Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 8 septembre 2011

Endroit : Garnison Valcartier, l'Académie, Édifice 534, Courcelette (QC)

Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 (subsidiaire au chef d'accusation 2) : Art. 83 LDN, a désobéi à un ordre légitime d'un supérieur.
•Chef d'accusation 2 (subsidiaire au chef d'accusation 1) : Art. 129 LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
•Chefs d'accusation 3, 4, 5, 6 : Art. 90 LDN, s'est absenté sans permission.
•Chef d'accusation 7 (subsidiaire au chef d'accusation 8) : Art. 85 LDN, s'est conduit de façon méprisante à l'endroit d'un supérieur.
•Chef d'accusation 8 (subsidiaire au chef d'accusation 7) : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats
•VERDICTS : Chefs d'accusation 1, 7 : Une suspension d'instance. Chefs d'accusation 2, 3, 4, 5, 6, 8 : Coupable.
•SENTENCE : Détention pour une période de sept jours.

Contenu de la décision

COUR MARTIALE

 

Référence : R c Monette, 2011 CM 1007

 

Date : 20110908

Dossier : 201142

 

Cour martiale permanente

 

Base des Forces canadiennes Valcartier

Courcelette (Québec) Canada

 

Entre :

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Soldat J.F. Monette, contrevenant

 

 

Devant : Colonel M. Dutil, J.M.C.

 


 

MOTIFS DE LA SENTENCE

 

Oralement

 

[1]        Le soldat Monette a avoué sa culpabilité à quatre chefs d'accusation pour s'être absenté sans permission portés aux termes de l'article 90 de la Loi sur la défense nationale.  Il s'est également avoué coupable à deux autres chefs d'accusation pour avoir commis un acte et pour avoir eu un comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline en contravention à l'article 129 de la Loi.  La cour a accepté et enregistré ces aveux de culpabilité et elle a ordonné une suspension d'instance à l'égard du premier et du septième chef d'accusation qui étaient subsidiaires aux deuxième et huitième chefs.

 

[2]        Les faits entourant cette affaire se sont déroulés entre le 4 et le 29 décembre 2010, à Patrol Base Sperwan Ghar, province de Kandahar, en République Islamique d'Afghanistan, lorsque le soldat Monette était attaché à un poste sanitaire, sous le commandement des services de santé. Il occupait la fonction de chauffeur de T-Lav ambulance pour la Force d'intervention immédiate (FII). Le poste sanitaire de l'unité était sous la responsabilité du médecin en poste, soit le lieutenant de vaisseau Dabo. Le superviseur immédiat, au niveau des opérations pour le soldat Monette, était le sergent Perron.

 

[3]        À leur arrivée en poste, le sergent Perron avait précisé que les membres de la Force d'intervention immédiate devaient être présents, en uniforme, soit tenue de combat, au poste sanitaire de l'unité à 7 h 30 tous les matins.

 

[4]        Le 4 décembre 2010, en soirée, au cours d'une séance d'information sanitaire au poste sanitaire de l'unité qui visait à sensibiliser tous les membres du PSU sur le contrôle des animaux sur le camp ainsi que les risques pour la santé des troupes, le lieutenant de vaisseau Dabo et le sergent Perron devaient effectuer une procédure d'euthanasie sur un animal. Le soldat Monette a vivement manifesté sa colère à l'égard du geste qui allait être posé en utilisant un langage offensant envers le lieutenant de vaisseau Dabo et le sergent Perron devant le reste de la troupe. Il refusa d'obtempérer aux demandes de revenir au calme et d'écouter les explications qui allaient être fournies. Le soldat Monette est sorti du poste sanitaire de l'unité hors de lui en claquant la porte et ce, malgré l'ordre qu'il avait reçu de demeurer sur place par le sergent Perron, durant les échanges verbaux.

 

[5]        Le 22 décembre 2010, le soldat Monette ne s'est pas présenté à son poste de travail au PSU à 7 h 30 tel que l'exigeait le sergent Perron. Il n'a pas été présent lors du groupe d'ordre tenu par le sergent. Le matelot de 3e classe Gaudreau a été envoyé par le sergent Perron dans les quartiers du soldat Monette pour aller le chercher. Le soldat Monette a été trouvé endormi dans son lit. Il est demeuré absent de son poste jusqu'à 9 heures le même jour.

 

[6]        Entre le 27 décembre et le 29 décembre 2010, le soldat Monette ne s'est pas présenté également à son poste de travail à 7 h 30 tel que l'exigeait le sergent Perron. Le 27 décembre, il est demeuré absent de son poste jusqu'à 7 h 45. Le 28 décembre, il est demeuré absent de son poste jusqu'à 8 heures. Le 29 décembre il est demeuré absent de son poste jusqu'à 7 h 37. À chacune de ces reprises, ses superviseurs, le sergent Perron et le caporal-chef Thomassin l'ont averti et lui ont rappelé l'importance d'être à son poste. Le soldat Monette a soumis qu'il ne voyait pas la pertinence d'arriver à cette heure au poste sanitaire de l'unité. Il ajouta même que cette situation n'était pas problématique puisqu'il était présent sur la FOB ou dans ses quartiers. Or, il était nécessaire pour la chaîne de commandement de s'assurer de l'état de préparation de son personnel ainsi que de leur présence à chaque matin.

 

[7]        Le 29 décembre 2010, alors que le personnel médical du PSU assistait à une séance de formation sur une procédure médicale délicate, le soldat Monette est entré dans la pièce, sans avertissement ou vérification préalable, et il a fermé les lumières de la pièce. Il devait de manière quotidienne procéder à une vérification de l'eau, et pour ce faire, il devait éteindre les lumières. Le lieutenant de vaisseau Dabo a alors demandé au soldat Monette s'il y avait une urgence de faire cette vérification à ce moment précis. Dès lors, il y eut un vigoureux échange verbal entre le soldat Monette et le lieutenant de vaisseau Dabo. Le caporal-chef Thomassin est intervenu afin de ramener à l'ordre le soldat Monette qui avait une attitude et tenait des propos méprisants envers le lieutenant de vaisseau Dabo. Le soldat Monette s'adressait alors au lieutenant de vaisseau Dabo en lui disant : « c'est quoi ton problème? » ou encore « pourquoi tu me cherches? ». Le caporal-chef Thomassin a rappelé au soldat Monette qu'il ne devait pas s'adresser à un officier de cette façon et de faire preuve de respect. Le soldat Monette a continué à argumenter. Cet incident se déroulait en présence du personnel du poste sanitaire de l'unité. Pour mettre fin à ce débordement, le lieutenant de vaisseau Dabo a demandé au soldat Monette de quitter le PSU et de ne pas y revenir.

 

[8]        Le 1er janvier 2011, le lieutenant de vaisseau Dabo a fait une demande officielle pour que le soldat Monette soit retiré de l'équipe en poste au PSU de Patrol Base Sperwan Ghar. Le 3 janvier 2011, le soldat Monette a été ramené au Quartier général du Rôle 1 à l'Aérodrome de Kandahar. Finalement, le 24 janvier 2011, il était rapatrié vers le Canada.

 

[9]        Les procureurs en présence ont présenté une suggestion commune relativement à la sentence que cette cour devrait imposer pour ce militaire qui s'est enrôlé en juin 2007 au sein de la Force régulière en tant que fantassin, au sein du 1er Bataillon du Royal 22e Régiment. Les procureurs recommandent à la cour qu'elle impose une sentence qui comporterait une peine de sept jours de détention. La cour n'est pas liée par cette recommandation, mais elle en peut s'en écarter sauf si la cour la juge inadéquate ou déraisonnable, contraire à l'ordre public ou si la cour concluait que la suggestion commune des procureurs déconsidère l'administration de la justice, par exemple si elle tombe à l'extérieur du spectre des sentences qui auraient été précédemment infligées pour des infractions semblables. Les procureurs soumettent à la cour que la sentence proposée s'inscrit dans la fourchette acceptable et conforme à la jurisprudence récente.

 

[10]      La peine infligée par un tribunal, qu'il soit civil ou militaire, doit être individualisée et représenter l'intervention minimale requise puisque la modération est le principe fondamental de la théorie moderne de la détermination de la peine au Canada.

 

[11]      Lorsqu'il s'agit de donner une sentence appropriée à un accusé pour les fautes qu'il a commises et à l'égard des infractions dont il est coupable, certains objectifs sont visés à la lumière des principes applicables qui varient légèrement d'un cas à l'autre. Le prononcé de la sentence lors d'une cour martiale a pour objectif essentiel de contribuer au maintien de la discipline militaire et au respect de la loi et ce, par l'infliction de peines justes visant entre autres un ou plusieurs des objectifs suivants :

 

a)         dénoncer le comportement illégal;

 

b)         dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions;

 

c)         isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société;

 

d)         favoriser la réinsertion du contrevenant dans son environnement au sein des Forces canadiennes ou dans la vie civile; et

 

e)         susciter la conscience de leurs responsabilités chez les contrevenants militaires.

 

[12]      La sentence doit également prendre en compte les principes suivants. Elle doit être proportionnelle à la gravité de l'infraction, les antécédents du contrevenant, ainsi que son degré de responsabilité. La sentence doit prendre également en compte le principe de l'harmonisation des peines, c'est-à-dire l'infliction de peines semblables à celles infligées à des contrevenants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables. La cour a l'obligation, avant d'envisager la privation de liberté, d'examiner la possibilité de sanctions moins contraignantes lorsque les circonstances le justifient. Finalement, la sentence devra être adaptée aux circonstances aggravantes ou atténuantes liées à la perpétration de l'infraction ou à la situation du contrevenant et prendre en compte toute conséquence directe et indirecte du verdict et de la sentence sur le contrevenant.

 

[13]      La suggestion commune des procureurs doit respecter les objectifs et les principes que je viens de mentionner qui sont applicables en l'espèce, sinon la cour n'a pas d'autre choix que de la refuser. Dans la décision récente R c Lamoureux, ( 2011 CM 1006, le 23 août 2011) j'ai souligné l'importance qu'il faut attribuer au respect absolu de l'autorité et à l'obéissance aux ordres émis, plus particulièrement en contexte opérationnel tel qu'exprimé dans l'affaire R c Billard, (2007 CM 4019, le 6 juillet 2007) une décision qui a été confirmée par la Cour d'appel de la cour martiale dans une décision unanime sous les motifs de l'honorable juge en chef Blanchard (2008 CMAC 4, le 25 avril 2008). Les principes mis de l'avant par mon collègue Perron dans l'affaire Billard et les propos du juge en chef Blanchard qui résument l'importance de devoir d'obéissance d'un militaire canadien et des principes, qui doivent guider les tribunaux militaires lors de l'imposition d'une sentence appropriée lorsqu'il y a violation de ce devoir, sont tout aussi applicables. Même si les infractions qui sont devant cette cour sont reliées à des absences sans permission et des actes ou comportements préjudiciables au bon ordre et à la discipline, les actes reprochés au soldat Monette indiquent clairement un mépris flagrant envers les valeurs d'obéissance aux directives données par ses supérieurs et une attitude méprisante et injustifiable envers un officier supérieur.

 

[14]      Le soldat Monette n'avait aucune raison d'agir comme il l'a fait.  Son attitude est un exemple probant de ce qu'un soldat ne devrait jamais faire.

 

[15]      Dans cette affaire, la cour considère les circonstances suivantes comme aggravantes :

 

a)         ces infractions sont objectivement sérieuses. Les actes ou les comportements préjudiciables au bon ordre et à la discipline sont passibles comme peine maximale de la destitution ignominieuse du service de Sa Majesté, alors que l'absence sans permission est passible d'un emprisonnement de moins de deux ans;

 

b)         le fait que ces absences sans permission se sont répétées malgré les explications successives de ses supérieurs relativement à l'importance qu'il devait accorder au fait d'être à son poste et l'attitude impertinente, voire insolente, qu'il a adoptée à cet égard. Il s'agit là d'un comportement prémédité;

 

c)         le fait que le comportement inapproprié à l'endroit du lieutenant de vaisseau Dabo s'est manifesté à plusieurs reprises. Le soldat Monette a non seulement manqué de respect envers cet officier, mais il l'a fait en présence de ses collègues de travail. Cette situation mine la cohésion et le moral des troupes et elle constitue une violation grave et élémentaire de respect de la part de tout militaire du rang envers un officier, mais aussi envers toute sa chaîne de commandement et ça, du simple soldat jusqu'au commandant;

 

d)         finalement, comme dans l'affaire Lamoureux, il s'agit d'infractions qui ont été perpétrées dans le théâtre opérationnel afghan là où le danger, le stress et l'état de fatigue sont exacerbés par une multitude de facteurs souvent hors du contrôle des militaires qui, eux, accomplissent leur devoir au risque de leur propre vie. Il n'y a pas à douter que son comportement et son entêtement ont eu un impact direct sur ses collègues de travail qui avaient tous mieux à faire que de subir les excès de langage et de comportement du soldat Monette.

 

[16]      La cour considère néanmoins que les circonstances suivantes doivent atténuer la sentence :

 

a)         les aveux de culpabilité du soldat Monette. Ces aveux constituent dans les circonstances l'acceptation par le contrevenant de sa responsabilité entière dans cette affaire;

 

b)         l'absence de dossier criminel ou de fiche de conduite;

 

c)         la situation familiale et financière du soldat Monette. Il vit avec sa conjointe et ils sont les parents d'une fillette qui aura bientôt un an. Il est lui-même âgé de 27 ans et il compte à peine quatre ans de service dans la Force régulière;

 

d)         le rapatriement hâtif du soldat Monette d'Afghanistan et la perte financière approximative de 18,000 dollars encourue ainsi que la mise en garde et surveillance qui lui a été imposée par sa chaîne de commandement pour les faits qui ont fait l'objet devant cette cour sont de sérieux motifs atténuants la sentence. Il appert que le soldat Monette s'est bien acquitté de cette mesure administrative qui est venue à échéance. De plus, la cour prend en compte que son rapatriement lié à son comportement fautif l'a privé de sa médaille de campagne. Cette situation doit être particulièrement importante aux yeux du soldat Monette;

 

e)         le délai écoulé depuis la commission des infractions dans le contexte de la déclaration conjointe des faits qui fait état d'un retrait initial en mai 2011 d'accusations initialement portées en janvier 2011 et de nouvelles accusations qui furent ultimement prononcées en août 2011 à l'égard des mêmes faits et ce pour des motifs qui sont de nature juridique.

 

[17]      Il est évident ici que la sentence doit mettre l'emphase sur les objectifs de dissuasion et de réhabilitation, la dénonciation du comportement et la punition du contrevenant.

 

[18]      Comme je le soulignais dans l'affaire Lamoureux, la jurisprudence récente semble privilégier une peine privative de liberté pour les personnes coupables de ce type d'infractions lorsqu'elles sont commises en théâtre opérationnel. Dans le cas d'une peine de détention infligée à un soldat, elle est particulièrement appropriée puisqu'elle a pour but et qu'elle vise à réhabiliter les détenus militaires et à leur redonner l'habitude d'obéir dans un cadre militaire structuré. Si je suis en accord avec l'avocat de la défense sur le fait que le soldat Monette a droit à une chance, il doit réaliser —— et je m'adresse au soldat Monette —— que cette suggestion commune des procureurs s'avère la sentence minimale que la cour peut imposer dans les circonstances.

 

Pour ces raisons, la cour

 

[19]      PRONONCE un verdict de culpabilité à l'égard du deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième et huitième chef d'accusation.

 

[20]      CONFIRME la suspension d'instance à l'égard du premier chef d'accusation et du septième chef d'accusation.

 

ET elle

 

[21]      CONDAMNE le contrevenant, le soldat Monette, à la détention pour une période de sept jours.


 

Avocats :

 

Major G. Roy, Service canadien des Poursuites militaires

Capitaine D. Kandolo, Service canadien des Poursuites militaires

Avocats de la poursuivante

 

Major C.E. Thomas, Service d'avocats de la défense

Capitaine H. Bernatchez, Service d'avocats de la défense

Avocats pour le soldat J.F. Monette

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