Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 15 janvier 2008.
Endroit : BFC Kingston, NCSM Cataraqui, 24 promenade Duty, Kingston (ON).
Chefs d’accusation:
• Chef d’accusation 1 : Art. 130 LDN, fraude (art. 380 C. cr.).
• Chef d’accusation 2 : Art. 114 LDN, a commis un vol, étant, par ses fonctions, chargée de la garde ou de la distribution des objets volés ou d’en avoir la responsabilité.
Résultats:
• VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Coupable. Chef d’accusation 2 : Non coupable.
• SENTENCE : Emprisonnement pour une période de 14 jours et une amende au montant de 2000$. L’exécution de la peine d’emprisonnement a été suspendue.

Contenu de la décision

Citation : R. c. Caporal-chef K.M. Roche, 2008 CM 1001

 

Dossier : 200755

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

CANADA

ONTARIO

UNITÉ DE SOUTIEN DE SECTEUR KINGSTON

 

Date : 18 janvier 2008

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU COLONEL MARIO DUTIL, JUGE MILITAIRE EN CHEF

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

CAPORAL-CHEF K.M. ROCHE

(Contrevenante)

 

SENTENCE

Prononcée oralement

 

 

[1]                    Caporal-chef Roche, la Cour ayant accepté et enregistré votre aveu de culpabilité au 1er chef d'accusation punissable aux termes de l'article 130 de la Loi sur la défense nationale, soit l'infraction de fraude, contrairement à l'article 380 du Code criminel, la Cour vous trouve maintenant coupable de ce chef d'accusation et elle vous condamne à l'emprisonnement pour une période de 14 jours ainsi qu'à l'amende au montant de 2000 dollars payable en 10 versements mensuels égaux à compter d'aujourd'hui.

 

[2]                    La Cour suprême du Canada a reconnu dans l'arrêt R. c. Généreux que « pour que les Forces armées soient prêtes à intervenir, les autorités militaires doivent être en mesure de faire respecter la discipline interne de manière efficace. » La Cour suprême a souligné que dans le contexte particulier de la discipline militaire, les manquements à la discipline devaient être réprimés promptement et, dans bien des cas, punis plus durement que si les mêmes actes avaient été accomplis par un civil. Même élevé au niveau des principes, cet énoncé émis par la Cour suprême ne permet toutefois pas à un tribunal militaire d'imposer une sentence composée d'une ou plusieurs peines qui se situerait au-delà de ce qui est requis dans les circonstances d'une affaire. En d'autres mots, toute peine infligée par un tribunal, qu'il soit civil ou militaire, doit toujours représenter l'intervention minimale requise.


[3]                    Caporal-chef Roche, en déterminant la sentence qu'elle estime être appropriée et minimale dans les circonstances, la Cour a pris en compte les circonstances entourant la commission des infractions telles que révélées par le sommaire des circonstances dont vous avez accepté la véracité, la preuve documentaire déposée devant la cour et les témoignages entendus. Outre votre propre témoignage et celui de madame Goodjohn, la cour a pu entendre ceux de vos superviseurs actuels, soit l'adjudant-maître Kleinsteuber et le maître de 1re classe Hartson. Finalement, la Cour a pris en compte les plaidoiries des avocats et la jurisprudence soumise. L'évaluation de ces divers éléments a été faite dans le contexte des articles 380.1, 718, 718.1 et 718.2 du Code criminel lorsque les principes et les objectifs énoncés dans ces articles ne sont pas incompatibles avec le régime des peines prévu à la Loi sur la défense nationale.

 

[4]                    Les circonstances de cette affaire démontrent qu'entre novembre 2005 et janvier 2006, une période de trois mois, vous avez fraudé le bureau comptable des fonds non-publics de la base des Forces canadiennes Kingston pour une somme de 8700 dollars en substituant sept chèques personnels sans provision payables à l'ordre du « Base Fund » à des billets de différentes nominations. Les sommes qui faisaient l'objet de la fraude provenaient de sources variées, soit le mess, le Canex et tous les clubs de la base. Lors de la commission de l'infraction, vous étiez commis de soutien à la gestion des ressources et agissiez à titre de commandant adjoint de ce même bureau comptable des fonds non-publics. Non seulement occupiez-vous un poste de confiance relativement à la gestion de ces fonds non-publics, mais voua avez utilisé vos fonctions pour briser la confiance de votre organisation. Il importe de souligner également qu'au début janvier 2006, votre superviseure avait des soupçons que des chèques sans provisions avaient été déposés au compte de l'institution financière retenue par le bureau comptable. Elle vous demanda alors de localiser lesdits chèques sans provision et de prendre les mesures de recouvrement appropriées auprès des clients fautifs puisqu'il s'agissait d'une de vos tâches. Vous informiez alors votre superviseure que vous ne pouviez satisfaire à sa demande sous prétexte que vous n'étiez pas en mesure de localiser les chèques et que l'institution financière ne voulait pas coopérer. Évidemment, il s'agissait d'un mensonge. Le 13 mars 2006, votre superviseure recevait sept chèques sans provision de l'institution financière. Ces chèques avaient été signés par vous-même. À son insu, vous avez pris vos propres chèques sans provision qui avaient été retournés par la banque pour les placer dans le classeur de votre propre bureau où ils furent découverts rapidement par les policiers. L'enquête policière démontra que vous aviez substitué ces chèques pour des devises préalablement au dépôt des fonds auprès de l'institution financière. Aussitôt, vous avez été démise de vos fonctions et transférée au service du logement de la base pour y assumer de nouvelles tâches où vous ne remplissez encore à ce jour aucune responsabilité en matière financière.

 


[5]                    La preuve entendue lors de l'audition fait état qu'au moment de la commission de l'infraction vous étiez dans une situation financière familiale très précaire attribuable, selon vous, à un problème de jeu compulsif au bingo électronique. Cela faisait en sorte que vous ne pouviez plus payer vos dépenses familiales courantes en raison de votre dépendance au jeu et la spirale engendrée par votre conduite. Selon votre propre témoignage, votre époux n'était pas au courant de vos problèmes et ce n'est que lorsque vous avez demandé de l'aide à la suite de la découverte de votre stratagème par votre superviseure et les enquêteurs que vous avez avoué le tout à votre époux. Il ressort de votre témoignage que vous saviez dès le début que ce n'était qu'une question de temps avant que votre superviseure ne découvre le pot aux roses et que les chèques sans provision qui avaient été substitués à l'argent comptant étaient les vôtres. Dès la découverte de vos agissements par votre superviseure lorsqu'elle vous a confrontée en présence des policiers avec vos propres chèques, vous avez reçu un message très clair que vous n'étiez plus la bienvenue sur les lieux de travail et que le lien de confiance envers votre employeur était brisé. C'est à ce moment que vous avez informé votre mari non seulement de la situation dans laquelle vous vous retrouviez, mais aussi de votre problème de jeu compulsif. Peu de temps après, vous rencontriez madame Goodjohn, l'intervenante responsable en toxicomanie et autres formes de dépendance et chef d'équipe en santé mentale de la base, qui transmettait son évaluation, la pièce 12, aux autorités médicales le 30 mars 2006. Elle y faisait le constat suivant et je cite :

 

A Gambling Screen and DSM IV Assessment support the clinical findings of pathological gambling. MCpl Roche would benefit and is currently agreeable for in-patient treatment with a year long follow-up program in order to achieve abstinence-based recovery.

 

MCpl Roche is an open and well-motivated woman who recognizes her desperation, the seriousness of her current mil/legal situation and the need to make significant changes to her lifestyle. She is experiencing a great deal of shame over her illegal behaviour and his keen to "do whatever I need to do get well" and to achieve and maintain a healthy, recovery based (gambling free) life she has great support from her husband at this time.

 

[6]                    Suite aux recommandations de madame Goodjohn, vous acceptiez de vous soumettre à une cure fermée de sept semaines au Edgewood Treatment Center à Nanaimo, Colombie-Britannique qui débuta le 30 mars 2006 jusqu'au 18 mai 2006. Tel qu'en fait foi le pièce 11, vous complétiez avec succès ladite cure fermée. À votre retour, vous avez complété la phase obligatoire suivante de ce traitement qui s'échelonne sur une période d'une année. Cette phase exige l'abstinence complète au jeu, des rencontres de groupe hebdomadaires, une ou plusieurs rencontres mensuelles avec un intervenant en matière de dépendances ainsi qu'un suivi par le médecin traitant. Au surplus, vous vous êtes volontairement astreinte à des rencontres de groupe hebdomadaires auprès des alcooliques anonymes et madame Goodjohn a fait état du solide engagement que vous avez démontré lors de cette phase.

 


[7]                    Il ressort également de la preuve entendue que vous avez volontairement et de votre propre chef décidé de vous soumettre à ce programme au-delà de la période d'un an qui prenait fin en décembre 2007 et que vous vous êtes liée au programme jusqu'à la fin de l'année. Madame Goodjohn et l'adjudant-maître Kleinsteuber, aussi impliqué dans ces groupes de support aux personnes atteintes de dépendances, ont témoigné avec éloges de votre implication à tous les niveaux lors des groupes de discussion. Il ressort de leurs témoignages que vous agissez dorénavant comme personne ressource auprès de ceux qui combattent ces mêmes démons et que vous le faites avec franchise et dévouement. D'ailleurs, la conclusion de madame Goodjohn dans sa lettre du 10 janvier 2008, tel qu'il appert de la pièce 11, est sans équivoque sur vos chances de continuer dans la bonne voie :

 

I believe that should MCpl Roche continue to actively participate in the comprehensive and solid recovery plan she has formulated and instituted, her prognosis for continued recovery is good.

 

[8]                    La preuve indique aussi que vous et votre époux avez fait faillite depuis. Même si votre situation financière est toujours précaire, vous êtes sur la bonne voie selon votre propre témoignage. En ce qui a trait à votre performance depuis les incidents, elle est sans reproche et vos supérieurs vous tiennent en très haute estime allant même jusqu'à vous recommander pour une promotion à un grade supérieur sur la foi de votre travail, mais aussi sur la foi du potentiel que vous avez démontré depuis près de deux ans. Ils ont toutefois pris soin de préciser que votre rapport d'évaluation de rendement pour l'année 2006-2007 n'a pas pris en compte les incidents qui font l'objet de cette cour martiale. La Cour ne croit pas que le résultat de ce procès ne change leur point de vue de quelque manière que ce soit en ce qui a trait à l'opinion qu'ils ont de vous depuis les événements. Il semble que vous ayez regagné leur confiance en tout ou en partie, mais il est sûrement opportun et légitime de se questionner sur sa fragilité. Est-elle suffisamment solide pour que les autorités militaires soient prêtes à vous confier des responsabilités financières normales pour un commis de soutien à la gestion des ressources au grade de caporal-chef ou d'un grade supérieur, et ce à court ou moyen terme? La Cour n'a pas à répondre à une telle question, mais les autorités militaires ont une tâche délicate pour s'assurer d'un équilibre entre la gestion responsable des ressources humaines et financières.

 

[9]                    La Cour retient finalement de votre témoignage vos excuses publiques et les remords exprimés quant au tort que vous avez causé à toutes les personnes affectées par vos activités frauduleuses. Vous avez pris l'engagement formel de rembourser le montant de votre fraude en totalité dès que vous aurez été libéré de la faillite.

 


[10]                  En ce qui a trait à ce remboursement, la preuve documentaire ainsi que votre témoignage démontrent que vous n'avez pas pris d'engagement pour rembourser les montants qui ont fait l'objet de la fraude avant aujourd'hui en raison de conseils juridiques adéquats qui ont tardé à venir. La preuve indique que vous n'avez été accusée qu'en septembre 2006 pour une affaire somme toute peu complexe où vous aviez déjà admis votre rôle et dont l'enquête fut complétée dès mars 2006. Une fois accusée formellement, vous avez fait la demande d'être représentée par un avocat du Service d'avocats de la défense le 2 octobre 2006 par l'entremise de votre chaîne de commandement qui vous indiquait deux jours plus tard que vous alliez recevoir de la documentation lorsque les accusations seraient transmises à Ottawa, mais que vous pouviez entrer en contact avec les avocats du Service des avocats de la défense en tout temps. C'est d'ailleurs ce que vous avez fait à quatre reprises jusqu'à ce qu'un avocat vous soit formellement fourni en septembre 2007, soit le lieutenant-colonel Couture ici présent. Il semble que les avocats consultés au préalable n'étaient pas en mesure de vous aider parce qu'ils n'avaient pas reçu votre demande, y compris en ce qui a trait au bien-fondé des mesures que vous vouliez prendre dès l'automne 2006 pour rembourser les 8700 dollars que vous aviez frauduleusement obtenus. Ce n'est d'ailleurs qu'en raison du questionnement par le procureur de la poursuite, le major McMahon, qui en septembre 2007 constate l'absence d'information au dossier relativement à la représentation de l'accusée, que cette question est réglée. Durant tout ce temps, soit d'octobre 2006 à septembre 2007, rien ne se passe. Le 21 septembre 2007, le Directeur du Service d'avocats de la défense vous informe par écrit que le lieutenant-colonel Couture vous représentera, telle qu'en fait foi la pièce 7. L'affaire est amenée devant la cour moins de quatre mois plus tard. Cela complète le résumé des circonstances entourant la commission de l'infraction ainsi que la preuve pertinente déposée devant la cour pour les fins de la détermination de la sentence.

 

[11]                  Il est reconnu que lorsqu'il s'agit de donner une sentence appropriée à un accusé pour les fautes qu'il a commises et à l'égard des infractions dont il est coupable, certains objectifs sont visés à la lumière des principes applicables quoiqu'ils varient légèrement d'un cas à l'autre. L'importance qui leur est attribuée doit toutefois être adaptée aux circonstances de l'affaire. Le processus de détermination de la sentence est individualisé. Pour contribuer à l'un des objectifs essentiels de la discipline militaire, ces objectifs et ces principes sont les suivants :

 

premièrement, la protection du public et le public inclut ici les Forces canadiennes;

 

deuxièmement, la punition et la dénonciation du contrevenant;

 

troisièmement, la dissuasion du contrevenant, et quiconque, de commettre les mêmes infractions;

 

quatrièmement, isoler le délinquant, le cas échéant, de la société y compris des membres des Forces canadiennes;

 


cinquièmement, la réhabilitation et la réforme du contrevenant;

 

sixièmement, la proportionnalité à la gravité des infractions et le degré de responsabilité du contrevenant;

 

septièmement, l'harmonisation des peines;

 

huitièmement, le recours à une peine privative de liberté seulement lorsque la Cour est satisfaite qu'il s'agit de la peine de dernier ressort;

 

finalement, la Cour prendra en compte les circonstances aggravantes et atténuantes qui sont liées aux circonstances de l'affaire et à la situation du contrevenant.

 

[12]                  Dans la présente cause, la Cour est convaincue que ce genre d'infraction doit recevoir une dénonciation et dissuasion particulièrement vigoureuse lorsqu'elle est commise par une personne qui trahit la confiance de son employeur pour le frauder lorsqu'elle est responsable, en tout ou en partie, des sommes qui lui sont confiées dans le cadre de ses fonctions normales. La Cour reconnaît toutefois que les tribunaux jouissent d'une certaine discrétion lorsque le contrevenant s'est notamment pris en main et que ses risques de récidives sont bas. Chaque cas en est un d'espèce, mais la réhabilitation du contrevenant doit laisser largement préséance aux facteurs de dissuasion générale et de dénonciation.

 

[13]                  Dans l'arrêt La Reine c. St-Jean, une décision de la Cour d'appel de la cour martiale rapportée au CACM 2000, no 2, décision rendue dans la langue anglaise, l'honorable juge Létourneau mettait en lumière l'impact des actes à caractères frauduleux à l'intérieur des organisations publiques telles que les Forces canadiennes. Au para 22, il précisait :

 


After a review of the sentence imposed, the principles applicable and the jurisprudence of this Court, I cannot say that the sentencing President erred or acted unreasonably when he asserted the need to emphasize deterrence. In a large and complex public organization such as the Canadian Forces which possesses a very substantial budget, manages an enormous quantity of material and Crown assets and operates a multiplicity of diversified programs, the management must inevitably rely upon the assistance and integrity of its employees. No control system, however efficient it may be, can be a valid substitute for the integrity of the staff in which the management puts its faith and confidence.  A breach of that faith by way of fraud is often very difficult to detect and costly to investigate. It undermines public respect for the institution and results in losses of public funds. Military offenders convicted of fraud, and other military personnel who might be tempted to imitate them, should know that they expose themselves to a sanction that will unequivocally denounce their behaviour and their abuse of the faith and confidence vested in them by their employer as well as the public and that will discourage them from embarking upon this kind of conduct.

 

[14]                  Comme je le soulignais récemment dans R. c. Caporal-chef Poirier, 2007 CM 1023 :

 

[8] The principles set out by the Court Martial Appeal Court in St-Jean as well as in the decisions of Lévesque, Legaarden and Vanier preceded the amendment to s. 380 of the Criminal Code in 2004 where Parliament increased the maximum punishment for the offence of fraud exceeding five thousand dollars from 10 to 14 years. As recognized in St-Jean, the principle of general deterrence is the primary aspect that Courts shall emphasize in fraud cases. This is even more so today. The principle of general deterrence must however be weighed with every other sentencing principle and objective. When dealing with offences of employee fraud or substantial commercial fraud, recent jurisprudence by civilian courts and courts of appeal provide useful guidance. In R. v. Stymiest, (2006) W.C.B.(2d) 66 (New Brunswick Court of Queen's Bench), McNally J. Enunciated the relative importance of the sentencing principles in fraud related offences and the emphasis that should be placed on one or more principles when a court must sentence an offender in employee fraud or substantial commercial fraud, at paragraphs 53 and 54:

 

[53]The New Brunswick Court of Appeal recently confirmed its view that absent exceptional circumstances, the principles of denunciation and general deterrence trump considerations of an accused's first offender status and positive rehabilitation prospects, generally warranting a sentence of incarceration when dealing with offences of employee fraud or substantial commercial fraud - see R. v. Kuriya [2003] N.B.J. No. 336 and R. v. Steeves [2005] N.B.J. No. 150.

 

[54] In R. v. Bogart (2002), 167 (3d) 390 (Ont. C.A.) The accused was a physician who over a period of seven years submitted false billings to the Ontario Health Insurance Plan totalling nearly $1,000,000.00 At the time of sentencing, the accused continued to practice medicine and continued to treat a large group of devoted patients, many of who were HIV-positive or had AIDS. After a preliminary inquiry, he pleaded guilty to fraud over $5,000.00 and received a conditional sentence of two years less a day and three years' probation. In granting the Crown's appeal of the conditional sentence and substituting a jail sentence of eighteen months, Lasking, J.A. writing for the Ontario Court of Appeal stated:

 

Two aspects of the need to give effect to general deterrence come into play in this case. First, general deterrence is the most important sentencing principle in major frauds. Second, when general deterrence is "particularly pressing", as it is here, the preferable sanction is incarceration.

 

This court has affirmed that in cases of large-scale fraud committed by a person in a position of trust, the most important sentencing principle is general deterrence. Mitigating factors and even rehabilitation become secondary. In R. v. Bertram and Wood (1990), 40 O.A.C. 317, this court observed that most major major frauds are committed - as this one was - by well educated persons of previous good character. Thus the court held, at p. 319. The sentences in such cases are not really concerned with rehabilitation. Instead, they are concerned with general deterrence and with warning such persons that substantial penitentiary sentences will follow this type of crime, to say nothing of the serious disgrace to them and everyone connected with them and their probable financial ruin. In R. v. Gray (L.V.), (1995), 76 O.A.C. 387 at 398-399, our court again stressed the need for general deterrence in fraud cases: ...there are a few crimes where the aspect of deterrence is more significant. It is not a crime of impulse and is of a type that is normally committed by a person who is knowledgeable and should be aware of the consequences. That awareness comes from sentences given to others.

 


[15]                  Nonobstant les décisions de la Cour d'appel de la cour martiale dans les affaires St-Jean, Lévesque, Deg et Vanier, force est de constater que, depuis les modifications apportées au Code criminel en 2004 relativement à la peine maximale applicable à l'infraction de fraude de plus de 5000 dollars aux termes de l'alinéa 380(1)(a) du Code criminel, les diverses cours d'appel au Canada ont généralement infligé des peines d'emprisonnement dans le cas de fraudes importantes ou lorsqu'elles sont commises envers l'employeur qu'elles se soient déroulées sur de longues ou courtes périodes.

 

Les tribunaux ont d'ailleurs recours à une peine privative de liberté au motif qu'elle s'impose pour atteindre les objectifs primordiaux que constituent la dissuasion générale et la dénonciation dans ce genre d'affaire, et ce même si le contrevenant n'a pas d'antécédents judiciaires; a enregistré un plaidoyer de culpabilité et a exprimé ses remords; a remboursé en totalité ou en partie les victimes; a peu de chance de récidives; et, qu'il est une personne appréciée et reconnue dans la communauté.

 

[16]                  En considérant quelle sentence serait appropriée, la Cour doit tenir compte de la gravité objective de l'infraction et du degré de responsabilité du contrevenant eu égard aux circonstances aggravantes et atténuantes qui sont liées à la perpétration de l'infraction ou à la situation du contrevenant. En ce qui concerne les facteurs qui permettent de pouvoir bien évaluer la responsabilité du contrevenant relativement à l'imposition d'une sentence adéquate en matière de fraude, ils convient d'examiner entre autres : la nature et l'étendue de la fraude et la perte économique ou pécuniaire réelle de la victime; le degré de préméditation dans la planification et la mise en oeuvre de la fraude; le comportement du contrevenant après la commission de l'infraction y compris le remboursement des victimes; la collaboration avec les autorités ainsi que le plaidoyer de culpabilité à la première opportunité; les antécédents judiciaires; le bénéfice personnel tiré de la fraude; le lien d'autorité et de confiance envers la victime; et, la motivation sous-jacente à la commission de la fraude. Certains de ces facteurs peuvent être traités comme circonstance aggravante ou atténuante alors que ce n'est pas le cas pour d'autres qui relèvent du principe fondamental qui veut que la peine doit être proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant tel qu'énoncé à l'article 718.1 du Code criminel.

 

[17]                  En l'espèce les facteurs qui aggravent la peine sont les suivants :

 

1.     La nature de l'infraction et la peine maximale prévue par le législateur : l'infraction de fraude pour un montant de plus de 5000 dollars est passible d'une peine maximale d'emprisonnement pour une durée de 14 ans. Il s'agit d'une infraction qui est objectivement particulièrement grave.

 


2.     La nature et l'étendue de la fraude, ainsi que la perte réelle encourue par les fonds non-publics : Les faits démontrent qu'entre novembre 2005 et janvier 2006, une période de trois mois, vous avez fraudé le bureau comptable des fonds non-publics de la base des Forces canadiennes Kingston pour une somme de 8700 dollars en substituant sept chèques personnels sans provision payables à l'ordre du « Base Fund » à des billets de différentes nominations. Les sommes qui faisaient l'objet de la fraude provenaient de sources variées, soit les mess, le Canex et tous les clubs de la base alors que lors de la commission de l'infraction, vous étiez commis de soutien à la gestion des ressources et agissiez à titre de commandant adjoint de ce même bureau comptable des fonds non-publics et profitiez ainsi d'une relation de confiance relativement à l'intégrité des fonds non-publics. La période durant laquelle vous vous êtes employée à substituer des chèques sans provision à de l'argent comptant démontre qu'il ne s'agit pas d'un geste isolé et impulsif. Bien que peu sophistiqué et voué à l'échec à court terme, votre stratagème était planifié et organisé, même si vous saviez que vous alliez vous faire prendre. D'ailleurs vous vous êtes enfoncée dans votre comportement illégal en interceptant vos propres chèques sans provision lorsqu'ils furent retournés à votre superviseure par l'institution financière. Certes il ne s'agit pas d'une fraude importante dans l'échelle des fraudes à grande échelle, mais elle demeure importante dans le contexte de la présente affaire en raison de la nature et de la provenance des sommes pour lesquelles vous étiez responsable.

 

3.     Le degré de préméditation de la fraude : Le recours au remplacement de sommes d'argent destinées à être déposées auprès d'une institution financière par des chèques personnels sans provision suffisante sur une période de près de trois mois démontrent clairement, selon cette Cour, qu'il y avait préméditation, même si le stratagème employé était peu sophistiqué et voué à l'échec.

 


4.     Le caractère d'autorité et le lien de confiance présidant aux relations du contrevenant et les victimes : Comme je l'ai dit plus tôt, les sommes qui faisaient l'objet de la fraude provenaient de sources variées, soit les mess, le Canex et tous les clubs de la base. Lors de la commission de l'infraction, vous étiez commis de soutien à la gestion des ressources et agissiez, encore une fois, à titre de commandant adjoint de ce même bureau comptable des fonds non-publics. Non seulement occupiez-vous un poste de confiance relativement à la gestion de ces fonds non-publics, mais vous avez utilisé vos fonctions pour briser la confiance de votre organisation. Cette fraude n'aurait pas pu avoir lieu sans le rôle que vous jouiez au sein du bureau comptable et sans le lien de confiance qui existait entre vous et votre superviseure. Cet abus de confiance est particulièrement aggravant.

 

5.     Les bénéfices personnels retirés par le contrevenant : Même si les sommes ont été utilisées en partie pour payer vos dépenses courantes, elles ont été largement dilapidées pour satisfaire vos activités liées au jeu compulsif.

 

[18]                  Quant aux facteurs atténuants, la Cour retient les éléments suivants :

 

1.     Le comportement du délinquant après la commission de l'infraction : La Cour reconnaît votre aveu de culpabilité devant cette cour et les remords que vous avez exprimés, y compris les excuses publiques pour le tort causé aux personnes qui ont souffert de votre fraude. La Cour croit à leur absolue sincérité. Au surplus, vos performances dans votre nouveau milieu de travail font état d'une performance exceptionnelle qui vous a valu des éloges amplement mérités. À cela, il faut rajouter votre parcours exceptionnel qui démontre, d'une part, les efforts sincères et réels que vous avez déployés pour vous sortir de vos problèmes associés au jeu compulsif jusqu'à aujourd'hui et, d'autre part, l'énergie et le dévouement que vous manifestez auprès des personnes qui souffrent des mêmes problèmes pour qu'ils puissent s'en sortir. Il est clair que cela a pour vous un effet thérapeutique important, mais votre altruisme est d'un secours réel pour les personnes au sein de la collectivité militaire de Kingston qui sont aux prises avec des dépendances.

 

2.     Les antécédents judiciaires ou disciplinaires : Vous en êtes à vos premiers contacts avec le système de justice. Votre dossier ne démontre aucun dossier criminel ou fiche de conduite.

 

3.     Votre situation économique et familiale : Vous êtes la mère de trois enfants dont une jeune fille qui découle d'une première union et pour laquelle vous payez une pension alimentaire. Vos problèmes de jeu chroniques ont contribué directement à ce que vous et votre mari avez fait faillite pour lesquelles vous n'avez pas été encore libérés. Votre réputation en a pris un coup et vous avez perdu l'estime de personnes qui vous appréciaient, en commençant par votre ex-superviseure, madame Maxwell.

 

 

 


4.     Le délai écoulé depuis la commission de l'infraction et le défaut d'avoir fourni les services d'un avocat tel qu'elle l'avait demandé en temps opportun : Il existe un délai de deux ans entre la commission de l'infraction et le début des procédures devant la cour martiale. Non seulement, s'agit-il d'une affaire dont les faits sont simples et dont l'enquête ne comportait aucune difficulté particulière. L'ensemble des faits entourant cette affaire ne s'échelonnent pas au-delà du mois de mars 2006. Il s'ensuivit un délai inexpliqué de six mois avant qu'une accusation n'ait été portée contre le contrevenant qui indiqua aussitôt son désir d'être représenté par un avocat du Service d'avocats de la défense en octobre 2006. Même si elle a pu discuter avec un avocat en devoir à quatre reprises avant que l'on ne lui assigne un avocat spécifique en septembre 2007, elle ne put discuter de son dossier de manière utile, notamment en ce qui a trait à son désir de clore cet épisode le plus tôt possible et de rembourser les sommes qu'elle avait subtilisées puisque les avocats en devoir ne pouvaient pas lui fournir des conseils juridiques spécifiques en l'absence d'un mandat. Elle fut laissée seule sur cette question à toutes fins pratiques. Il n'est pas possible ni opportun pour cette cour d'attribuer la faute au Service d'avocats de la défense dans cette affaire ou aux autorités militaires pour avoir omis de transmettre la demande du caporal-chef Roche d'être représentée par avocat ou d'avoir égaré cette demande. D'ailleurs, l'attribution d'une telle faute dans les circonstances de cette affaire serait tout à fait inutile. Il suffit de constater que le caporal-chef Roche n'a pu bénéficier du soutien juridique auquel elle avait droit. Considérant que cette affaire est sur le point d'être résolue moins de quatre mois après l'arrivée au dossier de l'avocat de la défense, le lieutenant-colonel Couture, je n'ai aucune réserve à conclure qu'il n'y a aucune raison valable qui empêchait ce dossier d'être réglé avant aujourd'hui dans l'intérêt de la justice militaire tant pour l'accusée que pour les autorités militaires. Dans les circonstances, ce délai est non seulement une circonstance atténuante, mais elle est exceptionnelle.

 


[19]                  En ce qui a trait au facteur relatif à la motivation sous-jacente à la commission de l'infraction, la preuve est sans équivoque à l'effet que le caporal-chef Roche a commis l'infraction pour laquelle elle a avoué sa culpabilité parce qu'elle souffrait d'un problème sévère associé au jeu compulsif. Comme je l'ai dit plus tôt, sa démarche thérapeutique face à ce problème atténue la sentence. Or, son problème de jeu compulsif qui constitue la motivation sous-jacente à la commission de l'infraction ne peut servir à atténuer la sentence, quoiqu'il diminue le degré de responsabilité du caporal-chef Roche. Une telle approche a d'ailleurs été récemment discutée par la Cour d'appel de la Saskatchewan dans l'affaire R. c. Harding, (2007) 213 C.C.C.(3d) à la page 543 où Cameron J.A. pour la Cour, précisait :

 

[23] Indeed the trial judge, in having regard for the aggravating and mitigating circumstances, may have regarded the accused's gambling disorder as an extenuating or mitigating circumstance. This is of questionable validity in light of R. v. McTighe, and it is even more so if  the trial judge in effect took the gambling disorder as serving both to diminish the accused's degree of responsibility, within the contemplation of section 718.1, and to mitigate the commission of the offence and decrease the sentence accordingly, within the contemplation of section 718.2.

 

[20]                  Le caporal-chef Roche s'est engagée à rembourser le montant total de la fraude et la Cour n'entend pas répéter les faits qui expliquent pourquoi elle ne l'a pas fait bien avant aujourd'hui. Or, la question du dédommagement fait partie du processus sentenciel et elle peut influencer le quantum de la période d'incarcération. D'ailleurs, un tribunal civil siégeant en matière criminelle peut émettre une ordonnance de dédommagement aux termes de l'article 738 du Code criminel. Cette disposition fait partie du processus de détermination de la peine en vertu du Code criminel. Il s'agit là d'une autre lacune importante quant aux pouvoirs de la cour martiale qui, elle, ne peut émettre une telle ordonnance lorsqu'elle traite d'une infraction similaire.

 

[21]                  La Cour a porté une attention particulière à la recommandation de la défense relativement à l'imposition d'une ou plusieurs peines qui ne comporteraient pas l'incarcération sous la forme d'emprisonnement qui constitue généralement la peine de dernier ressort. Or, l'évolution législative et jurisprudentielle ne supporte pas une telle approche dans les cas de fraude commise par une personne qui fraude son employeur lorsqu'elle utilise un poste de confiance liée directement à la gestion ou au contrôle des fonds ou du matériel qui font l'objet de la fraude. Une peine privative de liberté s'impose pour promouvoir la dénonciation et la dissuasion.

 

Considérant le long délai écoulé depuis la commission de l'infraction et les efforts exceptionnels démontrés par le caporal-chef Roche depuis près de deux ans;

 

Considérant la responsabilité des différents acteurs relativement à l'omission de lui avoir fourni les services d'un avocat désigné en temps opportun et les effets de cette omission sur l'administration de la justice;

 

Considérant que caporal-chef Roche et l'ensemble de la preuve ont démontré de manière éloquente les efforts démontrés pour se réhabiliter et à quel point elle joue dorénavant un rôle clé dans le traitement des personnes qui souffrent de dépendances dans la communauté;

 


La Cour conclut qu'il n'est pas dans l'intérêt de la justice qu'elle purge la peine d'emprisonnement de 14 jours que la Cour lui a imposée parce qu'elle sera beaucoup plus utile à la société à l'extérieur d'un établissement carcéral en poursuivant sa thérapie sans interruption et en apportant son soutien aux personnes souffrant de problèmes similaires. En conséquence la Cour suspend, à titre d'autorité sursoyante aux termes de la présente loi, l'exécution de la peine d'emprisonnement.

 

 

 

                                                                                           COLONEL M. DUTIL, J.M.C.

 

Avocats :

 

Major B. McMahon, Direction des poursuites militaires

Avocat de la poursuivante

Lieutenant-colonel J.E.D. Couture, Direction du service d'avocats de la défense

Avocat du caporal-chef Roche

 

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