Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 24 novembre 2008

Endroit : Garnison Sydney, Sydney (NÉ)

Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 (subsidiaire au chef d'accusation 2) : Art. 130 LDN, homicide involontaire en utilisant, en portant ou manipulant une arme à feu (art. 236a) C. cr.).
•Chef d'accusation 2 (subsidiaire au chef d'accusation 1) : Art. 130 LDN, négligence criminelle causant la mort en utilisant, en ayant possession, en portant ou en manipulant une arme à feu (art. 220a) C. cr.).
•Chef d'accusation 3 : Art. 124 LDN, a éxécute avec négligence une tâche militaire.

Résultats
•VERDICTS : Chef d'accusation 1 : Une suspension d'instance. Chefs d'accusation 2, 3 : Coupable.
•SENTENCE : Emprisonnement pour une période de quarte ans et destitution du service de Sa Majesté.

Cour martiale générale (CMG) (est composée d'un juge militaire et d'un comité)

Contenu de la décision

Référence : R. c.  Caporal M.A. Wilcox, 2009 CM 2014

 

Dossier : 200849

 

 

 

COUR MARTIALE GÉNÉRALE

CANADA                                         

NOUVELLE-ÉCOSSE

PARC VICTORIA, SYDNEY

 

Date : Le 30 septembre 2009

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, J.M.

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

CAPORAL M.A. WILCOX

(Contrevenant)

 

SENTENCE

(Prononcée de vive voix)

 

 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

INTRODUCTION

 

[1]        Caporal Wilcox, la présente Cour martiale générale vous a reconnu coupable des deux chefs daccusation suivants : négligence criminelle causant la mort à légard du deuxième chef de lacte daccusation, et négligence dans lexécution dune tâche militaire à légard du troisième chef daccusation.               

 

[2]        Il mincombe maintenant de déterminer votre peine. Pour ce faire, jai tenu compte des principes de la détermination de la peine quappliquent les cours ordinaires de juridiction criminelle du Canada ainsi que les cours martiales. Jai également pris en compte les faits de lespèce, tels quils ont été révélés par les témoignages entendus et les documents déposés au cours de laudience, ainsi que les plaidoiries des avocats de la poursuite et de la défense.

 


[3]        Les principes de détermination de la peine guident la cour dans lexercice de son pouvoir discrétionnaire de fixer une peine adéquate et adaptée à chaque cas. En règle générale, la peine doit correspondre à la gravité de linfraction, à lattitude blâmable et au degré de responsabilité de son auteur ainsi quà sa moralité. La cour prend en compte les peines prononcées par les autres tribunaux dans des affaires similaires, non parce quelle respecte aveuglément les précédents, mais parce que le sens commun de la justice veut quelle juge de façon similaire les affaires similaires. Néanmoins, lorsquelle détermine la peine, la cour tient compte des nombreux facteurs qui distinguent chaque affaire dont elle est saisie, tant les circonstances aggravantes susceptibles de justifier une peine plus sévère que les circonstances atténuantes susceptibles de justifier une peine moins sévère.

 

[4]        Les buts et les objectifs de la détermination de la peine ont été exposés de diverses manières dans de nombreuses affaires antérieures. En règle générale, ils concernent la nécessité de protéger la société, y compris, bien entendu, les Forces canadiennes, en favorisant le développement et le maintien dune collectivité juste, paisible, sûre et respectueuse de la loi. Fait important, dans le contexte des Forces canadiennes, ces objectifs incluent le maintien de la discipline, cette habitude dobéir si nécessaire à lefficacité dune force armée. Ces buts et ces objectifs comprennent aussi la dissuasion individuelle, pour éviter toute récidive du contrevenant, et la dissuasion générale, pour éviter que dautres ne soient tentés de suivre son exemple. La peine a aussi pour objet dassurer la réinsertion sociale du contrevenant, de promouvoir son sens des responsabilités et de dénoncer les comportements illégaux.

 

[5]        Il est normal quau cours du processus permettant darriver à une peine juste et adaptée à chaque cas, certains de ces buts et objectifs lemportent sur dautres, mais il importe de les prendre tous en compte; une peine juste et adaptée est une sage combinaison de ces buts, adaptée aux circonstances particulières de lespèce.

 

[6]        Larticle 139 de la Loi sur la défense nationale prévoit les différentes peines quune cour martiale peut infliger. Ces peines sont limitées par la disposition de la loi qui crée linfraction et prévoit une sanction maximale. Un contrevenant fait lobjet dune seule sentence, quil soit déclaré coupable dune seule infraction ou de plusieurs, mais la sentence peut prévoir plusieurs peines. Un principe important veut que la cour inflige la peine la moins sévère permettant de maintenir la discipline.

 

[7]        Pour déterminer la peine en lespèce, jai tenu compte des conséquences directes et indirectes sur laccusé des déclarations de culpabilité et de la sentence que je mapprête à prononcer, y compris des circonstances dans lesquelles une peine demprisonnement serait purgée.

 

 


[8]        La poursuite demande une peine demprisonnement de six ans, la destitution des Forces canadiennes et la rétrogradation au rang de soldat. La poursuite demande une ordonnance en vertu de larticle 220 de la Loi sur la défense nationale portant quune portion de neuf mois de la peine soit purgée dans une prison militaire et une caserne disciplinaire. La poursuite demande également une ordonnance dinterdiction de possession darmes en vertu de larticle 147.1 de la Loi sur la défense nationale pour une période de dix ans, une interdiction de possession darmes prohibées à vie, et enfin une ordonnance en vertu de larticle 196.14 contraignant le contrevenant à fournir des échantillons dADN.

 

[9]        Selon lavocat du contrevenant, une peine demprisonnement de douze mois à purger dans une prison militaire et dans une caserne disciplinaire est juste, mais il soutient que lapplication de cette peine devrait être suspendue. La défense soutient que la rétrogradation au rang de soldat est une peine appropriée, mais que la destitution ne lest pas, et soppose à lordonnance dinterdiction de possession darmes et à celle contraignant à fournir des échantillons dADN.

 

[10]      Le contrevenant et le défunt, le Caporal Kevin Megeney, étaient membres de la Force de réserve appartenant aux unités de milice de la Nouvelle-Écosse. En décembre 2006, ils ont pris part à la mission en Afghanistan dans le cadre dune rotation, et faisaient partie de la même section du peloton. Ils se sont entraînés ensemble pendant plusieurs mois au cours de la préparation du déploiement et tout porte à croire quils étaient des amis proches. En mars 2007, ils avaient comme mission de protéger lentrée principale, désignée comme le point no 3 contrôlant laccès à laérodrome de Kandahar, une grande base militaire pour les forces armées multinationales sous le commandement de lOTAN. Il ressort clairement de la preuve que lexécution de cette mission était exigeante pour les soldats tant sur le plan physique que mental. Nimporte laquelle des centaines de personnes qui entraient dans la base ou qui en sortaient au cours dune journée pouvait constituer une menace létale pour les Forces canadiennes ou les Forces alliées, et les soldats qui étaient de garde à lentrée faisaient partie de la première ligne de défense contre tout attaque armée de la base. Dans lexercice de leurs fonctions à lentrée de la base, les membres étaient armés de fusils C7 et de pistolets 9 mm Browning. Leurs armes étaient chargées lorsquils étaient de garde. En dehors de leur service, les membres étaient tenus de se conformer aux ordonnances régissant toutes les personnes de la base, à savoir dêtre armés en tout temps, mais de garder leurs armes déchargées et leurs munitions à portée de la main.

 

[11]      Le 6 mars 2007, à la fin de leur service à lentrée de la base, le contrevenant et le Caporal Megeney ont été ramenés à la tente quil partageaient avec dautres membres de leur section. La tente était divisée en deux moitiés dont lune était occupée par le contrevenant, le Caporal Megeney et un membre haut gradé du peloton. Peu après quils eurent regagné leur moitié de la tente, le pistolet du contrevenant sest déchargé et le Caporal Megeney a été tué.


[12]      Tous ces faits semblent incontestables, mais deux versions très différentes de la façon dont le coup de feu a été tiré sont ressorties de la preuve. Selon la poursuite, le contrevenant a négligé de décharger son pistolet à la fin de son service et, une fois de retour dans la tente, il a joué avec le Caporal Megeney à qui dégainerait son pistolet 9 mm le plus rapidement. La défense a fait valoir, en sappuyant sur le témoignage sous serment du contrevenant, que celui-ci savait quil navait pas déchargé son pistolet après avoir quitté son poste et que, de retour dans la tente, il rangeait son équipement lorsquil a entendu derrière lui un bruit de pistolet armé. Quand il sest retourné, il a vu un pistolet braqué sur lui, ce quil a pris comme une menace imminente, et il a réagi en retirant son pistolet de son étui de cuisse et en tirant afin dassurer sa propre défense. Immédiatement après avoir tiré, il a réalisé que cétait son ami, le Caporal Megeney, qui tenait le pistolet.

 

[13]      Dans une affaire comme en lespèce où les verdicts de culpabilité sont rendus par un comité de la cour martiale générale, le juge qui a la responsabilité dinfliger une peine appropriée ne dispose pas des conclusions de fait explicites sur lesquelles repose le verdict du comité. Tout comme le jury dans une affaire pénale, le comité ne présente pas les motifs de ses conclusions ni ne tire de conclusions particulières sur des questions de fait distinctes. Sur quel fondement factuel la cour peut-elle donc sappuyer pour infliger une peine appropriée?   

 

[14]      Dans larrêt R. c. Ferguson[1], la Cour suprême du Canada a traité de cette question en disant ceci :

 

Le juge chargé de la détermination de la peine sacquitte de cette tâche en suivant deux principes.  Premièrement, il « est li[é] par la base factuelle expresse ou implicite du verdict du jury » [...]. Il « considère comme prouvés tous les faits, exprès ou implicites, essentiels au verdict de culpabilité qua rendu le jury », [...] et il ne doit pas considérer comme un fait tout élément de preuve qui nest compatible quavec un verdict rejeté par le jury [...].

 


[18]         Deuxièmement, lorsque la base factuelle du verdict rendu par le jury est ambiguë, le juge qui détermine la peine ne doit pas tenter de suivre le raisonnement du jury, mais il doit plutôt tirer ses propres conclusions concernant les faits pertinents [...].  Ce faisant, il peut, « à légard des autres faits pertinents qui ont été révélés lors du procès [. . .] les accepter comme prouvés ». Pour sappuyer sur un fait aggravant ou une condamnation antérieure, le juge qui détermine la peine doit être convaincu hors de tout doute raisonnable de lexistence de ce fait ou de cette condamnation; pour se fonder sur tout autre fait pertinent, il doit être convaincu de lexistence de ce fait par une preuve prépondérante [...].  Il ressort de cette démarche que le juge du procès ne doit sappuyer que sur les constatations de fait nécessaires pour lui permettre dinfliger la peine appropriée dans laffaire dont il est saisi.  Il doit dabord se demander quelles sont les questions pertinentes pour la détermination de la peine et, ensuite, faire les constatations de fait nécessaires pour trancher ces questions.

 

[Voir également R. c. Cooney (1995) 98 C.C.C. (3d) 196 (Ont. C.A.)]

 

[15]      La question en litige en lespèce est de savoir ce que signifie une peine juste et appropriée.            

 

[16]      À mon avis, les conclusions du comité en lespèce sont compatibles avec le point de vue selon lequel le contrevenant et le défunt jouaient à qui dégainerait son pistolet le plus rapidement, et avec celui selon lequel le contrevenant a tiré le coup fatal de manière intentionnelle, mais que, pour une raison ou une autre, la défense fondée sur la légitime défense a tout de même été rejetée. Il nappartient pas au juge qui prononce la peine de formuler des hypothèses sur la façon dont le comité a tiré ses conclusions. Il sagit de lune des erreurs que le juge qui prononce la peine a commises dans Ferguson[2] :                                                                           

 


[22]         Premièrement, le juge du procès a commis une erreur en tentant de reconstituer le raisonnement du jury.  Le droit nautorise pas le juge du procès à procéder à cet exercice, et ce, pour une bonne raison.  Les jurés peuvent arriver à un verdict unanime en sappuyant sur des raisons différentes et sur des thèses différentes concernant laffaire [...]. Attribuer un seul ensemble de conclusions factuelles à tous les jurés relève de lhypothèse et de la fiction, sauf sil est clair que ces constatations de fait ont inévitablement fait lunanimité.  Devant une ambiguïté, le juge du procès doit examiner la preuve et faire ses propres constatations de fait compatibles avec la preuve et les conclusions du jury.

 

 

[17]      À mon avis, les conclusions du comité en lespèce sont ambiguës quant aux faits, et comme il ressort du passage susmentionné, il mappartient aux fins de la détermination de la peine de faire des constatations de fait fondées sur la preuve soumise au comité. Comme la souligné la cour dans Ferguson[3] :

 

[...] Le juge du procès aurait dû examiner tous les éléments de preuve afin de faire ses propres constatations de fait compatibles avec le verdict du jury, dans la mesure où elles étaient pertinentes pour trancher les deux questions dont il était saisi.

 

[18]      En me fondant sur lensemble de la preuve, je suis convaincu hors de tout doute raisonnable que le coup de pistolet qui a tué le Caporal Megeney a été tiré accidentellement pendant le jeu auquel participaient le contrevenant et le défunt. Il sagit de la version que le contrevenant a donnée dans ses déclarations faites à ses camarades peu de temps après les événements ainsi que quelques mois plus tard lorsquil a reconnu, entre autres, avoir omis de décharger son pistolet à son poste. Jaccepte tous ces témoignages au sujet des déclarations faites par le contrevenant, et jaccepte le fait que les témoins ont rapporté fidèlement les déclarations et les propos du contrevenant.

 

[19]      De plus, je conclus que le contrevenant a dit la vérité à ses camarades dans ses déclarations. Le défunt navait aucune raison de braquer son pistolet sur le contrevenant dans la tente, comme la dit le contrevenant, sauf si ce geste faisait partie de leur jeu. Ces constatations de fait sont compatibles avec les conclusions du comité sur chacun de ces trois chefs daccusation.

 


[20]      Je devrais ajouter que je ne crois pas que la version que le contrevenant a donnée pendant son témoignage soit moins répréhensible que les faits tels que je les ai constatés. Le fait davoir tiré intentionnellement avec un pistolet chargé dans la direction dune cible inconnue et non vérifiée dans le but de labattre, à proximité de plusieurs autres soldats dont nimporte lequel aurait pu être atteint, et le fait que lauteur du coup de pistolet avait reçu une instruction de haute qualité sur le maniement de larme et ses caractéristiques, et dans des circonstances où la légitime défense ne sapplique pas, doivent être considérés aux fins de détermination de la peine comme étant une série de circonstances aussi graves que la décharge dune arme chargée survenue au cours dun jeu.

 

 

 

[21]      Larticle 130 de la Loi sur la défense nationale prévoit que les infractions aux lois fédérales, dont le Code criminel, constituent des infractions dordre militaire pour lapplication du code de discipline militaire figurant dans la Loi sur la défense nationale. Le paragraphe 130(2) prévoit les peines suivantes : 

 

(2) Sous réserve du paragraphe (3), la peine infligée à quiconque est déclaré coupable aux termes du paragraphe (1) est:

 

a) la peine minimale prescrite par la disposition législative correspondante, dans le cas dune infraction :

 

(i) commise au Canada en violation de la partie VII de la présente loi, du Code criminel ou de toute autre loi fédérale et pour laquelle une peine minimale est prescrite,

 

(ii)  commise à létranger et prévue à larticle 235 du Code criminel;

 

 


b) dans tout autre cas :

 

(i) soit la peine prévue pour l'infraction par la partie VII de la présente loi, le Code criminel ou toute autre loi pertinente,

 

(ii) soit, comme peine maximale, la destitution ignominieuse du service de Sa Majesté.

 

En lespèce, il est clair que la peine prononcée par la cour doit être infligée en vertu de lalinéa 130(2)b) parce que la disposition prévue à lalinéa a) ne sapplique pas, vu que linfraction de négligence criminelle est survenue à létranger.

 

[22]      À mon avis, lintention du législateur au paragraphe 130(2) était de placer les contrevenants militaires commettant des infractions au droit criminel ordinaire sur un pied dégalité avec leurs homologues civils aux fins de détermination de la peine.

 

Le Code criminel  prévoit à larticle 220 les peines pour linfraction de négligence criminelle comme suit:

 

Quiconque, par négligence criminelle, cause la mort dune autre personne est coupable dun acte criminel passible:

 

a) sil y a usage dune arme à feu lors de la perpétration de linfraction, de lemprisonnement à perpétuité, la peine minimale étant de quatre ans;

 

b) dans les autres cas, de lemprisonnement à perpétuité.

 

 


[23]      Selon la défense, la peine minimale obligatoire prévue par le Code criminel ne sapplique pas en lespèce parce quune peine minimale doit être infligée lorsque le tribunal exerce son pouvoir dimposer la peine en vertu de lalinéa a), par opposition à lalinéa b) du paragraphe 130(2). Je doute fortement que cette thèse énonce correctement le droit applicable, mais eu égard aux circonstances de lespèce, je conclus que je nai pas à trancher cette question.

 

[24]      Parmi les principes de détermination de la peine que la cour doit appliquer jai déjà mentionné le principe de la parité. Ce principe ressort de lalinéa 718.2b) du Code criminel qui prévoit ce qui suit :

 

Le tribunal détermine la peine à infliger compte tenu également des principes suivants:

 

                                                                                            [...]

 

b) lharmonisation des peines, cest‑à‑dire linfliction de peines semblables à celles infligées à des délinquants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables[4].

 

[25]      Il est clair que si linfraction de négligence criminelle causant la mort par suite de lusage dune arme à feu était commise par un civil en lespèce, le contrevenant serait condamné à la peine minimale prévue par le Code criminel de quatre ans demprisonnement. Il est également clair que si linfraction en lespèce avait été commise par un militaire au Canada, plutôt quen Afghanistan, peut-être par exemple pendant lentraînement préalable au déploiement pour la mission de lAfghanistan, le contrevenant aurait aussi été condamné en vertu de lalinéa 130(2)a) à la peine minimale de quatre ans demprisonnement.

 


[26]      En lespèce, il mest impossible de dire pourquoi le crime perpétré par le contrevenant peut être considéré comme moins grave aux fins de détermination de la peine parce quil a été perpétré à létranger, sur un théâtre dopérations de guerre, par quelquun ayant suivi une formation militaire poussée au maniement des armes.

 

[27]      La poursuite a invoqué la gravité objective de linfraction, dont témoigne la peine maximale pouvant être infligée pour linfraction de négligence criminelle entraînant la mort. Jestime que la peine minimale de quatre ans demprisonnement prévue par la loi pour cette infraction est une autre indication de la gravité avec laquelle la cour qui détermine la peine doit considérer le meurtre dune personne par suite de lusage dune arme à feu.

 

[28]      Les actions du contrevenant qui ont causé la mort du Caporal Megeney sinscrivent dans un type de comportement négligent, en commençant par lomission du contrevenant de décharger son arme à feu à son poste après son service. Le contrevenant a violé la confiance de ses camarades qui, en tant quéquipe, se sont exposés à des dangers que nous ne pouvons quimaginer, et qui étaient en droit de sattendre à ce que la menace à leur sécurité et à leur bien-être ne vienne pas de lun de leurs camarades.

 

[29]      Le contrevenant est un jeune homme célibataire et un excellent soldat. Il joue un rôle actif dans la communauté en plus de son service dans la Force de réserve où ses supérieurs le décrivent comme étant invariablement classé dans le premier tiers des caporaux. Il a pris et continue de prendre des mesures pour compléter sa formation. Je nai aucun doute quil a souffert énormément de la perte de son ami et camarade de peloton, mais il a néanmoins continué à remplir ses fonctions du service militaire depuis les infractions dune manière consciencieuse et professionnelle. Il na pas dantécédents de manquement à la discipline. 

 


[30]      Je souhaite madresser aux membres des familles du contrevenant et du Caporal Megeney, dont quelques-uns ont témoigné dans le cadre de la présente instance. Je suis conscient que vous tous, et certes beaucoup dautres qui nont pas témoigné, avez éprouvé un immense chagrin par suite de ces infractions. Je sais que vous réalisez quaucune peine que la cour pourrait prononcer ne peut vous redonner ce que vous avez perdu de différentes mais tragiques façons. Pour déterminer la peine en lespèce, je suis tenu daccorder davantage de poids à dautres éléments, mais jai accordé une attention spéciale à vos témoignages et je vous remercie du courage dont vous avez tous fait preuve dans vos témoignages.

 

[31]      À mon avis, en tenant compte de toutes les circonstances entourant les infractions et le contrevenant, une peine adaptée en lespèce serait un emprisonnement de quatre ans et la destitution du service de Sa Majesté.

 

[32]      En vertu de larticle 215 de la Loi sur la défense nationale, la cour peut suspendre lexécution de la peine demprisonnement. La défense me demande dexercer ce pouvoir, eu égard à toutes les circonstances entourant le contrevenant, y compris le fait quil est actuellement inscrit dans un programme détudes postsecondaires. Je ne suis pas convaincu quil convient en lespèce de suspendre lexécution de la peine demprisonnement.

 

[33]      Suivant larticle 220 de la Loi sur la défense nationale, la peine demprisonnement est purgée dans un pénitencier fédéral, mais, en vertu du paragraphe 220(1) de la Loi, la cour, en sa qualité dautorité incarcérante, peut ordonner que la peine, ou une partie de celle-ci soit purgée à la prison militaire dEdmonton. La poursuite suggère que la cour ordonne que la première partie de neuf mois de la peine soit purgée dans la prison militaire. Jai invité la défense à examiner expressément cette question, et après réflexion, la défense na présenté aucune demande visant à obtenir que la peine soit purgée, en tout ou en partie, dans la prison militaire. Dans les circonstances, je refuse de rendre une ordonnance précisant lendroit où la peine soit purgée.

 


[34]      Jai décidé que la destitution du service de Sa Majesté constitue également une peine appropriée en lespèce. Il est vrai que jai entendu le témoignage du commandant du contrevenant et dautres membres de son unité, qui ont dit quils appuyaient la poursuite de la carrière militaire du contrevenant après quil aura purgé la peine prononcée par la cour. Je comprends pourquoi le contrevenant jouit de lappui de son unité. Il est un soldat compétent et dévoué dont les nombreuses qualités bénéficiairaient aux Forces canadiennes. Par contre, comme soldat il a reçu une instruction poussée concernant le maniement des armes à feu dangereuses, et en commettant ces infractions il a sciemment fait fi des directives qui lui ont été enseignées au cours de linstruction. Il est regrettable que sa négligence criminelle ait entraîné des conséquences tragiques pour la victime et sa famille, pour sa propre famille et pour dautres membres du peloton et de son unité, et quil ait eu des répercussions possibles sur la mission pour laquelle il avait été déployé. Ces facteurs, à mon avis, lemportent sur les qualités du contrevenant et justifient sa destitution.

 

[35]      Jestime que la rétrogradation nest pas appropriée en lespèce.        

                                                                      

[36]      Jestime quil sagit dune affaire appropriée justifiant une ordonnance de prélèvement génétique ainsi quune ordonnance interdisant la possession darmes. En ce qui concerne linterdiction des armes, il y aura une ordonnance interdisant la possession de toute arme pour une période de cinq ans, et vu que le contrevenant est destitué du service, cette ordonnance sappliquera à toute arme dans le cadre du service au sein des Forces canadiennes.

 

[37]      En ce qui concerne lordonnance de prélèvement génétique, le contrevenant a été déclaré coupable dune infraction secondaire, définie par la loi, et jestime quil est dans le meilleur intérêt de ladministration de la justice militaire que lordonnance soit rendue.

 

[38]      Caporal Wilcox, je vous condamne à une peine demprisonnement de 48 mois et à la destitution du service de Sa Majesté.

 

 

 

 

Capitaine de frégate P.J. Lamont, J.M.


Avocats :

 

Major J.J. Samson, Bureau des poursuites militaires, Région de lAtlantique

Procureur de Sa Majesté la Reine                 

 

Lieutenant-colonel D.T. Sweet, Direction du service davocats de la défense

Avocat du Caporal M.A. Wilcox

 

Major S. Turner, Direction du service davocats de la défense

Avocat adjoint du Caporal M.A. Wilcox

 

 

 



[1] [2008] 1 R.C.S. 96, au paragraphe 17.

[2] Ibid, voir paragraphe 22.

[3] Supra, note 1, voir paragraphe 23.

[4] Voir également R. c. Lui, CACM-482, décision rendue le 8 mars 2005.

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