Cour martiale
Informations sur la décision
Date de l’ouverture du procès : 13 juin 2006.
Endroit : BFC Petawawa, édifice L-106, Petawawa (ON).
Chefs d’accusation:
• Chef d’accusation 1(subsidiaire au chef d’accusation 2) : Art. 130 LDN, agression sexuelle (art. 271 C. cr.).
• Chef d’accusation 2 (subsidiaire au chef d’accusation 1) : Art. 129 LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
• Chef d’accusation 3 (subsidiaire au chef d’accusation 4) : Art. 130 LDN, voies de fait (art. 266 C. cr.).
• Chef d’accusation 4 (subsidiaire au chef d’accusation 3) : Art. 129 LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
• Chef d’accusation 5 (subsidiaire au chef d’accusation 6) : Art. 130 LDN, voies de fait (art. 266 C. cr.).
• Chef d’accusation 6 (subsidiaire au chef d’accusation 5) : Art. 129 LDN, acte préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
Résultats:
• VERDICTS : Chefs d’accusation 1, 3, 5 : Une suspension d’instance. Chefs d’accusation 2, 4, 6 : Coupable.
• SENTENCE : Une réprimande et une amende au montant de 1000$.
Contenu de la décision
Référence : R c Caporal Priemus, 2006 CM 2013
Dossier : 200640
COUR MARTIALE PERMANENTE
CANADA
ONTARIO
BASE DES FORCES CANADIENNES PETAWAWA
Date : Le 13 juin 2006
SOUS LA PRÉSIDENCE DU CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, J.M.
SA MAJESTÉ LA REINE
c.
CAPORAL J. PRIEMUS
(Contrevenant)
SENTENCE
(Prononcée de vive voix)
TRADUCTION FRANÇAISE OFFICIELLE
[1] Caporal Priemus, ayant accepté et inscrit vos plaidoyers de culpabilité à l’égard du deuxième, du quatrième et du sixième chefs d’accusation, à savoir trois actes préjudiciables au bon ordre et à la discipline, la cour vous déclare maintenant coupable du deuxième, du quatrième et du sixième chefs d’accusation. La cour ordonne que l’examen des premier, troisième et cinquième chefs d’accusation subsidiaires soit remis.
[2] Il m’incombe maintenant de déterminer votre peine. Pour ce faire, j’ai tenu compte des principes de la détermination de la peine qu’appliquent les tribunaux ordinaires de juridiction criminelle du Canada ainsi que les cours martiales. J’ai également pris en compte les faits de l’espèce, tels qu’ils ont été révélés par la preuve présentée, ainsi que les plaidoiries du procureur de la poursuite et de l’avocat de la défense.
[3] Les principes de détermination de la peine guident la cour dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de fixer une peine adéquate et adaptée à chaque cas. En règle générale, la peine doit correspondre à la gravité de l’infraction, à l’attitude blâmable et au degré de responsabilité de son auteur ainsi qu’à sa moralité. La cour prend en compte les peines prononcées par les autres tribunaux dans des affaires similaires, non parce qu’elle respecte aveuglément les précédents, mais parce que le sens commun de la justice veut qu’elle juge de façon similaire les affaires similaires. Néanmoins, lorsqu’elle détermine la peine, la cour tient compte des nombreux facteurs qui distinguent chaque affaire dont elle est saisie, tant les circonstances aggravantes susceptibles de justifier une peine plus sévère que les circonstances atténuantes susceptibles de justifier une peine moins sévère.
[4] Les buts et les objectifs de la détermination de la peine ont été exposés de diverses manières dans de nombreuses affaires antérieures. En règle générale, ils concernent la nécessité de protéger la société, y compris, bien entendu, les Forces canadiennes, en favorisant le développement et le maintien d’une collectivité juste, paisible, sûre et respectueuse de la loi. Fait important, dans le contexte des Forces canadiennes, ces objectifs incluent le maintien de la discipline, cette habitude d’obéir indispensable à l’efficacité d’une force armée. Ces buts et ces objectifs comprennent aussi l’effet dissuasif sur le contrevenant, afin que celui‑ci ne récidive pas, et sur les autres personnes qui pourraient être tentées de suivre son exemple. La peine a aussi pour objet d’assurer la réinsertion sociale du contrevenant, de promouvoir son sens des responsabilités et de dénoncer les comportements illégaux.
[5] Il est normal qu’au cours du processus permettant d’arriver à une peine juste et adaptée à chaque cas, certains de ces buts et objectifs l’emportent sur d’autres, mais il importe de les prendre tous en compte; une peine juste et adaptée est une sage combinaison de ces buts, adaptée aux circonstances particulières de l’espèce.
[6] Comme je l’ai dit lorsque vous avez présenté vos plaidoyers de culpabilité, l’article 139 de la Loi sur la défense nationale prévoit les différentes peines qu’une cour martiale peut infliger. Ces peines sont limitées par la disposition de la loi qui crée l’infraction et prévoit une sanction maximale, et aussi sur le champ de compétence de la cour. Un contrevenant fait l’objet d’une seule sentence, qu’il soit déclaré coupable d’une seule infraction ou de plusieurs, mais la sentence peut prévoir plusieurs peines. Un principe important veut que la cour inflige la peine la moins sévère permettant de maintenir la discipline. Pour déterminer la peine en l’espèce, j’ai tenu compte des conséquences directes et indirectes sur l’accusé des déclarations de culpabilité et de la sentence que je m’apprête à prononcer.
[7] Les faits à l’origine des accusations sont énoncés dans l’exposé conjoint des faits, à la pièce 3. En bref, à trois occasions, du 26 mai 2004 au 7 août 2004, alors qu’il se rendait à la Station des Forces canadiennes Alert, ou alors qu’il se trouvait à la Station Alert, le contrevenant s’est livré à des attouchements non souhaités à l’égard de trois membres féminins des Forces canadiennes. Les attouchements étaient de nature sexuelle, comportant, dans le premier cas, un baiser sur les lèvres, dans le deuxième une tentative de baiser sur les lèvres et dans le troisième cas, des attouchements sur les fesses et dans la région vaginale, par‑dessus les vêtements, alors que la membre en cause s’est assise à côté du contrevenant. Je suis convaincu que le comportement du contrevenant équivaut à du harcèlement sexuel dans les trois cas et qu’il est préjudiciable au bon ordre et à la discipline.
[8] La poursuite fait valoir qu’un blâme et une amende de 1 700 $ constituent la peine appropriée en l’espèce. La défense recommande une réprimande et, conjointement avec la poursuite, une amende s’élevant cependant à 1 500 $. À mon avis, les positions des avocats ne constituent pas une observation conjointe au sens donné à ce terme par la jurisprudence, par exemple, dans l’arrêt de la Cour d’appel de la cour martiale R. c. Castillo, 2003 CACM 6.
[9] Les avocats ont fait mention des facteurs aggravants et des facteurs atténuants que la cour devrait considérer en l’espèce. Il ne s’agissait pas d’un acte isolé, mais d’un acte qui a été posé à trois occasions au cours d’une période de plusieurs mois, alors que le contrevenant et les trois plaignantes se trouvaient dans un poste isolé ou alors qu’ils se rendaient à ce poste. Les victimes sont des membres des Forces canadiennes qui ont gagné le respect du contrevenant et qui ont droit à ce respect. Je reproduis ce que j’ai dit dans la décision Cpl Griffith rendue à Edmonton, le 3 mai 2005,une affaire quelque peu semblable qui portait sur deux accusations de conduite préjudiciable au bon ordre et à la discipline, en l’occurrence le harcèlement sexuel :
[traduction] [...] mais la cour doit aussi être préoccupée par l’effet dissuasif. Les membres des Forces canadiennes, notamment les membres féminins qui sont le plus souvent [victimes] de ce comportement, doivent avoir l’assurance que leur dignité est respectée par les autres membres.
[10] Il existe certains facteurs atténuants au sujet des infractions reprochées en l’espèce. Ces facteurs ne semblent pas indiquer que le contrevenant a profité de son rang supérieur à ceux des plaignantes. Le contact non souhaité a été de courte durée et ne s’est pas répété à l’égard de l’une ou l’autre des trois plaignantes. Compte tenu de ce facteur, je dois examiner les conséquences de ce comportement sur les victimes, comme il a été décrit dans l’exposé conjoint des faits.
[11] Je conviens avec les deux avocats que les actes reprochés en l’espèce devraient être considérés comme des infractions moindres par rapport à d’autres affaires similaires dont la cour est saisie. Il existe également des circonstances atténuantes relatives à la situation du contrevenant. Il a plaidé coupable à ces infractions, dispensant ainsi la cour de la nécessité d’entendre le témoignage des victimes; il a toujours été un soldat efficace, exerçant le métier de cuisinier depuis son enrôlement en avril 1987; il est marié et subvient aux besoins de deux jeunes enfants.
[12] J’ai pris également en compte qu’à cause des blessures graves subies lors d’une chute ultérieure à la perpétration des infractions reprochées et d’autres problèmes de santé dont a parlé M. Crouzat dans son témoignage, le contrevenant sera libéré sous peu des Forces canadiennes pour des raisons de santé. Ses chances de décrocher un emploi civil sont limitées, dans une certaine mesure, en raison de son état de santé. Fait important, il a souffert d’alcoolisme pendant un certain temps et il était en état d’ébriété au moment où il a perpétré chacune des infractions en question. Je conviens avec l’avocat de la défense que sont état d’ébriété n’excuse pas son comportement. Toutefois, ses tentatives subséquentes de régler son problème d’alcoolisme me semblent fructueuses dans une certaine mesure et constituent un facteur que la cour prend en compte lorsqu’elle évalue l’importance de la dissuasion spécifique à l’égard de ce contrevenant.
[13] Compte tenu de l’ensemble des circonstances, à savoir des infractions et de la situation du contrevenant, je suis convaincu que la peine appropriée est la suivante : Caporal Priemus, veuillez vous lever.
[14] Vous êtes condamné à une réprimande et à une amende de 1 000 $ payable immédiatement.
CAPITAINE DE FRÉGATE P.J. LAMONT, J.M.
Avocats :
Capitaine de corvette G.W. Thomson, Poursuites militaires régionales, région du Centre
Procureur de Sa Majesté la Reine
Major S.E. Turner, Direction du service d’avocats de la défense
Avocat du Caporal Priemus