Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l'ouverture du procès : 29 août 2011

Endroit : BFC Petawawa, Édifice L-106, Petawawa (ON)

Chefs d'accusation
•Chef d'accusation 1 (subsidiaire au chef d'accusation 2) : Art. 83 LDN, a désobéi à un ordre légitime d'un supérieur.
•Chef d'accusation 2 (subsidiaire au chef d'accusation 1) : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats
•VERDICTS : Chef d'accusation 1 : Non coupable. Chef d'accusation 2 : Coupable.
•SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 1500$.

Contenu de la décision

 

 

Référence :  R c Tomczyk, 2011 CM 1004

 

Date :  20110622

Dossier : 201123

 

Procédures préliminaires

Art. 187 de la Loi sur la défense nationale

 

 

Centre Asticou

Gatineau (Québec), Canada

 

Entre : 

 

Sa Majesté la Reine

 

- et -

 

Bombardier N. Tomczyk

 

 

En présence du Colonel M. Dutil, J.M.C.

 


TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE

 

MOTIFS DE LA DÉCISION RELATIVE À LA CHARTE CONCERNANT UNE DEMANDE PRÉLIMINAIRE PRÉSENTÉE SUIVANT L’ARTICLE 187 DE LA LOI SUR LA DÉFENSE NATIONALE ET DE L’ARTICLE 112.03 DES ORDONNANCES ET RÈGLEMENTS ROYAUX APPLICABLES AUX FORCES CANADIENNES, SELON LAQUELLE L’ARTICLE 165.191 DE LA LOI SUR LA DÉFENSE NATIONALE CONSTITUE UNE VIOLATION DE L’ARTICLE 7 ET DE L’ALINÉA 11d) DE LA CHARTE CANADIENNE DES DROITS ET LIBERTÉS.

 

(Prononcés de vive voix)

 

INTRODUCTION

 

[1]               Le 9 juin 2011, le demandeur a déposé un avis de demande indiquant qu’il présenterait une demande contestant la constitutionnalité de l’art. 165.191 de la Loi sur la défense nationale, particulièrement le refus du directeur des poursuites militaires de consentir à ce que le demandeur soit jugé par une cour martiale permanente à la suite des mises en accusation prononcées par le directeur des poursuites militaires le 18 avril 2011. L’acte d’accusation comprend deux accusations subsidiaires portées en vertu des art. 83 et 129 de la Loi. Selon le demandeur, l’article contesté porte atteinte à ses droits garantis à l’art. 7 et à l’alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés relativement au droit à une défense pleine et entière et au droit de contrôler sa défense en conférant un droit de véto aux autorités chargées des poursuites quant au type de procès pour les infractions énumérées au par. 165.191(1) de la Loi si l’accusé souhaite être jugé par une cour martiale permanente et non par une cour martiale générale. La présente demande a été instruite le 20 juin 2011. Le demandeur demande que le juge saisi rende une ordonnance enjoignant qu’il soit jugé par une cour martiale permanente en vertu du par. 24(1) de la Charte ainsi que toute autre réparation jugée juste et appropriée. Il demande également que le par. 165.191(2) de la Loi sur la défense nationale soit déclaré invalide et inopérant en vertu de l’art. 52 de la Loi constitutionnelle de 1982.

 

[2]               Dans le contexte de la présente demande, il est extrêmement important de souligner qu’à ce jour, aucune cour martiale n’a été convoquée à l’égard de la mise en accusation prononcée contre le Bombardier Tomczyk. Le demandeur a délibérément présenté sa demande pour qu’elle soit instruite par un juge militaire désigné pour l’audition d’une telle demande plutôt que par le juge du procès désigné pour présider la cour martiale qui sera convoquée.

 

LA PREUVE

 

[3]               La preuve déposée à l’appui de la présente demande comprend les faits et les questions dont j’ai pris judiciairement connaissance aux termes de l’art. 15 des Règles militaires de la preuve, l’acte d’accusation et la lettre de mise en accusation signée par le procureur de la poursuite, le Major Carrier, tous deux datés du 18 avril 2011, et une lettre en date du 9 juin 2011 signée par ledit procureur de la poursuite qui refuse de donner son consentement pour que le demandeur soit jugé par une cour martiale permanente, aux termes du par. 165.191(2) de la Loi sur la défense nationale.

 

LA POSITION DES PARTIES

 

Le demandeur

 

[4]               Le demandeur soutient qu’il y a atteinte à ses droits garantis par l’art. 7 et l’al. 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés du fait que le par. 165.191(2) de la Loi sur la défense nationale a pour effet de conférer au directeur des poursuites militaires un droit de véto en exigeant qu’il accorde son consentement quant au mode de procès choisi pour les infractions d’ordre militaire énumérées au par. 165.191(1) si l’accusé souhaite être jugé par une cour martiale permanente plutôt que par une cour martiale générale imposée par la loi. Selon le demandeur, le refus du directeur des poursuites militaires d’accorder son consentement quant à la convocation d’une cour martiale permanente constitue une violation de ses droits constitutionnels. Il dit que les modifications récentes apportées à la Loi sur la défense nationale en 2008 par la Loi modifiant la Loi sur la défense nationale (cour martiale) et une autre loi en conséquence[1] ont été adoptées à la hâte à la suite de l’arrêt R. c. J.S.K.T.[2] (souvent appelé R. c. Trépanier) de la Cour d’appel de la cour martiale et que ces modifications ne satisfont pas aux normes constitutionnelles énoncées dans Trépanier à l’égard du par. 165.191, en ce qu’elles laissent à la poursuite toute latitude pour le mode de procès choisi si celle‑ci refuse de consentir à ce qu’un accusé soit jugé par une cour martiale permanente si tel est son souhait.

 

[5]               Le demandeur a décidé de soumettre cette question sous le régime de l’art. 187 de la Loi sur la défense nationale au juge désigné expressément pour présider l’audition de la demande préliminaire, plutôt qu’au juge du procès désigné pour présider la cour martiale une fois convoquée. Le demandeur soutient que le juge en question a non seulement compétence pour entendre cette question en vertu des art. 187 et 179 de la Loi et de l’art. 101.07 (Cas non prévus aux ORFC) des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes, mais qu’il est aussi tenu de le faire pour des raisons d’efficacité et de bonne administration de la justice militaire.

 

Le défendeur

 

[6]               Le défendeur soutient que la demande devrait être rejetée au motif que le demandeur ne s’était pas acquitté de son fardeau de preuve. Il dit également que le demandeur n’interprète pas correctement l’arrêt R. c. J.S.K.T de la Cour d’appel de la cour martiale. Selon le défendeur, la loi n’exige pas que l’accusé ait le dernier mot quant au mode du procès qu’il doit subir. Malgré sa position, le défendeur indique que de façon générale la présente demande n’a pas été présentée devant le forum approprié et que cette question ne doit pas être tranchée par un juge autre que le juge du procès qui sera désigné pour présider la cour martiale générale convoquée pour juger le Bombardier Tomczyk. Le défendeur soutient que la présente demande est prématurée.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[7]               Bien qu’elles aient formulé différemment ce qu’elles estiment être la question de droit soulevée, les parties se limitent à la constitutionnalité de l’art. 165.191 de la Loi sur la défense nationale compte tenu des droits de l’accusé garantis par l’art. 7 et l’al. 11d) de la Charte. Cette approche n’est pas adéquate pour régler la présente affaire. Voici les questions à trancher :

1.      Un juge militaire présidant une audience sous le régime de l’art. 187 de la Loi sur la défense nationale, autre que le juge désigné pour présider une cour martiale convoquée, peut‑il entendre une requête contestant la constitutionnalité d’une loi et accorder une réparation en vertu du par. 24(1) de la Charte ainsi que prononcer une déclaration d’invalidité en vertu de l’art. 52 de la Loi constitutionnelle?

2.      Dans l’affirmative, le juge saisi de la demande doit‑il exercer sa compétence ou renvoyer l’affaire au juge du procès? 

Si le juge saisi de la demande décide de procéder à l’instruction sur le fond, il faut trancher les questions suivantes : 

3.      L’article 165.191 de la Loi sur la défense nationale porte‑t‑il atteinte aux droits de l’accusé garantis par l’art. 7 et l’al. 11d) de la Charte en imposant que celui‑ci soit jugé par une cour martiale générale pour les infractions énumérées au par. 165.191(1) peu importe la gravité de l’infraction reprochée par opposition à la peine maximale? Dans l’affirmative, cette atteinte constitue‑t‑elle une limite raisonnable prescrite par une règle de droit et justifiée aux termes de l’article premier?

4.      Le paragraphe 165.191(2) de la Loi sur la défense nationale porte‑t‑il atteinte aux droits de l’accusé garantis par l’art. 7 et l’al. 11d) de la Charte en exigeant que la poursuite et l’accusé donnent tous deux leur consentement pour que le procès soit instruit par une cour martiale permanente? Dans l’affirmative, cette atteinte constitue‑t‑elle une limite raisonnable prescrite par une règle de droit et justifiée aux termes de l’article premier?

ANALYSE

 

Un juge militaire présidant une audience sous le régime de l’art. 187 de la Loi sur la défense nationale, autre que le juge désigné pour présider une cour martiale convoquée, peut‑il entendre une requête contestant la constitutionnalité d’une loi et accorder une réparation en vertu du par. 24(1) de la Charte ainsi que prononcer une déclaration d’invalidité en vertu de l’art. 52 de la Loi constitutionnelle?

 

[8]               Compte tenu des circonstances particulières de la présente demande, il est impératif de trancher tout d’abord la première question soulevée.

 

[9]               Dans le cadre des modifications apportées à la Loi sur la défense nationale et entrées en vigueur en 2008[3], l’art. 187 a été modifié de façon à permettre à un juge militaire d’entendre une demande après le prononcé d’une mise en accusation et avant la convocation d’une cour martiale. Cet article prévoit ce qui suit :

Procédures préliminaires

 

187.        À tout moment après le prononcé d’une mise en accusation et avant l’ouverture du procès de l’accusé, tout juge militaire ou, si la cour martiale a déjà été convoquée, le juge militaire la présidant peut, sur demande, juger toute question ou objection à l’égard de l’accusation.

 

[10]           Il est donc possible qu’un juge militaire, autre que le juge du procès qui préside la cour martiale, entende des questions préliminaires à l’égard d’une mise en accusation non seulement avant l’ouverture du procès, mais aussi avant que la cour martiale soit convoquée. Cette approche a pour objet valide de permettre à une partie de soulever une question dans le cadre d’une procédure préliminaire devant un juge militaire, qui devrait être tranchée, de préférence, avant l’ouverture de l’instance devant la cour martiale, permettant ainsi que la cour martiale soit convoquée pour tenir une audience équitable et efficace sur le fond de l’affaire, le tout conformément à l’obligation d’agir avec célérité prévue à l’art. 162 de la Loi sur la défense nationale.

 

[11]           Il n’est pas contesté que le juge militaire qui préside une audience sous le régime de l’art. 187 de la Loi, autre que le juge qui préside la cour martiale, a les mêmes attributions qu’une cour supérieure de juridiction criminelle aux fins de l’art. 179 de la Loi. Toutefois, un juge militaire qui exerce ces fonctions judiciaires ne constitue pas la cour martiale ou un prolongement de celle‑ci. En d’autres termes, les procédures menées par ledit juge ne peuvent faire partie des procédures de la cour martiale, aucune cour martiale n’ayant été convoquée, ni ne peuvent être réputées en faire partie en l’absence de toute disposition expresse de la Loi ou d’un règlement valide. Les cours martiales sont des cours créées par la loi et des cours sui generis.

 

[12]           Il est bien établi que les procédures préliminaires basées sur des motifs fondés sur la Charte peuvent être engagées avant l’ouverture d’un procès en matière criminelle ou disciplinaire. Par exemple, une partie peut demander au juge du procès de rendre une ordonnance de divulgation. Les questions portant sur des atteintes à la Charte sont souvent soulevées en dehors du procès. On peut imaginer qu’un juge qui préside une enquête sur cautionnement conclue que les droits garantis par la Charte du détenu ont été violés et accorde une réparation appropriée.

 

[13]           Mis à part ces scénarios évidents, il faut souligner qu’il est établi depuis longtemps qu’avant qu’un  juge ou une cour entendent une requête fondée sur la Charte, ils doivent être convaincus que la requête est présentée :

1.            dans le cadre d’une procédure appropriée;

2.            en temps opportun;

3.            par une partie appropriée;

4.            devant le tribunal ou le forum approprié.

 

[14]           La personne qui est accusée aux termes du Code de discipline militaire ou qui fait face à des accusations criminelles peut contester des infractions matérielles puisque nul ne devrait être déclaré coupable en vertu d’une loi inconstitutionnelle. La première question à trancher dans la présente demande ne porte pas sur la qualité de l’accusé pour contester la constitutionnalité de l’art. 165.191 de la Loi sur la défense nationale. Il s’agit de déterminer si un juge militaire qui préside une audience sous le régime de l’art. 187 de la Loi, autre que le juge militaire désigné pour présider la cour martiale, en l’occurrence le juge du procès, est le tribunal ou le forum approprié pour entendre et trancher la question fondée sur la Charte qui a été soulevée dans la présente demande.

 

[15]           Dans l’arrêt Mills c. La Reine[4], le juge Lamer (dissident), plus tard juge en chef,  a défini un tribunal compétent au sens du par. 24(1) de la Charte s’agissant d’un juge qui préside une requête préliminaire. Il a dit ce qui suit aux pages 890 et 891 :

Pour ces motifs et en résumé, je suis d’avis que :

 

‑‑ un tribunal compétent dans une affaire est le tribunal compétent ratione personae et ratione materiae et qui a, en droit criminel ou pénal, compétence pour accorder la réparation;

 

‑‑ en règle générale, le tribunal compétent est le tribunal de première instance;

 

‑‑ un juge qui préside une enquête préliminaire est un tribunal compétent pour déterminer s’il y a eu une violation, mais seulement si le jugement  recherché vise l’exclusion d’éléments de preuve aux termes du par. 24(2).

 

53.          Pour certains, ceci suffirait. La juridiction de jugement serait, sans exception (pour d’autres sous réserve de l’exception que je propose), le seul tribunal compétent. Cette opinion, à première vue, n’est pas sans attrait. Elle est simple et directe, et supprime plusieurs problèmes épineux qui autrement pourraient surgir. Elle n’introduit aucun délai supplémentaire, elle est conforme aux voies d’appel habituelles et évite tout conflit éventuel de juridiction.

 

54.          Pourtant ce qui est gagné en simplicité est perdu en efficacité. Car un tel système ne permettrait pas d’obtenir réparation immédiatement ou à un stade préliminaire lorsque c’est manifestement nécessaire, par exemple, en vertu de l’al. 11e), le droit de ne pas être privé d’un cautionnement raisonnable, ou lorsque le délai lui‑même perpétue une violation de la Charte, par exemple, en vertu de l’al. 11b), le droit d'être jugé dans un délai raisonnable. Dans de tels cas, empêcher d’obtenir réparation à un stade préliminaire revient en fait à refuser la réparation « convenable et juste eu égard aux circonstances ». Le refus dans ces cas ne doit pas être encouragé; ce serait mettre la simplicité de la procédure au‑dessus de l’efficacité de la réparation. La simplicité doit céder devant la nécessité plus grande d’assurer promptement l’obtention d’une réparation juste, convenable et efficace.

 

55.          Pour ces motifs, j’en suis venu à la conclusion que la solution subsidiaire à ce problème, hélas un peu plus complexe, mais préférable, est de reconnaître :

 

1—la présentation de requêtes préalables au procès à la juridiction de jugement, et

 

2—la compétence initiale concurrente de la cour supérieure dans les espèces dont les juridictions de degré inférieur sont saisies.

 

[16]           La Cour a décidé à l’unanimité qu’un juge qui préside une enquête préliminaire n’était pas le tribunal compétent pour accorder une réparation en vertu du par. 24(1) de la Charte dans une affaire portant sur une atteinte aux droits d’un accusé garantis par l’al. 11b).  Voici les propos du juge McIntyre à la page 953 :

262         Il faut donc se demander quels sont les tribunaux compétents au sens du par. 24(1) de la Charte et quelle est la nature de la réparation ou des réparations qui pourront être accordées. En abordant le problème de la compétence et celui de la réparation appropriée, les tribunaux font oeuvre de pionniers. La jurisprudence ne leur est que de peu pour ne pas dire d’aucun secours. Leur tâche consistera simplement à insérer la demande dans le régime existant de compétence des tribunaux afin d’essayer de fournir une réparation directe conformément au par. 24(1). Il s’agit là, selon moi, d’un point qu’il ne faut pas perdre de vue. L’absence dans la Charte de dispositions et de directives touchant la compétence confirme le point de vue selon lequel celle‑ci n’était pas censée provoquer le bouleversement du système judiciaire canadien. Au contraire, elle doit s’insérer dans le système actuel de la procédure judiciaire canadienne. Point n’est besoin de procédures et de règles particulières pour lui donner son plein et entier effet.

 

[17]           Le juge a ajouté ce qui suit, aux pages 957 et 958, au sujet des requêtes préalables au procès et des appels :

Requêtes préalables au procès

 

268.            Dans certains cas, il sera souhaitable de présenter une demande de réparation en vertu du par. 24(1) de la Charte avant le procès. Selon moi, toutefois, il n’est pas du tout nécessaire de créer à cette fin un nouveau régime de procédure. La requête préalable ainsi que la procédure voisine, la requête préliminaire ou le moyen préliminaire, sont bien connues en droit et on peut y avoir recours pour demander une réparation en vertu du par. 24(1) dès qu’un acte d’accusation a été présenté. Des requêtes préalables peuvent tendre à obtenir l’annulation de l’acte d’accusation pour un vice de fond ou de forme (art. 510 du Code), à obtenir un procès distinct pour chaque chef mentionné dans un acte d’accusation (par. 520(3) du Code), à obtenir des détails relatifs à l’acte d’accusation (art. 516 du Code) et à obtenir des procès distincts pour chaque coaccusé (par. 520(3) du Code). En règle générale, les tribunaux encouragent les parties à présenter rapidement ces demandes afin que les questions préliminaires puissent être réglées dès le début, surtout lorsque celles‑ci sont de nature à pouvoir vicier les procédures. Ce principe est reconnu par la loi à l’art. 529 du Code, qui, à son par. (1), porte qu’une objection à un des chefs d’un acte d’accusation, pour un vice de forme apparent à sa face même, doit être présentée par requête en annulation, avant le plaidoyer, et, par la suite, seulement sur permission de la cour. Une disposition analogue relative aux affaires sommaires figurait à l’art. 732 du Code. On trouve une étude utile de ce sujet dans Canadian Criminal Procedure (4th ed. 1984), par Salhany, aux pp. 209 et 210. À mon avis, il n’y aura pas de difficulté majeure à inclure dans l’arsenal juridique une requête préalable visant à obtenir une réparation en vertu du par. 24(1) de la Charte, requête qui serait assujettie à l’usage présentement applicable aux autres requêtes. Il se peut qu’un juge du procès, saisi d’une demande fondée sur le par. 24(1), puisse parfois trouver nécessaire de recevoir des témoignages de vive voix sur la question soulevée afin d’être en mesure de statuer sur la demande. À mon avis, le juge du procès jouit du pouvoir discrétionnaire d’agir ainsi chaque fois qu’il l’estime nécessaire. L’appelant peut présenter sa requête préalable visant à obtenir une réparation en vertu du par. 24(1) à n’importe quel moment avant le plaidoyer et après qu’il a reçu ou qu’il est en droit de recevoir l’acte d’accusation ou la dénonciation. Lorsque le tribunal où le procès aura lieu n’a pas été établi par le renvoi à procès, par l’exercice d’un choix, par sommation, par la présentation d’un acte approprié ou par interpellation, la demande de bref de prérogative pourrait être adressée à la cour supérieure.

 

Appels

 

269.        Le Code criminel prévoit qu’une personne déclarée coupable d’un acte criminel peut interjeter appel. En effet, à l’art. 603 il s’agit d’appels à la Cour d’appel; les art. 618 et 620 autorisent les pourvois à la Cour suprême du Canada et l’art. 719 porte sur des appels en matière de mandamus, de certiorari ou de prohibition. Il est depuis longtemps bien établi en droit qu’il n’y a aucun droit d’appel en matière pénale, sauf dans la mesure où un texte législatif le prévoit; l’art. 602 du Code vient renforcer cette proposition en prévoyant que « Nulle procédure autre que celles qui sont autorisées par la présente Partie [Partie XVIII‑‑Appels, Actes criminels] et la Partie XXIII [Recours extraordinaires ‑‑ certiorari, habeas corpus, mandamus et prohibition] ne doit être intentée par voie d’appel dans des procédures concernant des actes criminels. »

 

270.        Il faut encore souligner que la Charte est muette sur la question des appels et on doit donc conclure que c’est le système actuel des appels qui doit servir au règlement de demandes fondées sur le par. 24(1). Puisque la Charte confère un droit de demander une réparation en vertu du par. 24(1) et que de telles demandes comporteront des allégations de violation de libertés et de droits fondamentaux, l’existence d’une procédure d’appel est indispensable. Aucune disposition du Code ne prévoit expressément un droit d’en appeler d’une décision accordant ou refusant une réparation visée par le par. 24(1) de la Charte, mais des appels sur des questions de droit et de fait sont toutefois autorisés. La Charte en tant que composante du droit fondamental du Canada n’y échappe donc pas et, de même qu’une personne lésée pourra porter en appel le rejet d’une demande de réparation en vertu de la Charte en tant que question de droit, de même Sa Majesté pourra interjeter appel si cette réparation est accordée. L’appel se déroulera selon la procédure normale établie à cette fin. À l’issue du procès, il sera loisible de faire appel de la décision ou du verdict et l’erreur qui aurait été commise relativement à la demande de réparation en vertu de la Charte constituera un moyen d’appel.

 

[18]           Depuis environ 25 ans, les tribunaux judiciaires et administratifs canadiens ont dû trancher dans des cas particuliers la question de savoir s’ils étaient des tribunaux compétents dans le contexte du par. 24(1) de la Charte. La Cour suprême du Canada nous a donné des précisions quant à la façon d’effectuer une analyse adéquate, dans l’arrêt R. c. 974649 Ontario Inc.[5], où la juge en chef McLachlin a dit ce qui suit aux paragraphes 23 et 24 :

 

23           Conformément à la mise en garde faite par le juge McIntyre dans l’arrêt Mills, précité, p. 953, la Charte n’est pas censée « provoquer le bouleversement du système judiciaire canadien ».  Les tribunaux ont pour tâche d’interpréter le par. 24(1) de manière à permettre aux justiciables d’avoir accès directement aux réparations prévues par la Charte, tout en respectant, dans la mesure du possible, « le régime existant de compétence des tribunaux » :  Mills, p. 953 (le juge McIntyre); voir aussi les commentaires des juges La Forest (à la p. 971) et Lamer (à la p. 882) dans le même arrêt; et Weber, précité, par. 63.  Les rédacteurs de la Charte ne voulaient pas supprimer les distinctions que fait la Constitution entre les différents types de tribunaux ni empiéter plus que de besoin sur les pouvoirs législatifs pour réaliser les objectifs de la Charte.

 

24           En résumé, le tribunal appelé à interpréter l’art. 24 de la Charte doit faire une interprétation large et téléologique, propre à faciliter l’accès direct aux réparations convenables et justes prévues par les par. 24(1) et (2) de la Charte, tout en respectant la structure et les pratiques du système judiciaire existant ainsi que le rôle qui appartient en exclusivité au Parlement et aux législatures, savoir celui de fixer la compétence des tribunaux judiciaires et administratifs.  Gardant ces principes directeurs à l’esprit, je reviens à la question qui est au cœur du présent pourvoi :  Dans quels cas un tribunal judiciaire ou administratif possède‑t‑il le « pouvoir d’accorder la réparation demandée », respectant ainsi le dernier volet du critère établi dans Mills pour déterminer si un organisme donné est un tribunal compétent?

 

[19]           La juge a examiné ensuite différentes approches et a conclu ce qui suit aux paragraphes 42 à 47 :

 

42           J’estime que l’approche « fonctionnelle et structurelle » est davantage conforme à l’intention qu’avait initialement le Parlement ou la législature concernée lors de l’établissement du tribunal en cause (bien que cette intention soit interprétée à la lumière de l’édiction de la Charte) et aux objectifs visés par la Charte elle‑même.  Dans les cas où, par la suite de l’édiction de la Charte, un tribunal judiciaire ou administratif est aux prises avec de nouvelles questions d’ordre constitutionnel, il faut présumer que le législateur entendait que cet organisme tranche ces questions lorsque, de par sa fonction et sa structure, il est apte à le faire.  Ce n’est qu’ainsi que l’objectif visé par la Charte — et le mandat des tribunaux judiciaires et administratifs qui existaient au moment de son édiction — pourront être concrètement réalisés.

 

43           Il est peut‑être également nécessaire de donner des précisions sur le contenu de l’approche « fonctionnelle et structurelle ».  Essentiellement, ce critère pose la question de savoir si, eu égard à sa fonction et à sa structure, le tribunal judiciaire ou administratif concerné est apte à accorder la réparation demandée en vertu de l’art. 24.  Il s’agit d’une évaluation contextuelle.  Les facteurs pertinents pour les fins de l’analyse ainsi que leur poids respectif varient en fonction des circonstances de l’espèce.  Il est néanmoins possible de classer certaines des considérations visées sous les rubriques générales « fonction » et « structure ». 

 

44           La fonction du tribunal judiciaire ou administratif concerné est l’expression de son objectif ou mandat.  En tant que telle, elle doit être appréciée en fonction du régime établi par la loi et du système de justice en général.  Premièrement, quelle est la fonction du tribunal dans le cadre du régime établi par la loi?  L’existence du pouvoir d’ordonner la réparation demandée en vertu du par. 24(1) aurait‑elle pour effet d’entraver ce rôle ou de le renforcer? Dans quelle mesure le pouvoir d’accorder la réparation demandée est‑il essentiel au fonctionnement efficace et efficient du tribunal?  Deuxièmement, quelle fonction exerce le tribunal au sein du système de justice en général? Une autre juridiction conviendrait‑elle davantage pour réparer l’atteinte portée aux droits garantis par la Charte

 

45           L’examen de la structure du tribunal porte sur la compatibilité de l’institution et de ses procédures avec la réparation demandée en vertu de l’art. 24.  Selon la réparation particulière en cause, tous les facteurs suivants — ou l’un d’eux — peuvent être importants :  la question de savoir si les procédures sont de nature judiciaire ou quasi judiciaire, le rôle des avocats, l’applicabilité ou non des règles de preuve traditionnelles, la question de savoir si le tribunal peut délivrer des assignations à comparaître, celle de savoir si les témoins déposent sous serment, l’expertise et la formation du décideur et l’expérience institutionnelle du tribunal relativement à la réparation en question : voir Mooring, précité, par. 25-26.  Parmi les autres considérations susceptibles d’être pertinentes, mentionnons la charge de travail du tribunal, ses contraintes de temps, sa capacité de constituer un dossier suffisant pour les besoins d’une cour de révision et toute autre considération opérationnelle du genre.  Essentiellement, il s’agit de déterminer si la législature ou le Parlement a doté le tribunal judiciaire ou administratif concerné des outils nécessaires pour lui permettre de façonner de manière juste, équitable et uniforme la réparation demandée en vertu de l’art. 24, sans nuire à sa capacité d’accomplir sa fonction première.

 

46           Deux sources peuvent aider à déterminer la fonction et la structure du tribunal judiciaire ou administratif concerné : le texte de sa loi habilitante ainsi que l’historique de l’institution et sa pratique reconnue.  Il arrive que la loi constitutive du tribunal décrive clairement sa fonction et sa structure.  Toutefois, il peut souvent s’avérer nécessaire de considérer  d’autres facteurs afin de bien saisir la fonction du tribunal, ou les points forts et les limites de ses mécanismes.  Il est impossible d’évaluer, au regard du seul texte de la loi pertinente, des facteurs comme la charge de travail du tribunal, les contraintes de temps auxquelles il est assujetti ainsi que son expérience et son expertise relativement à une réparation donnée; il faut plutôt tenir compte de la pratique quotidienne du tribunal en question.

 

47           Après avoir exposé l’approche « fonctionnelle et structurelle » applicable pour définir le troisième élément du critère établi dans l’arrêt Mills — soit le pouvoir d’accorder la réparation demandée — je vais maintenant examiner les considérations qui militent en faveur de cette approche.  Premièrement, elle est conforme à la jurisprudence pertinente.  Deuxièmement, elle est compatible avec l’approche utilisée par notre Cour pour dégager l’intention du législateur dans d’autres contextes, par exemple le pouvoir du tribunal d’examiner la constitutionnalité de sa loi habilitante au regard de l’art. 52 de la Loi constitutionnelle de 1982.  Enfin, facteur le plus important, cette approche respecte les principes fondamentaux qui sont à la base de l’art. 24.  Je vais examiner chacune de ces considérations à tour de rôle.  [Souligné dans l’original.]

 

[20]           Après avoir conclu que les considérations relatives à la fonction et à la structure constituent un aspect central des arrêts de la Cour suprême au sujet du par. 24(1) de la Charte, la juge en chef a illustré ce point en citant les propos du juge McIntyre dans l’arrêt Mills quant au juge de l’enquête préliminaire dans le cadre du processus pénal et l’incompatibilité de cette fonction avec la réparation demandée, aux pages 954 et 955. Voici les propos du juge McIntyre :

 

264         La compétence du magistrat à l’enquête préliminaire (généralement de nos jours un juge de la cour provinciale) découle de la Partie XV du Code criminel du Canada. Il a compétence pour mener l’enquête et, ce faisant, il est tenu d’entendre la preuve produite par les deux parties ainsi que tous les contre‑interrogatoires. Ses pouvoirs en matière de procédure, conférés par les art. 465 et 468 du Code, comprennent le pouvoir d’ordonner que soit tranchée la question de savoir si l’accusé est en état de subir son procès. L’article 475 lui attribue ses principaux pouvoirs. Lorsque toute la preuve a été recueillie, il peut renvoyer l’accusé pour subir son procès s’il estime que cette preuve est suffisante ou encore libérer l’accusé s’il juge la preuve insuffisante pour justifier le renvoi à procès. Il n’a pas compétence pour prononcer l’acquittement ou pour déclarer coupable, ni pour imposer une peine, ni encore pour accorder une réparation. Il n’a pas non plus la compétence qui l’autoriserait à entendre et à juger la question de savoir s’il y a eu violation ou négation d’un droit garanti par la Charte. Il s’ensuit donc qu’il n’est pas un tribunal compétent au sens du par. 24(1) de la Charte. Or, on soutient qu’il devrait l’être pour écarter des éléments de preuve en vertu du par. 24(2). Selon moi, on ne lui a pas attribué la compétence pour exercer cette fonction. Il n’est pas habilité, je le répète, à accorder de réparation. L’exclusion d’éléments de preuve en vertu du par. 24(2) est une réparation qui ne peut être obtenue que dans le cadre d’une instance visée au par. 24(1). À mon sens, le magistrat à l’enquête préliminaire n’est donc pas un tribunal compétent au sens du par. 24(1) de la Charte et il n’appartient à aucun tribunal de lui confier la compétence. Il convient d’ajouter ici que le résultat serait bien étrange si l’on pouvait dire que le magistrat à l’enquête préliminaire avait compétence pour accorder une réparation, telle une suspension des procédures en vertu du par. 24(1), arrêtant ainsi les procédures avant même qu’elles ne commencent, et ce par une décision non susceptible d’appel. [Non souligné dans l’original.]

 

[21]           Il n’y a plus lieu de contester que les cours martiales convoquées en vertu de la Loi sur la défense nationale sont des tribunaux compétents pour entendre et trancher des questions fondées sur la Charte et pour accorder une réparation appropriée. Le même raisonnement s’applique à la compétence des cours martiales pour se prononcer sur la constitutionalité d’une disposition législative en vertu de l’art. 52 de la Loi constitutionnelle de 1982. Il s’agit de questions de droit et de questions mixtes de droit et de fait que doit trancher le juge militaire présidant une cour martiale générale ou permanente. En matière de révision judiciaire du maintien sous garde avant procès sous le régime de la section 3 du Code de discipline militaire, un juge militaire est également un tribunal compétent. Ce pouvoir ne découle pas du par. 179(2) de la Loi sur la défense nationale, mais de considérations relatives à la structure et à la fonction du forum particulier en vertu de la Loi.

 

[22]           Les cours martiales sont des cours sui generis. Elles sont présidées par des juges militaires qui bénéficient des garanties d’indépendance judiciaire au bénéfice d’une personne assujettie au Code de discipline militaire. Sous le régime de la Loi sur la défense nationale, ces juges exercent d’autres fonctions judiciaires requises ainsi que toute fonction que leur confie le juge militaire en chef et qui n’est pas incompatible avec leurs fonctions judiciaires[6].

 

[23]           Compte tenu de la structure et de la fonction du système canadien de tribunaux militaires et des fonctions exercées par les juges militaires en vertu de la Loi, il faut déterminer si un juge militaire qui préside une audience sous le régime de l’art. 187 de la Loi, autre que le juge militaire désigné pour présider une cour martiale, en l’occurrence le juge du procès, constitue le forum approprié ou s’il a qualité pour accorder la réparation demandée ou une réparation de la même nature. Le problème en l’espèce n’est pas lié à la structure, mais à la fonction exercée par un juge militaire qui préside une audience sous le régime de l’art. 187 de la Loi, autre que le juge militaire désigné pour présider une cour martiale, en l’occurrence le juge du procès.

 

[24]            Les articles 230 et 230.1 de la Loi énoncent les droits d’appel que peut exercer toute personne jugée ainsi que le ministre ou l’avocat du ministre. Ces articles prévoient ce qui suit :

 

Appel par l’accusé

 

230.        Toute personne assujettie au code de discipline militaire peut, sous réserve du paragraphe 232(3), exercer un droit d’appel devant la Cour d’appel de la cour martiale en ce qui concerne les décisions suivantes d’une cour martiale :

 

a) avec l’autorisation de la Cour d’appel ou de l’un de ses juges, la sévérité de la sentence, à moins que la sentence n’en soit une que détermine la loi;

 

b) la légalité de tout verdict de culpabilité;

 

c) la légalité de la sentence, dans son ensemble ou tel aspect particulier;

 

d) la légalité d’un verdict d’inaptitude à subir un procès ou de non‑responsabilité pour cause de troubles mentaux;

 

e) la légalité d’une décision rendue aux termes de l’article 201, 202 ou 202.16;

 

f) la légalité de la décision prévue à l’un des paragraphes 196.14(1) à (3);

 

g) la légalité d’une décision rendue en application du paragraphe 227.01(2).

 

Appel par le ministre

 

230.1      Le ministre ou un avocat à qui il a donné des instructions à cette fin peut, sous réserve du paragraphe 232(3), exercer un droit d’appel devant la Cour d’appel de la cour martiale en ce qui concerne les décisions suivantes d’une cour martiale :

 

a) avec l’autorisation de la Cour d’appel ou de l’un de ses juges, la sévérité de la sentence, à moins que la sentence n’en soit une que détermine la loi;

 

b) la légalité de tout verdict de non‑culpabilité;

 

c) la légalité de la sentence, dans son ensemble ou tel aspect particulier;

 

d) la légalité d’une décision d’une cour martiale qui met fin aux délibérations ou qui refuse ou fait défaut d’exercer sa juridiction à l’égard d’une accusation;

 

e) relativement à l’accusé, la légalité d’un verdict d’inaptitude à subir son procès ou de non‑responsabilité pour cause de troubles mentaux;

 

f) la légalité d’une décision rendue aux termes de l’article 201, 202 ou 202.16;

 

f.1) la légalité d’une ordonnance de suspension d’instance rendue en vertu du paragraphe 202.121(7);

 

g) la légalité de la décision prévue à l’un des paragraphes 196.14(1) à (3);

 

h) la légalité d’une décision rendue en application du paragraphe 227.01(2). [Non souligné dans l’original.]

 

[25]           Le juge militaire qui préside une audience sous le régime de l’art. 187 de la Loi n’est pas une cour martiale et sa décision ne peut donc pas faire l’objet d’un appel. Toutefois, une décision relative à une question similaire jugée dans le cadre d’une procédure préliminaire, après l’ouverture des procédures devant la cour martiale, peut faire l’objet d’un appel si elle tombe sous le coup des art. 230 et 230.1 de la Loi. Il est bien établi en droit qu’en matière criminelle il n’existe pas de droit d’appel, sauf s’il est prévu expressément par la loi. Dans un autre contexte, il est aussi pertinent de préciser que la décision d’un juge militaire qui préside une révision judiciaire du maintien sous garde avant procès sous le régime de la Loi, peut également être révisée par la Cour d’appel de la cour martiale en vertu de l’art. 159.9 de la Loi. La structure du forum et la fonction des juges militaires qui président une révision judiciaire du maintien sous garde avant procès, sous le régime de la Loi, sont assez différentes de celles d’un juge militaire qui exerce des fonctions judiciaires sous le régime de l’art. 187 de la Loi.

[26]           Dans une affaire où il a pu y avoir atteinte aux droits de l’accusé à une défense pleine et entière garantis par l’art. 7 et l’al. 11d) de la Charte, il ne fait aucun doute que le seul juge qui devrait être autorisé à examiner les questions en litige est le juge du procès et à l’étape qu’il estime indiquée. À mon humble avis, un juge militaire qui préside une audience sous le régime de l’art. 187 de la Loi, autre que le juge désigné pour présider la cour martiale qui a été convoquée, qui déciderait de se prononcer sur une question constitutionnelle et de déclarer une loi invalide — et dont la décision ne pourrait pas faire l’objet d’un appel — outrepasserait manifestement sa compétence.

[27]           Il ne s’ensuit pas que le juge militaire qui entend une demande préliminaire suivant l’art. 187 de la Loi, autre que le juge du procès, doit s’abstenir d’exercer sa compétence dans d’autres contextes que celui concernant les atteintes alléguées à la Charte. Il est pratique habituelle en matière criminelle et pénale qu’un juge, autre que le juge du procès, entende des demandes préliminaires relatives à des questions particulières et que ses décisions lient le juge du procès. Toutefois, ces situations sont expressément prévues dans la loi ou les textes règlementaires valides[7].

[28]           Bien que la décision rendue par un juge militaire — plutôt que par le juge du procès — dans le cadre de procédures préliminaires engagées en vertu de l’art. 187 de la Loi lie les parties, elle n’aide guère le déroulement du litige, dans un cadre législatif ou réglementaire qui ne permet pas aux parties de savoir d’avance si une question particulière peut être valablement soulevée devant le juge saisi de la demande plutôt que devant le juge du procès. À mon humble avis, les questions autres que le calendrier et le lieu où se dérouleront les procédures d’une cour martiale, les questions soulevées par ces demandes — ou, subsidiairement, les principes et les facteurs dont il faut tenir compte pour établir l’admissibilité de ces demandes —devraient être énoncées clairement dans la Loi sur la défense nationale ou un règlement afférent. Il existe des considérations de politique générale qui devraient faire l’objet de discussions. Par exemple, le juge militaire, autre que le juge du procès, doit‑il entendre des demandes préliminaires relatives à des questions prévues expressément à l’art 112.05 des ORFC comme une requête en précisions supplémentaires ou une requête visant à obtenir la tenue de procès distincts? Il y a également lieu de prendre en considération la question de savoir si une décision particulière devrait être susceptible d’appel ou de révision par la Cour d’appel de la cour martiale. Si oui, la Loi devrait aussi le prévoir.

 

Conclusions et décision

 

 

POUR CES MOTIFS :

 

 

[29]           Je conclus que le juge militaire présidant une audience sous le régime de l’art. 187 de la Loi sur la défense nationale, autre que le juge désigné pour présider une cour martiale convoquée, n’est pas un tribunal compétent pour trancher une requête contestant la constitutionnalité d’une loi et pour accorder une réparation en vertu du par. 24(1) de la Charte ainsi que pour prononcer une déclaration d’invalidité en vertu de l’art. 52 de la Loi constitutionnelle. Cette fonction appartient entièrement au juge militaire désigné pour présider la cour martiale qui a été convoquée, en l’occurrence le juge du procès.  

 

[30]           Je n’ai pas à répondre aux deuxième, troisième et quatrième questions.

 

[31]           La demande est rejetée. Si le demandeur le souhaite, il peut présenter cette question devant le juge militaire désigné pour présider la cour martiale dès l’ouverture des procédures.

 


 

Avocats :

Major J.E.. Carrier, Service canadien des poursuites militaires

Procureur de Sa majesté la Reine

 

Major J.E.A. Charland et Major S.L. Collins, Direction du service d’avocats de la défense

Avocats du Bombardier Tomczyk

 

 

 



[1] 2008, ch. 29 (Projet de loi C-60).

[2] (2008) 232 C.C.C. (3d) 498.

[3]Supra, note 1.

[4][1986] 1 R.C.S. 863.

[5][2001] 3 R.C.S. 575. 

 

[6]Par. 165.23(1) et (2)

[7]Voir le Code de procédure pénale, L.R.Q., chapitre C-25.1, art. 169, 174 et 196 qui s’appliquent aux juges de la Cour du Québec.

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