Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 17 mars 2008

Endroit : BFC Esquimalt, édifice 30-N, 2e étage, Victoria (CB).

Chef d’accusation
•Chef d’accusation 1 : Art. 130 LDN, a signé volontairement un faux certificat (art. 80 LGFP).
Résultats
•VERDICT : Chef d’accusation 1 : Coupable.
•SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 200$.

Contenu de la décision

Référence : R. c. Premier maître de 2e classe B. Gaudreau, 2008 CM 1007

 

Dossier : 200779

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

QUARTIER GÉNÉRAL DE LUNITÉ RÉGIONALE DE SOUTIEN AUX CADETS (PACIFIQUE)

BASE DES FORCES CANADIENNES ESQUIMALT

COLOMBIE-BRITANNIQUE

CANADA

 

Date : 17 mars 2008

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU COLONEL MARIO DUTIL, JUGE MILITAIRE EN CHEF

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

PREMIER MAÎTRE DE 2e CLASSE B. GAUDREAU

(contrevenant)

 

SENTENCE

(prononcée de vive voix)

 

 

[1]                    Premier maître de 2e classe Gaudreau, après avoir accepté et inscrit un plaidoyer de culpabilité à l’égard du premier chef d’accusation relativement à une infraction punissable en vertu de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale, laquelle infraction va à l’encontre de l’article 80 de la Loi sur la gestion des finances publiques, la cour vous déclare coupable de cette accusation.

 

[2]                    Il est reconnu depuis longtemps que le but d’un système de justice ou de tribunaux militaires distinct est de permettre aux Forces armées de s’occuper des questions qui touchent directement la discipline, l’efficacité et le moral des troupes. Il est également reconnu que, dans des circonstances appropriées, le contexte militaire peut justifier et, parfois, dicter une peine plus sévère que si l’infraction avait été commise dans un contexte purement civil en vue de favoriser l’atteinte des objectifs militaires. Ceci étant dit, toute peine imposée par un tribunal, qu’il soit civil ou militaire, doit représenter la mesure minimale nécessaire adaptée aux circonstances de l’espèce.

 


[3]                    Pour déterminer la peine aujourd’hui, la cour a examiné l’ensemble des circonstances entourant la perpétration de l’infraction, telles qu’elles se dégagent du sommaire des circonstances que vous avez accepté comme preuve concluante, ainsi que la preuve présentée au cours de l’audience relative à la détermination de la peine, y compris les témoignages de Mme Vanier et du commandant Mountford, de même que la preuve documentaire déposée au cours de cette audience. En dernier lieu, la cour a examiné les plaidoiries des avocats ainsi que la jurisprudence présentée, de même que toutes les conséquences directes et indirectes que le verdict et la sentence auront pour vous.

 

[4]                    Lorsqu’elle prononce la peine d’un contrevenant relativement aux infractions qu’il a commises, la cour doit poursuivre certains objectifs en fonction des principes de la détermination de la peine qui s’appliquent. Il est généralement reconnu que ces principes et objectifs varient légèrement selon le cas, mais il faut toujours les adapter aux circonstances de l’affaire ainsi qu’au contrevenant. Les principes et objectifs de la détermination de la peine qui sont susceptibles de favoriser le maintien de la discipline militaire peuvent être énumérés comme suit :

 

premièrement, la protection du public - et cela comprend les Forces canadiennes;

 

deuxièmement, la punition et la dénonciation de la conduite illégale;

 

troisièmement, l’effet dissuasif sur le contrevenant et sur d’autres de commettre de telles infractions;

 

quatrièmement, l’isolement des contrevenants du reste de la société, y compris des membres des Forces canadiennes, lorsque c’est nécessaire;

 

cinquièmement, la réinsertion des contrevenants;

 

sixièmement, la proportionnalité de la peine par rapport à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du contrevenant;

 

septièmement, l’infliction d’une peine semblable aux peines imposées à des contrevenants du même genre pour des infractions comparables commises dans des circonstances similaires;

 

huitièmement, le fait qu’un contrevenant ne devrait pas être privé de sa liberté si une peine ou une combinaison de peines moins restrictive est indiquée dans les circonstances;

 


et finalement, la prise en compte par la cour de toute circonstance aggravante ou atténuante liée à la perpétration de l’infraction ou à la situation du contrevenant.

 

[5]                    La cour convient avec la poursuite que la peine infligée en l’espèce devrait faire ressortir la nécessité de protéger le public en mettant l’accent sur la dénonciation et sur l’importance de dissuader d’autres personnes de commettre des infractions similaires. La présente affaire concerne la violation de la Loi sur la gestion des finances publiques, qui est une loi fédérale relative à la gestion des finances publiques, à la création et à la tenue des comptes du Canada et au contrôle des sociétés d’État. Dans la présente affaire, vous avez volontairement signé trois certificats, conformément à l’article 34 de la Loi sur la gestion des finances publiques, afin d’attester les travaux exécutés ou les services rendus par M. Phillip John McGuire, à titre d’officier des finances du centre d’instruction-Soutien des cadets de l’air d’Albert Head, alors que vous saviez que les travaux ou services en question n’avaient pas été accomplis. La preuve révèle que vous avez d’abord refusé de signer ces certificats, mais que vous les avez signés après avoir appris de votre supérieur, le major Arnett, l’existence d’un arrangement spécial conclu avec M. McGuire afin de régler le problème de la dotation temporaire du poste important d’officier des finances pendant cette période. Il appert des témoignages entendus au cours de l’audience relative à la détermination de la peine que votre organisation est complexe et qu’elle gère d’importantes sommes de deniers publics afin d’appuyer un vaste programme des cadets dans la région du Pacifique; de plus, votre organisation doit relever d’importants défis liés au recrutement et à la conservation de personnel compétent en raison de la situation économique favorable dans l’ouest canadien. Dans ce contexte, il est encore plus impérieux que les règles régissant le paiement des travaux, produits et services soient appliquées à la lettre.

 

Facteurs aggravants

 

[6]                    Pour en arriver à une peine qu’elle considère être juste et appropriée, la cour a estimé que les facteurs suivants étaient des facteurs aggravants :

 

1.  La gravité objective de l’infraction. La personne déclarée coupable d’une l’infraction prévue à l’article 80 de la Loi sur la gestion des finances publiques est coupable d’un acte criminel et encourt une amende d’au plus 5 000 $ et un emprisonnement maximal de cinq ans. Il s’agit d’une infraction grave.

 


2.  Le contexte particulier de la présente affaire, tel que le révèle le sommaire des circonstances. Même si vous avez peut-être cru, comme l’a souligné votre avocat, que la solution proposée pour régler une question de dotation était une solution acceptable dans l’intérêt de l’unité, votre conduite montre que vous avez accepté de désobéir à la loi applicable, soit la Loi sur la gestion des finances publiques, alors que vous deviez veiller à ce que votre organisation respecte cette loi. Le fait que vous avez agi ainsi dans l’intérêt de votre unité ne saurait, à mon sens, justifier votre conduite. Les Forces canadiennes sont les Forces armées de Sa Majesté levées par le Canada et constituent donc une institution publique et non une société privée distincte dont les membres peuvent décider de respecter ou de violer les lois canadiennes au nom de l’efficacité générale de l’unité.

 

3.  La position de confiance que vous occupiez à l’époque et votre vaste expérience à titre de sous-officier supérieur affecté aux finances. Si le gouvernement du Canada et les Forces canadiennes ne peuvent se fonder sur les membres de leur personnel qui sont les plus expérimentés et les mieux formés pour protéger l’intégrité financière des institutions publiques, à qui peuvent-ils faire confiance? Vous avez abdiqué votre responsabilité générale envers le gouvernement du Canada en fermant délibérément les yeux sur le stratagème créé par votre superviseur, le major Arnett, qui visait apparemment à appuyer les intérêts de votre unité. Comprenez-moi bien, en qualité d’adjudant-chef - Finances de votre organisation, vous n’aviez d’autre choix, pour protéger les intérêts généraux de votre unité, que de vous conformer aux exigences que la loi vous imposait à titre d’agent financier et de préserver l’intégrité de votre organisation plutôt que d’aider celle-ci à violer la loi et les politiques applicables. Si les officiers supérieurs de votre organisation étaient préoccupés par les difficultés liées au respect des règles, ils auraient dû s’efforcer de trouver des solutions conformément à la loi et aux procédures applicables.

 

Facteurs atténuants

 

[7]                    Cependant, la cour estime que les facteurs suivants sont des facteurs atténuants :

 

1.  Le fait que vous avez pleinement reconnu votre entière responsabilité à l’égard de votre conduite en plaidant coupable devant la cour à la première occasion. Compte tenu du sommaire des circonstances, je conviens avec votre avocat que vous reconnaissez votre responsabilité et que votre admission de culpabilité est un signe de remords sincère.

 


2.  Votre longue et brillante carrière et le fait que cet incident constitue malheureusement un profond manque de jugement et un oubli momentané de vos responsabilités. Bien que vous ayez joué un rôle très mineur dans le stratagème conçu pour rémunérer M. McGuire, à titre d’officier des finances pour le centre d’instruction - Soutien des cadets de l’air d’Albert Head, votre conduite a provoqué une vérification importante et coûteuse ainsi qu’une enquête qui n’auraient pas été nécessaires autrement. Cette situation a grandement perturbé votre unité et a eu des répercussions négatives sur celle-ci.

 

3.  Votre excellent rendement avant et après les incidents. Vous avez toujours été fiable et vous avez offert un rendement remarquable; de plus, votre état de service est suffisamment éloquent pour inciter vos supérieurs à continuer à faire confiance à votre jugement, ce qui est louable de leur part. Cet aspect ne me préoccupe nullement dans les circonstances, car cet incident témoigne, ce qui est vraiment malheureux à ce stade de votre carrière - d’une erreur de jugement.

 

4.  Enfin, l’absence de fiche de conduite ou de casier judiciaire.

 

[8]                    Contrairement à ce que la poursuite soutient, je ne crois pas que votre affaire puisse être comparée à celles du Capitaine Khan et du Caporal Patullo. Non seulement ces personnes n’ont-elles pas été inculpées d’une infraction similaire, mais les fausses déclarations qu’elles ont faites dans des documents publics visaient à maquiller leur propre conduite inappropriée. Toutefois, je conviens avec la poursuite de la nécessité de mettre l’accent sur les principes de la dénonciation et de la dissuasion générale dans les situations semblables à la présente affaire, bien que la cour estime aussi que les principes de la proportionnalité et de la parité sont importants en l’espèce. Il semble que votre rôle dans le stratagème illégal se soit limité aux gestes à l’égard desquels vous avez plaidé coupable aujourd’hui. En conséquence, j’estime qu’une peine composée d’une réprimande et d’une amende de 200 $ constituerait la mesure minimale nécessaire pour préserver la discipline et la confiance à l’endroit de l’administration de la justice militaire. Je suis convaincu que vous ne vous livrerez pas à une conduite similaire à l’avenir. Entre‑temps, une fiche de conduite existera désormais à votre sujet et vous devrez solliciter une réhabilitation à cet égard à l’âge de 56 ans, conformément à la Loi sur le casier judiciaire. Dans votre situation particulière, cette conséquence doit être extrêmement humiliante.

 


[9]                    En conséquence, la cour vous condamne à une réprimande et à une amende de 200 $.

 

 

 

                                                                                           COLONEL M. DUTIL, J.M.C.

 

AVOCATS

 

Capitaine R.J. Henderson, Poursuites militaires régionales, région de l’Ouest

Procureur de Sa Majesté La Reine

Capitaine B. Tremblay, Direction du service d’avocats de la défense

Avocat du premier maître de 2e classe B. Gaudreau

 

 

 

 

 

                                                                      

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