Cour martiale
Informations sur la décision
Date de l’ouverture du procès : 26 février 2008.
Endroit : BFC Trenton, édifice 22, 3e étage, 74 avenue Polaris, Astra (ON).
Chefs d’accusation:
• Chef d’accusation 1 : Art. 130 LDN, agression armée (art. 267a) C. cr.).
• Chef d’accusation 2 : Art. 130 LDN, usage négligent d’une arme prohibée (art. 86(1) C. cr.).
• Chef d’accusation 3 : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
Résultats:
• VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 3 : Coupable. Chef d’accusation 2 : Non coupable.
• SENTENCE : A reprimand and a fine in the amount of $1000.
Contenu de la décision
Référence : R. c. L’ex-matelot de 1re classe B.V.P. Sharp, 2008 CM 1003
Dossier : 200746
COUR MARTIALE PERMANENTE
CANADA
ONTARIO
BASE DES FORCES CANADIENNES 8e ESCADRE TRENTON
Date : le 27 février 2008
SOUS LA PRÉSIDENCE DE M. DUTIL, J.M.C.
SA MAJESTÉ LA REINE
c.
L’ex-MATELOT DE 1re CLASSE B.V.P. SHARP
(accusé)
VERDICT
(prononcé de vive voix)
Introduction
[1] Le matelot de 1re classe Sharp, retraité, ou l’ex-matelot de 1re classe Sharp est accusé de deux infractions punissables en vertu de l’article 130 de la Loi sur la défense nationale, soit une agression armée, contrairement à l’alinéa 267a) du Code criminel, et l’usage négligent d’une arme prohibée, contrairement au paragraphe 86(1) du Code criminel. Il est également accusé de l’infraction prévue à l’article 129 de la Loi sur la défense nationale, soit un comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline, pour laquelle la cour a accepté et inscrit un plaidoyer de culpabilité. La présente décision concerne donc les verdicts relatifs au premier et deuxième chefs d’accusation. Les accusations en question découlent d’une série d’événements survenus vers 17h15 le 12 novembre 2006 à la 8e escadre Trenton, dans l’immeuble du quartier général de la police militaire, où la caporale Esser et le matelot de 1re classe Sharp, collègues de patrouille, revenaient après avoir terminé leur quart de travail. Il s’agissait du dernier quart de travail du matelot de 1re classe Sharp, qui devait peu après quitter les Forces canadiennes.
La preuve
[2] La preuve présentée à la cour se compose des éléments suivants :
A. Les témoignages des personnes suivantes entendus pendant le procès :
1. la caporale Esser, la victime présumée et la collègue de l’accusé lors de l’infraction reprochée en ce qui a trait au premier chef d’accusation;
2. la commissionnaire Margaret Preston, qui travaillait comme répartitrice de la police militaire lorsque les infractions reprochées ont été commises;
3. le sergent Bradshaw, agent de police expérimenté qui a donné une formation à l’accusé au sujet du vaporisateur de gaz poivré et qui a témoigné au sujet de la façon appropriée d’utiliser ce vaporisateur et des dangers associés à cette utilisation;
4. l’ex-commissionnaire Douglas Eugene Sadler, qui était également répartiteur de la police militaire lors des infractions reprochées;
5. l’ex-matelot de 1re classe Sharp, l’accusé au procès.
B. Les admissions suivantes formulées par l’avocat de l’accusé et produites comme pièce 3 :
1. la cour a compétence à l’endroit de l’accusé;
2. l’accusé est bien le contrevenant en cause;
3. les infractions reprochées ont été commises à 17h15 le 12 novembre, à la 8e escadre Trenton;
4. la caporale Esser n’a pas consenti à ce que l’accusé l’asperge de gaz poivré;
5. le vaporisateur de gaz poivré est une arme prohibée;
6. l’accusé n’avait aucune excuse légitime pour brandir son vaporisateur de gaz poivré.
C. La pièce 4, soit un document de deux pages composé d’un calendrier ainsi que d’un horaire de cours montrant que l’ex-matelot de 1re classe Sharp avait reçu une formation sur le vaporisateur de gaz poivré entre le 25 et le 27 avril 2006.
D. L’admission d’office de ces faits et questions par la cour conformément à l’article 15 des Règles militaires de la preuve.
Les faits
[3] Tel qu’il est mentionné plus haut, les faits concernant la présente affaire sont survenus vers 17h15, le 12 novembre 2006, à la 8e escadre Trenton du quartier général de la police militaire. Les événements entourant la perpétration des infractions reprochées ne sont pas contestés, pas plus que la crédibilité des témoins, comme les avocats l’ont fait clairement savoir au cours de leurs observations respectives.
[4] Il appert de la preuve que la caporale Esser et l’ex-matelot de 1re classe Sharp revenaient de leur quart de patrouille, qui était en réalité le dernier quart de celui‑ci comme membre de la police militaire des Forces canadiennes, parce qu’il quittait volontairement l’armée afin, notamment, de devenir sous peu parent de famille d’accueil à temps plein. Selon les témoignages de la caporale Esser et de la commissionnaire Preston, le matelot de 1re classe Sharp était excité et très heureux à ce moment-là. Mme Preston a dit qu’il souriait, dansait et faisait des blagues. Bien entendu, ils se connaissaient tous, parce qu’ils travaillaient ensemble. Mme Preston a dit qu’elle se trouvait à son bureau de répartitrice lorsque le matelot de 1re classe Sharp et la caporale Esser sont arrivés à la fin de leur quart. Le matelot de 1re classe Sharp lui a alors demandé si elle avait déjà reçu du gaz poivré et lui a proposé à la blague d’en vaporiser un peu dans sa bouche; Mme Preston a répondu par la négative à cette proposition. Il lui a demandé à nouveau et elle a refusé fermement en se couvrant le visage avec les mains. Le matelot de 1re classe Sharp lui a demandé une troisième fois alors qu’elle descendait les marches de l’escalier. Mme Preston ne s’est à aucun moment sentie menacée par la conduite du matelot de 1re classe Sharp.
[5] Comme Mme Preston s’éloignait, le matelot de 1re classe Sharp a marché à son tour sur une distance de huit à dix pieds en se dirigeant vers la sortie située du côté ouest de l’immeuble. Il a alors rencontré la caporale Esser. Il appert de la preuve que, tout en se tenant derrière celle-ci, il a pris son vaporisateur de gaz poivré, l’a dirigé vers le bas, à l’arrière des jambes de la caporale et a fait un premier jet qui a atteint celle-ci à la partie supérieure des fesses, alors qu’il se trouvait à moins de quatre pieds d’elle. Le premier jet a duré moins d’une seconde. Au cours de son témoignage, l’accusé a expliqué qu’il avait procédé de cette façon parce qu’il voulait éviter de provoquer une sensation de brûlure ainsi que les autres risques associés à l’usage de gaz poivré. La caporale Esser a immédiatement éprouvé une sensation d’humidité. Elle s’est retournée et a alors vu le matelot de 1re classe Sharp qui souriait en tenant à la main le vaporisateur de poivre. Elle a continué à marcher et gloussé. Elle a ensuite ressenti un autre court jet qu’elle a décrit comme une brume qui l’a touchée sur la paume de la main droite. Ce deuxième jet était plus court en durée que le premier. Elle s’est alors retournée et a dit qu’il vaudrait mieux qu’elle se lave les mains avant de se toucher au visage. Elle a continué à marcher en direction des marches et a reçu un autre jet rapide du vaporisateur de poivre du matelot de 1re classe Sharp, lequel jet l’a touchée sur le côté de la main droite, plus précisément à l’auriculaire, alors qu’elle se trouvait près des marches et s’apprêtait à se rendre dans la salle de tir pour enlever son arme. Elle s’est retournée et lui a dit d’arrêter; il se peut qu’elle lui ait alors jeté un regard noir. Elle a ensuite continué à descendre l’escalier avec le matelot de 1re classe Sharp, parce qu’ils devaient tous les deux se rendre à la salle de tir pour enlever leur arme et, évidemment, reprendre leurs effets personnels. Elle a dit qu’elle a éprouvé une sensation de brûlure à la gorge et qu’elle s’est mise à tousser. Ces symptômes ont rapidement disparu dès qu’elle est sortie de l’immeuble, bien que la sensation de brûlure à la main droite ait persisté pendant plusieurs heures. Selon elle, la sensation n’était pas douloureuse, mais incommodante. Une fois à l’extérieur, elle a rencontré M. Sadler, qui a mentionné qu’il était difficile de respirer dans l’immeuble, et elle lui a répondu qu’elle était d’accord avec lui. M. Sadler a d’abord cru que ses problèmes étaient liés à des produits chimiques utilisés pour les revêtements de sol. La caporale Esser a expliqué qu’elle pensait alors qu’il s’agissait d’une blague, malgré le fait qu’elle n’appréciait pas être la cible d’une plaisanterie. Elle a ajouté que, selon elle, ce n’était pas une agression, mais simplement une plaisanterie de mauvais goût. Elle n’a jamais déposé de plainte au sujet de la conduite de son collègue de patrouille.
[6] Au cours de son témoignage, Mme Preston a dit qu’elle ignorait que du gaz poivré était utilisé pendant la période en question et qu’elle n’avait pas associé cette utilisation que son remplaçant cette nuit-là, M. Sadler, a signalée lorsqu’il s’est approché de son bureau, parce qu’elle ne pouvait pas sentir quoi que ce soit; elle a toutefois senti sa gorge sèche, ce qui était déjà arrivé dans cet immeuble, parce que l’air était sec. Cependant, selon le témoignage de M. Sadler, Mme Preston a mentionné à celui‑ci qu’il y avait du gaz poivré dans la pièce lorsqu’il lui a signalé que sa gorge était très sèche et irritée. Il y a donc là une légère contradiction, mais elle n’est pas importante pour l’issue de la présente affaire. Mme Preston a ajouté que l’incommodement qu’elle a ressenti a été de très courte durée et qu’elle s’est sentie bien dès qu’elle est sortie à l’extérieur de l’immeuble. Selon elle, elle n’a jamais soupçonné le matelot de 1re classe Sharp d’avoir utilisé du gaz poivré à ce moment-là ou peu après son retour, vers 17h15, à proximité du pupitre où elle travaillait. Plusieurs heures plus tard, M. Sadler s’est plaint d’éprouver une sensation de brûlure aux yeux; les pompiers ont alors été appelés pour vérifier les lieux et ils lui ont demandé de se rincer les yeux avec de l’eau froide; lorsqu’il l’a fait, la sensation de brûlure a disparu.
[7] Il appert du témoignage du sergent Bradshaw que le matelot de 1ère classe Sharp a reçu une formation appropriée sur la façon d’utiliser le vaporisateur de poivre comme arme intermédiaire et sur les cas dans lesquels cette utilisation convenait. Selon le sergent Bradshaw, la formation concernait, notamment, la façon d’employer la substance à l’intérieur et à l’extérieur et sur l’interdiction de l’utiliser à moins de trois pieds du sujet ou sur les personnes âgées, les jeunes enfants ou les femmes enceintes. Le sergent Bradshaw a également décrit les cinq méthodes ou démarches à suivre lors de l’utilisation du gaz poivré comme arme intermédiaire. Il a ajouté que le gaz poivré ne devrait pas être aspergé plus de deux fois sur les mêmes personnes et que les jets ne devraient pas durer plus d’une ou deux, en raison des effets secondaires, comme les sensations de brûlure sur la peau exposée, l’obstruction des voies aériennes et les effets psychologiques de l’utilisation de la force par la police pour les sujets. Voilà en résumé les témoignages sur lesquels la cour se fonde pour en arriver au verdict à l’égard des premier et deuxième chefs d’accusation.
La règle de droit et les éléments essentiels de l’accusation
Le premier chef d’accusation (article 130 de la Loi sur la défense nationale - alinéa 267a) du Code criminel)
[8] Selon le premier chef d’accusation, l’accusé aurait contrevenu à l’article 130 de la Loi sur la défense nationale, contrairement à l’alinéa 267a) du Code criminel. Plus précisément, le matelot de 1re classe Sharp est accusé
[traduction] « d’avoir, le 12 novembre 2006, à la 8e escadre de la base des Forces canadiennes de Trenton (Ontario), porté une arme, soit un vaporisateur de poivre, alors qu’il se livrait à des voies de fait sur la personne de la caporale Esser ».
[9] Il appert clairement de la preuve que le matelot de 1re classe Sharp a utilisé intentionnellement un vaporisateur de poivre, qui est une arme prohibée, trois fois à l’endroit de la caporale Esser lors de l’infraction reprochée. L’avocat de la poursuite a demandé à la cour d’en arriver à un verdict spécial traduisant cette situation. L’avocat de la défense s’est opposé à cette demande, soutenant que la poursuite avait choisi de décrire l’infraction de manière précise et que le matelot de 1re classe Sharp serait lésé dans la présentation de sa défense si la cour faisait droit à la demande de la poursuite. La cour n’est pas tenue de trancher cette question à ce stade-ci; elle devra le faire uniquement si elle en vient à la conclusion, à la fin de son analyse, que les faits prouvés établiraient la perpétration de l’infraction reprochée, mais sur le fondement de faits sensiblement différents. La cour procédera donc à une double analyse au sujet des éléments de l’infraction afin de couvrir les deux scénarios. Pour que la cour puisse déclarer le matelot de 1re classe Sharp coupable d’agression armée, la poursuite doit prouver chacun des faits essentiels suivants hors de tout doute raisonnable :
1. le matelot de 1re classe Sharp a intentionnellement eu recours à la force à l’endroit de la caporale Esser;
2. la caporale Esser n’a pas consenti au recours à cette force;
3. le matelot de 1re classe Sharp savait que la caporale Esser n’avait pas consenti au recours à la force à son endroit;
4. une arme était en cause, et j’emploie volontairement cette expression afin de couvrir tant le port que l’utilisation de l’arme; une arme était donc en cause lors de l’agression du matelot de 1re classe Sharp à l’endroit de la caporale Esser.
Le deuxième chef d’accusation (article 130 de la Loi sur la défense nationale - paragraphe 86(1) du Code criminel)
[10] Le deuxième chef d’accusation concerne une contravention à l’article 130 de la Loi sur la défense nationale, contrairement cette fois-ci au paragraphe 86(1) du Code criminel. Plus précisément, l’ex-matelot de 1re classe Sharp est accusé
[traduction] « d’avoir, le 12 novembre 2006, à la 8e escadre de la base des Forces canadiennes de Trenton (Ontario), utilisé sans excuse légitime une arme prohibée, soit un vaporisateur de poivre, d’une manière négligente ».
[11] Pour que la cour puisse déclarer le matelot de 1re classe Sharp coupable d’utilisation négligente d’une arme prohibée, la poursuite doit prouver chacun des faits essentiels suivants hors de tout doute raisonnable :
1. le matelot de 1re classe Sharp a utilisé une arme prohibée;
2. le matelot de 1re classe Sharp a utilisé une arme prohibée d’une manière négligente;
3. le matelot de 1re classe Sharp n’avait aucune excuse légitime justifiant l’utilisation de l’arme prohibée.
La présomption d’innocence et le doute raisonnable
[12] Avant que la cour n’expose son analyse juridique, il convient de traiter de la présomption d’innocence et de la norme de la preuve hors de tout doute raisonnable; il s’agit d’une norme qui est inextricablement liée à des principes fondamentaux en jeu dans tout procès criminel. Ces principes sont évidemment très bien connus des avocats, mais il se peut que d’autres personnes dans la salle d’audience ne les connaissent pas aussi bien.
[13] Il est juste de dire que la présomption d’innocence est peut-être le principe le plus fondamental de notre droit pénal, et le principe de la preuve hors de tout doute raisonnable est un élément essentiel de la présomption d’innocence. Pour les questions qui relèvent du Code de discipline militaire, tout comme pour celles qui relèvent du droit criminel, toute personne accusée d’une infraction criminelle est présumée innocente tant que le poursuivant n’a pas prouvé qu’elle est coupable hors de tout doute raisonnable. Un accusé n’a pas à prouver son innocence. Il revient au poursuivant de prouver hors de tout doute raisonnable chacun des éléments de l’infraction. La norme de preuve hors de tout doute raisonnable ne s’applique pas à chacun des éléments de preuve, ni aux éléments de preuve distincts qui forment le dossier du poursuivant, mais plutôt à l’ensemble des éléments de preuve qu’invoque la poursuite pour prouver la culpabilité. Le fardeau ou la charge de prouver la culpabilité d’un accusé hors de tout doute raisonnable repose sur le poursuivant et n’est jamais transféré à l’accusé.
[14] L’expression « hors de tout doute raisonnable » est utilisée depuis très longtemps. Essentiellement, un doute raisonnable n’est pas un doute exagéré ou frivole. Il ne doit pas être fondé sur la sympathie ou sur un préjugé. Il repose sur la raison et sur le bon sens. C’est un doute qui survient à la fin du procès et qui est fondé non seulement sur ce que la preuve révèle au tribunal, mais également sur ce qu’elle ne lui révèle pas. Le fait qu’une personne a été inculpée n’est pas une indication de sa culpabilité et j’ajouterai que les seules accusations dont une personne accusée doit répondre sont celles qui apparaissent sur l’acte d’accusation présenté à la cour.
[15] Dans R. c. Starr, jugement publié à [2000] 2 R.C.S. 144, la Cour suprême du Canada a souligné, au paragraphe 242, qu’une manière efficace de définir la norme du doute raisonnable à un jury consiste à expliquer qu’elle se rapproche davantage de la certitude absolue que de la preuve selon la prépondérance des probabilités. Par contre, il convient de se rappeler qu’il est presque impossible de prouver quoi que ce soit avec une certitude absolue. Le poursuivant n’a pas à le faire. La certitude absolue est une norme de preuve qui n’existe pas en droit ou, du moins, en droit canadien. Le poursuivant n’a que le fardeau de prouver la culpabilité de l’accusé, en l’occurrence, le matelot de 1re classe Sharp, hors de tout doute raisonnable. Pour placer les choses en perspective, si la cour est convaincue que l’accusé est probablement ou vraisemblablement coupable, elle doit alors l’acquitter, car la preuve d’une culpabilité probable ou vraisemblable ne constitue pas une preuve de culpabilité hors de tout doute raisonnable.
[16] Il n’est pas rare que certains éléments de preuve présentés au tribunal pendant un procès soient contradictoires. Dans la présente affaire, peu de divergences existent, sauf celle que j’ai mentionnée plus haut. En ce qui a trait à la crédibilité, j’ai déjà souligné, tout comme les avocats, que la crédibilité n’est pas contestée en l’espèce et que certaines divergences mineures peuvent avoir une influence sur le poids à accorder aux témoignages, mais non sur la crédibilité des témoins. Tous les témoins ont témoigné de façon franche au mieux de leur capacité. Bien entendu, le fait que les événements soient survenus plus d’un an plus tôt explique parfois les petites divergences. La cour est également convaincue qu’aucun témoin ne s’est montré partial et elle accepte évidemment leur témoignage, comme elle devrait le faire. Cela signifie que je ne suis pas disposé à diminuer de quelque façon que ce soit la crédibilité ou l’importance à accorder à ces témoignages, y compris celui de l’accusé, le matelot de 1re classe Sharp, qui a témoigné lui aussi de manière franche et crédible. Cependant, étant donné que l’accusé a témoigné pour son propre compte en l’espèce, la cour doit le déclarer non coupable conformément au critère énoncé dans la décision W.(D.), d’abord, si elle le croit et, en deuxième lieu, même si elle ne croit pas l’accusé, mais qu’elle a encore un doute raisonnable au sujet de la culpabilité de celui-ci après avoir examiné le témoignage qu’il a présenté dans le contexte de l’ensemble de la preuve. Enfin, si la cour est incapable de décider qui elle croit, après avoir examiné attentivement l’ensemble de la preuve, elle doit déclarer l’accusé non coupable. Comme je l’ai mentionné, je crois l’accusé et son témoignage ne contredit d’aucune façon celui des autres témoins. De plus, il a dit qu’il avait accepté la preuve et qu’il ne contestait pas la preuve présentée par les autres témoins.
[17] En conséquence, après avoir traité du fardeau et de la norme de preuve, la cour se penchera maintenant sur les faits mis en preuve à la lumière des principes juridiques applicables.
Les questions en litige
Le premier chef d’accusation (article 130 de la Loi sur la défense nationale - alinéa 267a) du Code criminel)
[18] En ce qui a trait aux questions en litige, du moins quant au premier chef d’accusation, l’avocat de la défense a simplement demandé à la cour d’appliquer le critère du doute raisonnable. Comme la poursuite l’a souligné, il s’agit d’une affaire très simple, du moins d’après la preuve dont la cour a été saisie. L’identité de l’accusé n’est pas contestée, pas plus que ne le sont la date et l’endroit où l’infraction aurait été commise ainsi que le recours intentionnel et indirect à la force, bien que celui-ci ait été très minime dans les circonstances de la présente affaire, où le matelot de 1re classe Sharp a aspergé du gaz poivré sur la caporale Esser au moyen de trois jets de moins d’une seconde chacun, comportement que celle-ci a considéré comme une plaisanterie. En ce qui concerne le consentement, la défense admet clairement que la caporale Esser n’a pas consenti à ce que l’accusé l’asperge de gaz poivré. En conséquence, la caporale n’a pas consenti au recours à la force, même si elle ne s’est pas vraiment offusquée de cette conduite. De plus, le fait que du gaz poivré, qui est une arme prohibée, était en cause en l’espèce n’est pas contesté. Le renvoi au port de l’arme plutôt qu’à son utilisation n’a pas une importance vitale en l’espèce, de l’avis de la cour, parce que la première infraction est comprise dans la dernière dans le contexte de la présente affaire et je ne puis voir en quoi l’accusé pourrait être lésé à cet égard aux fins de la préparation de sa défense. J’ajouterai que le fait que la victime n’a pas perçu la conduite du matelot de 1re classe Sharp comme une infraction à son endroit n’est pas déterminant quant à la question de savoir si l’infraction a été perpétrée ou non, bien que cette perception montre clairement à quel point la situation était grave à ses yeux; de l’avis de la caporale, il s’agissait d’une plaisanterie de mauvais goût, sans plus.
[19] La défense soutient que la preuve ne permet pas de conclure que le matelot de 1re classe Sharp avait une intention criminelle lorsqu’il a aspergé du gaz poivré sur la caporale Esser. Elle ajoute que la seule intention de l’accusé était de jouer un tour, ce que la victime de la plaisanterie, la caporale Esser, a manifestement compris. Cependant, la règle de droit est très claire en ce qui a trait à l’utilisation intentionnelle de la force dans le contexte d’une agression au sens de l’article 265 du Code criminel. Dans R. c. Bernier, (1997) 119 C.C.C. (3d) 467, jugement confirmé par la Cour suprême du Canada, à (1998) 124 C.C.C. (3d) 383, [1998] 1 R.C.S. 975, la Cour d’appel du Québec a exposé, dans le contexte de l’infraction d’agression sexuelle, les principes juridiques applicables au sujet de l’absence de violence ou d’hostilité physique lors du recours à la force visé à l’article 265 du Code criminel. Je cite ici un extrait de la page 473 du jugement de la Cour d’appel du Québec :
Le premier juge indique que la preuve ne révèle pas le caractère hostile propre à une agression et qu’il ne peut, pour cette raison, conclure à la culpabilité de l’intimé. Les attouchements reprochés auraient été posés dans un contexte qui s’apparente beaucoup plus à une mauvaise plaisanterie qu’à la violence.
Une agression suppose-t-elle nécessairement le recours à la force physique ou à une forme quelconque d’hostilité physique? N’existe-t-il pas des situations où un agresseur n’a pas besoin d’utiliser sa force pour porter atteinte à l’intégrité physique ou sexuelle de sa victime?
Comme l’indique son appellation, l’agression sexuelle (sexual assault) exige d’abord et avant tout une agression (assault). Ce terme est défini au paragraphe 265(1) C. Cr., tandis que le paragraphe 265(2) prévoit que cette définition s’applique à tous les types d’agressions sexuelles :
Voies de fait
265(1) Commet des voies de fait, ou se livre à une attaque ou une agression, quiconque, selon le cas :
a) d’une manière intentionnelle, emploie la force, directement ou indirectement, contre une autre personne sans son consentement;
.....
Application
(2) Le présent article s’applique à toutes les espèces de voies de fait, y compris les agressions sexuelles...
Le sous-paragraphe 265(1)a) stipule que l’emploi intentionnel de la force, directement ou indirectement, est nécessaire pour commettre une agression. Toutefois, le terme force souffre d’imprécision. Quel degré de force est requis pour constituer une agression? S’agit-il d’une force physique extrême ou négligeable?
À cet égard, la common law a adopté une approche souple pour définir la force. Les auteurs Smith et Hogan adoptent la notion de « intentional touching... without consent and lawful excuse » (toucher intentionnel... sans consentement ni excuse légitime) :
[traduction] Une agression est un acte par lequel D, de manière intentionnelle ou insouciante, incite P à craindre dans l’immédiat d’être victime de violence illégitime [...] Cependant, la « violence » comprend ici tout toucher illégitime d’une autre personne, si léger soit-il, car, comme Blackstone le souligne :
« la loi ne peut tirer une ligne entre différents degrés de violence et interdit donc le degré de violence le plus bas au nom de l’inviolabilité de la personne et de l’interdiction absolue de porter la moindre atteinte à ce droit ».
Comme le lord juge en chef Lane l’explique :
« L’agression s’entend de tout toucher intentionnel d’une autre personne sans le consentement de celle‑ci et sans excuse légitime. Il n’est pas nécessaire que le toucher soit de nature hostile, brusque ou agressive, contrairement à ce qui semble être sous-entendu dans certaines décisions » ...
Selon cette définition, tout toucher intentionnel sans excuse légitime est donc une agression.
[20] Comme je l’ai mentionné, la Cour suprême du Canada a confirmé cette décision. En termes simples, quiconque commet volontairement les actes constituant une agression est coupable lorsque son seul moyen de défense se limite au fait qu’il voulait simplement faire une plaisanterie. Il s’agit donc de savoir, dans chaque cas, s’il y a lieu d’intenter des poursuites à l’égard de l’infraction reprochée. Un examen des circonstances montre peut-être que la poursuite a mal exercé son pouvoir discrétionnaire, mais il ne s’agit pas d’une question que la cour peut examiner à ce stade des procédures. En conclusion, la cour estime que la poursuite s’est déchargée du fardeau qui lui incombait et que tous les éléments essentiels de l’infraction ont été établis hors de tout doute raisonnable en ce qui concerne le premier chef d’accusation. Cependant, j’ai pris bonne note des commentaires que l’avocat de la défense a formulés sur cette question.
Le deuxième chef d’accusation (article 130 de la Loi sur la défense nationale - paragraphe 86(1) du Code criminel
[21] Comme je l’ai mentionné plus haut, le deuxième chef d’accusation concernait une contravention à l’article 130 de la Loi sur le défense nationale, contrairement au paragraphe 86(1) du Code criminel, selon lequel le matelot de 1re classe Sharp est accusé :
[traduction] « d’avoir, le 12 novembre 2006, à la 8e escadre de la base des Forces canadiennes de Trenton (Ontario), utilisé sans excuse légitime une arme prohibée, soit un vaporisateur de poivre, d’une manière négligente ».
[22] La cour a déjà mentionné que, pour qu’elle puisse déclarer le matelot de 1re classe Sharp coupable d’utilisation négligente d’une arme prohibée, la poursuite doit prouver chacun des faits essentiels suivants hors de tout doute raisonnable :
1. le matelot de 1re classe Sharp a utilisé une arme prohibée;
2. le matelot de 1re classe Sharp a utilisé une arme prohibée d’une manière négligente;
3. le matelot de 1re classe Sharp n’avait aucune excuse légitime justifiant l’utilisation de l’arme prohibée.
[23] Compte tenu de la preuve dont la cour a été saisie, la seule question à trancher est de savoir si le matelot de 1re classe Sharp a utilisé son vaporisateur de poivre, qui est une arme prohibée, de façon négligente. La poursuite soutient que l’analyse devrait porter sur la question de savoir si le matelot de 1re classe Sharp avait l’intention coupable nécessaire lors de l’infraction reprochée. Elle ajoute que l’accusé n’a pas pris les précautions nécessaires qu’aurait normalement prises un membre de la police militaire ayant reçu une formation au sujet de l’utilisation d’armes intermédiaires comme le vaporisateur de poivre. Les arguments de la poursuite sont fondés sur l’analyse qu’elle a faite de certains jugements clés de la Cour suprême du Canada, notamment les arrêts Hundal, Creighton et Gossett.
[24] Pour sa part, la défense invoque essentiellement les mêmes décisions et fait valoir non seulement que la poursuite ne s’est pas déchargée du fardeau de preuve qui lui incombait en ce qui concerne l’intention coupable, mais également qu’il appert de la preuve que le matelot de 1re classe Sharp a pris les précautions nécessaires pour ne pas dépasser le seuil de la négligence pénale dans les circonstances. Selon l’avocat de la défense, la conduite de l’accusé n’a pas été négligente, mais délibérée et calculée, l’accusé connaissant parfaitement la nature de la substance utilisée, le gaz poivré. De plus, l’atmosphère qui existait lors de l’infraction reprochée, notamment les réactions de la caporale Esser et de Mme Preston, montrent que les personnes présentes n’étaient pas au courant de l’existence d’un problème, d’autant plus que les personnes directement concernées n’ont nullement déposé de plainte.
[25] Après les plaidoiries, la cour a offert aux deux parties la possibilité de formuler des remarques supplémentaires compte tenu du récent jugement que la Cour suprême du Canada a prononcé la semaine dernière, le 22 février 2008, dans R. c. Beatty, [2008] C.S.C. n° 5, et qui comporte des commentaires utiles au sujet de la négligence pénale par suite des arrêts clés Hundal et Creighton.
[26] Dans R. c. Beatty, la juge Charron a souligné que, suivant les principes fondamentaux de la justice pénale, les règles relatives à la négligence pénale doivent tenir compte non seulement du comportement dérogeant à la norme, lequel établit l’actus reus de l’infraction, mais aussi de l’état mental de l’auteur de l’infraction. Le ministère public est tenu de prouver à la fois l’actus reus et la mens rea. De plus, quand la responsabilité pour négligence pénale est punissable d’emprisonnement, comme c’est le cas à l’article 249 du Code criminel, la distinction entre la négligence civile et la négligence pénale acquiert une dimension constitutionnelle [paragraphe 6]. La cour convient que ces remarques s’appliquent également dans le contexte de l’infraction d’utilisation négligente d’une arme prohibée qui est visée au paragraphe 86(1) du Code criminel. Dans l’arrêt Hundal [onglet 4 du volume d’autorités conjoint], fourni par les avocats, la Cour suprême du Canada a indiqué clairement que la mens rea ne peut être établie que lorsque la poursuite peut prouver hors de tout doute raisonnable que le comportement reproché constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la situation de l’accusé. De l’avis de la poursuite, cette personne serait, dans les circonstances, le membre raisonnable de la police militaire qui a reçu une formation au sujet de l’utilisation d’armes intermédiaires comme le vaporisateur de poivre. Dans le cadre de ses observations, l’avocat de la poursuite a soutenu que cette personne raisonnable aurait normalement simplement conservé le vaporisateur de poivre dans son étui afin de respecter la norme de prudence exigée dans les circonstances. Cependant, la cour estime que l’analyse ne peut être réduite à ce simple aspect car, comme l’a souligné la juge McLachlin, alors juge de la Cour suprême du Canada, dans R. c. Creighton [onglet 3 du volume d’autorités] :
« ... En droit, nul n’est inconsidérément qualifié de criminel »....
[27] Dans l’arrêt Beatty, la juge Charron a reformulé le critère que le juge Cory avait énoncé dans Hundal, lorsqu’elle s’est exprimée comme suit au paragraphe 43 :
... Je reformulerais donc le critère reproduit ci-haut comme suit :
a) L’actus reus
Le juge des faits doit être convaincu hors de tout doute raisonnable que, du point de vue objectif, l’accusé, suivant les termes de la disposition concernée, conduisait « d’une façon dangereuse pour le public, eu égard aux circonstances, y compris la nature et l’état du lieu, l’utilisation qui en est faite ainsi que l’intensité de la circulation à ce moment ou raisonnablement prévisible dans ce lieu ».
b) La mens rea
Le juge des faits doit également être convaincu, hors de tout doute raisonnable, que le comportement objectivement dangereux de l’accusé était accompagné de la mens rea requise. Dans son appréciation, le juge des faits doit être convaincu, à la lumière de l’ensemble de la preuve, y compris la preuve relative à l’état d’esprit véritable de l’accusé, si une telle preuve existe, que le comportement en cause constituait un écart marqué. En outre, si l’accusé offre une explication, il faut alors, pour qu’il y ait déclaration de culpabilité, que le juge des faits soit convaincu qu’une personne raisonnable dans des circonstances analogues aurait dû être consciente du risque et du danger inhérents au comportement de l’accusé.
[28] Dans le contexte de la présente affaire, la cour estime que le critère à satisfaire pour prouver l’actus reus de l’infraction prévue au paragraphe 86(1) du Code criminel est le suivant : le juge des faits doit être convaincu hors de tout doute raisonnable que, du point de vue objectif, l’accusé utilisait sans excuse légitime une arme prohibée d’une façon négligente ou agissait ainsi sans avoir pris de précautions raisonnables pour assurer la sécurité d’autrui. Le juge des faits doit être convaincu hors de tout doute raisonnable que la conduite objectivement négligente de l’accusé était accompagnée de la mens rea requise. Dans son appréciation, le juge des faits doit être convaincu, à la lumière de l’ensemble de la preuve, y compris la preuve relative à l’état d’esprit véritable de l’accusé lors de l’infraction reprochée, si une telle preuve existe, que l’utilisation négligente en cause constituait un écart marqué par rapport à la norme de prudence raisonnable que respecterait une personne raisonnable se trouvant dans la même situation que l’accusé.
[29] Selon le paragraphe 86(1) du Code criminel, c’est la façon dont l’arme à feu ou l’arme a été utilisée qui constituerait l’actus reus, et non la conséquence de cette utilisation. La conséquence n’est qu’un facteur pouvant faciliter l’appréciation de la négligence. Ainsi, le fait que la caporale Esser, Mme Preston et M. Sadler ont été incommodés à divers degrés par suite de l’utilisation du vaporisateur de poivre par le matelot de 1ère classe Sharp n’est pas déterminant. Il appert de la preuve que le matelot de 1re classe Sharp a limité l’utilisation du vaporisateur de poivre à trois courts jets qui ont duré moins d’une seconde chacun. Il a dirigé à dessein le vaporisateur vers le bas, à l’arrière de la personne qu’il ciblait, soit la caporale Esser, sa collègue. Il faut comprendre qu’une personne raisonnable se trouvant dans la même situation n’est pas un membre de la police militaire qui respecte les procédures opérationnelles normales lors d’une intervention réelle comme une émeute, ni un membre de la police militaire qui reçoit pour la première fois une formation sur l’utilisation et les effets du vaporisateur de poivre. La personne raisonnable est plutôt une personne ayant reçu une formation au sujet de l’utilisation de cette arme et ayant la compétence voulue pour l’utiliser, dans des circonstances où la personne ciblée est également un membre de la police militaire ayant reçu le même degré de formation et possédant le même degré d’expérience. Cependant, l’utilisation de gaz poivré dans un immeuble fermé et mal ventilé pourrait encore satisfaire au critère de l’actus reus, même si l’utilisation de cette arme est minime, car les personnes qui acceptent volontairement le contrôle d’une arme comme le vaporisateur de poivre devraient tenir compte du préjudice que cette arme peut causer à des personnes autres que la cible précise, en l’occurrence, la caporale Esser. Dans les circonstances de la présente affaire, la cour estime que l’actus reus a été établi ou prouvé hors de tout doute raisonnable.
[30] La situation n’est pas si claire en ce qui a trait à la mens rea, eu égard à l’ensemble de la preuve, notamment la preuve relative à l’état d’esprit du matelot de 1re classe Sharp lors de l’infraction reprochée. Il est indéniable que l’accusé a fait preuve de négligence lorsqu’il a utilisé le gaz poivré, mais ce manque de diligence doit être suffisamment grave pour justifier une sanction pénale et non une sanction civile, disciplinaire ou administrative. Compte tenu de l’ensemble de la preuve, je conviens avec la poursuite que l’utilisation du gaz poivré, même à des doses aussi minimes, constituait un écart marqué par rapport à la conduite normalement attendue d’un membre de la police militaire dans les mêmes circonstances. Cependant, le témoignage de l’ex-matelot de 1re classe Sharp corrobore celui du sergent Bradshaw en ce qui a trait aux mesures de sécurité et aux effets possibles du gaz poivré. Il appert en effet du témoignage de l’accusé que, en se fondant sur ses connaissances, il a pris les mesures qu’il a jugées suffisantes pour ne pas incommoder indûment la cible de sa plaisanterie. Il savait que la caporale Esser possédait des connaissances similaires à cet égard et s’est assuré d’envoyer de très courts jets, et de les diriger vers le bas, à l’arrière, et non près du visage. Compte tenu de la preuve, la cour n’est pas convaincue hors de tout doute raisonnable qu’un membre de la police militaire se trouvant dans la situation de l’accusé aurait su qu’une quantité aussi minime de gaz poivré aurait causé un tel inconfort à M. Sadler dans l’état où celui-ci se trouvait. Quant à la caporale Esser, elle a décrit la sensation de brûlure qu’elle a éprouvée comme une simple sensation incommodante. En conséquence, eu égard à l’ensemble de cette preuve, la cour a un doute raisonnable et doit accorder le bénéfice du doute à l’ex-matelot de 1re classe Sharp.
Conclusion et dispositif
[31] Ex-matelot de 1re classe Sharp, pour les motifs exposés plus haut, la cour vous déclare coupable du premier chef Daccusation et non coupable du deuxième.
Colonel M. Dutil, J.M.C.
Avocats :
Le major S.A. MacLeod, Direction des poursuites militaires
Procureur de Sa Majesté La Reine
Le capitaine de corvette J.M. McMunagle, Direction du service d’avocats de la défense
Avocat de l’ex-matelot de 1re classe Sharp