Cour martiale

Informations sur la décision

Résumé :

Date de l’ouverture du procès : 23 avril 2007.

Endroit : BFC Valcartier, édifice 534, l’Académie, Courcelette (QC).

Chefs d’accusation
•Chef d’accusation 1 (subsidiaire au chef d’accusation 2) : Art. 130 LDN, voies de fait (art. 266 C. cr.).
•Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 129 LDN, comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline.

Résultats
•VERDICTS : Chef d’accusation 1 : Retiré. Chef d’accusation 2 : Coupable.
•SENTENCE : Une amende au montant de 400$.

Contenu de la décision

Citation : R. C. Soldat E.J.G. Courcy, 2007 CM 4011

 

Dossier : 2006102

 

 

COUR MARTIALE PERMANENTE

4e COMPAGNIE DE POLICE MILITAIRE

MANÈGE MILITAIRE SAINT-MALO

QUÉBEC

 

Date : 23 avril 2007

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DU LIEUTENANT-COLONEL J-G PERRON

 

SA MAJESTÉ LA REINE

c.

SOLDAT E.J.G. COURCY

(Contrevenant)

 

SENTENCE

(Prononcée oralement)

 

 

[1]                    Soldat Courcy, ayant accepté et enregistré votre aveu de culpabilité au 2e chef d'accusation, je vous trouve maintenant coupable du 2e chef d'accusation, soit d'avoir harcelé le soldat Longpré contrairement à la Directive et ordonnance administra­tive de la défense 5012-0. Alors que vous étiez un candidat sur un cours de qualification de métier niveau 3 se déroulant à Borden, vous avez agi à titre de chef de fil lors d'une séquence d'événements qui visaient le soldat Longpré. Plus précisément, au cours des 22 et 23 juillet 2005, vous avez menotté le soldat Longpré à son lit alors qu'il était en état d'ébriété et vous l'avez frappé à la jambe en lui disant, « prisonnier de guerre ». Quelques moments plus tard, vous fomentez un plan pour faire irruption dans la chambre du soldat Longpré en simulant un Stand to; vous avez de nouveau frappé le soldat Longpré sur la jambe. Le soldat Longpré, malgré le fait qu'il était sous l'effet de l'alcool, a protesté à maintes reprises au cours de ces événements. Vous étiez pleinement au courant du contenu de la DAOD 5012-0 au moment de cette infraction.

 


[2]                    Le procureur de la poursuite et votre avocat m'ont présenté une sugges­tion commune relativement à la sentence et me recommandent d'imposer une amende de 400 dollars payable sur une période de quatre mois à 100 dollars par mois. La décision ultime d'en arriver à une sentence adéquate incombe au juge qui a le droit de rejeter la proposition conjointe des avocats. Par contre, je dois accepter la soumission commune à moins qu'elle ne soit jugée inadéquate ou déraisonnable, contraire à l'ordre public ou qu'elle déconsidérerait l'administration de la justice.

 

[3]                    Pour déterminer ce qui constitue en l'espèce la sentence appropriée, j'ai pris compte les circonstances qui ont entourées la commission de l'infraction telles que révélées par le sommaire des circonstances dont vous avez accepté la véracité. J'ai également considéré la preuve documentaire qui a été déposée et les plaidoiries des avocats. J'ai analysé ces divers éléments à la lumière des objectifs et des principes applicables en matière de la détermination de la peine. Tel qu'indiqué au paragraphe 2 de l'article 112.48 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadien­nes, j'ai aussi pris en compte toute conséquence indirecte du verdict et de la sentence et du besoin de prononcer une sentence proportionnée à la gravité de l'infraction et aux antécédents du contrevenant.

 

[4]                    Il est reconnu que pour contribuer à l'un des objectifs essentiels de la discipline militaire, les objectifs et principes de détermination de la peine sont les suivants :

 

premièrement, la protection du public et ceci inclut les Forces canadien­nes;

 

deuxièmement, la punition et la dénonciation du contrevenant;

 

troisièmement, la dissuasion spécifique et collective, soit celle du contre­venant et quiconque voudrait commettre les mêmes infractions;

 

quatrièmement, le fait qu'il est parfois important d'isoler le délinquant de la société;

 

cinquièmement, la réhabilitation et la réforme du contrevenant;

 

sixièmement, la proportionnalité à la gravité des infractions et le degré de responsabilité du contrevenant;

 

septièmement, l'harmonisation des peines;

 

huitièmement, le recours à une peine privative de liberté, soit la détention ou l'emprisonnement, seulement si la cour est satisfaite qu'il s'agit effecti­vement de la peine de dernier ressort applicable dans les circonstances de l'affaire; et

 


finalement, la cour va prendre en considération les circonstances aggra­vantes et atténuantes qui sont liées aux circonstances de l'affaire et à la situation personnelle du contrevenant.

 

Dans la présente cause, la protection du public sera atteinte par une sentence qui mettra l'emphase principalement sur la dissuasion collective. Il est aussi important de mettre l'emphase sur la punition du contrevenant ainsi que la dénonciation du geste du contreve­nant.

 

[5]                    En considérant quelle sentence serait appropriée, j'ai pris en considération les facteurs aggravants et les facteurs atténuants suivants. Je considère comme aggra­vants :

 

La nature de l'infraction et la peine prévue par le législateur. Vous êtes coupable d'un comportement préjudiciable au bon ordre et à la discipline qui est punissable de la destitution ignominieuse du service de Sa Majesté. Il s'agit d'une infraction objectivement sérieuse.

 

De plus, la nature de la directive qui fut enfreinte, soit la prévention du harcèlement, rajoute aussi un élément objectivement aggravant. Cette directive vise à codifier la répréhension que notre organisation ressent envers le harcèlement. Il ne peut y avoir de place pour toute forme de harcèlement au sein d'une force armée car nous devons tous être en mesure de pouvoir faire confiance à nos confrères pour ainsi assurer le succès de toute mission qui nous est confiée et d'avoir l'assurance que notre sécurité individuelle et collective est entre bonnes mains.

 


L'utilisation de menottes qui sont un de vos outils de travail comme policier militaire et le fait d'avoir crié  « prisonnier de guerre » alors que vous frappiez le soldat Longpré sont aussi des facteurs aggravants. Bien que je suis prêt à accepter que ces actions et paroles sont des erreurs de jugement qui ont probablement été initiées par la consommation d'alcool; je vous recommande fortement de bien réfléchir à ce que vous avez fait. Vous désirez vous lancer dans une carrière de policier; il n'y a aucune place dans cette profession pour des gens qui pensent qu'il est acceptable d'abuser de leur position et des pouvoirs que leur confère la société. Il n'y a rien de drôle à jouer la comédie et de simuler l'abus de prisonniers que ce soit des prisonniers de guerre ou des prisonniers civils. Les lois qui visent à protéger l'intégrité physique et psychologique des personnes ne doivent surtout pas être enfreintes par les gens qui ont la responsabilité de faire respecter ces lois. Nous ne pouvons accepter que des membres des Forces canadiennes croient que l'abus de prisonniers est un comportement acceptable ou même source à bouffonnerie. Il n'y a pas de place à ce genre de comportement. Je vous le répète : pensez-y bien.

 

Troisièmement, vous avez abusé d'une situation où votre confrère était nettement en état d'infériorité dû à son état d'ébriété avancé. Je dois mentionner, par contre, que subjectivement parlant, il ne s'agit pas néces­sairement de l'une des pires formes de harcèlement que nos cours ont eu à faire face. Par contre, mes commentaires sur vos actions et vos paroles demeurent les mêmes.

 

[6]                    Quant aux facteurs atténuants :

 

Vous avez avoué votre culpabilité. Cet aveu de culpabilité démontre votre remords. Vous n'avez pas de fiche de conduite et vous avez admis les faits de cette infraction lors de l'enquête de police militaire.

 

Le délai, soit approximativement 20 mois depuis la date de l'infraction, milite aussi en votre faveur.

 

Malgré la période du 7 février à septembre 2006 où votre unité ne semble pas avoir porté beaucoup d'attention à votre égard, il appert que votre unité a depuis septembre 2006 pris certaines actions qui indiquent que votre unité est prête à vous démontrer un certain niveau de confiance et prend des actions pour assurer votre avancement. De plus, vous allez entreprendre d'ici peu vos études à l'École de Police du Québec à Nicolet. Vous démontrez donc un certain potentiel pour devenir une personne qui peut contribuer positivement aux Forces canadiennes et à la société canadienne.

 

Soldat Courcy, veuillez vous lever.

 

[6]                    Je tiens à vous répéter que les actes que vous avez posés envers le soldat Longpré ne sont pas acceptables au sein des Forces canadiennes. De plus, vous devrez réaliser qu'il n'y a rien de drôle à frapper une personne alors qu'elle est menottée en criant « prisonnier de guerre ». Les Forces canadiennes ont vécu une période des plus difficile parce que certains individus ne voyaient aucun mal à malmener des gens qui étaient sous leur contrôle; je le répète encore : il n'y a rien de drôle dans ces actions et ce qu'elles représentent. Je vous recommande fortement de réfléchir à ceci car il n'existe aucune marge de manoeuvre dans ce domaine.

 


Une sentence juste et adéquate dans un tel cas d'un bris d'une directive si bien connue par tous les membres des Forces canadiennes doit refléter la gravité de ce genre d'infraction. Par contre, ayant examiné la suggestion commune, je suis d'avis qu'elle incorpore adéquatement les principes de détermination de la peine et qu'elle constitue la sentence la plus minimale pour assurer la protection du public et le maintien de la discipline dans les circonstances.

 

[7]                    Soldat Courcy, je vous condamne à une amende de 400 dollars qui sera payée en quatre versements mensuels de 100 dollars. Le premier versement sera effectué le premier jour du mois de mai 2007.

 

 

                                                                 LIEUTENANT-COLONEL J-G PERRON, JM

 

Avocats :

                                                                      

Major J. Caron, Procureur militaire régional, Région de l'est

Avocat de la poursuivante

Capitaine de corvette J.C.P. Lévesque, Direction du service d'avocats de la défense

Avocat du soldat E.J.G. Courcy

                                                                      

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