Cour martiale
Informations sur la décision
Date de l'ouverture du procès : 24 novembre 2008
Endroit : Garnison Sydney, Sydney (NÉ)
Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 (subsidiaire au chef d'accusation 2) : Art. 130 LDN, homicide involontaire en utilisant, en portant ou manipulant une arme à feu (art. 236a) C. cr.).
•Chef d'accusation 2 (subsidiaire au chef d'accusation 1) : Art. 130 LDN, négligence criminelle causant la mort en utilisant, en ayant possession, en portant ou en manipulant une arme à feu (art. 220a) C. cr.).
•Chef d'accusation 3 : Art. 124 LDN, a éxécute avec négligence une tâche militaire.
Résultats
•VERDICTS : Chef d'accusation 1 : Une suspension d'instance. Chefs d'accusation 2, 3 : Coupable.
•SENTENCE : Emprisonnement pour une période de quarte ans et destitution du service de Sa Majesté.
Cour martiale générale (CMG) (est composée d'un juge militaire et d'un comité)
Contenu de la décision
Référence : L’ex-Caporal M.A. Wilcox c. R., 2009 CM 2015
Dossier : 200849
DEMANDE DE MISE EN LIBERTÉ PENDANT L’APPEL
CANADA
NOUVELLE-ÉCOSSE
GARNISON DE SYDNEY, SYDNEY
Date : Le 30 septembre 2009
SOUS LA PRÉSIDENCE DU CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, J.M.
EX-CAPORAL M.A. WILCOX
(demandeur)
c.
SA MAJESTÉ LA REINE
(défenderesse)
ORDONNANCE DU JUGE MILITAIRE
(Prononcée de vive voix)
TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE
[1] Plus tôt aujourd’hui, le contrevenant a été condamné à quatre ans d’emprisonnement et a été destitué du service de Sa Majesté. Le contrevenant a présenté une demande fondée sur l’article 248.1 de la Loi sur la défense nationale afin d’obtenir sa remise en liberté jusqu’à ce qu’il soit statué sur l’appel qu’il entend présenter à la Cour d’appel de la cour martiale relativement au verdict de culpabilité et à la peine.
[2] Comme l’a signalé l’avocat du demandeur dans son plaidoyer, cette procédure postérieure à la déclaration de culpabilité selon laquelle la cour de première instance peut libérer un contrevenant en attendant qu’il soit statué sur l’appel est propre au système de justice militaire établi par la Loi sur la défense nationale et n’existe pas dans le système pénal civil. Le contrevenant peut s’adresser à la Cour d’appel et présenter une demande en ce sens, tout comme peut le faire l’appelant sous le régime du Code criminel, mais seulement dans la mesure où il ne s’est pas déjà adressé au tribunal de première instance.
[3] L’article 248.3 de la Loi sur la défense nationale se lit en partie comme suit :
À l’audition de la demande de libération, la cour martiale […] peut ordonner que l’auteur de la demande soit remis en liberté conformément [à l’article] 248.1 […] si celui‑ci établit :
a) dans le cas de la demande prévue à l’article 248.1 :
(i) qu’il a l’intention d’interjeter appel,
(ii) [sans objet]
(iii) qu’il se livrera lui‑même quand l’ordre lui en sera donné,
(iv) que sa détention ou son emprisonnement ne s’impose pas dans l’intérêt public ou celui des Forces canadiennes;
Compte tenu des témoignages que j’ai entendus dans le cadre de la présente demande, je suis convaincu que le contrevenant a l’intention d’interjeter appel, et je suis aussi convaincu qu’il se livrera lui-même au moment prévu. En l’espèce, la présente demande porte sur la quatrième condition.
[4] Dans la décision de l’ex-caporal D.D. Beek, rendue le 26 juillet 2007, j’ai déclaré ce qui suit :
[traduction]
[...] Comme l’a évoqué la procureure dans son plaidoyer, la condition la plus difficile à remplir est celle de savoir si la détention ou l’emprisonnement ne s’impose pas dans l’intérêt public ou celui des Forces canadiennes. Comme je l’ai indiqué aux avocats, des intérêts d’ordre public s’opposent à cette étape de la procédure. D’une part, la Loi sur la défense nationale prévoit expressément que les peines infligées par la Cour prennent effet le jour où elles sont prononcées. Le public a grandement intérêt à ce que les personnes qui sont reconnues coupables d’infractions criminelles graves purgent les peines que la Cour leur a légitimement infligées.
D’autre part, le public a grandement intérêt à ce que le processus d’appel soit efficace, et permette notamment que les déclarations de culpabilité prononcées par les juridictions de première instance soient appropriées et légitimes. Il est donc nettement dans l’intérêt public qu’une décision de première instance comme la présente puisse être examinée en appel [...]
[5] En l’espèce, il incombe au demandeur de convaincre la cour que son emprisonnement, jusqu’à ce qu’il soit statué sur l’appel qu’il entend interjeter, ne s’impose pas dans l’intérêt public ou celui des Forces canadiennes.
[6] D’abord, il est à noter que les infractions à l’égard desquelles le contrevenant a été reconnu coupable et condamné sont très graves. En règle générale, plus les infractions sont graves et plus l’intérêt du public et celui des Forces canadiennes à ce qu’une peine d’emprisonnement appropriée soit purgée dès qu’elle est infligée sont grands. C’est encore plus vrai lorsque les deux parties ont convenu que la peine appropriée devrait comporter une certaine forme d’incarcération excédant la période minimale.
[7] À mon avis, la nature des infractions commises en l’espèce, notamment l’usage criminellement négligent d’une arme d’infanterie causant la mort d’un soldat, accentue l’intérêt disciplinaire des Forces canadiennes à ce que la peine soit purgée immédiatement.
[8] En l’espèce, je ne pense pas que le refus d’accorder la mise en liberté pendant l’appel projeté compromettra le processus d’appel ou le rendra théorique.
[9] Dans ses observations, l’avocat du demandeur a évoqué le retard que pourrait entraîner, dans le prononcé de la décision, la préparation nécessaire des transcriptions de ce qui a été un très long procès. Je comprends que dans l’éventualité où le contrevenant demeure incarcéré et purge sa peine, plus il faut de temps pour que son appel soit tranché et qu’il ait gain de cause, plus grande est l’atteinte portée à l’intérêt du public à ce que les gens ne soient pas incarcérés, sinon à la suite d’un procès juste et équitable.
[10] Le problème qui se pose à cet égard, c’est que je ne suis saisi d’aucun élément de preuve quant au délai requis pour préparer et présenter le meilleur dossier d’appel possible, et que je ne sais rien des motifs d’appel qui pourraient être soulevés. En conséquence, j’estime qu’il m’est impossible de conclure qu’il n’est pas nécessaire dans l’intérêt public que le contrevenant soit incarcéré en attendant qu’il soit statué sur l’appel qu’il a l’intention d’interjeter.
[11] S’il s’agissait en l’espèce d’une demande présentée à un juge de la Cour d’appel de la cour martiale conformément à l’article 248.2, l’avis d’appel serait déposé et le juge serait en mesure de déterminer si l’appel est frivole ou non, comme le prévoit le sous‑alinéa 248.3b)(i), et si les motifs d’appel précisés dans l’avis exigent ou non que l’instance soit transcrite au complet ou simplement en partie, ou même qu’elle ne le soit pas du tout. Le juge saisi de cette demande pourrait rendre une ordonnance prévoyant l’instruction accéléré de l’appel, ordonnance qui ne relève pas de la compétence de la Cour.
[12] Le demandeur ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait d’établir que son emprisonnement pendant l’appel qu’il a l’intention d’interjeter ne s’impose pas dans l’intérêt public ou celui des Forces canadiennes. En conséquence la demande est rejetée.
CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, J.M.
AVOCATS :
Major J.J. Samson, Poursuites militaires régionales (Atlantique)
Avocat des Forces canadiennes
Major S.J. Turner, Direction du Service d’avocats de la défense
Avocat de l’ex-Caporal M.A. Wilcox, détenu