé une thérapie spécifique pour permettre au capitaine (Retraité) Benoît de surmonter le syndrome de stress post-traumatique qui l'afflige depuis près de 15 ans. En ce qui a trait à son propre suivi du cas du capitaine (Retraité) Benoît, il a témoigné à l'effet qu'en fonction de ses connaissances et de son expérience, il est d'avis qu'il est contre-indiqué d'aborder spécifiquement le traitement de personnes souffrant du syndrome de stress post-traumatique si ces personnes sont aux prises, au même moment, avec des éléments ou des facteurs de stress psychosociaux importants qui les empêchent de pouvoir puiser à même leurs propres ressources l'énergie nécessaire pour s'attaquer à la problématique du syndrome de stress post-traumatique. Il a expliqué que lors de sa première rencontre avec le capitaine (Retraité) Benoît, en avril 2007, le dossier qui lui avait été transmis faisait état qu'en août 2006, ce dernier souffrait de troubles d'anxiété généralisée, troubles de stress post-traumatiques et d'éléments dépressifs sévères. Monsieur Blanchette observait des éléments similaires, notamment de l'anxiété généralisée avec des éléments d'agoraphobie, troubles de stress post-traumatiques avec complication dépressive. Parmi les facteurs de stress psychosociaux présents en ce qui a trait au capitaine (Retraité) Benoît, il rapportait les éléments suivants:

 

1.     le passage de la vie militaire à la vie civile;

 

2.     le déménagement en Abitibi-Témiscamingue;

 

3.     les procédures de séparation avec sa conjointe de longue date, le partage des biens et la garde des enfants; et

 

4.     le procès judiciaire militaire à venir.

 


Il concluait que le capitaine (Retraité) Benoît obtenait une note de 60 sur l'échelle globale de fonctionnement qui se situe entre zéro et cent. Monsieur Blanchette a témoigné à l'effet que l'approche de suivi proposé en juillet 2007 comportait le traitement des symptômes dépressifs et psychosociaux importants avant la mise en place du traitement des difficultés post-traumatiques. Monsieur Blanchette a témoigné à l'effet qu'en octobre 2007, il formulait des observations similaires dans un deuxième rapport d'évolution. Son troisième rapport d'évolution en date du 29 janvier 2008 faisait toutefois état d'une certaine amélioration dans la situation du capitaine (Retraité) Benoît. Il observait que l'anxiété généralisée était moindre et que le trouble de stress post-traumatique avec humeur dépressif était mieux contrôlé. Il rapportait une adaptation au milieu civil et une nouvelle relation amoureuse. Monsieur Blanchette observait également que des facteurs de stress psychosociaux importants existaient toujours, notamment la procédure de séparation en appel et une pression financière accrue ainsi que le procès judiciaire militaire encore à venir. Lors de son rapport final en date du 7 mars 2008, préparé à la demande de l'avocat de la défense, il indiquait :

 

Lieutenant de vaisseau Létourneau nous avait demandé le 28 février 2008 d'éclairer la cour à savoir si au meilleur de notre connaissance un délai de près de 14 mois d'attente pour subir un procès avait pu causer chez monsieur Benoît un préjudice, par exemple un stress et de l'anxiété accrue dû a l'état de santé mental préexistant de monsieur Benoît, un préjudice plus important chez ce dernier compte tenu de sa situation psychologique préexistante et une moindre réhabilitation dans ce contexte, ce à quoi nous répondons que oui.

 

Monsieur Blanchette a élaboré sur le sens de cette affirmation lors de son témoignage. D'une part, il a indiqué qu'il avait pu observer une amélioration ou à tout le moins une évolution dans les facteurs de stress psychosociaux importants relatifs au capitaine (Retraité) Benoît entre juillet 2007 et janvier 2008, soit personnellement ou sur la foi des informations qui lui étaient transmises par son client. Il a témoigné qu'à sa connaissance, il n'y avait eu aucune amélioration ou évolution de la situation en ce qui visait les procédures judiciaires militaires à venir. Cet élément constituait, selon lui, un facteur de stress suffisamment important qu'il empêchait d'entreprendre sa stratégie thérapeutique portant sur le trouble de stress post-traumatique parce que le capitaine (Retraité) Benoît n'aurait pas disposé, selon lui, de ressources suffisantes pour gérer le traitement. C'est donc pour cette raison qu'il a décidé de prendre l'approche lente dans le traitement du capitaine (Retraité) Benoît et de contrôler les stresseurs psychosociaux importants avant de s'attaquer aux troubles de stress post-traumatiques. Faisant référence à deux pièces de correspondance du psychiatre du capitaine (Retraité) Benoît, il croit qu'il existe un lien de causalité entre le délai de 14 mois d'attente pour subir le procès et une forte perturbation du fonctionnement et de l'humeur de son client. Dans son rapport du 7 mars 2008, il constate ce qui suit :

 


La première correspondance du Dre Ferhat, celle du 29 octobre 2007, rapportait que "Monsieur Benoît doit faire face à plusieurs stresseurs  ce qui amène parfois des fluctuations au niveau de son humeur". Et de rajouter "Il doit faire face également à un litige qui l'oppose à son employeur". La seconde correspondance, celle du 28 février 2008, rapportait elle aussi que "Même si monsieur Benoît voulait tourner la page et mener une activité occupationnelle ou professionnelle, il est toujours confronté à des stresseurs importants". Et de rajouter "Le fait de comparaître en cour pour un litige l'opposant à son employeur représente un stress intense pour lui qui fait naître des émotions fortes de tristesse et d'inquiétude face à l'avenir et des fluctuations de son humeur".

 

Lors de son témoignage, monsieur Blanchette a exprimé l'opinion qu'il est reconnu qu'un facteur de stress psychosocial important peut aggraver les troubles existants. Il ressort également de son témoignage qu'il a constaté que le capitaine (Retraité) Benoît avait littéralement cessé de fonctionner après l'annonce de deux événements marquants au cours des dernières années, soit d'une part l'annonce par son ex-épouse de leur séparation et d'autre part, lorsqu'il a été accusé des infractions qui sont à l'origine de cette cour martiale. Malgré cela, monsieur Blanchette a constaté toutefois une amélioration de l'état psychologique général du capitaine (Retraité) Benoît depuis le mois de janvier 2008. En bref, il semble que certains facteurs de stress, comme une nouvelle relation amoureuse, puissent avoir un effet bénéfique sur lui et que ses ressources internes lui permettent de mieux gérer certains autres facteurs de stress importants. Finalement, monsieur Blanchette a exprimé une opinion que le délai de 14 mois pour amener le capitaine (Retraité) Benoît devant la cour martiale, un facteur de stress important pour son client, a eu pour effet de ralentir la progression thérapeutique dont l'objectif ultime consiste à gérer le trouble de stress post-traumatique mais que ce dernier était tout de même sur la bonne voie.

 


[5]                    Le requérant est accusé d'infractions portées aux termes de l'alinéa 125 a) de la Loi sur la défense nationale et d'accusations de fraude ou subsidiairement d'un acte à caractère frauduleux punissable, d'une part, aux termes de l'article 130 de la Loi sur la défense nationale contrairement à l'article 380 du Code criminel et d'autre part, contrairement à l'alinéa 117f) de la Loi sur la défense nationale. Les diverses accusations portent sur les allégations de fausses déclarations sur des formules générales d'indemnité qui auraient été commises par le capitaine (Retraité) Benoît entre novembre 2005 et mai 2006 ainsi que des fausses déclarations sur des demandes d'avance comptable entre avril et mai 2006. Les accusations de nature frauduleuse allèguent des réclamations illicites d'argent des deniers publics d'environ 14,500 dollars entre novembre 2005 et mai 2006. Le capitaine (Retraité) Benoît soutient que son droit d'être jugé dans un délai raisonnable prévu à l'article 11 b) de la Charte a été violé et que cette cour devrait ordonner un arrêt des procédures aux termes de l'article 24(1) de la Charte en raison notamment de la décision R. c. Morin de la Cour suprême du Canada publiée à (1992) 1 R.C.S. 771 et aussi suite à la récente décision de la Cour d'Appel de la Cour martiale dans l'affaire R. c. LeGresley (2008) CACM 2 rendue le 7 février 2008. La défense soutient que le délai qui devait être retenu par la cour serait de près de 14 mois, soit à partir de la date des accusations initiale le 14 février 2007. Le requérant soutient qu'il n'a jamais renoncé à être jugé dans un délai raisonnable et que le délai écoulé depuis les accusations est injustifié. Il soutient qu'il a indiqué à la poursuite dès le 28 août 2007 son désir de procéder rapidement dans cette affaire et s'être déclaré disponible dans cette affaire aussi dès que possible aux motifs que le capitaine (Retraité) Benoît souffrait du syndrome de stress post-traumatique et qu'il était très difficile pour lui d'être en attente de son procès. L'avocat du requérant a toutefois reconnu, lorsque questionné par la cour, que l'administrateur de la cour martiale n'a pas été mis au courant de cette situation lorsque les parties s'enquéraient d'une date de procès dans cette affaire. Au nom du requérant, il soutient que le stress et l'anxiété du capitaine (Retraité) Benoît ont été significativement aggravés en raison de sa mise en accusation du long délai pour lui faire subir son procès notamment en ayant contribué de manière importante au retard dans le début du traitement du capitaine (Retraité) Benoît pour le trouble de stress post-traumatique pour les raisons exprimées par le psychologue traitant du requérant, monsieur Christian Blanchette. En conséquence, il demande à cette cour d'ordonner l'arrêt des procédures.

 

[6]                    L'intimée reconnaît que le capitaine (Retraité) Benoît n'a pas renoncé au délai et qu'aucun acte du requérant n'aurait contribué à ce délai. L'intimée soumet que l'ensemble des faits entourant cette affaire ne permet pas de conclure au caractère déraisonnable du délai selon les facteurs énoncés dans l'arrêt Morin, mais elle concède que le délai est suffisant pour que la cour procède à l'examen du délai. La poursuite invoque qu'il s'agit d'une affaire de fraude qui peut exiger des délais plus longs qu'une simple affaire de voie de faits, par exemple, et que l'ensemble de la preuve, tel qu'il appert du sommaire conjoint des faits, indique clairement que le dossier a progressé de manière raisonnable même si certaines portions du délai auraient pu être moindres. L'intimée soutient que la complexité de l'affaire peut s'inférer aussi du fait que le procureur de la poursuite a dû demander un complément d'enquête, ce qui en soi constitue un délai. L'intimée soumet que les ressources institutionnelles étant limitées, les deux parties auraient été prêtes à procéder dans cette affaire dès le 5 novembre 2007 mais que le système judiciaire ne pouvait pas les accommoder avant le 31 mars 2008. Finalement, l'intimée soutient que le requérant n'a pas réussi à démontrer qu'il a subi un préjudice en raison du délai. Au contraire, elle prétend que le témoignage du psychologue Blanchette indique que ce dernier a évalué seulement les préjudices possibles du délai et qu'il n'aurait pas observé de préjudice réel sur la personne du capitaine (Retraité) Benoît. L'intimée demande donc à la cour de rejeter la requête.

 

[7]                    La défense allègue que les droits de l'accusé d'être jugé dans un délai raisonnable ont été violés. L'article 11 b) de la Charte se lit comme suit :

 

11.     Tout inculpé a le droit :

 

b)    d'être jugé dans un délai raisonnable;


Cet article de la Charte a fait l'objet de décisions importantes tant de la Cour suprême du Canada que des cours d'appel, y compris la Cour d'Appel de la Cour martiale. L'article 11 b) se concentre sur l'intérêt de chaque individu à la liberté, la sécurité de sa personne et son droit d'avoir un procès équitable. Cependant, l'article 11 b) possède aussi une composante sociale ou communautaire implicite. Le défaut du système de justice de disposer de façon rapide et efficace des procès criminels conduit inévitablement à une frustration de la part de la communauté contre le système judiciaire et éventuellement à un sentiment de frustration envers les procédures devant les tribunaux. Cela s'avère vrai non seulement dans le cas des tribunaux civils de juridiction criminelle mais aussi devant les cours martiales. Dans le contexte du droit militaire, le législateur a de plus explicitement prévu à l'article 162 de la Loi sur la défense nationale qu'une accusation aux termes du code de discipline militaire doit être traitée avec toute la célérité que les circonstances permettent. Il va sans dire que lorsqu'un procès a lieu dans un délai raisonnable, tous les témoins étant disponibles et ayant frais à la mémoire le souvenir des événements, il est beaucoup plus certain que les coupables seront condamnés et punis et que les autres seront acquittés et exonérés. L'objet principal de l'article 11 b) est la protection des droits individuels, le droit à la sécurité de la personne, le droit à la liberté et le droit à un procès équitable de même que l'intérêt de l'ensemble de la société. La méthode générale pour déterminer s'il y a eu violation du droit ne consiste pas dans l'application d'une formule mathématique ou administrative mais plutôt dans une décision judiciaire qui soupèse les intérêts que l'article est destiné à protéger et les facteurs qui entraînent un délai ou sont autrement la cause du délai. Tel qu'il a été soumis par les procureurs en présence, les facteurs à prendre en compte ont été élaborés dans l'arrêt R. c. Morin (1992) 1 R.C.S. 771. Il ressort de cet arrêt que les facteurs à prendre en considération pour analyser la longueur d'un délai déraisonnable sont les suivants :

 

premièrement, la longueur du délai;

 

deuxièmement, la renonciation à invoquer certaines périodes dans le calcul;

 

troisièmement, les raisons du délai, notamment les délais inhérents à la nature de l'affaire, les actes de l'accusé, les actes du ministère public, les limites des ressources institutionnelles et des autres raisons du délai; et finalement

 

quatrièmement, le préjudice subi par l'accusé.

 

Le délai doit être considéré dans son ensemble et non en fractionnant les différents événements. Les tribunaux ont toujours reconnu que la violation ou non du droit à un procès dans un délai raisonnable dépend des faits de chaque affaire. Ainsi, la Charte n'impose pas un calendrier précis qui s'appliquerait à toutes les affaires.

 


[8]                    En ce qui a trait à la longueur du délai, la cour retient la date du 14 février 2007 comme point de départ, soit la date des accusations initiales portées dans cette affaire par le caporal Provencher, policier enquêteur au Service national des enquêtes des Forces canadiennes. Le délai total s'établit donc à près de 14 mois. Comme l'a reconnu l'intimée, ce délai est suffisant en soi pour soulever la question du caractère raisonnable d'un tel délai et le requérant n'a renoncé dans cette affaire à aucune période dans le calcul de ce délai.

 

[9]                    En ce qui a trait aux raisons du délai, force est de reconnaître que certains délais sont inévitables lorsqu'il s'agit de traduire des personnes devant les tribunaux pour des infractions qu'elles auraient commises. Cela est vrai pour les systèmes de justice civils ou militaires. Dans le système de justice militaire, la structure législative et réglementaire régissant les règles applicables de la mise en accusation jusqu'à la cour martiale, le cas échéant, met sur pied un certain nombre de balises qui visent principalement à protéger l'intégrité du système. Parmi celles-ci, on compte l'obligation d'obtenir des avis juridiques avant qu'une personne puisse être accusée pour certaines catégories d'infractions, une procédure de renvoi des accusations à une autorité supérieure, la compétence exclusive accordée au Directeur des poursuites militaires d'entamer une poursuite devant la cour martiale en portant une accusation contre une personne à qui il est reproché d'avoir commis une infraction d'ordre militaire telle que définie à l'article 2 de la Loi sur la défense nationale, de prononcer les mises en accusation des personnes jugées par les cours martiales et de mener les poursuites devant celle-ci. Comme je l'ai dit dans une affaire antérieure, soit l'affaire du caporal-chef Lelièvre, un tel régime a le défaut de ses qualités. Même si l'objectif principal d'un tel régime a pour but d'éviter les abus de procédures envers les justiciables du code de discipline militaire, force est de reconnaître également qu'il emporte avec lui une lourdeur administrative et des délais inhérents qui sont supérieurs au régime de poursuite pénale civil.

 

[10]                  Les faits dans cette affaire permettent de conclure que la nature des accusations obligeait l'autorité de renvoi à référer les accusations au Directeur des poursuites militaires parce que les accusations initiales avaient été portées par un enquêteur du Service national des enquêtes. Les avis juridiques obtenus étaient également requis aux termes de la réglementation applicable, soit le chapitre 107 des ORFC. Et lorsqu'on parle d'avis juridique, je parle ici de l'avis juridique qui a été donné par le major Lortie aux termes de l'article 107.11. Lorsqu'il s'agit aussi d'examiner les délais inhérents dans l'affaire, je pense qu'il est reconnu que certaines affaires nécessitent des délais plus longs en raison de leur niveau de difficulté tant factuel que juridique. La cour accepte aussi qu'une affaire de fraude, comme celle-ci, comporte des délais inhérents plus importants qu'une simple affaire de voie de faits. Mais c'est à la poursuite qu'incombe le fardeau de justifier le délai qui existe entre la mise en accusation initiale jusqu'à la mise en accusation par le Directeur des poursuites militaires, soit entre le 14 février et le 2 octobre 2007, soit un délai de sept mois et demi.

 


[11]                  Il n'existe aucune autre preuve qui permet à cette cour de conclure d'une manière ou d'une autre du délai inhérent pour traiter de cette affaire. Les affaires de fraude varient en complexité. Il est donc impossible pour cette cour d'accepter que ce délai soit justifiable en soi sur la foi de la nature même des accusations. Toutefois, un examen minutieux de la séquence des événements entre le 14 février et le 2 octobre 2007 démontre un flot continu d'activités dans ce dossier et elle explique relativement adéquatement les raisons de ce délai. La cour ne croit toutefois pas qu'il soit justifié en l'absence d'explication fournie par la poursuite de conclure au caractère raisonnable du délai causé par la demande d'un deuxième avis juridique le 16 avril 2007 par l'autorité de renvoi, d'un délai additionnel de trois semaines entre le moment où l'autorité de renvoi reçoit l'avis juridique en date du 1er mai et sa transmission du dossier au Directeur des poursuites militaires le 23 mai 2007. Il en est de même, et ce pour les mêmes raisons, d'un délai légèrement moindre requis avant de désigner le procureur au dossier. En conséquence la cour ne peut accepter que les délais inhérents de cette affaire puissent être de plus de six mois entre l'accusation initiale et la mise en accusation par le Directeur des poursuites militaires par opposition aux délais réels de sept mois et demi dans cette affaire. Il est vrai aussi que dans cette affaire, il s'agit effectivement d'infractions visant des fausses déclarations et des actes de nature frauduleuse pour une somme d'environ 14,000 dollars, mais la poursuite n'a pas offert de preuve à l'appui d'une prétention de complexité dans l'affaire. En ce qui a trait aux actes de l'accusé, il n'existe aucune preuve qu'il ait contribué au délai ou qu'il ait renoncé au délai. Même en acceptant que le délai provoqué par le choix d'une date de procès qui convient à l'accusé ou à son avocat peut lui être imputée, le fait qu'il ait consenti le 8 novembre 2007 à une date de procès prévu pour le 10 mars 2008 en accord avec le procureur de la poursuite est tout à fait acceptable dans le contexte de cette cause.

 

[12]                  En ce qui a trait aux actes de la poursuite ou du ministère public, il faut imputer un délai de deux mois résultant de la demande et de l'obtention d'un complément d'enquête. Rien dans la preuve ne permet de questionner le bien-fondé d'une telle demande, d'autant plus que les faits démontrent que 11 chefs d'accusation avaient été initialement portés et que quatre accusations ont été finalement prononcées contre le requérant par le Directeur des poursuites militaires, mais ce délai doit tout de même lui être imputé. À l'exception de ce délai, la poursuite a agi avec célérité dans la conduite de cette affaire, y compris en matière de divulgation de la preuve.

 


[13]                  L'intimée a reconnu que le procureur au dossier ne possédait pas l'information requise pour avoir émis le commentaire à l'avocat du requérant à l'effet qu'il était peu probable que le procès puisse se tenir avant 2008 lors d'une conversation avec lui le 28 août 2007. D'ailleurs des causes récentes sont fréquemment convoquées en priorité sur d'autres plus anciennes lorsque la poursuite considère qu'il est dans l'intérêt de l'administration de la justice militaire. Parfois, l'avocat de la défense demandera que son dossier soit entendu le plus rapidement possible comme ce fut le cas ici, à l'exception qu'ici la demande a été faite au procureur de la poursuite. Dans certains cas, les parties s'entendent sur des dates rapprochées. Parfois l'une ou l'autre des parties s'adressera à un juge pour fixer une date avant ou après celle qui apparaît sur l'ordre de convocation. La gestion du calendrier judiciaire n'est pas un exercice statique et immuable où les causes défilent une à une dans un ordre donné. Elle doit prendre en compte divers intérêts parfois opposés qui sont mis de l'avant par les parties et qui doivent s'intégrer dans un processus de pondération par des personnes responsables de l'administration des tribunaux pour une seine administration de la justice. Le processus de convocation des cours martiales n'est pas différent malgré les contraintes qui sont inhérentes à l'absence d'un tribunal permanent.

 

[14]                  L'ensemble de la preuve dans cette affaire ne permet pas à la cour de déduire quelque délai que ce soit ou de considérer neutre ou une partie du délai pour des motifs liés aux limites de ressource institutionnelle. Ni l'une ou l'autre des parties n'ont demandé à l'administrateur de la cour martiale une date plus hâtive pour procéder dans ce dossier lorsque l'administrateur adjoint des cours martiales les a informés de la disponibilité judiciaire à compter du 10 mars 2008, ni n'ont-ils jugé à-propos d'informer ledit administrateur des motifs d'une telle demande. Ils n'ont pas jugé opportun de le faire. Ni l'une ou l'autre des parties n'a jugé opportun de présenter une requête pour fixer une nouvelle date de procès devant le juge désigné pour présider cette cour martiale; requête qui aurait pu être présentée aussitôt que le 18 février 2008, soit la date de la convocation. Même si les parties étaient prêtes à procéder dès le 5 novembre 2007, il n'existe aucune preuve que quelque période que ce soit puisse être imputée aux limites de ressource institutionnelle. Informées par l'administrateur adjoint de la cour martiale le 9 novembre 2007 qu'un juge francophone était disponible le 31 mars 2008, les parties ont accepté de procéder à compter du 1er avril 2008. Il n'existe pas de preuve qu'entre le 5 novembre 2007, soit la date à laquelle le procureur de la poursuite avise l'administrateur des cours martiales que les parties sont prêtes à fixer une date de procès, et le 18 février 2008, soit la date de la convocation de la cour martiale, les causes pendantes n'auraient pu être réassignées à d'autres juges ou que le juge désigné pour présider la cour martiale n'aurait pas pu fixer une date de procès plus rapprochée sur présentation d'une requête à cet effet.

 

[15]                  En ce qui a trait au préjudice de l'accusé, la cour n'est pas satisfaite que l'écoulement d'un délai total de 14 mois ou d'approximativement 14 mois, dans les circonstances de cette affaire, soit suffisant pour qu'elle puisse déduire à un préjudice en raison du délai. Ce délai est effectivement significatif mais il n'est pas anormalement long. Comme je l'ai indiqué plus tôt, le requérant n'a jamais informé l'administrateur de la cour martiale ni n'a présenté une demande à celui-ci pour procéder d'une manière expéditive même si une telle demande fut formulée au procureur de la poursuite.

 


[16]                  Il faut donc s'en remettre à la preuve devant cette cour pour déterminer si le requérant a subi un préjudice par suite du délai à procéder dans cette affaire. Cette preuve établit clairement que le capitaine (Retraité) Benoît souffre depuis plusieurs années de troubles de stress post-traumatique pour lesquels il n'a encore à ce jour eu de soutien psychologique de la part de son psychologue, monsieur Blanchette. Celui-ci a indiqué à la cour que le capitaine (Retraité) Benoît souffrirait encore aujourd'hui de dépression sévère dont les symptômes seraient contrôlés par médication prescrite par un psychiatre. Il ressort également de son témoignage que selon lui, les différents intervenants en santé mentale et en soutien psychologique n'ont pas, à ce jour, prescrit de traitement ou commencé une thérapie spécifique pour permettre au capitaine (Retraité) Benoît de surmonter le syndrome de stress post-traumatique qui l'afflige depuis près de 15 ans. En ce qui a trait à son propre suivi du cas du capitaine (Retraité) Benoît, il a témoigné à l'effet qu'en fonction de ses connaissances et de son expérience, il est d'avis qu'il est contre-indiqué d'aborder spécifiquement le traitement de personnes souffrant du syndrome de stress post-traumatique si ces personnes sont aux prises au même moment avec des éléments ou des facteurs de stress psychosociaux importants qui les empêchent de pouvoir puiser à même leur propre ressource l'énergie nécessaire pour s'attaquer à la problématique du syndrome de stress post-traumatique.

 

[17]                  La cour retient de son témoignage qu'un facteur de stress psychosocial important peut effectivement aggraver les troubles existants. La cour retient aussi de son témoignage que le capitaine (Retraité) Benoît a vu sa situation psychologique générale évoluer depuis le mois de janvier 2008. Comme il le disait, il semble que certains facteurs de stress, comme la nouvelle relation amoureuse, aient pu avoir un effet bénéfique sur lui et que ses ressources internes lui permettent maintenant de mieux gérer certains autres facteurs de stress importants.

 


[18]                  Il est généralement reconnu que le fait de comparaître en cour pour des accusations sérieuses de nature criminelle emporte avec lui un niveau de stress et d'anxiété dans la plupart des cas. Dans le contexte de cette affaire, la cour est satisfaite que l'anxiété et le niveau du stress du requérant ont été exacerbés par les accusations devant cette cour et le processus judiciaire qui s'en est suivi et ce, en fonction des troubles psychologiques dont il fait l'objet depuis plusieurs années. Mais la preuve révèle toutefois que ses difficultés psychologiques sont en voie d'amélioration depuis janvier 2008, comme je le disais plus tôt, et qu'elles continuent, selon le témoignage de monsieur Blanchette, de s'améliorer à ce jour. La cour en de telles circonstances ne peut conclure à un préjudice important envers l'accusé lorsque l'approche thérapeutique choisie par le psychologue traitant se fonde sur des attentes qu'un facteur de stress psychosocial important, comme le déroulement d'une procédure judiciaire pour des accusations criminelles sérieuses, doivent s'estomper avant de traiter un trouble de stress post-traumatique parce que le client est aux prises avec plusieurs autres facteurs de stress psychosociaux importants. Rien n'empêche un thérapeute de réévaluer son approche en fonction de facteurs extrinsèques sur lesquelles il n'a pas de contrôle, comme le déroulement du processus judiciaire. Rien n'empêche un thérapeute de s'enquérir auprès de l'avocat de son client des tenants et des aboutissants du processus judiciaire qui affecte son client afin de pouvoir adapter son traitement et suivi en conséquence. Bien que le requérant n'était pas obligé de prendre des mesures pour accélérer la tenue de sa cour martiale et bien que son thérapeute n'était pas obligé de souligner l'importance de procéder rapidement dans cette affaire à l'avocat du requérant ou de modifier son approche thérapeutique, la cour doit tenir compte de ces inactions dans l'évaluation de l'existence de préjudice et de l'ampleur du préjudice que peut avoir causé le délai qui fait l'objet de la requête. Par exemple, la preuve de monsieur Blanchette permet d'affirmer qu'un nouveau facteur de stress important mettrait sans doute en veilleuse le traitement de requérant pour son trouble de stress post-traumatique. De même, la détérioration ou la variation de facteurs qui ont contribué récemment à l'amélioration de l'évaluation globale de fonctionnement du capitaine (Retraité) Benoît, par exemple, une nouvelle relation amoureuse ou des complications additionnelles pour la garde de ses enfants auraient le même effet sur l'approche thérapeutique retenue par monsieur Blanchette. Le retard du traitement de trouble post-traumatique qui lui cause préjudice ne résulte pas du délai de 14 mois mais résulte d'une approche thérapeutique prise dans les circonstances.

 

 

Dispositif

 

 

[19]                  Dans un tel contexte, il n'est pas dit que le préjudice du requérant n'est pas réel mais il doit être évalué en fonction du délai et des causes du délai. Et dans ce contexte, bien que le préjudice soit réel, il est minime. En soupesant les intérêts de l'accusé et ceux de la société, appliquant les critères de l'arrêt Morin, la cour est d'avis que le requérant n'a pas satisfait à son fardeau de preuve dans l'ensemble des circonstances. Pour ces raisons, la cour rejette la requête.

 

 

                                                                                           COLONEL M. DUTIL, J.M.C.

 

Avocats :

 

Capitaine de corvette M. Raymond, Directeur des poursuites militaires, Région de l'Est

Avocat de la poursuivante-intimée

Lieutenant de vaisseau M. Létourneau, Directeur du service d'avocats de la défense

Avocat du requérant, capitaine (retraité) M.R. Benoît

 

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