Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 24 février 2005.
Endroit : 4e Escadre Cold Lake, CRFM, Cold Lake (AB).
Chef d’accusation :
• Chef d’accusation 1 : Art. 114 LDN, vol.
Résultats:
• VERDICT : Chef d’accusation 1 : Coupable.
• SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 1000$.

Contenu de la décision

Citation : R. c. Caporal Q.A. Stevenson, 2005CM13

 

Dossier : S200513

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CANADA

ALBERTA

CENTRE DE RESSOURCES POUR LES FAMILLES DES MILITAIRES, 4e ESCADRE COLD LAKE

 

Date : 24 février 2005

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU COLONEL M. DUTIL, J.M.C.

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

CAPORAL Q.A. STEVENSON

(Accusé)

 

SENTENCE

(Prononcée de vive voix)

 

 

TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

[1]                    Caporal Stevenson, veuillez vous lever. La cour ayant accepté et inscrit votre plaidoyer de culpabilité au premier chef d’accusation, elle vous déclare maintenant coupable de celui‑ci.

 

[2]                    Il est établi de longue date que le but d'un système de tribunaux militaires distinct est de permettre aux Forces armées de s'occuper des questions qui touchent directement à la discipline, à l'efficacité et au moral des troupes. Il est également admis que le contexte militaire peut, en fonction des circonstances, justifier une peine qui favorisera l’atteinte des objectifs militaires. Ceci étant dit, la peine imposée par un tribunal, qu’il soit militaire ou civil, devrait représenter la mesure minimale qui est nécessaire dans les circonstances de l’espèce.

 


[3]                    Afin de déterminer la peine applicable en l'espèce, la cour a examiné l'ensemble des circonstances entourant la commission de l'infraction, tels qu'elles ressortent du sommaire des circonstances que vous avez accepté en tant que preuve concluante. La cour a également tenu compte de la preuve documentaire présentée devant la cour, qui comprend les pièces suivantes : la déclaration relative aux états de service de l'accusé, datée du 25 janvier 2005 (pièce 3); le sommaire des dossiers du personnel militaire, SDPM, révisé par l'accusé le 8 février 2005 (pièce 4); un aperçu du droit à la rémunération pour le mois de février 2005 (pièce 5); la mention élogieuse du commandant de la 1re Division aérienne du Canada remise au soldat Quinn Alexander Stevenson, datée du 27 février 2004, en reconnaissance de son sens remarquable du civisme pour avoir apporté son aide aux policiers à la suite d'un accident de la route dans lequel le conducteur s'était enfuit (pièce 6); une lettre d'appréciation morale du Caporal Stevenson, Q.A. par l'adjudant‑chef A.G. Bouzane, datée du 3 février 2005 (pièce 7).

 

[4]                    En outre, la cour a examiné les témoignages du Caporal Brewer et du Caporal‑chef Howitt, ainsi que les plaidoiries des avocats et la jurisprudence qui lui a été fournie. La cour a ensuite examiné la preuve à la lumière des principes et des objectifs de la détermination de la peine, et en tenant compte des répercussions directes et indirectes que le verdict et la peine auront sur vous.

 

[5]                    Les principes qu’il faut prendre en compte pour prononcer une peine adaptée reposent sur l’un ou plusieurs des éléments suivants : la protection du public, y compris les Forces canadiennes; la dénonciation du comportement de l’accusé; la punition de l’accusé; l’effet de dissuasion de la sanction, non seulement sur l’accusé, mais également sur quiconque serait tenté de commettre une infraction semblable; la réadaptation et l’amendement de l’accusé; la proportionnalité de la peine par rapport à l’accusé et à la gravité de l’infraction; et la parité dans les peines infligées, à savoir que la peine infligée doit être comparable aux peines infligées à des contrevenants du même genre pour des infractions similaires.

 

[6]                    Dans la décision R. c. St. Jean, [2000] CMAJ No.2, le juge Létourneau, au nom de la Cour d’appel de la cour martiale, a mis en lumière les répercussions des actes à caractère frauduleux à l'intérieur des organisations publiques telles que les Forces canadiennes. Il énonce ce qui suit au paragraphe 22 :

 

[Traduction]


...Après avoir examiné la peine imposée, les principes applicables et la jurisprudence de la cour, je ne peux affirmer que le président qui a prononcé la peine a commis une erreur ou a agi de manière déraisonnable lorsquil a fait valoir le besoin de mettre en évidence la dissuasion. Au sein dune organisation publique aussi vaste et complexe que les Forces canadiennes, qui est dotée dun budget imposant, qui gère une énorme quantité de matériel et de biens de lÉtat, ainsi quune multitude de programmes diversifiés, la direction doit inévitablement compter sur laide et lintégrité de ses employés. Aucun système de contrôle, aussi efficace quil soit, ne peut constituer un substitut valable à lintégrité du personnel en lequel la direction met toute sa foi et sa confiance. Il est généralement très difficile de détecter un manquement à cette confiance commis au moyen dune fraude, et très coûteux denquêter sur celui-ci. Cela nuit au respect de la population à légard de linstitution et entraîne des pertes de fonds publics. Les membres des Forces armées qui sont déclarés coupables de fraude, et les autres membres du personnel militaire qui pourraient être tentés de les imiter, devraient savoir quils sexposent à des sanctions qui dénonceront de façon non équivoque leur comportement et leur abus de la confiance que leur témoignaient leur employeur de même que le public et les dissuaderont de se lancer dans ce genre dactivités...

 

 

[7]                    Même s’il n’est pas question de fraude en l’espèce, il s’agit néanmoins d’une infraction relative au vol de biens publics, et la perpétration d’une telle infraction, dans ce contexte, doit faire l’objet d’une sanction qui mette l’accent sur le principe de la dissuasion générale. La cour estime que la dénonciation constitue également un élément important pour ce type d’inconduite. La cour convient que la réadaptation et la dissuasion spécifique ne sont pas des éléments essentiels en l’espèce.

 

[8]                    Pour déterminer ce quelle considère comme une peine équitable et adaptée, la cour a pris en compte les facteurs suivants :

 

Tout d’abord, la gravité objective de l’infraction. Quiconque est déclaré coupable d’une infraction de vol aux termes de l’article 114 de la Loi sur la défense nationale est passible d’une peine d’emprisonnement d’une durée maximale de sept ans, ou d’une sanction moindre. Il s’agit d’une infraction très grave;

 

Ensuite, le contexte particulier de l’affaire décrit dans le sommaire des circonstances. L’infraction a été commise dans un établissement militaire. Le matériel que vous avez volé est demeuré sans protection dans un véhicule militaire, comme s’il avait été abandonné. Des équipements tel que des lunettes d'observation de nuit ou des systèmes de positionnement global présentent un grand intérêt et peuvent être utilisés pour commettre des infractions criminelles graves. En outre, ce type d’équipements peut facilement être utilisé au profit d’organisations criminelles ou en rapport avec les activités quelles mènent. Aucune preuve de la sorte na été présentée devant la cour, mais il est utile de souligner limportance objective de ce type de matériel. Les Forces canadiennes ont le devoir de protéger leurs équipements, mais les autorités militaires devraient insister, dès le début de la carrière de leurs membres, sur leur responsabilité collective et individuelle dy veiller;

 


Troisièmement, le fait que vous ayez admis la responsabilité de vos actes en plaidant coupable devant cette cour, mais également que vous ayez eu lintention de le faire le plus tôt possible, comme la reconnu le poursuivant. La cour sait également que vous avez restitué volontairement le matériel que vous aviez volé, et que vous avez pris des mesures particulières en vue de localiser une partie des équipements volés. Par conséquent, la cour considère votre aveu de culpabilité comme une reconnaissance sincère de votre inconduite, et cest un élément que je considère comme essentiel à lamendement et à la réadaptation dun contrevenant;

 

Quatrièmement, j’ai pris en considération le grade que vous déteniez à l’époque, de même que votre âge, ainsi que votre situation actuelle du point de vue financier, économique, social et familial. Vous aviez 19 ans et vous veniez d’être recruté. Lors du procès du caporal Keller tenu devant la Cour martiale permanente le 22 février 2005 à Edmonton, j’ai insisté sur le fait que bon nombre de jeunes adolescents et de jeunes adultes qui s’enrôlent dans les Forces canadiennes sont fortement intéressés par le matériel militaire, tel que les équipements décrits à l’annexe A, mais j’ai également fait remarquer que cela n’est pas une excuse pour commettre de tels méfaits;

 

Cinquièmement, jai tenu compte du fait que vous êtes considéré par vos pairs et par vos supérieurs comme un très bon militaire aux capacités illimitées. Il ressort de la preuve que vous êtes également une personne mature et digne de confiance. Jai observé avec attention votre comportement devant la cour aujourdhui, et je dois dire que je suis du même avis;

 

Enfin, la cour a tenu compte de labsence de fiche de conduite et de casier judiciaire.

 

[9]                    Je conviens avec les avocats que lincarcération nest pas nécessaire en lespèce. Comme en ce qui concerne votre complice, le Caporal Keller, la cour est convaincue que, rétrospectivement, votre décision de commettre un vol a été la conséquence dun manque total de jugement et de maturité la nuit en question, soit il y a près de six ans. Le vol a été favorisé, si je peux utiliser cette expression, par labsence de mesures de sécurité conçues pour protéger ces équipements militaires sensibles. Il ne fait aucun doute que votre manque de maturité a compté pour beaucoup dans votre décision de voler ces équipements dans lespace à bagages non sécurisé dun véhicule militaire laissé sans protection. Il sagissait dune véritable invitation pour quiconque voudrait posséder de tels équipements.

 


[10]                  La poursuite recommande à la cour dinfliger une peine qui soit semblable à celle qui a été infligée au Caporal Keller, à savoir un blâme et une amende dun montant de 1 400 $. Dans laffaire Keller, la cour a permis au contrevenant de payer lamende en deux versements égaux. Selon la poursuite, le fait que votre situation familiale et financière soit différente pourrait justifier que la cour adopte une approche plus indulgente en ce qui concerne les modalités du paiement de lamende.

 

[11]                  Il nest pas question en lespèce dune activité criminelle préméditée, et la cour partage lavis de lavocat de la défense lorsquil affirme quil est très peu probable que vous ayez à comparaître de nouveau devant cette cour. Cependant, la peine que la cour va prononcer doit mettre laccent sur le principe de la dissuasion générale et de la dénonciation.

 

[12]                  Lavocat de la défense a fait valoir que la cour ne devrait pas infliger une peine comparable à celle du Caporal Keller, puisquun blâme vous stigmatisera pour le reste de votre carrière militaire ou nécessitera à tout le moins que vous demandiez à être réhabilité après cinq ans, à moins que la cour ne vous impose quune amende de 1 400 $. Lavocat de la défense fait également valoir que la cour devrait user de son pouvoir discrétionnaire pour permettre que lamende soit acquittée sur une période de 24 mois, selon votre capacité de paiement. La défense a fourni à la cour diverses décisions de jurisprudence à lappui de sa prétention.

 

[13]                  La cour reconnaît que la détermination de la peine est et doit être personnalisée, et que la parité parfaite ne peut être atteinte et nest peut-être même pas souhaitable. La cour a déclaré plus tôt que la proportionnalité est lun des principes de la détermination de la peine. Inévitablement, le principe de proportionnalité nécessite que la peine prononcée soit personnalisée, de sorte quil est inévitable quil y ait des différences entre les peines infligées pour chaque infraction. Même si la cour nest pas tenue dinfliger une peine semblable à celle été infligée au Caporal Keller, elle est clairement davis que la peine prononcée en lespèce ne doit pas être différente au point de causer de lamertume ou du ressentiment chez votre complice dalors, surtout que vous étiez tous les deux de très jeunes adultes lorsque vous avez commis linfraction. La cour ne partage pas lavis de lavocat de la défense lorsquil recommande à la cour de ne pas prononcer une peine comparable à celle du Caporal Keller, puisquun blâme vous stigmatiserait pour le reste de votre carrière militaire ou nécessiterait à tout le moins que vous demandiez à être réhabilité après cinq ans, à moins que la cour ne vous impose quune amende de 1 400 $. 

 

[14]                  Tout dabord, cette proposition nest appuyée par aucune preuve présentée à la cour. Ensuite, le fait que la cour inflige ou non une peine qui comprendrait un blâme et une amende naurait aucune incidence sur loctroi de la réhabilitation en vertu de la Loi sur le casier judiciaire. Les articles 4 et 4.1 de cette Loi prévoit que :

 

4.  La période consécutive à lexpiration légale de la peine, notamment une peine demprisonnement, une période de probation ou le paiement dune amende, pendant laquelle la demande de réhabilitation ne peut être examinée est de :

 


a) cinq ans pour les infractions punissables par voie de mise en accusation et pour les infractions dordre militaire au sens de la Loi sur la défense nationale en cas de condamnation à une amende de plus de deux mille dollars, à une peine de détention de plus de six mois, à la destitution du service de Sa Majesté, à lemprisonnement de plus de six mois ou à une peine plus lourde que lemprisonnement pour moins de deux ans selon léchelle des peines établie au paragraphe 139(1) de cette loi;

 

b) trois ans pour les infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et pour les infractions dordre militaire au sens de la Loi sur la défense nationale autres que celles visées à lalinéa a).

 

Larticle 4.1 se lit comme suit :

 

...1) Pour les infractions punissables par voie de mise en accusation et pour les infractions dordre militaire visées à lalinéa 4a), la Commission peut octroyer la réhabilitation lorsquelle est convaincue, pendant le délai de cinq ans, de la bonne conduite du demandeur et quaucune condamnation, au titre dune loi du Parlement ou de ses règlements, nest intervenue.

 

Le paragraphe 4.1(2) stipule en outre que :

 

... Pour les infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire et pour les infractions dordre militaire visées à lalinéa 4b), la réhabilitation est délivrée si aucune condamnation, au titre dune loi du Parlement ou de ses règlements, nest intervenue pendant le délai de trois ans.

 

 

[15]                  Une peine prononcée par un tribunal militaire qui comprend un blâme et une amende qui nexcède pas 2 000 $ entraîne lapplication de lalinéa 4b). Le fait que la peine comprenne un blâme et une amende est objectivement plus grave qu’une peine qui ne comprend qu’une amende mais n’a aucun effet sur l’octroi de la réhabilitation. La Loi sur le casier judiciaire n’utilise pas les termes — cinq ans pour les infractions d’ordre militaire au sens de la Loi sur la défense nationale en cas de condamnation à une peine comprenant une sanction plus grave sur l’échelle des sanctions quune amende supérieure à deux mille dollars —. Elle prévoit au contraire — cinq ans [...] pour les infractions dordre militaire au sens de la Loi sur la défense nationale en cas de condamnation à une amende de plus de deux mille dollars —. En dautres termes, seul le montant de l’amende a une incidence sur la question de savoir si la réhabilitation peut être octroyée après trois ou cinq ans.

 


[16]                  L’examen approfondi de l’ensemble des principes de détermination de la peine, ainsi que des circonstances de l’espèce et de votre situation personnelle n’appuient pas la prétention selon laquelle une peine comprenant une simple amende permettrait d’atteindre l’objectif de dissuasion générale. La gravité objective de cette infraction et les circonstances particulières de l’espèce, y compris la nature du matériel volé, renforcent l’importance de dénoncer votre comportement au moyen d’une peine qui comprenne un blâme et une amende. Cependant, la cour est sensible aux particularités de votre situation personnelle, et elle reconnaît que vous avez fait preuve d’excellentes qualités personnelles et professionnelles; par conséquent, je conclus que la peine concomitante, qui consiste en une amende, devrait être réduite en comparaison de la peine infligée au Caporal Keller.

 

[17]                  Pour ces motifs, la cour vous condamne à un blâme et à une amende dun montant de 1 000 $, qui devra être payée en 20 versements mensuels égaux de 50 $, à compter de ce jour. Advenant que vous soyez libéré des Forces canadiennes avant le paiement complet de lamende, le solde de celle-ci sera dû immédiatement avant la date de votre libération. Rompez Caporal Stevenson.

 

[18]                  L'instance devant la présente cour martiale concernant le  Caporal Stevenson est terminée. Merci.

 

 

 

 

LIEUTENANT-COLONEL M. DUTIL, J.M.

 

Avocats :

 

Major B.J. Wakeham, Poursuites militaires régionales de l’Ouest

Procureur de Sa Majesté la Reine

Major A. Appolloni, Direction du service d'avocats de la défense

Avocat du Caporal Q.A. Stevenson

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