Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 15 février 2012

Endroit : Centre d’instruction du Secteur de l’Ouest de la Force terrestre, Édifice 588, chemin Ordinance, Denwood (AB)

Chefs d'accusation
•Chefs d’accusation 1, 2 : Art. 130 LDN, possession de substances (art. 4(1) LRCDAS).

Résultats
•VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Coupable. Chef d’accusation 2 : Retiré.
•SENTENCE : Une amende au montant de 500$.

Contenu de la décision

 

COUR MARTIALE

 

Référence : R c. Morgan, 2012 CM 3003

 

Date : 20120215

Dossier : 201157

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Wainwright

Denwood (Alberta), Canada

 

Entre : 

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Ex-Soldat G.D. Morgan, contrevenant

 

En présence du Lieutenant-colonel L.-V. d’Auteuil, J.M.

 


 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

(Prononcés de vive voix)

 

[1]               Ex-Soldat Morgan, la Cour a accepté et inscrit votre plaidoyer de culpabilité relativement au premier et au seul chef d'accusation figurant à l'acte d'accusation et elle vous déclare aujourd'hui coupable de cette infraction. Étant donné que le second chef d'accusation a été retiré par la poursuite au début du procès, la cour n'a pas d'autre chef d'accusation à examiner. Il m’incombe maintenant, à titre de juge militaire présidant la Cour martiale permanente, de déterminer la peine.

 

[2]               Le système de justice militaire constitue l’ultime recours pour faire respecter la discipline, laquelle constitue une dimension essentielle de l’activité militaire dans les Forces canadiennes. Ce système vise à prévenir l’inconduite ou, d’une façon plus positive, à promouvoir la bonne conduite. C’est grâce à la discipline que les forces armées s’assurent que leurs membres rempliront leurs missions avec succès en toute confiance et fiabilité. Le système veille également au maintien de l’ordre public et assure que les personnes assujetties au Code de discipline militaire sont punies de la même façon que toute autre personne vivant au Canada.

 

[3]               Il est reconnu depuis bien longtemps que l'objectif d'un système de justice ou de tribunaux militaires distincts est de permettre aux forces armées de s'occuper des questions liées au respect du Code de discipline militaire et au maintien de l'efficacité et du moral au sein des Forces canadiennes (R c Généreux, [1992] 1 RCS 259, à la page 293). Cela dit, la peine infligée par un tribunal, qu’il soit militaire ou civil, devrait être la peine la moins sévère selon les circonstances particulières de l’affaire.

 

[4]               En l’espèce, le procureur de la poursuite et l’avocat du contrevenant ont présenté une recommandation conjointe quant à la peine devant être infligée. Ils ont recommandé que la Cour vous inflige une amende de 500 $ afin de répondre aux exigences de la justice. Bien que la Cour ne soit pas liée par cette recommandation conjointe, il est généralement reconnu que le juge qui prononce la peine ne devrait s’écarter de la recommandation conjointe que lorsqu’il a des raisons impérieuses de le faire. Ces raisons peuvent notamment découler du fait que la peine n'est pas adéquate, qu'elle est déraisonnable, qu'elle déconsidérerait l’administration de la justice ou qu’elle irait à l'encontre de l'intérêt public (R v Taylor, 2008 CMAC 1, au paragraphe 21).

 

[5]               La Cour suprême du Canada a reconnu, dans l'arrêt Généreux (à la page 293), que pour que « les Forces armées soient prêtes à intervenir, les autorités militaires doivent être en mesure de faire respecter la discipline interne de manière efficace ». Elle a souligné que dans le contexte particulier de la discipline militaire, les manquements à la discipline devaient être réprimés promptement et, dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil. Cependant, le droit ne permet pas à un tribunal militaire d’infliger une peine qui se situerait au-delà de ce qui est requis dans les circonstances de l’affaire. En d'autres mots, toute peine infligée par un tribunal doit être adaptée au contrevenant et représenter l'intervention minimale requise puisque la modération est le principe fondamental de la théorie moderne de la détermination de la peine au Canada.

 

[6]               L’objectif fondamental de la détermination de la peine par une cour martiale est d’assurer le respect de la loi et le maintien de la discipline en infligeant des peines visant un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

a.                   protéger le public, y compris les Forces canadiennes;

 

b.                  dénoncer le comportement illégal;

 

c.                   dissuader le contrevenant, et quiconque, de commettre les mêmes infractions;

 

d.                  isoler, au besoin, les contrevenants du reste de la société;

 

e.                   réadapter et réformer les contrevenants.

 

[7]               Lorsqu’il détermine la peine à infliger, le tribunal militaire doit également tenir compte des principes suivants :

 

a.                   la peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction;

 

b.                  la peine doit tenir compte de la responsabilité du contrevenant et des antécédents de celui-ci;

 

c.                   la peine doit être semblable à celles infligées à des contrevenants ayant une situation semblable et ayant commis des infractions semblables dans des circonstances semblables;

 

d.                  le cas échéant, le contrevenant ne doit pas être privé de liberté si une peine moins contraignante peut être justifiée dans les circonstances. En bref, la cour ne devrait avoir recours à une peine d’emprisonnement ou de détention qu’en dernier ressort comme l’ont établi la Cour d’appel de la cour martiale et la Cour suprême du Canada;

 

e.                   enfin, toute peine devrait être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l’infraction et à la situation du contrevenant.

 

[8]               Je conclus que, dans les circonstances de l’espèce, la peine doit surtout viser les objectifs de dénonciation et de dissuasion générale. 

 

[9]               En l’espèce, la Cour a affaire à l’infraction militaire de possession de psilocybine en 2010 et, comme le juge Dutil le mentionnait dans la décision R c Humphrey, 2011 CM 1009 :

 

La Cour d’appel de la cour martiale et de nombreuses cours martiales ont constamment décidé que la consommation et le trafic de stupéfiants sont plus graves dans le milieu militaire, en raison de la nature même des fonctions et responsabilités de tous les membres des Forces canadiennes, qui doivent assurer la sécurité et la défense de notre pays et de nos concitoyens canadiens. La collectivité militaire ne peut tolérer aucun manquement à sa politique rigoureuse et bien connue qui interdit l’usage de drogues illicites. Cependant, il faut appliquer ces énoncés généraux dans le contexte de chaque cas, à la lumière des principes et objectifs pertinents en ce qui concerne la détermination de la peine.

 

Il s’agit du paragraphe 4 de la décision, et je souscris sans réserve à ces commentaires du juge Dutil à ce sujet. 

 

[10]           En bref, sur la foi de renseignements communiqués par un informateur confidentiel, des enquêteurs de la police militaire ont arrêté le Soldat Morgan et un autre membre des Forces canadiennes le 8 avril 2010 à bord d’une voiture garée à l’extérieur du Bâtiment 626 de la Base des Forces canadiennes Wainwright. Une fouille du véhicule leur a permis d’y découvrir de la psilocybine, communément appelée « champignons », et d’autres substances. Le Soldat Morgan a été arrêté, puis détenu pendant une journée, et, à la suite de son entretien avec l’enquêteur de police, il a pleinement admis sa responsabilité relativement à ce qu’il appelait les « champignons ». Le Soldat Morgan a été très coopératif lors de cet entretien.

 

[11]           Pour fixer la peine qu'elle estime juste et appropriée, la Cour a pris en compte les facteurs aggravants et les facteurs atténuants suivants :

 

a.                   La Cour considère la gravité objective de l’infraction comme un facteur aggravant. Vous avez été accusé, conformément à l'article 130 de la Loi sur la défense nationale, de possession d’une drogue en violation du paragraphe 4(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Ce type d’infraction est punissable par une peine d’emprisonnement d’au plus trois ans.

 

b.                  Deuxièmement, en ce qui a trait à la gravité subjective de l'infraction, la Cour tient compte des trois éléments :

 

                                                  i.                  Premièrement, vos actes rendent compte du manque d’intégrité et d’honnêteté dont vous avez fait preuve. Vous avez complètement fait fi de la politique de tolérance zéro à l’égard de la consommation de drogue par les membres des Forces canadiennes. Vous étiez au courant de politique, et la conduite que vous avez adoptée, surtout en présence d’un autre membre, a démontré un comportement absolument inacceptable à l’égard de cette question très grave.

 

                                                ii.                  Deuxièmement, il y a le fait que l’infraction a été commise dans le périmètre d’un établissement des Forces canadiennes.

 

                                              iii.                  Troisièmement, il y a essentiellement la présence d’autres membres des FC, parce que vous avez admis que vous étiez en possession de la substance, mais il est clair que vous la possédiez en présence d’un autre membre. Aussi, en ce qui concerne l’exemple, vous avez donné un mauvais exemple relativement à la politique, et je considère cette situation comme une circonstance aggravante.

 

[12]           J’ai également tenu compte des facteurs atténuants suivants :

 

a.                   Tout d’abord, il s’agit de votre plaidoyer de culpabilité. Vu les faits présentés en l'espèce, la Cour ne peut que considérer votre plaidoyer de culpabilité comme un signe clair et authentique de remords témoignant de votre désir sincère de demeurer un atout pour les Forces canadiennes et pour la société canadienne. 

 

b.                  De plus, votre attitude coopérative à partir du moment de votre arrestation et durant l’enquête doit également être considérée comme un important facteur atténuant. En somme, une fois arrêté, vous avez reconnu que vous n’aviez pas respecté la politique et vous avez admis sur-le-champ les faits relatifs à la possession des stupéfiants, et je dois considérer cette situation comme un facteur atténuant.

 

c.                   Il y a également votre âge et vos perspectives professionnelles au sein de la collectivité. Vous avez 23 ans, et vous avez donc de nombreuses années devant vous pour contribuer positivement à la société canadienne, et je crois comprendre que vous avez déjà fait des pas en ce sens en trouvant un autre emploi en 2012, et les choses semblent bien se passer pour vous de ce côté, et je vous encourage donc à poursuivre dans cette voie. 

 

d.                  Il y a aussi le fait que vous avez dû vous présenter devant la Cour. Malgré que l’infraction en l’espèce soit survenue il y a quelque temps déjà, vous avez dû comparaître devant la Cour dans le cadre d’une audience qui était annoncée et ouverte au public, et qui s’est déroulée en présence de certains de vos pairs. Ce fait a certainement eu un effet dissuasif considérable sur vous et sur eux. Une telle situation laisse savoir que le genre de conduite que vous avez eue ne sera toléré d'aucune manière et que ce genre de comportement sera réprimé en conséquence. 

 

e.                   Il y a aussi le fait que vous n’avez pas de fiche de conduite ni d’antécédents judiciaires en semblables matières.

 

f.                   Je constate également, d’après les faits qui m’ont été présentés, qu’il s’agit d’un incident isolé et que depuis, on ne m’a rien rapporté qui me laisserait penser que vous avez eu une conduite similaire ou que vous ayez été impliqué de nouveau dans quelque forme que ce soit de possession ou de trafic de stupéfiants. 

 

g.                  Il y a le fait que vous avez respecté les conditions de votre mise en liberté suite à votre arrestation. J’estime qu’il s’agit d’un élément très important. L’officier réviseur a essentiellement imposé comme condition que vous demeuriez sur la base. C’est ce que je comprends. Et vous avez respecté cette condition, et cet élément joue en votre faveur, et je dois en tenir compte.

 

h.                  Aussi le fait que vous avez passé une nuit en détention. Parfois, après leur arrestation, les prévenus sont remis en liberté sur-le-champ; vous avez passé un certain temps en détention. Vous avez été détenu, et il s’agit d’un élément dont la Cour doit tenir compte.

 

i.                    Enfin, il y a ce que le poursuivant a qualifié d’« écoulement du temps », et que nous appelons, dans le langage juridique, le temps qui s’est écoulé avant d’instruire la présente affaire. La Cour ne veut blâmer personne en l’espèce, mais plus une affaire soulevant une grave question disciplinaire est traitée rapidement, plus la peine est pertinente et efficace au regard des objectifs pris en compte par la Cour et de l’effet sur le moral et la cohésion des membres de l’unité. Le temps écoulé depuis que l’incident est survenu est l’un des facteurs qui diminuent la pertinence d’une peine plus sévère et qui se veut dissuasive.

 

[13]           Si la Cour accepte la recommandation conjointe faite par les avocats, je dois vous rappeler qu’en plus, la peine demeurera sur votre fiche de conduite à moins que vous ne bénéficiiez d’une réhabilitation suspendant le casier judiciaire qui vous est aujourd’hui attribué. Dans les faits, votre condamnation emporte une conséquence souvent ignorée, à savoir que vous avez désormais un casier judiciaire, fait en soi non négligeable.

 

[14]           En conséquence, la cour accepte la recommandation conjointe des avocats quant à la peine et vous inflige une amende de 500 $, étant donné que cette peine n'est pas contraire à l'intérêt public et n'aura pas pour effet de déconsidérer l'administration de la justice.

 

POUR CES MOTIFS, LA COUR

 

 

[15]           Vous DÉCLARE coupable du premier et seul chef d’accusation figurant à l’acte d’accusation relativement à l’infraction, prévue à l’article 130 de la Loi sur la défense nationale, de possession de stupéfiants en violation du paragraphe 4(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.

 

[16]           Vous CONDAMNE à une amende de 500 $. 

 


 

Avocats

 

Capitaine de corvette S.C. Leonard, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa Majesté la Reine

 

Major S. Collins, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat de l’Ex-Soldat G.D. Morgan

 

 

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